On sait que le mot «croque-mort» provient de la coutume de cette honorable corporation de mordre les orteils des défunts pour vérifier qu’ils le fussent effectivement et définitivement, toute erreur pouvant s'avérer très désagréable pour l'intéressé (le défunt, pas le croque-mort!).
Un jour un maître croque-mort se dépêchait à son office, assisté de son apprenti fraîchement émoulu. Le disciple enthousiaste ne laissait de tanner son mentor pour, enfin, passer à la pratique et éprouver sa juvénile science.
Le maître consentit.
Introduit aux bons soins du défunt, l’apprenti s’en vint désemparé s’enquérir de son désarroi auprès du maître: l’homme était cul-de-jatte, comment faire?
Le vieux qui avait conservé l’âme joueuse et l’esprit carabin lui conseilla de procéder sur l’extrémité la plus inférieure du sujet.
C’est depuis ce jour là qu’on évoque les pompes funèbres…
Le verbe «pomper» porte de multiples sens dont la luxuriance autorise l’expression accomplie de ce que les étrangers appellent l’«esprit français», mais qu’amoureux de notre histoire nous nommons gauloiserie, allez savoir pourquoi.
Dans la «belle langue» (j’entends l’argot) «pomper», entre autres significations, exprime l’idée de se gaver d’argent (pomper du pognon). Mais si on l’accole à d’autres sens plus grivois du mot, la manière de procéder serait plus … physique.
Ce sont ces considérations sémantiques et hautement philosophiques qui trottaient dans ma caboche lorsque je considérais perplexe les cartels de la «Feria de Quito Jesús del Gran Poder 2011».
Je n’ai jamais clairement perçu ce que Jésus venait faire dans l’histoire, surtout accolé à l’idée que l’agnus dei, parangon de l’humilité puisse, en quoi que ce soit, avoir à faire avec le Pouvoir, aussi grand fût-il.
Mais l’utilisation de l’appellation d'origine catholique contrôlée jointe au concept de foire (feria), le tout emballé avec des toros constitue en soi une contradiction majuscule.
Si le pauvre Jésus savait à quelles sauces on l’accommode, lui qui était si fier d’avoir bouté hors les marchands du temple!
Pour en revenir aux tauromaches quiténiens, ils ont semble t-il consenti à la suppression de la mise à mort dans leurs cirques, enceintes qui méritent désormais pleinement leur nom étant donné les mascarades qui s’y déroulent. Même le Klu Klux Klan y prête à rire après s'être converti à l'indigo.
Cela n’empêche nullement un certain nombre de morfals, appâtés par l’oseille andine de s’y être précipités, au mépris de cette valeur suprême de la toreria –du moins le prétend-on- le «pundonor».
Il vaut la peine de publier les noms de ceux qui ont préféré leur porte-monnaie à la voie de l'honneur: Enrique Ponce, Sebastián Castella, David Fandila "El Fandi", Alejandro Talavante, Miguel Abellán, Rafel Rubio Rafaelillo, David Mora, Iván Fandiño, Diego Silveti, Francisco Ruiz Miguel, Víctor Barrio, David Galván. On pouvait s'y attendre de certains, à d'autres on ne saurait le pardonner.
On notera que les toreros suivants ont refusé de jouer les pitres: Julián López "El Juli", Morante de la Puebla, José María Manzanares, Miguel Ángel Perera, César Jiménez, Cayetano
En règle générale, je suis opposé à l’idée même du boycott. Toutefois, il est indispensable de se résoudre à la simple évidence: ces gens là renoncent par leur acte à leur qualité de MATADORES DE TOROS.
Il est donc logique de s’abstenir de les voir dorénavant paraître dans une arène digne de ce nom.
Si les empresas renoncent à les engager et le public renonce à les voir, si les considérations pécuniaires ont prévalu pour convaincre ces toreros d’abdiquer leur dignité, nul doute que ces mêmes considérations pécuniaires pourraient les inciter à une vertu que leur conscience ne leur impose pas.
On ne peut qu'espèrer que par delà les blablas, les grandes déclarations, les G10 espagnols et les G7 français, les mesas et les observatoires pourront s'accorder sur cette mesure simple à mettre en oeuvre et totalement gratuite: ostraciser les fossoyeurs, enterrer les croque-morts, les pompes funèbres de la fiesta brava.
Nous dansons sur un volcan, Quito aussi.
Assez de mots, des actes! Tout le reste est littérature et billevesées...
Xavier KLEIN