«Ignorance est mère de bêtise…»
Proverbe populaire
Portrait de Juan Antonio Llorente par Francisco GOYA
Qu’y a t-il de commun entre Goya, Torquemada, l’Islam, la paranoïa, le récent attentat contre les ricains en Libye, la corrida et … Dieu? Certes, on peut trouver des relations et des corrélations en tout, laisser errer son imagination, débrider les associations d’idées, mais a priori, pas grand chose de commun, si l’on demeure dans le fil d’un raisonnement logique et cohérent.
Tout, si aveuglé par l'ignorance, le fanatisme et la haine on dérive vers le délire.
Pourtant, certains esprits particulièrement perturbés y parviennent, ne reculant devant aucun sacrifice, aucun ridicule, aucune capitulation de la raison, pour laisser s’exprimer sans pudeur et sans vergogne, leur détestation viscérale et déraisonnable de ce qui leur déplait en général et de la corrida en particulier.
Cela serait comique et prêterait à sourire, si ce n’était si pitoyable, misérable et dérisoire.
Voilà à quoi l’humain peut se réduire!
Voilà, obscènement dévoilé, sur quoi, sur qui se fonde l’anti-tauromachie!
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Il faut lire avec attention les délires mystico-psychanalytico-new age d’une des Passionaria «zantie» pour prendre l’exacte mesure de l’irrationalité et, j’oserais avancer, de la FOLIE furieuse des pourfendeurs de la fiesta brava (http://psychanalyse-et-animaux.over-blog.com/article-les-fantomes-de-goya-qui-est-le-cancer-du-monde-l-islam-toute-religion-toute-l-humanite-l-110031886.html ET http://psychanalyse-et-animaux.over-blog.com/article-a-une-amie-catholique-anti-corrida-inquisition-et-corrida-110072365.html).
Comment construire un raisonnement, parvenir à des conclusions qui se tiennent, à partir d'éléments erronés et disparates, d'une logique aberrante? C'est le pari surréaliste entrepris dans ce morceau d'anthologie de l'absurdité humaine.
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A partir d’un film tout à fait distrayant («Les fantômes de Goya» de Milos FORMAN), mais qui n’en demeure pas moins une fiction –assumée comme telle par ses scénaristes- on tire des conclusions et moralités dénaturées qui non seulement ne tiennent aucun compte du contexte mais font fi de la réalité historique.
L’ensemble baigne dans le présupposé très contestable de la «légende noire espagnole» que la plupart des historiens contemporains sérieux remettent en cause depuis Julián Juderías (début du XXème siècle). L’expression désigne selon le dictionnaire de la Real Academia Española «une opinion ce qui est espagnol répandue à partir du XVIème siècle» et comme «une opinion défavorable et généralisée sur quelqu'un ou quelque chose, en général sans fondement».
On sait maintenant la réalité de tels errements, l’histoire n’échappant nullement à l’instrumentalisation par la société, la politique et par les historiens eux-mêmes, consciemment ou inconsciemment. Ainsi, Voltaire par exemple a imprégné (et continue de le faire) la perception de l’histoire de générations d’intellectuels républicains.
Ces dernières années ont vu la réhabilitation ou la rectification de nombre de personnages ou faits historiques voués aux gémonies par telle époque (Le «Louis XI» de Paul Murray Kendall ou les travaux de Paxton sur l’Occupation) ou bien, au contraire la dévalorisation de beaucoup d’autres (Napoléon ou Clémenceau n’ont plus trop la cote dans une France qui entend s’intégrer dans l’ensemble européen). Pour autant la vision militante de Voltaire, qui visait à éreinter l'Eglise et non à oeuvrer objectivement, persiste, en dépit de sa complète caducité, dans le paradigme scientifique actuel. Comme survivent les mythes républicains fondateurs qui font fi du totalitarisme et du bain de sang d'une Révolution française idéalisée.
Il en va de même sur l’Inquisition espagnole dont les sévices savamment mis en exergue par le Siècle des Lumières dans sa lutte contre le cléricalisme, bien que toujours intolérables, sont considérablement réévalués à la baisse (on est passé de 20.000 à 2.000 victimes. Soit 2.000 de trop!). A l'époque décrite par le film, sous les règnes de Charles III et Charles IV (de 1759 à 1808) on n’a brûlé «que» 4 condamnés. Il convient également de comprendre, dans le contexte, que pour la plupart des historiens du droit, la procédure inquisitoriale a été un progrès juridique par rapport à ce qui existait auparavant, c’est à dire l’ORDALIE (jugement de Dieu), d’origine franque .
Stephen HALICZER, dans «Inquisición y sociedad en el Reino de Valencia: (1478-1834)» à partir des archives du Saint-Office estime que sur 7000 procédures valenciennes, seuls 2% donnèrent lieu à torture, les inquisiteurs usant de cette dernière «con poca frecuencia» et généralement moins de 15 minutes.
Les espagnols, qui n’étaient pas plus débiles que les autres, ont subi l’influence des Lumières et à Madrid, comme à Paris, on lisait Voltaire ou Rousseau sous le manteau. De même, dans la société espagnole, comme dans ses élites, la contestation anti-cléricale s’est développée fortement dés le milieu du XVIIIème siècle.
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Le film véhicule quelques poncifs et stéréotypes savamment entretenus (http://www.critikat.com/Les-Fantomes-de-Goya.html): l’inquisiteur libidineux afrancesado Fray Lorenzo restitue en partie la figure historique de Juan Antonio LLORENTE (http://www.vallenajerilla.com/berceo/florilegio/inquisicion/servidorycritico.htm), l’un des grands contempteurs de l’Inquisition, dont il fut l’une des chevilles ouvrières.
Il s’inscrit dans un très ancien et permanent courant littéraire et philosophique de dénigrement du clergé qui se développe de Luis GUTIERREZ («Cornelia Bororquia», 1801) à Victor HUGO (http://cerri.revues.org/1053) en passant par «Les mystères de l'Inquisition et autres sociétés secrètes d'Espagne», 1844, de Victor de Féréal (pseudonyme de Madame de Suberwick).
Durant le XIXème siècle, les libéraux progressistes développent le thème de la décadence économique et culturelle et de tous les maux espagnols engendrés par l’Inquisition qui en l’occurence avait bon dos, étant donné qu’elle fut abolie de facto par «Pepe Botella» (Joseph Bonaparte) en 1808. Idéologie qu’on peut résumer par l’apostrophe de Marcelino Menéndez y Pelayo:
«¿Por qué no había industria en España? Por la Inquisición.
¿Por qué somos holgazanes los españoles? Por la Inquisición.
¿Por qué duermen los españoles la siesta? Por la Inquisición.
¿Por qué hay corridas de toros en España? Por la Inquisición.»
¿Por qué hay corridas de toros en España? Por la Inquisición.»
«La ciencia española, Madrid», 1953, p. 102.
Pendant deux siècles, ce type de posture idéologique, sinon historique, a servi de base à la lutte anticléricale espagnole dans toutes ses connotations, du radicalisme à l’anarchisme. Cette lutte anticléricale faisait feu de tout bois, comme la lutte antimonarchique, usant d'expédients et d'arguments souvent peu reluisants (idem dans le camp opposé). Il n'est que de consulter par exemple le fonds iconographique des libelles, placards et pamphlets particulièrement ignobles et pornographiques dont les républicains (Hébert dans le Père Duchesne ou Marat dans L'Ami du Peuple, sans compter les anonymes) couvrirent scandaleusement la Reine Marie Antoinette accusée de toutes les turpitudes, y compris d'inceste et de zoophilie.
Rappelons tout de même qu’à peu près à la même époque (1766), le Parlement de Paris, institution laïque qui n’avait pourtant rien de commun avec l’Inquisition, condamne à la décapitation et à la crémation (en –bonne- compagnie du «Dictionnaire philosophique» de Voltaire) François-Jean LEFEBVRE, Chevalier de La Barre, après avoir subi la torture ordinaire et extraordinaire pour … blasphème.
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Tout cela, ce sont des faits établis, résultant d’études sérieuses, menées par des historiens reconnus et non par les rigolos (http://www.phdn.org/antisem/torquemada.html) convoqués par la psychanalyste bestialiste qui poussent le conomètre à des limites rarement atteintes par un tissu d'inepties caractérisées, en copiant-collant une resucée d’article d’un site résolument sioniste (http://www.zionism-israel.com/dic/Inquisition.htm).
Non, «les conditions de vie des juifs sous les règnes des califes maures et des premiers rois de Castille et d'Aragon» n’étaient pas «normales», au sens ou nous l’entendons aujourd’hui. C’est la légende dorée d’Al Andalus qui n’a que peu à voir avec la réalité des pogroms, vexations et autres dhimmis imposés par la charia. Les amohades et autres almoravides étaient plus proches des actuels salafistes que de sympathiques boute en train. Ce n’était pas mieux coté chrétien. Tout au plus, les conditions de vie des communautés juives étaient-elles moins détestables que dans la plus grande partie du reste de l’Europe.
Non, les ghettos en Espagne ne sont pas une invention des Cortes, mais des communautés juives elles-même, auxquelles les impératifs rituels du Shabbat faisaient obligation de ne pas vivre trop éloigné de la synagogue et d’éviter un mélange exogamiquement préjudiciable avec les autres communautés (les prescriptions de nombreux rabbis en témoignent).
Non, Fray (et non Fraz) Tomás (et non Thomas) de Torquemada n’est pas le neveu du Cardinal Pedro Fernandez de Torquemada (inconnu au bataillon), mais celui du Cardinal Juan de Torquemada.
Non, le nom de TORQUEMADA ne vient pas de «Torear (verbe = combattre) et quemada se traduit par “brûlé”», mais c’est l’éponyme de la ville de Torquemada dont provenait la famille, qui résulte de «torre quemada» qui signifie «tour brûlée».
Non, le Saint-Office n’a jamais été dirigé par Tomás de Torquemada pour la simple raison que cette congrégation (la plus ancienne de la Curie) a été instituée par la bulle Licet ab initio, le 21 juillet 1542, soit 44 ans après la mort du Grand Inquisiteur.
Non, du temps de Torquemada et des Rois Catholiques «On commençait d'abord par une corrida où le taureau était joyeusement mis à mort et castré dans l'arène, puis tout le peuple retournait devant l'église ou était dressé l'estrade perpétuelle servant d'autel aux holocaustes». D’abord parce que la corrida n’existait pas encore, ensuite parce qu’on n’a jamais castré de toros en corrida (n'en déplaise à vos désirs les plus secrets), puis parce que dans la religion chrétienne, il n’existe pas d’«autel aux holocaustes» (vous confondez avec le judaïsme antique), enfin parce qu’en des temps où le sens du sacré prévalait en tout, on n’aurait jamais confondu un autodafé, cérémonie religieuse de contrition et de pénitence avec une fête profane et ses fastes.
Tout l’article est du même tonneau psychédélique de série B. Cet imbroglio délirant résulte des divagations et des fantasmes conjugués de la pseudo psychanalyste et de sources plus que sujettes à caution (aucune références).
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Et s’il fallait porter le descabello à la matrone animaliste qui conclut bonassement sur «un Goya au charme indéniable mais à la lâcheté, dans un 1°temps, bien humaine et assez révoltante. Mais il se rattrape bien ensuite.», il convient de l’informer qu'à la fin de sa vie, réfugié à Bordeaux en 1824, après avoir édité en 1815-16, l’hymne suprême à la corrida que sont les 34 gravures de la «Tauromaquia», il réalise les 4 lithographies des «Taureaux de Bordeaux» (1824-25). Il avait auparavant peint «Course de taureaux» en 1824.
S’étant représenté lui-même en torero dans le tableau «La Novillada» (1780), il déclarait à son ami Nicolás Fernández de Moratín (auteur des très taurins «Fiesta de toros en Madrid», et «Carta histórica sobre el origen y progresos de las fiestas de toros en España», 1777): «Dans mon temps, j'ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main».
Merci chère Madame de cet hommage inattendu que votre inculture rend au plus aficionado (afioc dites-vous avec la vulgarité des médiocres) des peintres.
Xavier KLEIN
Lire également l’article: http://es.wikipedia.org/wiki/Leyenda_negra_de_la_Inquisici%C3%B3n_Espa%C3%B1ola