Humeurs taurines et éclectiques

lundi 31 janvier 2011

AMBIVALENCE

Arthur SCHNITZLER
Chaque hiver, je pratique une cure intensive de littérature étrangère.
Je clos quasiment toujours le cycle en découvrant ou redécouvrant de vieilles connaissances, la plupart du temps germaniques ou russes.
Chez les popovs, c’est toujours mon très cher Dosto, et de plus en plus Léon TOLSTOÏ, dont je lis depuis deux mois «Ma confession».
Une saine lecture qui permet de mesurer combien le soit-disant progrès de notre civilisation se cantonne surtout à la technicité. Dear Léon impressionne par la puissance de ses idées et la manière décomplexée de les assumer, sans souci de ce qui est socialement, politiquement et philosophiquement correct.
Mais mes deux préférés sont deux auteurs aujourd’hui trop délaissés. Stefan ZWEIG dont les nouvelles «Vingt-quatre Heures de la vie d'une femme» ou «La peur» représentent pour moi des modèles inégalables d’analyse psychologique, et le très méconnu Arthur SCHNITZLER dont le texte «La nouvelle rêvée» avait constitué la trame du testament cinématographique de Stankey Lubrick dans le film «Eyes wide shut» (qu'on pourrait traduire par: «Des yeux largement clos») en 1999. La nouvelle étant à mon avis très largement supérieure au film.
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Ce qui me ravit inlassablement chez la plupart de ces (h)auteurs, c'est leur talent à représenter, avec finesse et délicatesse, la complexité des êtres humains, leur ambiguïté, et pour employer le mot le plus approprié, leur AMBIVALENCE.
Ces chères vieilles choses se sont refusées à tout manichéisme, à toute vision bipolaire de l’humain, pour en souligner attentivement, dans des dissections littéraires subtiles, les failles, les faiblesses, les contradictions, tout ce qui constitue pour moi la grandeur de l’humanité.
On comprendra donc que cette fascination extrême pour l’ambivalence, pierre de touche, incontournable à mon sens de l’humain et de sa condition, me porte à m’opposer au simplisme réducteur très anglo-saxon de la post modernité et de ses avatars (dont l’animalisme).
Précisons de suite, que lorsque j’évoque la couleur «anglo-saxonne» de ce penchant, il n’est aucunement question d’oublier l’apport inestimable de l’intelligentsia britannique et U.S. (Tennessee Williams pour n’en citer qu’un), qui ne reflète en rien, voire infirment l’état culturel ultra majoritaire de ces contrées.
Pour ceux qui pourraient en douter et me soupçonner d’anti-américanisme primaire, un sondage paru il y a 6 mois dans le New Herald Tribune, relevait que si 74% des français pouvaient citer 3 écrivains contemporains d’envergure, ils n’étaient que 31% des américains. Mais qu'attendre de bon d'une société qui évoque le «bonheur» dans sa constitution fondatrice?
Malheureusement, à cet égard, les sociétés européenne en général, et française en particulier se «normalisent» et se mondialisent à grand train, au mauvais sens de la chose. On y voit paraître ce maudit moralisme à deux sous, cette daube de bons sentiments waltdysneyiens primaires qui sévit outre-atlantique.
On dit que les corridas seront interdites d'antenne nationale en Espagne à cause des dégâts qu'elles produisent sur les jeunes esprits.
Un progrès sans doute! Il vaut bien mieux que nos morbacks s'intoxiquent avec la débilité plus moderne de «30 millions d’amis» (une émission pornographique et vulgaire censurée dans ma chaumière).
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Au contraire, les imaginaires européens et leurs sources sont tout sauf lénifiants et en tout cas plus vigoureux.
Des générations d’enfants ont tété à la mamelle de La Fontaine, des contes de Grimm ou de Perrault (ce dernier ayant passablement dénaturé la portée symbolique des mythes précédents), de la Comtesse de Ségur (interdite de bibliothèque rose), où pour qui sait lire et décrypter, l’arrière plan ne se situe pas souvent sur le même plan sirupeux que les magnifiques aventures de Mickey ou du «Roi lion».
L’exemple le plus manifeste étant le «Livre de la jungle», mièvrerie hollywoodienne, à cent lieues (mais sans bottes) de la puissance de Kipling. Un Kipling, Fils de la Veuve, qui sait ce qu'il écrit et dans quel but: la formation morale des jeunes anglais de la société victorienne en mal d'exotisme.


4 illustrations de Mowgli: Edition originale (1894), Detmold (1903), Walt Dysney (1967), Pierre Joubert (2006). Les représentations diffèrent (ne serait-ce que celle de la nudité...), on ne parle pas de la même chose.
Cette transmission codifiée et archétypique de la réalité -et non d'un wonderful word mièvre et hypothétique- me semble infiniment plus utile à la constitution psychologique d'un enfant, que des niaiseries qui le mènent à une vision erronée du monde dans lequel ils vivent et vivront.
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De fait la question qui se pose est: «Jusqu'à quel point est-il sage de protéger nos enfants?». C'est la question et l'illusion de Siddhārtha, ce jeune prince hindou que ses royaux parents voulaient à tout prix préserver de la confrontation aux maux de l'humanité (maladie, pauvreté, souffrance, mort, faim, etc.). C'est aussi la question que je pose et me pose.
Chez La Fontaine, comme chez Perrault, le loup n’est pas gentil. Comme chez les pasteurs pyrénéens, l’ours ne l’est pas non plus. Pas plus qu’on y ignore Barbe Bleue ou l’ogre, parce qu'on y transmet le message fondamental des pulsions, des angoisses, des terreurs qui habitent l'humain qui est tout sauf «gentil».
Mais de même que «Sainte Majorité» voudrait réintroduire nounours chez les pequenots de l’Aspe ou de l’Ossau et supprimer les corridas chez les bouseux avinés de la plaine, il faut douter que les mêmes voient d’un bon œil la réintégration de hordes de loup dans le bois de Boulogne ou la forêt de Fontainebleau.
Il y a quelques années, un ami parisien s’était fortement ému –voire fâché- parce que je venais de faire son sort à une vipère qui lézardait sur ma terrasse. J’ai vainement tenté de lui expliquer que je passais outre les mignonnes (et utiles!) bestioles lorsque je les croisais dans les champs ou à la pêche, mais que la susdite ayant pris ses quartiers à l’endroit où mes enfants jouaient, je ne voyais pas trop l’intérêt de la confrontation.
Certains préfèrent sans doute le confort de la vipère que la santé ou la survie des humains (mon fils s’est fait mordre une fois… je connais le problème). Ce n’est nullement mon cas.
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Je suis très vieux jeu, mais je considère que (attention, ça va hurler chez Brigitte, Jean Paul et Jo!) l’animal doit rester A SA PLACE. Un danois, un doberman, un patou, un cochon ou une vache n’ont nullement leur place dans un appartement parisien de 50 m2 (Si! Si! Ça existe!), ni à mon sens dans un appartement tout court, pas plus qu’une vipère à côté de my barbecue. Par contre, je n’ai aucune prévention contre la couleuvre qui niche dans le bûcher ou les crapauds qui viennent prendre le frais, quoique au moment de l’apéritif, il y ait mieux, les cuisses de grenouilles par exemple!
Désolé d'être si prosaïque, mais quand je vois une poule, je subodore le pot, quand je vois un boeuf, je pense rôt, quand j'aperçois les canards du voisin, je rêve foie gras et galantine.
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Il me semble que tout cela procède du bon sens, mais avec les «êtres sensibles», il vaut mieux se méfier.
Je préfère que mes enfants aient intégré l’interdit de tabasser leurs homologues, quitte à lâcher sur la volupté qu’ils aient pu ressentir à arracher les pattes des araignées ou faire fumer les crapauds: il faut bien que sadisme se passe!
Je ne prétends nullement avoir raison. Les parents de toute manières ont toujours tort et se trompent toujours. Mais mes petits me semblent à priori, très normalement névrosés.
Evidemment, sous les efforts conjugués et hautement moraux des bestialistes, cela deviendra bientôt un délit, et je remercie le ciel d’avoir achevé le plus gros de leur éducation pour ne point avoir à rendre des comptes à des enquêtrices de la justice ou de l’assistance sociale pour défaut d’éducation.
Ainsi va le monde! En mieux paraît-il!
Un monde où ma chère ambivalence n’existera plus, puisqu’on nous annonce que nous serons parfaits.
Heureusement, je n’y serai plus, ce qui ne pourra que contribuer à la perfection de la chose…
Xavier KLEIN

Le Chant du Petit Chasseur du Livre de la Jungle: évidemment, c'est pas Walt Dysney!
Pierre Joubert
The Song of the Little Hunter

Ere Mor the Peacock flutters, ere the Monkey-People cry,
Ere Chil the Kite swoops down a furlong sheer,
Through the Jungle very softly flits a shadow and a sigh,
He is Fear, O Little Hunter, he is Fear!


Very softly down the glade runs a waiting, watching shade,
And the whisper spreads and widens far and near;
And the sweat is on thy brow, for he passes even now,
He is Fear, O Little Hunter, he is Fear!


Ere the moon has climbed the mountain,ere the rocks are ribbed with light,
When the downward-dipping trails are dank and drear,
Comes a breathing hard behind thee--snuffle-snufflethrough the night,
It is Fear, O Little Hunter, it is Fear!

On thy knees and draw the bow; bid the shrilling arrow go;
In the empty, mocking thicket plunge the spear;
But thy hands are loosed and weak, and the blood has left thy cheek,
It is Fear, O Little Hunter, it is Fear!

When the heat-cloud sucks the tempest, when the slivered pine-trees fall,
When the blinding, blaring rain-squalls lash and veer;
Through the war-gongs of the thunder rings a voice more loud than all,
It is Fear, O Little Hunter, it is Fear!

Now the spates are banked and deep; now the footless boulders leap,
Now the lightning shows each littlest leaf-rib clear--
 But thy throat is shut and dried, and thy heart against thy side
Hammers: Fear, O Little Hunter, this is Fear!

Pierre Joubert


dimanche 30 janvier 2011

TOROS Y MOVIDA 2011

Toujours méritoire et sympathique que des peñas organisent quelque chose, et qui plus est qu'elles s'associent pour le faire.
Mes potes dacquois m'ayant requis, c'est avec plaisir que je fais passer l'info.
Ambiance bonne enfant garantie.
Et avec de l'humour en plus: un débat sur «La corrida de demain» avec les participants prévus et notamment Victoriano del Rio comme ganadero, cela promet d'être critique et coquin! J'en suis mort de rire à l'avance. Nul doute qu'on évoquera longuement les encastes en voie de disparition et la problématique du «toro moderne»...
Un seul regret dans le programme: l'oubli fâcheux d'une manifestation zanti, qui aurait apporté un surcroît de picante.

TOROS Y MOVIDA 2011

3éme édition
PROGRAMME du 20 au 24 Avril (entrée gratuite pour toutes les manifestations)

Mercredi 20 Avril:
20h30, Salle de l’Atrium : Présentation du film «Dire son mystère» de Fanny VIDAL avec Emilio Munoz et Patrick Varin

Jeudi 21 Avril:
20h30, Salle de l’Atrium: Conférence-débat sur le thème : «La corrida de demain» avec le maestro Stéphane Fernandez MECA, le ganadero Victoriano del Rio, l'aficionado Marcel Garzelli, l’apprenti torero Louis Husson, animée par Pierre Albert BLAIN, chroniqueur taurin à France Bleue Gascogne.

Vendredi 22 Avril:

De 10 heures  à 19 heures aux Arénes: Exposition sous les gradins couverts (avec distribution des bulletins de vote) des oeuvres des artistes exposées dans le cadre du concours «TOROS y MOVIDA» (dessinateurs BD, sculptures, peintures, photos, caricaturistes selon le Règlement établi et public)
dans les corrales:  Exposition de ses oeuvres en hommage au peintre Jacques BACARISSE.
Mes toros de papier» par le maestro Patrick VARIN.

11 heures: Vernissage officiel.
19 heures à l'Hôtel Splendid: Présentation de la temporada 2011 par la Commission Extra-Municipale.
21 heures: Bodega des Penas avec animations diverses et tapas. Bar central.

Samedi 23 Avril:
9 heures: Installation du Rastro (marché aux puces taurin), Artesania, avec forgeron, couturière, sellier, maréchal-ferrant, taxidermiste, Biblioteca, organisée avec la librairie Campus, présence de divers éditeurs, presse et auteurs.

10 heures: Ouverture des portes, distribution des bulletins de vote.

11 heures: Capea concours inter-peñas.

12 heures: Repas-tapas, bars Porte Centrale et Sud tenus par les membres de Toros y Movida.
15 heures: Concert dans le centre de l’arène par l’Harmonie Municipale Mugronnaise, sous la direction de Arnaud Labaigt.
16 heures 30: Tentadero de 4 vaches de la ganaderia du GRAND SOUSSOTTE, avec les espoirs dacquois Jean-Baptiste MOLAS et Louis HUSSON, et le chef de lidia Patrick VARIN, picador André IMBERT.
18 heures: Dépouillement des votes pour le concours. Clôture du Rastro et des aimations.

19 heures: Résultats des quiz organisé pendant 6 semaines par Bernard Dussarat et la rédaction Sud-Ouest-Dax et du concours artistique «Toros y Movida», œuvres primées par le jury et le vote du public.

20 heures: REPAS DE L’AFICION (Cochons grillés)

Dimanche 24 Avril:
de 10 à 18 heures: visite des EXPOS.




vendredi 28 janvier 2011

«Terres Taurines site» versus «Terres Taurines opus»: la schizophrénie en action.


Le «mange merde» de service a encore sévi.
Quelles sont ses motivations, ses arrières pensées? Quels intérêts sert-il? Mystère!
A moins qu’il ne s’agisse comme disait ma grand-mère Berthe (bien connue de certains lecteurs landais)  de causer «comme une pute sans pratique», de faire son intéressant.
Quelle duplicité! Passer son temps à aller faire des ronds de jambe auprès des ganaderos pour trouver matière à ses opus et les dessouder à l’anglaise, dans le dos, pour le plaisir de quelques mots assassins.
***
Dans son éditorial du 28/01 «Selon les ganaderos», il s’en prend à ces derniers accusés de divulguer leur participation : «Le but de ces annonces parfois inopportunes, voire carrément erronées, n'est autre que de montrer que les ganaderias en question jouissent d'une clientèle fidèle... histoire d'appâter le chaland et de vendre le reste de la production.»
Il est vrai que le garçon est expert en divulgations, si l’on en croit le nombre d’informations mensongères ou erronées qu’il distille régulièrement, ainsi que le goût prononcé pour les ragots et les «potinages» de mundillo qui meublent périodiquement son site. Une fois encore l’Hôpital se moque de la Charité!
Ainsi par exemple, les orthéziens, pour parler de ce que je connais, attendent-ils toujours la participation au cartel du Maestro Frascuelo que l’oracle boucalien avait faussement annoncé il y a deux ans, s’en tirant avec un gros mensonge putassier au passage.
Ne vous inquiétez pas, je ne risque guère le procès en le traitant de menteur: le dossier à charge est épais, et argumenté.
***
Je ne sais pas pour les autres éleveurs, mais associer dans son article le nom de Doña Dolores AGUIRRE, une ganaderia des plus respectables, à l’éthique et à la pratique généralement irréprochables, sent son ignominie.
Une ganaderia qui de surcroît n’a nul besoin de publicité, ayant déjà vendu la totalité de ses lots. D’autant que celui d’Orthez est annoncé officiellement depuis … décembre.
***
Mais de quoi parle t-on en fait ? De secrets de polichinelle.
Etant donné le défilé des visiteurs dans les ganaderias, à commencer par les veedores, comment est-il possible de conserver l’information bien longtemps? Même à Orthez, où comme tout le monde le professe à Terres Taurines, nous sommes arriérés et très stupides, nous savons toutefois, qu’une fois les ganaderias retenues, il convient d’en publier les noms dans la semaine, le secret ne pouvant s’en maintenir bien longtemps (c’est également vrai pour les cartels).
Combien il est humain, compréhensible et évident qu’un éleveur ou un torero affichent leur participation à tel ou tel cartel: c’est leur notoriété et leur gagne pain qui sont en cause.
C'est une contrainte, il convient de faire avec.
En outre, ne jouons pas les tartuffes, il est plutôt flatteur pour une plaza, surtout une petite plaza comme Orthez qui se bat pour exister en dehors des «majors» et des circuits commerciaux, de constater qu’un élevage avance sa participation comme argument de vente à d’autres empresas. Il est éminemment positif que des élevages ou des toreros fassent le forcing pour s’y présenter, parce que cela implique que sa réputation grandit et qu’on lui accorde crédit et considération. Le magnifique lot de Dolores AGUIRRE de l’an dernier, n’est pas arrivé à Orthez par hasard !
Je puis vous assurer que c’est véritablement le cas, et que mystérieusement, avant toute virée de reconnaissance en terre de toros, nous recevons désormais des invitations de plusieurs ganaderias, et non des moindres, pour aller voir leurs toros.
***
A n’en pas douter, on comprend aisément que les «divulgations» perturbent passablement les savants plans «com» de certaines empresas.
Personnellement, même si la chose peut agacer, je trouve plutôt rassurant et sympathique que les petits travers de «l’humain» viennent ainsi perturber des mécaniques commerciales bien huilées. Cela montre qu’on demeure, en dépit de tout, dans un champ artisanal où l’homme n’a pas complètement capitulé devant les implacables logiques économiques.
***
Mais au fait qui s’indigne dans l’article terretaurinien?
Le journaliste?
Le président de l’ONCT?
Ou bien plus probablement le chargé de communication appointé?
Poser la question, c’est y répondre.
Xavier KLEIN

mercredi 26 janvier 2011

Rembrandt, maître dégagé

«La Compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch» dite la «La ronde de nuit» de Rembrandt

Rembrandt Harmenszoon van Rijn, dit REMBRANDT demeure en dépit de son âge vénérable (405 ans mi-juillet) d'une actualité brûlante.
Non content d'être le plus grand maître de l'art baroque hollandais, le bougre nous faisait des cachoteries.
ARTE a récemment programmé un «documentaire-fiction» remarquable sur l'histoire secrète d’un chef d’œuvre «maudit» puisque non seulement il connut de multiples avatars (il a été mutilé), mais qu’il valut à son créateur de multiples avanies.
Un film de Peter GREENAWAY «La ronde de nuit» était déjà sorti en 2007 dans le genre très tendance du commentaire romancé. Pourquoi pas? C'est intelligent et cela permet de vulgariser (quel vilain mot!) des bribes de notre histoire.
On y apprend comment cette oeuvre magistrale constitue un tableau à clef, d'une immense complexité, qui représente en fait la dénonciation d'un crime et les coulisses bien peu reluisantes de la société amsteloise.
Un chef d'oeuvre du clair-obscur, qui, sous des dehors apologétique plutôt innocents,  porte une impitoyable critique sociale qui coûtera à son auteur la ruine et la relégation. La bourgeoisie d'Amsterdam ne lui pardonnera jamais ce  «dévoilement» d'une vérité qui eût due demeurer ignorée et «aura sa peau».
Mais vous n'allez pas tout savoir sans rien payer, tout de même! Regardez le film...
Il n'en demeure pas moins que notre cher Remby, par delà sa technique révolutionnaire, par delà les thèmes inusités et souvent intimistes qu'il traite, par delà une vie à la fois rangée et tumultueuse: des goûts de prince avec un train de bourgeois, porte un regard engagé sur son époque. Ce qui lui vaudra d'être, à tous les sens du terme, «dégagé».
On lui prendra tout, y compris son confort, puisqu'il finira en «banlieue».
***
La dernière fois qu'en grand équipage, je me suis déplacé au Louvre, j’étais plutôt parti sur un plan «Renaissance italienne».
La cohue m’en a dissuadé. Le flot ininterrompu des hordes de flasheurs, le tohu-bohu incessant des péquins qui remuent sans cesse sans jamais rien regarder ou qui regardent sans voir, qui ne savent pas s’asseoir ou rester quiets pour laisser l’œuvre les pénétrer à sa guise, me fatigue et m’irrite. Et quand la Joconde est dans le secteur, c’est l’affluence des grands magasins en période de soldes.
Et puis, il y a les modes, les célébrations dont on ne sait ce qui les provoque. Tout d’un coup on se met à porter au pinacle tel ou tel, proclamé très «actuel». Peut-être un coup des grands marchands d’art qui veulent revaloriser une partie de leur fond de commerce. On trouve alors un anniversaire bien commode, un tricentenaire de la mort de, un cinquantenaire de la naissance de, bientôt un jubilé de la première branlette de…
Il y a dix ans c’était le tour de Van Gogh, aujourd’hui on réhabilite les «pompiers».
Il en va de même pour la musique, le théâtre ou la littérature.
C’est passablement pénible et terriblement vain!
***
Jusqu’à cette dernière visite, je n’avais toujours trouvé qu'un intérêt plutôt mitigé aux autoportraits.
En fait, ce genre m’interrogeait: qu’est-ce qui peut pousser un artiste à se peindre, voire à s’utiliser comme matière d’étude, comme Cézanne le fit avec la Montagne Sainte-Victoire?
Il y avait là quelque chose de très dérangeant à mes yeux.
Imprégné des préceptes du classicisme de mes humanités, du «je» est haïssable, cette apparente fascination pour soi ne procédait-elle pas d’un narcissisme exacerbé?
D’autant que Narcisse était sublimement beau, ce qui s’avère rarement le cas de la plupart des scrutateurs d’eux-mêmes.
Je précise que je distingue dans cette considération, l’amoureux de soi, le vrai Narcisse, de celui qui se livre à l’examen et à l’analyse de ce auquel il peut le plus commodément et réellement accéder: lui même.
Introspection, ne signifie aucunement admiration de soi. Cela échappe bien souvent aux contempteurs sommaires de la psychanalyse.
C’est par hasard, dans l’échappatoire à la foule, que je me suis retrouvé dans une salle relativement délaissée où s’exposent les œuvres flamandes.
***
D’entrée, Il m’a saisi, me fixant depuis les carcans de toile encroûtée qui le perpétuent et l’emprisonnent, comme Merlin, prisonnier à jamais de la fée Viviane.
Il m’a saisi de ses yeux multiples, de ces plusieurs «lui», de ces plusieurs «soi», de ces plusieurs «je» qui ce jour là devinrent «nous».
Rembrandt, ni beau, ni laid -quelconque en fait dans ses traits- se mit à me parler.
J’ai compris qu’il ne se regardait pas en se peignant, mais qu’en fait, c’est l’observateur qu’il fixait.
Rembrandt peint Rembrandt qui observe, qui interroge.
Rembrandt ne peint pas Rembrandt, il observe l’humain.
Le jeune homme curieux, effaré ou pensif interroge le voyeur, s’interroge sur ce soi aussi proche qu’étranger.
La dernière toile fut une manière de révélation. Ce vieil homme devenu. Cette face bouffie, ce regard désabusé. Comme Dorian Gray marqué par les joies, les peines, les douleurs, les excès, la maladie, l’annonce de la mort qui vient.
Rembrandt ne peint pas Rembrandt.
Rembrandt peint à travers lui la condition humaine.
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Il faut considérer le tableau à cinq pas, la dimension de la chambre bourgeoise d’Amsterdam dans laquelle l'artiste oeuvrait. Là seulement il se révèle, dans la vibration subtile et puissante que le pinceau imprime à la toile.
Et avant de se retirer, pour cacher les larmes d’une émotion si intense qu’elle en devient presque insupportable et vous fait prendre congé du vieil homme à l’agonie, il faut se risquer à l’approcher, si les gardiens ne vous importunent pas, comme des cerbères ou des garde-malades trop zélés.
Le toucher, comme on caresse la face livide d’un mourant, comme on se confronte à la clinique de la douleur, à la sueur malsaine de l’agonie, à la peau parcheminée, jaunie et froide, aux rides de souffrance écloses, aux lourdes paupières et aux bajoues du jouisseur dessillé, de l’ex-pisseur brelien aux étoiles.
Là dans la touche vitale du pinceau du Maître, dans l’économie de moyens qui va à l’essence, sans fards et sans manières, dans la concentration de son art, dans l’épure et l’ascèse de toute technique, alors on voit sa grandeur.
Ce dernier tableau est immense parce qu’il est fait de peu, de touches avares et denses et qu’il dit TOUT.
Merci Rembrandt, tu ne dis plus rien et tu parles toujours.
Mieux qu’un traité, qu’une somme, tu résumes l’Homme.
Xavier KLEIN

NOTA: Les oeuvres représentées ne sont pas toutes au Louvre.







Retirons nous sur l'image d'un Rembrandt heureux, celui de la fête et de la liesse:

dimanche 23 janvier 2011

Le superprédateur ultime

«Les Noces de Cana» de Véronèse

Saviez-vous que vous étiez un chimioorganohétérotrophe? Moi aussi d’ailleurs. Tout comme la plupart des habitants de la planète.

Chimioorganohétérotrophe, fils de chimioorganohétérotrophes (pardon Papa!), petit-fils de chimioorganohétérotrophes, descendant de chimioorganohétérotrophes et fier de l’être.
C’est en triant de vieux papiers que je suis tombé sur mes cours d’écologie –et oui, avant que d’être une voie politique, l’écologie est une science, il conviendrait d’ailleurs de parler d’écologisme- que j’ai pris conscience de cette réalité transcendante.
En fait, il s’agit de préciser que notre organisme forme sa matière organique à partir d’organismes vivants, qui tirent eux mêmes leur matière organique de composés chimiques ou organiques (d’autres la tirent de la lumière par la photosynthèse). C’est la résultante de 3 axes:
SOURCE D’ENERGIE           SOURCE DE LA REDUCTION           SOURCE DE CARBONE
Pour préciser, nous sommes non seulement chimioorganohétérotrophe, mais de surcroît, omnivores, c’est à dire que notre alimentation naturelle est d’origine animale et végétale.
C’est d’ailleurs cette caractéristique qui a vraisemblablement permis aux hominini (hominiens) d’accéder au niveau très élaboré d’évolution où ils se trouvent.
En effet, l’apport protéinique des aliments carnés a permis non seulement le développement d’une activité cérébrale très consommatrice de calories, mais aussi la possibilité de la survie d’un être qui, a priori, n’avait guère d’atouts physiques de défense ou d’agression (il ne court pas vite, ne monte pas aux arbres, n’a pas de carapace, pas de griffes ni de crocs, etc.).
De charognard, l’homo est devenu chasseur, ce qui l’a obligé à développer des techniques, des outils, des comportements sociaux, indispensables à sa fonction prédatrice.
Un autre destin était-il possible, à partir du végétarisme? Nul ne sait, notre parent le plus proche, le chimpanzé, qui a conservé un régime alimentaire quasiment végétarien, n’a pas évolué, lui.
Mais le fait est, que c’est par la consommation d’aliments carnés que l’humanité a vu le jour.
***
Depuis, l’alimentation humaine est devenue un phénomène avant tout culturel. Ce que l'on mange, ce qu'on ne mange pas est largement dicté par des considérations culturelles globales ou familiales, par l'environnement géographique et économique où l'on est né et où l'on vit, et par dessus tout par des interdits qui trouvent leurs sources dans les croyances ou les religions.
musulman (ou de culture musulmane) on se passera de porc et d'alcool car c'est haram (illicite, non permis, non hallal).
aredim (juif orthodoxe) les contraintes de la cacherout vous mèneront dans un parcours du combattant kafkaien, où vous devrez même employer des ustensiles et des réfrigérateurs différents selon les aliments.
Jaïn, non content d'être végétarien strict, vous vous passerez en plus de toute racine ou tubercule, d'ail et d'oignon.
Témoin de Jehovah, les produits à base de sang (boudin, saucisson) vous seront proscrits.
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La visée universelle du christianisme, l'a conduit dés ses origines à proscrire tout interdit alimentaire. Il ne demeure que des recommandations ultérieures qui relèvent de ce que l’on appelle la «tradition». Ainsi en est-il de l’usage du poisson les vendredis ou de l’incitation au jeune et à l’abstinence et la proscription de la viande durant le carême, qui depuis Vatican II, ne sont plus d’actualité.
Toutefois, la boustifaille joue un rôle fondamental dans les Ecritures.
On y passe son temps à évoquer le rôle central de la nourriture, voire à festoyer, comme c’est le cas pour les noces de Cana, le retour de l’enfant prodigue où l’on tue le veau gras ou le miracle de la multiplication des pains et des poissons.
L’ensemble de la «pédagogie» christique passe par la multiplicité des images, symboles ou paraboles qui se rapportent à la nutrition, jusqu’au paroxysme de la Cène où le Christ, l’Agneau de Dieu, s’offre en sacrifice.
***
Que l’on soit croyant ou non (ce n’est pas le problème), la culture occidentale est imprégnée au plus profond de ces racines et de ces signifiants là qui ont modelé sa civilisation.
Le christianisme peut être considéré comme une secte qui a réussi. La clef de cette réussite tient à l’universalité tant du message que du contenu.
Les apôtres et les premiers propagateurs de la foi chrétienne ont eu le génie, de comprendre que dans la fidélité au message du Christ («Le Sabbat (la Loi) a été fait pour l’Homme et non l’Homme pour le Sabbat.» Marc 2, 23-28), il convenait de faire table rase des entrelacs d’interdictions complexes qui avaient interdit au judaïsme de faire des émules. En effet, Dupondius, le citoyen romain lambda, n’aurait jamais pu adhérer à une religion qui lui aurait demandé en préalable de s’interdire ce qui constituait la base de son alimentation, pas plus que de se faire charcuter la zigounette.
La mise en acte de cette nouvelle philosophie ne s’est pas faite sans réticences. La quasi totalité de l’entourage du Christ était composée de juifs religieux et pratiquants pour lesquels la chose n’allait aucunement de soi. D’ailleurs, cette communauté originelle de judéo-chrétiens, c’est à dire de chrétiens qui pratiquaient l’intégralité de la loi mosaïque a survécu pendant deux siècles, avant de s’éteindre définitivement avec la conquête musulmane.
***
Pierre, le premier pape, un ex-pécheur du lac de Tibériade, celui que le Christ avait chargé de la communauté, a beaucoup atermoyé avant de se décider après une vision extatique où il voit descendre des cieux une grande nappe dans laquelle se trouve toutes les bestioles de la terre, et qu’une voix lui enjoint: «Debout, Pierre! tue et mange.» (Actes des Apôtres 10-13).
Pierre en bon juif pratiquant répond : «Oh ! non, Seigneur, car jamais je n'ai rien mangé de souillé ni d'impur.». Et la voix de nouveau, l’interpelle : «Ce que Dieu a déclaré pur, toi, ne l'appelle pas souillé.»
De même que dans la messe, le sacrifice symbolique de l’Agneau de Dieu, par le pain et le vin, se substitue aux sacrifices d’animaux que le peuple d’Israël pratiquait au Temple, cet épisode signifie la rupture avec le judaïsme qui suppose la soumission à une Loi de Moïse considérée comme restrictive et marque l’accès à l’universalisme. C’est une étape essentielle dans l’histoire des religions et donc indirectement dans celle de l’humanité par la libération de contraintes d’observances rituelles.
Les Ecritures ont bien souvent le sens de la formule et cette injonction puissante et hors du commun: «Debout, Pierre! tue et mange.» retentit dans la Chrétienté, comme un acte à la fois fondateur et fondamental.
Contrairement aux cultures issues de religions «végétariennes», la culture occidentale, issue du christianisme, place l’Homme dans la situation de CE QU’IL EST: un prédateur, LE PREDATEUR ULTIME, auquel s’inféode le règne animal, un point de vue qui peut être certes critiqué, mais qui constitue une réalité de fait..
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Exposant ces attendus, je ne justifie en rien le bien fondé de ce paradigme occidental. Je rappelle seulement ses fondements culturels et ce à quoi ils ont abouti. Pouvait-il d'ailleurs en être autrement dans la logique évolutionniste et le struggle for life qui place les espèces dans la compétition?
Pour ceux qui voudraient nous faire accroire, dans ce grand mouvement d’auto-contestation et de repentance systématiques de nos valeurs, qu’ailleurs c’est mieux et que l’herbe y est plus verte, je constate seulement que les civilisations ou cultures végétariennes ne se sont pas particulièrement distinguées par des pratiques moins barbares que cet occident si systématiquement vilipendé.
L’exemple de la partition de l’Inde ou les massacres d’extrême-orient (invasion japonaise, khmers rouges, etc.), zones pourtant bouddhistes-végétariennes-non-violentes, comptabilisent quelques légers millions de victimes humaines dans le lamentable livre noir de l’horreur. Comme quoi la «compassion» à l’endroit des zanimaux n’induit en rien une plus grande sagesse.
La vraie sagesse ne consiste t-elle pas à reconnaître ce que nous sommes: des SUPERPREDATEURS ULTIMES, et d’apprendre à gérer cette réalité, sans pudibonderie ni faux-semblants.
En cela, la corrida est nécessaire, car elle nous montre comme nous sommes et non tels que nous aimerions nous voir.
«¡De pie, Pedro! mata y come.»
Injonction sublime!
Xavier KLEIN

jeudi 13 janvier 2011

Ca fait du bien là où ça fait mal... ou la défaite d'Albert LONDRES


«Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison»
Victor HUGO
«Celui qui supprime un instit, crée un maton»
Xavier KLEIN

J’aime bien bouger, j’aime la nouveauté, le renouvellement. Plutôt, j’aimais. Alors, je remue moins, je reste plus quiet, moins réactif.
Avec les années on se calme, on apprécie moins le changement, la remise en question, la perturbation vivifiante, le mouvement…

Pas bon! Pas bon! La véritable vieillesse est là, dans l'acceptation et le fatalisme, pas dans les rides ou les cheveux blancs.
Pourtant, il demeure des causes, des discours, qui malgré cette ankylose me font toujours bondir et m'indigner.
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En 1996, le concours de Chef d’Etablissement de l’Education Nationale en poche, j’entamais une année de formation.
A l’époque, il y avait concours -très sélectif de surcroît (700 reçus pour 7800 candidats)- et formation de qualité. Une année de «stage lourd» (formation théorique, technique, pratique, suivie de deux années de stage en situation).
Le concours n’existe plus. D’une part parce qu’il laissait accéder des candidats indésirables par la hiérarchie (quand on recrute les gens sur des capacités intellectuelles, on n’a pas les mêmes résultats que lorsqu’on les coopte sur des critères de «maniabilité» et de soumission à l’autorité), d’autre part parce que la barre étant trop haute, le niveau de recrutement ne cessait de baisser (de 13/20 au dernier admis on passait à 9/20) et l’on ne trouvait plus de candidats compétents.
La formation lourde aussi n’existe hélas plus (il paraît que c’était inutile. En langage administratif normalisé sarkoziste, "inutile" signifie "coûteux"…). C’est fort dommage, car durant cette formation, on bénéficiait d’un mois de stage par trimestre dans des administrations ou entreprises autres que l’Education Nationale.

Quelle opportunité, au mi-temps de sa vie professionnelle, de pouvoir lever le nez du guidon, et d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte!
J’avais choisi trois secteurs dont les activités m’intéressaient à divers titres: le milieu carcéral et plus particulièrement celui des mineurs et jeunes majeurs, la Police Nationale, et enfin une entreprise de logistique internationale.
Ce dernier stage m’a considérablement éclairé sur les mérites comparés du public et du privé. Ayant eu de nombreux contacts avec beaucoup d’entreprises, j’ai constaté qu’on n’y travaillait ni plus, ni mieux, ni plus vite, ni plus moderne qu’ailleurs, et que mon honorable administration tant décriée, n’avait nullement à rougir de la comparaison.
Lors de ce stage, j'ai travaillé sur la rationalisation des outils de travail, l'élaboration de formulaires et de procédures, sur l'application de l'informatique, alors balbutiante, aux besoins quotidiens. L'expérience n'a pas dû être complètement négative puisqu'on m'a vivement sollicité pour une embauche, à l'issue de mon séjour, pour un salaire nettement supérieur, à ce que l'Etat me consentait.
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Les deux autres stages représentèrent des expériences inoubliables.
La Sûreté Urbaine de Bordeaux est un monde complexe où l’on peut rencontrer des personnalités trempées tout à fait extraordinaires. Je suis passé dans tous les services, des «stups» aux mœurs (l’ancienne «mondaine») en passant par la cellule anti-terroriste, la financière, etc. J’en parlerai un jour, si vous souhaitez.
Je resterai marqué à jamais par mon séjour d’un mois à la Maison d’Arrêt de Gradignan (février 1997) et notamment au centre de rétention des jeunes. A telle enseigne que pendant 2 ans, j’ai ensuite servi comme visiteur de prison, activité que je reprendrai sans doute, quand je serai retraité.
Il paraît que le français moyen, même et y compris lorsqu’il est de souche étrangère, voit la prison comme un lieu idyllique avec télé, salle de sport et repas gastronomiques.

Peut-être, mais alors le détail m’a complètement échappé.

Personnellement j’ai plutôt été épouvanté par les cellules minuscules et surpeuplées, les personnels en sous nombre complètement débordés et dépassés, l'absence criante de formation, d’aide psychologique et morale. J’ai rencontré des hommes à bout, déconstruits, dans la détresse la plus profonde, à leur énième tentative de suicide, des jeunes aux yeux vides, que l’espoir avait déserté.
Dans la lignée des idées généreuses du Conseil National de la Résistance, la base de notre édifice pénal reposait antérieurement sur l’idée de réhabilitation et d’insertion. Disons le tout de go, ce n’est malheureusement plus le cas.
Rassurons les beaufs: leurs voeux sont comblés. La sanction, la punition ont pris le pas et la situation des prisons, remplies à ras bord, est catastrophique. Les diverses remontrances à la France des instances européennes sont d’ailleurs là pour en témoigner. Le pays des Droits de l’Homme est celui des pays développés, où les détenus sont le plus indignement traités: «Dis-moi comment tu pénalises et je te dirai qui tu es»
La prison est plus que jamais un lieu de souffrance, où l’on vous infantilise, où l’on vous brise, où l’on vous soumet. Une école de l’hypocrisie, de la violence, de la drogue, de la loi du plus fort, où l’on fabrique plus des bêtes féroces que des futurs citoyens réhabilités, reconstruits et aptes à un nouveau départ.
Bien sûr, je ne sombrerai pas dans l'angélisme. Beaucoup de détenus, quelles que soit les modalités de leur peine, rechuteront. Parce que l'«imprégation» de la transgession est particulièrement marquée en eux, parce qu'ils sont irrémédiablement étiquetés, parce qu'à l'issue de leur détention, ils retombent dans le «bouillon» de culture qui a favorisé leur chute. Sait-on que nombre de détenus se suicident ou subissent des dépressions graves à leur libération? Une espèce de nostalgie des barreaux, une incapacité à vivre libre et autonome.
Ma pratique professionnelle avec des enfants m'a convaincu de la nécessité du tryptique: EDUCATION, PREVENTION, REPRESSION. Expliquer et justifier la règle, être présent pour la faire appliquer, sanctionner raisonnablement et intelligemment les transgressions.
Actuellement en France, on renonce à l'EDUCATION, que ce soit à l'Ecole, mais aussi  sur le terrain social: pardi, il faut bien les trouver ces 1 fonctionnaires sur 2 à ne pas remplacer!
Pour les mêmes raisons on a sacrifié la PREVENTION. Les ilotiers, la police de proximité n'existent plus. On a préféré y substituer les incursions spectaculaires et régulièrement médiatisées (cf il n'y a pas une soirée TV sans reportage "live" sur le sujet).
Il ne demeure plus que la REPRESSION, qui s'apesantit jour après jour, loi après loi, dans un climat de peur soigneusement entretenu.
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Pour parler franc, je suis sans nul doute un idéaliste béat, mais je doute que les tabassages en règle, que la loi du milieu qui s'exerce aussi en taule, que les brimades, que la sodomisation brutale d’un jeune adulte dans les douches ou par un «compagnon» de cellule puissent être de nature à l’épanouir et à le réhabiliter. Est-ce d'ailleurs le dessein non dit de ceux pour qui l'«ennemi social» et la peur qu'il engendre sont électoralement payants.
Mais c’est un point de vue! Question de sensibilité hémorroïdaire sans doute! La rectitude par le rectum. Tout le monde ne peut s’appeler Jean Genet!
Je suis certes un vieux con catholique et gauchisant, mais je tiens à la connerie qui m’avait ému en voyant un jour «Chiens perdus sans collier».

Je n’ai jamais renoncé à «ça» et quitte à mourir de et avec cette connerie, je n’y renoncerai jamais.
Sartre avançait: «L’existentialisme est un humanisme».
Cette connerie là l’est également, même si la chose n’est plus de mode!
Xavier KLEIN

A lire ou relire: «Surveiller et punir » de Michel FOUCAULT