Lorsque j’étais gamin, mes parents étaient extrêmement regardants sur mes lectures en général.
Je me souviens que mon père (qui lit régulièrement La Brega) avait été quelque peu marri et interloqué que mon professeur d’histoire de 6èm me donnât à lire la «Vie des 12 césars» de Suetone, une réaction bien compréhensible au regard du récit très cru des turpitudes impériales romaines.
Je me souviens que mon père (qui lit régulièrement La Brega) avait été quelque peu marri et interloqué que mon professeur d’histoire de 6èm me donnât à lire la «Vie des 12 césars» de Suetone, une réaction bien compréhensible au regard du récit très cru des turpitudes impériales romaines.
Il en allait de même des magazines de jeunes.
Pour résumer à l’usage des moins de 50 piges, les diverses publications des sixties auraient pu se classer en fonction de l’éventail des divers courants d’opinion philosophiques, religieuses et politiques de la société française. En effet, la jeunesse (et sa formation) était l’enjeu d’une guerre d’influence redoutable depuis les années 30. Francas contre patronages, scouts contre éclaireurs, Jeunesses Communistes (JC) contre Jeunesses Ouvrières (ou étudiantes) Chrétiennes (JOC ou JEC), ça ferraillait dur pour capter et retenir les jeunes esprits. Tout cela est bien fini, heureusement!
Pour les publications juvéniles, on avait en gros le choix entre Tintin (Spirou et consorts), Astérix (Pilote), les rééditions de l’Epatant (Bibi Fricotin, les Pieds Nickelés), le Journal de Mickey et Vaillant, le Journal de Pif (dont très curieusement pour une publication d’obédience communiste, les scénaristes et dessinateurs venaient du journal Le Téméraire, seule revue collaborationniste pour la jeunesse durant l’Occupation).
A la maison, si Pilote et Astérix avaient franchement la côte, Tintin et Spirou vivotaient sans problèmes, par contre Mickey était dédaigné, quant à Pif, c’était le black-out.
Pendant des années je me suis donc procuré clandestinement (pardon Papa!) Pif gadget, dont j’appréciais particulièrement certains dessinateurs: Marcel Gotlib (Gai Luron puis la Rubrique à brac), Kalkus alias Mandryka (Le concombre masqué), Tabary (Corinne et Jeannot puis Iznogoud) et surtout Hugo Pratt (Corto Maltese). Je suivais avec passion les aventures de Rahan, du Docteur Justice ou du Grélé 7/13. Et pour Corto, c’était carrément de l’idolâtrie.
Je n’ai jamais vraiment questionné mes parents sur leur inappétence manifeste à l’univers de Disney, mais je crois en discerner quelques ressorts, qui rejoignent mes préventions.
Sans vouloir paraître bégueule, les années 60 et 70 me paraissent avoir été un âge d’or de la BD, comme elles le furent de bien d'autres arts. Le foisonnement de nouveaux graphismes, de discours et de tons innovants, d’une originalité percutante me semblent demeuré inégalé. Tout cela allait de pair avec une créativité qui bouillonnait de partout, de la mode à la chanson, en passant par le cinéma ou la peinture.
Sans vouloir paraître bégueule, les années 60 et 70 me paraissent avoir été un âge d’or de la BD, comme elles le furent de bien d'autres arts. Le foisonnement de nouveaux graphismes, de discours et de tons innovants, d’une originalité percutante me semblent demeuré inégalé. Tout cela allait de pair avec une créativité qui bouillonnait de partout, de la mode à la chanson, en passant par le cinéma ou la peinture.
On tenait pour ses «maîtres»: j’ai fait des kilomètres pour rencontrer et voir dessiner Pratt ou Philippe Druillet, dont on rapportait triomphalement des dessins originaux pour impressionner les copains et accessoirement les filles, comme j’en ai fait autant pour vivre un concert de Frank Zappa ou de Creedence Clearwater Revival.
Le dénominateur commun de l’ensemble des artistes de ces années de créativité maximale tenait à une base culturelle et surtout technique solides, à un travail acharné, à un mépris des modes et à une imagination créatrice débridée.
Aucun n’est passé par la matrice d’une télé omniprésente, d’un internet envahissant, d’un «bien-disant» culturel standardisé. Chacun a ouvert des voies, a balbutié de nouveaux langages, a exploré des terres inconnues.
Le dénominateur commun de l’ensemble des artistes de ces années de créativité maximale tenait à une base culturelle et surtout technique solides, à un travail acharné, à un mépris des modes et à une imagination créatrice débridée.
Aucun n’est passé par la matrice d’une télé omniprésente, d’un internet envahissant, d’un «bien-disant» culturel standardisé. Chacun a ouvert des voies, a balbutié de nouveaux langages, a exploré des terres inconnues.
Quand on y regarde de plus près, on constate que l’ensemble de ce mouvement des sixties, seventies, s’est édifié sur un socle culturel classique, avec une formation classique, de techniques classiques et par dessus tout un travail acharné. Ce qui leur a permis de tout inventer ou réinventer. Zappa comme Gainsbourg ont fait leurs gammes et maîtrisé le solfège et la composition, avant que d'innover.
Quand on lit un livre, on peut tout imaginer. Personnages et décors prennent les formes qu’on leur choisit. Ainsi, chaque lecteur crée un univers dont lui seul a la clef, des visages dont lui seul pourra être amoureux. La rêverie peut s’épancher à l’infini, galoper dans des espaces illimités, ou au contraire s’enfoncer dans l’autre infini du minuscule.
Quand on lit un livre, on peut tout imaginer. Personnages et décors prennent les formes qu’on leur choisit. Ainsi, chaque lecteur crée un univers dont lui seul a la clef, des visages dont lui seul pourra être amoureux. La rêverie peut s’épancher à l’infini, galoper dans des espaces illimités, ou au contraire s’enfoncer dans l’autre infini du minuscule.
Cette ascèse du rêve, cette académie de l’irréel est proscrite à ceux à qui l’on impose un imaginaire préfabriqué et exogène. C’est le cas actuellement.
Mon premier grief envers le «Disney word», c’est de procéder de la plus plate conformité.
Le second, c’est d’être dominé par l’american way of life et un substrat culturel très W.A.S.P. (white, anglo-saxon and protestant).
Disney serait un simple objet culturel innocent, cela ne serait nullement dérangeant. Un voyage aux States avec visite de Disneyland ou Disneyword, comme pur produits de l'american culture, pourquoi pas? Mais Disney est l'agent actif d'un impérialisme culturel qui s'assume pour mondialiser l'american way of life: ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour le monde...
Le troisième, c’est de véhiculer sans le dire et l’air de rien, en sus de messages subliminaux identifiés, un message conservateur-libéral sous-jacent très prégnant bien qu’inidentifiable par le spectateur-consommateur (a fortiori par un enfant ou un adolescent).
Enfin et surtout, c’est un univers complètement dépoétisé et dirais-je, lénifiant et standardisé.
Il va de soi qu'il n'y a pas de rejet de la culture américaine en soi. Tous les mouvements artistiques et culturels des USA, de Jack London à Tennessee Williams, de Buster Keaton à John Cassavetes, de Gershwin à Miles Davis, etc. ont profondément enrichi le patrimoine humain.
La génération Mickey -mais cela fait un moment que cela dure- ne peut à la fois être dans l'action (un leitmotiv très sarkozien) et dans la réflexion ou la rêverie. On ne peut passer son temps à twitter, à SMSer, télévorer et simultanément lire et rêver. On ne peut consommer passivement des images en permanence et mobiliser son imagination pour en créer.
Les premiers films de Disney que je visionnais («Blanche-Neige», «La Belle au bois dormant», «Le livre de la jungle») me déplurent terriblement parce que connaissant les histoires, ils venaient substituer et presque effacer les représentations imaginaires que je m'en faisais. Je me souviens, notamment pour le dernier, que j'avais éprouvé un quasi sentiment de souillure, d'autant que la version Disney dénature complètement le contenu et le message de Kipling.
Mon premier grief envers le «Disney word», c’est de procéder de la plus plate conformité.
Le second, c’est d’être dominé par l’american way of life et un substrat culturel très W.A.S.P. (white, anglo-saxon and protestant).
Disney serait un simple objet culturel innocent, cela ne serait nullement dérangeant. Un voyage aux States avec visite de Disneyland ou Disneyword, comme pur produits de l'american culture, pourquoi pas? Mais Disney est l'agent actif d'un impérialisme culturel qui s'assume pour mondialiser l'american way of life: ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour le monde...
Le troisième, c’est de véhiculer sans le dire et l’air de rien, en sus de messages subliminaux identifiés, un message conservateur-libéral sous-jacent très prégnant bien qu’inidentifiable par le spectateur-consommateur (a fortiori par un enfant ou un adolescent).
Enfin et surtout, c’est un univers complètement dépoétisé et dirais-je, lénifiant et standardisé.
Il va de soi qu'il n'y a pas de rejet de la culture américaine en soi. Tous les mouvements artistiques et culturels des USA, de Jack London à Tennessee Williams, de Buster Keaton à John Cassavetes, de Gershwin à Miles Davis, etc. ont profondément enrichi le patrimoine humain.
On pourra rétorquer que ce désenchantement concerne l'ensemble des oeuvres portées à la scène ou à l'écran.
Sauf que Disney joue sur le répertoire de classiques ou d'oeuvres archétypales, comme s'il s'agissait d'aseptiser façon US un patrimoine culturel mondial. Sauf aussi que Disney ne se contente pas d'être un véhicule culturel, mais que c'est surtout une arme stratégique du soft power.
Ce n'est pas le cas de l'immense majorité de la production de dessins animés, et il ne suffit que d'évoquer la richesse de l'école tchèque, un réalisateur génial tel que Paul Grimault, ou l'intelligence poétique de Kiricou, pour prendre la mesure des autres possibles.
La prédominance de l'empire Disney et la sujetion culturelle qu'elle véhicule participe de l'intoxication générale des esprits. Bambi ou la famille Mouse font le lit d'une conception pervertie du rapport homme-animal. Une conception militante, comme celle portée par des émissions comme «Vivre avec les bêtes» sur France Inter (http://www.franceinter.fr/emission-vivre-avec-les-betes), managée par Elisabeth de Fontenay, grande prêtresse des «zantis». Comment s'en étonner avec un patron comme Philippe VAL, dont on espère être débarrassé avec les élections à venir.
Le jour où, sur cette radio du service public, on pourra également parler de corrida, de chasse, ou de tout autre rapport à l'animal, non conforme à la vulgate bisounours, et non subir un endoctrinement bestialiste insidieux, peut-être pourra t-on parler d'intelligence et de débat sérieux.
Pour l'heure, on subit le décervelage et le conditionnement.
Xavier KLEIN
La suite dans Mickey est un con (decrescendo)
1 commentaire:
tu as raison sur tout, ceci dit c'est très impressionnant d'organisation, souriante, je précise, de précision et d'efficacité.
on peut dire aussi que c'est l'antithèse exacte du reve.
donc une société "idéale" pour certains où on paie pour exister.
ceci dit, c'est vraiment très impressionnant comme une faena del juli, d'une certaine façon, aseptisée. perfecto!
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