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Barbarella, hommage à FOREST par Milo MANARA |
Après
une longue période d'impossibilité à écrire, me revoilà à
m'essayer à l'exercice.
Ce ne
sont pourtant pas les sujets de méditation -non transcendantale- qui
ont manqué: la tauromachie est en mutation, tant dans ses fondements
que dans ses modalités pratiques et cette période s'avère
difficile à négocier, surtout chez nos cousins ibériques.
Le
danger surgit tant de l'extérieur (nos «zamis les zantis»),
que de l'intérieur où d'une part l'évolution actuelle des
spectacles et de leur (manque) de contenu, d'autre part les querelles
du mundillo et l'impossibilité en Espagne d'élaborer un
front commun, enfin la prépondérance portée à l'argent par
rapport au fait culturel alimentent et confortent l'argumentation
«zantie».
Nous y reviendrons dans un prochain article.
La
France est bien mieux lotie, notamment le Sud-Ouest où prédominent
largement les organisations municipales ou associatives. La corrida
s'y assume avant tout comme un fait culturel et identitaire, ce qui
explique non seulement le consensus des aficionados, mais
également et surtout le sérieux dont nous créditent envieusement
nos amis espagnols.
Le
discours français sur la corrida s'est homogénéisé, notamment par
l'évolution tardive mais bien réelle d'André Viard depuis 2 ans,
sur les fondements taurins. Certes, il n'y a pas eu de mea culpa
chez l'ex-grand prêtre de la tauromachie, du toreo et du toro
«modernes», mais là n'est pas l'important.
L'important
n'est pas qu'avec quelques uns nous ayons eu raison avant les
caciques, l'important est que le fond et la forme pour lesquels nous
nous battions se soient progressivement imposés comme des réalités désormais
incontournables. Un peu partout, les changements dans les cartels,
les nouveaux élevages apparus, l'attention développée au premier
tercio sont là pour le confirmer. Pour résumer on ne parle plus guère d'ayatollahs ni de talibans...
J'ai
toujours milité pour une tauromachie diverse, dans laquelle les
écoles, les perceptions, les sensibilités puissent s'exprimer,
dialoguer, se répondre, s'influencer, se conjuguer. L'évolution
actuelle va dans ce sens, et, s'il fallait un symbole à cette état
nouveau, le mieux choisi serait cette faena marquante de
Morante de la Puebla en septembre à Dax face à un toro de Victorino
Martin. Un de ces gestes qui consacrent -s'il en était besoin- un
«maestro de verdad»!
Toutefois,
si les raisons d'espérer se manifestent -je le redis, toujours en
France- les raisons de s'inquiéter s'y développent, dont il y a
lieu de prendre toute la mesure.
Le
changement de stratégie des «zantis» et ses conséquences
ne sauraient plus être occultés, notamment par la phalange des
«aficionados de tour d'ivoire» qui méprisent avec altitude
toutes ces vicissitudes qui ne rapportent pas à leur vision
romantisée des campos.
Les
attaques -violentissimes- visent désormais les petites arènes
qui ne disposent pas des moyens de réponses adaptés.
Les
petits ruisseaux faisant les grandes rivières, depuis toujours je
postule que la survivance de la tauromachie tient à la solidité des
petites plazas: Barcelone est «tombée» parce qu'il n'y
avait plus rien autour!
Le vrai
peuple du toro porte volontiers béret, parle parfois rocailleux, souvent en
gascon, chasse, pêche, tue le cochon et gave ses oies et canards. Il
est bien éloigné des uniformisés rouges et blancs qui peuplent les
ferias.
Fin connaisseur aux mains calleuses, à la réplique prompte, à
l'esprit affûté, il se pèle le postérieur en novembre à
Saint-Sever ou à Rion des Landes, avant de rissoler sur les tendidos
surchauffés de Parentis, d'Hagetmau ou de Roquefort. C'est lui, ce
descendant des Tarusates ou autres Tarbelles, les «peuples
du taureau» (radical
indo-européen *tarb-/*tarv-
qui signifie taureau) qui tiendront un jour la première ligne de
défense d'une certaine conception du monde, de la vie, de la mort, du rapport à la nature.
Les
honorables associations «zanties»
se dissimulent et sous-traitent désormais leur activisme
à des nervis embrigadés et importés de Paris, de Bretagne, de
Belgique, d'Allemagne, de GB voire des USA. Ces jeunes gens charmants
portant uniformes (comme le 11 novembre à Saint-Sever), cagoules ou
capuches (Rion) viennent gambader et se distraire autour de nos
placitas
avec des ustensiles bien peu champêtres (barres de fer, chaînes,
bombes lacrymo, engins pyrotechniques). Chaleureux (ils n'hésitent
pas à incendier les arènes de Rion), ils pratiquent une
communication directe, certes fondée sur un vocabulaire châtié
(«enculés», «salauds», «sadiques», «barbares»,
«tortionnaires», etc.) mais directement compréhensible par les
«dégénérés
provinciaux»
que nous sommes à leurs yeux.
C'est
sans doute sur ce mode distingué que les chevaliers nordistes de Simon IV de Montfort
communiquaient avec les Albigeois, Cortes avec les Aztèques et
Bugeaud avec les Kabyles, sans parler des hussards noirs de la
République qui ont réprimé les langues régionales en humiliant
les gamins qui les pratiquaient. Que voulez-vous, lorsqu'on est
fanatique et sûr de son droit, c'est toujours la même chose! Bien sûr, les leaders médiatiques qui poussent à l'acte sans s'y engager parlent un tout autre langage très bisounours: entendre Hély délirer sur la compassion est dans ce contexte un plaisir délectable.
Le
problème, c'est que pour faire face à ces situations de troubles
volontaires à caractère émeutier, les communes concernées sont
obligées de mobiliser les grands moyens (services d'ordre, CRS,
etc.) ce qui s'avère coûteux et surtout inassumable par les budgets
locaux.
On
pourrait d'ailleurs envoyer les factures … salées à ceux qui
n'ont de cesse de glapir à l'encontre des soi-disant subventions
publiques qui irrigueraient généreusement la tauromachie. Ces
déploiements entraînent des choix: à Orthez lorsque 50 gendarmes
sont requis durant un jour, ils manquent ailleurs, notamment pour
couvrir la sécurité des autres jours de fêtes. Il ne s'agît donc ni
plus ni moins que de gestion de la sécurité publique de base.
Le
problème également, c'est que si dans le cas des hooligans les
désordres se produisent DANS les stades par des SUPPORTERS, dans le
cas des «zantis», les manifestations des «zantis» se produisent
la plupart du temps HORS des arènes par des OPPOSANTS.
Le
problème enfin serait de savoir si la puissance publique admettrait
de même, des manifestations de ce type organisées par des
libre-penseurs devant et dans des églises, temples, synagogues ou
mosquées, des royalistes devant et dans l'Elysée, le Front de
Gauche devant la statue de Jeanne d'Arc le 1er mai, des
antimilitaristes le 14 juillet à l'Arc de Triomphe, etc.
Les
guerres picrocholines entamées par les «zantis» -car
n'oublions pas que dans cette affaire, il y a des agresseurs en série
et des agressés systématiques- se déplacent également sur le plan
juridique. Les actions en justice (plaintes, référés, etc.) se
multiplient et les juristes qui y ont paré jusqu'à présent l'ont
fait gratis pro deo, une situation qui ne saurait durer,
d'autant que ces dossiers exigent urgence, temps et moyens. Des juristes que les petites communes n'ont pas les moyens de mobiliser.
Plus
grave est l'occupation du terrain médiatique par les «zantis»
qui se victimisent alors même qu'ils provoquent une confrontation
dont ils espèrent tirer profit. La stratégie est désormais
patente: provocations, insultes jusqu'à l'exaspération d'un
aficionado qui sera filmée et largement exploitée par la suite.
Réseaux sociaux et images sont largement exploités et il n'est
nullement indifférent que la presse télévisuelle nationale ait
largement utilisé pour illustrer ses reportages des images
exclusivement fournies par les «zantis».
Dorénavant,
les moyens employés, dans le fond comme dans la forme, n'ont plus
grand chose à voir avec l'amateurisme d'antan. Ce sont quasiment des
techniques d'intox, de «guerre psychologique» et de guérilla
urbaine qui mobilisent des groupes extrêmes organisés, motivés et
surtout entraînés.
Par
delà, c'est toute une dialectique de l'HUMILIATION qui est mise en
œuvre. Pour preuve ces «haies de déshonneur»
particulièrement explicites qui rappellent douloureusement le
supplice des verges où le condamné devait traverser une double haie
de bourreaux qui l'insultaient et le fustigeaient. Une pratique initiée dans les
légions romaines, perpétuée à coup de baguettes à fusil dans les
régiments de l'Ancien Régime (notamment en Prusse où elle est demeurée en usage jusqu'en 1870) et portée à son aboutissement par
les unités SS à grands renforts de schlague sur les malheureux
juifs des ghettos (évidemment, je ne compare nullement le statut de ces derniers avec ceux des aficionados ou celui des «zantis» avec les SS, mais seulement la volonté explicite d'humilier).
A
cette nouvelle conjoncture, il convient d'apporter des réponses
adaptées et de passer du «bricolage» (le mot n'a rien de
péjoratif pour ceux qui ont œuvré bénévolement) à une
professionnalisation accrue de la réplique.
Si
un consensus semble commencer à se créer dans l'afición
quant à la nécessité d'une réaction significative, si lors des
assemblées de l'A.C.O.S.O. (organisateurs de corridas et novilladas
du Sud-Ouest) et de l'U.V.T.F. (Union de Villes Taurines de France),
le thème s'est imposé, il reste à déterminer les contingences.
Autrement dit: qui fait quoi et comment?
QUI?
La question étant avant tout financière, il s'agit de savoir quelle
est l'instance la plus à même de lever des fonds. L'A.CO.S.O.?
Pourquoi pas, mais elle ne réunit que les organisateurs du
Sud-Ouest! L'U.V.T.F.? Si elle apporte la caution du politique, elle
ne dispose pas en l'état des fonds propres, ni de la possibilité en
l'état de les réunir?
QUOI?
C'est la mise en place d'un réseau de juristes professionnels
spécialisés et disponibles pour informer, conseiller et plaider,
offert à toutes les plazas, notamment celles qui ne pourraient y
recourir par leurs propres moyens internes. C'est également le
recours à des spécialistes de la communication. C'est enfin
contrecarrer le lobbying effréné des «zantis» soutenus par le
«complexe animalo-industriel» (soit de 4,5 à 5 milliards d'euros
de chiffre d'affaire annuel).
COMMENT?
Tout cela suppose un budget dont il conviendra d'évaluer l'ampleur.
De même que devront être mis en place des instances et des mesures
de contrôle de l'exécution de ce budget. Des idées diverses ont
émergé, dont la plus opérationnelle serait un pourcentage des
recettes (0,5 à 1%???).
En
attendant, l'afición dans sa globalité pourrait se
préoccuper de s'investir d'avantage surtout en ne laissant pas le
champ libre aux «zantis».
Quoi
faire?
D'abord, autant que possible,
garder son calme et ne pas céder aux provocations.
Ensuite
occuper le terrain en répondant -toujours sereinement- dans les
rubriques commentaires de tous les articles de presse portant sur la
tauromachie, systématiquement envahies par les «zantis»
pour donner à croire qu'ils sont majoritaires.
Prendre
contact et développer les relations pour créer un front commun,
expliquer à d'autres secteurs de la ruralité que si nous sommes la
cible principale, eux aussi sont dans le collimateur (éleveurs,
gaveurs, chasseurs, pêcheurs, etc.).
Comme évoqué plus avant, parmi
la panoplie des armes médiatiques utilisées par nos adversaires, il
en est une qui a fait des ravages sans que quiconque dans l'afición
ne paraisse songer à la retourner contre eux: l'IMAGE. Tous les
reportages réalisés par les medias régionaux ou nationaux ont
utilisés à l'envi des images (photos ou vidéos) issues (et
manipulées) par les «zantis». On y voit les pauvres bêtes gazées,
déménagées, parfois matraquées. Ou bien de dignes vieillard(es)
bousculé(e)s, des jeunes femmes malmenées (après leur crise
d'hystérie), leur progéniture pleurer (après avoir gentiment traité les
gens de mots doux lors des haies de déshonneur), etc.
Bien
évidemment la caméra filme toujours dans le même angle: tournée
vers les vilains aficionados et les méchantes forces de
l'ordre, et toujours après avoir charcuté au montage
l'«indésirable».
La
réponse semble évidente: s'ils vous filment, filmez les!
Xavier
KLEIN