Humeurs taurines et éclectiques

mercredi 29 octobre 2008

CHRONIQUE D'UNE MOUCHE 1

«Je connais un tas de types à qui je ne pardonnerai jamais les injures que je leur ai faites.»
Georges Clemenceau
Quand, à de multiples reprises, et je ne cesserai jamais de le faire, je prends à partie les «faiseurs d'opinion», ceux qui prétendent modeler notre goût, ceux qui délivrent des certificats d'aficion, ceux qui distribuent les bons ou les mauvais points, il se trouve toujours quelque bloggeur pour s'émouvoir de la chose et entonner le cantique de l'agressivité gratuite, de l'attaque injustifiée, du procès d'intention permanent.
Qu'on ne s'inquiète guère, les intéressés ont la couenne épaisse et le cuir endurci. Certains ont paraît-il connus quelques succès, comme demi-finalistes de boxe, poids légers, aux championnats de France universitaires à Nîmes, c'est tout dire!
La malédiction des temps que nous vivons tient souvent à l'insuffisance de références, notamment historiques, qui permettraient de relativiser les évènements.
Il y a deux ans, travaillant dans un groupe de réflexion sur le thème du consensus en politique, je relisais les retranscriptions des discours des députés à l'Assemblée Nationale depuis les débuts de la IIIème République. Qu'est-ce qu'ils se mettaient mes aïeux! Cela valait son «pesant de gratin dauphinois» et les parcimonieux moments de gloire de nos tribuns actuels sont loin, très loin d'atteindre à la puissance, au souffle, à la violence des débats qui confrontaient alors les Gambetta, Jaurès, Clémenceau, Déroulède, Barrès ou Maurras. Débats qui bien souvent se terminaient sur le pré au petit matin.
Qui se souvient encore d'Henri Rochefort, «l'homme aux 20 duels et aux 30 procès» ou du duel qui opposa Déroulède à Jaurès le 4 décembre 1904 à Hendaye, à propos de... Jeanne d'Arc, (suite à un article ironique de Jaurès dans son journal, l’Humanité, Déroulède avait balancé à Jaurès «Vous êtes le plus odieux pervertisseur de consciences qui ait jamais fait, en France, le jeu de l’étranger»)?
Nostalgie quand tu nous tiens!
Nous nous amollissons, camarades aficionados, nous nous amollissons!
Faisons donc fi de la tendance actuelle à la sensiblerie et à la «dictature compassionnelle» pour parler en vérité, sans détours et sans faux-semblants. Si cela insupportait certains, ils trouveraient à n'en pas douter, dans certaines terres taurines, des sites ou des blogs qui dégoulinent régulièrement de magnifiques intentions et de bons sentiments, prônant l'avènement d'un wonderful word taurin où tout le monde il serait beau et tout le monde il serait gentil, la vraie vie des vrais gens, en somme!
«Quand on a du caractère, il est toujours mauvais» comme l'avouait Clémenceau. J'ai beau être doté d'un tempérament au mieux ombrageux, au pire excessif, je n'ai tout de même pas inventé les derniers poncif de l'augure des ruedos.
Non content de prodiguer moult conseils éclairés, comme de bien entendu parfaitement bienveillants et désintéressés, sur la gestion des arènes en général, de Bayonne et de Mont de Marsan en particulier («Signes précurseurs», «Brainstorming montois», «Coup d'envoi»); notre mentor, dont la compétence et la réussite d'empresa est universellement reconnue s'autorise («La feria idéale») à «animer le débat» en nous vantant innocemment les charmes du fameux «wonderful word» que nous évoquions précédemment. Un paradis enfin débarrassé des vilains Palhas, des horribles Moreno de Silva ou des abominables Zaballos; un Eden peuplé de figuras attestées, d'où les seconds couteaux insignifiants auraient disparus.
Cela pose un certain nombre de questions, partant du préalable élémentaire que les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Quels intérêts sont défendus de la sorte, sinon ceux des «majors» de la corporation qui peuvent se permettre l'organisation d'une feria de 5 ou 6 corridas?
André Viard assène («Signes précurseurs» du lundi 20 octobre 2008): «
[...] une baisse d'environ 12% qui concerne essentiellement les arènes de troisième catégorie, c'est à dire la tranche dans laquelle le marché est le plus artificiel.[...] Autrement dit, au niveau des corridas données dans les arènes de première et seconde catégorie la baisse est relativement faible, mais au niveau des montages plus ou moins hasardeux elle équivaut à une récession notable.
L'inconvénient de cette baisse réside dans le manque de débouchés qu'elle implique pour les toreros modestes ou les débutants, ainsi que pour les ganaderos n'appartenant pas à l'élite. Encore que, serait-on tenté de dire, vu les problèmes qu'un certain nombre de ceux-ci rencontrent déjà, ce mal équivaut peut-être à un bien dans la mesure où il incitera à plus de modération dans la production qui ces dernières années avait augmenté de manière exponentielle.
»
On comprend plusieurs choses derrière les mots et les idées ainsi instrumentalisées:
1°) Le président de l'O.N.C.T. pense la tauromachie en terme de «marché», de «montage», de «production». C'est un langage que nous devons certes entendre au nom du principe de réalité, mais qui ne saurait prévaloir et sonne bien mal sous la plume du héraut de l'Observatoire. Un discours qui ne recouvre aucunement la réalité de la plupart des plazas «ordinaires» du sud-ouest, qui ambitionnent avant tout de sauvegarder leur tradition taurine et d'éviter les déficits. Merci pour elles et pour leur combat! Certaines ont bien du souci à se faire, du coté de Rion des Landes par exemple, tant le diagnostic semble les concerner...
2°) En outre, les attendus sont contestables: les arènes de 3° catégorie où les «montages» seraient arbitrairement et péjorativement qualifiés «d'hasardeux», les ganaderos qui appartiendraient ou non à «l'élite» (qui et comment la définit-on?). Qu'est-ce qui permet à André Viard d'user d'un tel mépris?
3°) Plus que la multiplication des spectacles dans les arènes existantes, c'est l'émergence de nouvelles enceintes qui a provoqué l'inflation des festejos. Mais qui, depuis des années, a salué cette progression? Qui s'est réjoui de la naissance de Floirac ou de Fenouillet? Qui a initié des novilladas là où il n'y avait que des courses landaises?
4°) Qui fait le lit des grandes plazas en survalorisant les spectacles qu'elles peuvent se permettre et la tauromachie qu'elles promeuvent au détriment
des «petites plazas» dont les cartels constituent l'ordinaire de la fiesta brava et non son exception?
Et Viard de conclure: «Vu sous cet angle la crise qui se profile ira peut-être dans le sens souhaité par les aficionados... à condition que les organisateurs fassent également preuve de mesure et ne se lancent plus dans des programmations inconsidérées.»
A l'aulne de la «Feria idéale» version Terres Taurines, on connaît peu d'arènes qui pourront mettre en place des programmations qui ne soient pas inconsidérées, selon les critères très personnels d'appréciation du bon André. En fait, en Aquitaine, seules 3 plazas pourraient s'offrir ce défilé de figuras et de «ganaderos d'élite».
Le monde merveilleux du toreo moderne selon Viard se résumerait ainsi aux 3 ferias de Bayonne, Dax et Mont de Marsan. Il rejoint sur ce point, comme sur d'autres, ses acolytes de la presse écrite et télévisée régionale, qui par leurs reseñas ou leurs reportages, ne rendent réellement compte que des grandes ferias.
Cette tauromachie se réduit à un objet économique. Elle sanctionne le passage annoncé d'un stade artisanal à un stade industriel, de la diversité à la concentration et à la normalisation.
A cela, la mouche que suis ne saurait jamais adhérer.
Xavier KLEIN



lundi 27 octobre 2008

Pourquoi, «chez nous à Dax», nous sommes les meilleurs aficionados!


Ce ne sont pas les aficionados et a fortiori les toristas qui vont se prendre à douter de la supériorité indiscutable de l'inné sur l'acquis, ni de la vérité du sang et des encastes.
Les éminents spécialistes des copulations bovines, les vénérateurs assidus des éjaculations victoriniennes, barcialiques ou zabaliaques ne sauraient remettre en question la subtile et lente mutation entre Bos primigenius primigenius et notre glorieux Bos taurus ibericus.Il en va de même pour le genre humain où des siècles d'évolution, de "struggle for life", de hasards et de nécessités ont fait émerger de la masse terne et confuse d'Homo sapiens, Liné 1758, une mutation particulière: l'Homo dacquensis récemment rebaptisé Homo desgarbadensis.
L'origine de ce séisme génétique est à rechercher dans la plus noble antiquité, lorsque des hardes d'aquitaniens buccoliques batifolaient gaiement sur les charmantes collines de la doulce Novempopulanie.
Parmi les neuf peuples identifiés, l'un se distinguait tout particulièrement: les Tarbelli quatuor signani ou Tarbelles aux quatre enseignes (4 clans: sans doute les tomasistes, les poncistes, les morantistes et enfin les pereristes), dont la capitale était Aquae Tarbellicae, dont nul ne saurait ignorer non seulement qu'elle soit devenue Dax, mais qu'en sus, elle a donné, selon Ausone, son nom à l'Aquitaine.
Ausone, dont la grand-mère Emilia Corinthia Maura (la Maure: déjà des influences d'Al Andalus!)), soit dit en passant, était dacquoise, «dans ces contrées où l'Adour s'échappe vers la mer, où l'océan des Tarbelles mugit en fureur» («Les parentales» III, 9)
Franchement, peut-on sérieusement remettre en cause un premier grand cru classé A qui s'est chopé un 91-94+ pour le millésime 2007, chez Parker?
Mais revenons à nos moutons, où plutôt à nos toros. Tarbelli provient du radical celtique *tarv/*tavr le mot taur, d'où vient en grec ταυρος (tauros) et en latin taurus: TAUREAU
Les Tarbelli auraient pu porter des noms aussi redondants ou ridicules que les Cocosates, surnommés Sex Signani (Caussèque), les Tarusates (Tartas), les Élusates (Eauze), les Sibusates (Saubusse), les Ptianii (Orthez), les Basabocates (Bazas) ou plus tardivement les Aturenses (Aire sur Adour). Non, en toute simplicité et à jamais, les Tarbelles resteront le peuple du taureau.
Que les jaloux, les aigris, les bilieux marinent dans leurs humeurs vinégrées: ils n'y peuvent rien c'est ainsi! Depuis les origines les dacquois sont placés sous le signe du divin cornu et si certains prétentieux affirment indûment être la première ville taurine de France (en venant d'Espagne bien sûr!), ils ne sauraient prétendre à être la plus ancienne, la place étant déjà prise et attestée.
La jouissance tarbelle serait d'ailleurs inachevée si ces malfaisants bayonnais et leurs homologues montois n'étaient à jamais privés de généalogie gauloise.
Vous connaissez les noms des peuples qui vivaient à Bayonne ou à Mont de Marsan quand Crassus soumettait proprement l'Aquitaine? L'histoire n'en a pas gardé trace.
Et puis, le génie tutélaire sait gratifier les siens. Il n'est que de suivre l'actualité taurine régionale pour prendre acte du succès dacquois dans le contexte plutôt sombre des remaniements de clochers: ça grenouille dur dans le mundillo. Les couteaux sont sortis, on effile les lames, on sonne le ban et l'arrière ban des parents, amis, clients et alliés, qui, par presse interposée accourent à la rescousse.
Prudence quand même: la roche Tarpéienne est près du Capitole et les dieux aiment à favoriser ceux qu'ils veulent perdre. Le dieu risque un jour de s'offusquer du peu de considération que les descendants des fiers Tarbelles prête à ses avatars. Le peuple du toro serait-il devenu le peuple du torero?
Depuis quand n'a t-on plus admiré le combat d'un vrai toro à Dax? Les dacquois savent-ils encore à quoi cela ressemble?
Xavier KLEIN
Pline «Histoire Naturelle» IV, 33
Jules César «La guerre des Gaules» III, 27
Strabon «Géographie» IV, 1
Ausone «Préfaces» II, 8, «Les parentales» III, 9
Poseidonios d'Apamée «Fragments»

jeudi 23 octobre 2008

Editorial de l'Observatore Torino du 20/10/2008

http://www.terrestaurines.com/forum/actus/edit.php

LE TORISME INTELLIGENT
Traduction: Défense du toreo moderne et commercial


Pour l'instant, avec la double bordée de prix remis par les clubs taurins Ricard du sud-est et du sud-ouest, la désagréable impression que l'on pourrait avoir à la lecture de certains forums d'une montée en puissance d'un torisme ignare et irrespectueux s'efface, et c'est tant mieux.
Traduction: Heureusement, un ptit coin de ciel bleu dans un monde de brutes! Y’en a certains qui commencent à me les brouter sévère!
Lors de la soirée de remise des prix Genova, de nombreuses personnalités qui étaient venues assister à la soirée ont tenu à nous manifester l'admiration qu'ils avaient pour le public français, le respect que celui-ci professe envers le toro et le sérieux avec lequel la plupart des spectacle est organisée. Je me suis bien gardé de dire qu'il y avait aussi dans le public français bien des sensibilités et que si, effectivement, dans sa grande majorité et quelque soit son degré de connaissance, celui-ci mérite les éloges qu'on lui décerne depuis l'Espagne, il n'en existe pas moins deux franges sujettes à caution.
Traduction: Lors d’une sauterie genre Rotary, trois trous du culs sont venus me cirer les pompes. Je leur ai répondu qu’ils auraient pu tomber pire avec la bande de casses-couilles qui sévit chez les gavachos.
La première, essentiellement torerista et davantage fan qu'aficonada, se caractérise par sa propension à ne voir que le torero qu'elle a choisi d'aduler. Il en résulte des réactions disproportionnées, qui ne font finalement de tort qu'à ceux qui perdent parfois la pédales en s'éloignant de la réalité.
Traduction: D’abord les fanés inconscients de leurs tendances homosexuelles refoulées ou les adolescents boutonneux, avec le poster de J.T à l'habillage au dessus du plumard ou les ceuss qui n’ont rien compris aux exigences du «toreo moderne».
La seconde est bien sûr la frange ultra qui, depuis quelques temps, fait preuve d'un analphabétisme qui laisse pantois. Aimer l'authenticité est une qualité que chacun partage, mais voir celle-ci là où elle n'est pas est le travers dans lequel on tombe quand loin d'asseoir sa réflexion sur l'analyse de la réalité on veut au contraire contraindre la réalité à coller avec ses desiderata.
Traduction: Ensuite, les plus subversifs, ces enf[CENSURE], de p[CENSURE] de b[CENSURE] de m[CENSURE] de Camdos y Ruepos, de Totos, de .... qui ne pompent rien à mon génie et font rien que de m'embêter.
Ceci pour dire qu'il n'y a pas trente-six manières de voir une corrida. De même que pour écrire il faut d'abord apprendre grammaire et vocabulaire, pour parler de toro il faut d'abord commencer par étudier celui-ci sous peine de passer pour un analphabète. Et que l'on soit plutôt torerista ou plutôt torista - j'ai écrit il y a longtemps que dans ces deux cas on ne pouvait avoir qu'une vision partielle de ce qui se passe en piste - tout commence par cette analyse. Et il est malsain, je pèse mes mots, que certains se permettent, à propos d'aficionados de longue date qui ont toujours fait preuve d'engagement, de mesure et d'enthousiasme, de dénier à ceux-ci le droit d'émettre un avis ou de s'asseoir à une présidence... au prétexte qu'ils en savent trop pour avoir trop cotoyé le mundillo !
Traduction: Il n'y a qu'une bonne manière de voir la corrida: la mienne!
Il n'y a qu'une bonne manière de comprendre la corrida: la mienne!
Il n'y a qu'une bonne manière d'aimer la corrida: la mienne!
Il n'y a qu'une bonne manière de parler de corrida: la mienne!
En conséquence, toute autre manière, je pèse mes mots, serait blasphématoire.
Nous tombons là dans le travers d'une démagogie facile qui fit des ravages lors des dernières présidentielles, quand certains candidats expliquèrent à leur public qu'ils étaient les meilleurs experts possibles, ce qui était une belle manière de se moquer d'eux. Si l'on veut niveler par le bas c'est effectivement ce qu'il faut dire.
Traduction: Tapons en touche! Un pet de populisme ne peut pas faire de mal à ce stade du discours.
Ici, depuis toujours, nous avons la prétention de vouloir au contraire élever le débat en offrant des analyses, des pistes à suivre, des clés pour comprendre le toro. L'aficion est une longue quête et la science infuse ne se décrète pas. Elle s'acquiert tout au long d'un parcours studieux, à condition de partir sur de bonne bases. Nous ne pouvons donc qu'être rassurés lorsque nous voyons que deux des prix les plus importants décernés par l'aficion française honorent des ganaderias dont tout au long de la saison nous avons ici salué les prestations (il suffit de fouiller dans les archives), et oublient celles dont quelques analphabètes démagogiques voudraient nous faire croire qu'elles furent les meilleures.
Traduction: Thomas lui dit: «Mein führer, nous ne savons même pas où tu vas; comment pourrions-nous savoir le chemin?» André lui répond: «Bandes de tarés irrécupérables, Ich bin, pardon! Yo soy, merde! Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie; personne ne va vers le Cossio sans passer par moi. Que celui qui a des yeux reluque! Que celui qui a des esgourdes écoute! Brûlez tous ces pingouins analphabètes et démagogiques! Dieu reconnaîtra les siens!»


Evangile selon St Zocato



Avec l'aimable collaboration de Federico et de Stanley

NOTA: Dernière photo de la partie du Genova, dédicacée à un certain Jacques M., avec qui nous partageons un culte immodéré pour Peter Sellers



mercredi 22 octobre 2008

CHRONIQUE D'UNE MOUCHE 0

«Entre la mouche et l'homme, il n'y a que la distance d'un orgueil démesuré, sacrilège, finalement illusoire et sans doute catastrophique»

André Bay «Des mouches et des hommes»








Ce cher André désopile grave ces derniers temps.
Dans son édito du 21/10/2008 (attention à ne pas cliquer sur l'édition en plusieurs tomes de son autobiographie), il s'en prend aux «mouches» qui l'agacent.
Sous des imprécisions apparentes, Monsieur le Président du «machin» (j'assume pleinement la paternité du qualificatif) traduit parfois avec justesse et fulgurance des vérités profondes, de
celles qui ne s'inventent pas, mais surgissent involontairement, telles des lapsus, des tréfonds de l'âme.
Voyons! Mouches, mouches, mouches. Cela éveille bien quelque chose!
Mais c'est bien sûr!
D'abord Jean-Sol Partre dont «Les mouches» incarnent la métaphore des remords et de la culpabilité des citoyens d'Argos.
Voilà qui est bien vu: André-Jupiter VIARD, dieu des mouches et de la mort!
L'homme qui parlait à l'oreille des mouches!
Mais quelles mouches te piquent Dédé, et quelle sourde culpabilité viennent-elles éveiller en toi?
Il y aurait bien aussi La Fontaine: «L'ours et l'amateur des jardins»
«Certain Ours montagnard, Ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon vivait seul et caché:
Il fût devenu fou; la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés:
Il est bon de parler, et meilleur de se taire,
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.»
Serions-nous sur la bonne piste? Poursuivons plus loin:
«L'Ours allait à la chasse, apportait du gibier,
Faisait son principal métier
D'être bon émoucheur, écartait du visage
De son ami dormant, ce parasite ailé,
Que nous avons mouche appelée.
Un jour que le vieillard dormait d'un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer
Mit l'Ours au désespoir, il eut beau la chasser.
Je t'attraperai bien, dit-il. Et voici comme.
Aussitôt fait que dit ; le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur,
Casse la tête à l'homme en écrasant la mouche,
Et non moins bon archer que mauvais raisonneur:
Roide mort étendu sur la place il le couche.»
Nous y voilà enfin! Qui l'eût cru? Dédé serait-il un ours qui s'ignore? La morale de la fable pourrait nous le donner à penser:
«Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami;
Mieux vaudrait un sage ennemi.
»
Enivré par la remise du prix Génova, dont personne ne connaissait l'existence, et ne s'en portait d'ailleurs pas plus mal, André nous ferait-il une petite crise de parano?
Un prix soit disant remis par «le monde institutionnel espagnol», en fait un club international financier qui regroupe de nombreux chefs d'entreprises
(dixit A.V. lui-même dans un communiqué triomphal à la la Fédération des Sociétés Taurines de France). Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es!
http://www.torofstf.com/Infos2008/091008messageobservatoire.html
Laissons le dernier mot à J.D.L.F (Jean de la Fontaine, analphabètignares!), dans une ultime «Mouche du coche»:
«Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires:
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.
»
Xavier KLEIN


lundi 20 octobre 2008

Il n'y a pas de grandeur où il n'y a pas de vérité.


Un homme qui porte comme patronymes le prénom de Joseph, le cocu le plus célèbre de l'histoire, celui qui ne voulait pas voir, et de Thomas, le septique le plus célèbre de l'histoire, celui qui ne croyait qu’à ce qu'il voyait, ne saurait que présenter des ambiguïtés et provoquer des polémiques.
Rajoutons en une couche de nature à jubiler du manichéisme ambiant.
Ayant plus de goût pour la grillade saignante que pour la viande à l'étouffée, surtout quand on cuisine du toro, je suis quasiment insensible à l'art de J.T. (journal télévisé?), comme je le fus jadis de celui de Paco Ojeda, son illustre devancier. Non que je porte un jugement de valeur. Il s’affirme objectivement et sans aucun doute possible comme un grand monsieur, une figurissima, un torero d'époque, et je conçois qu'il provoque une légitime et respectable admiration. Mais, à mon profond regret, il ne me fait aucunement vibrer. Pourquoi?
Certains à n'en pas douter, vont encore entonner le cantique des pisse-froids ou des «peine à jouir». Mais si l'on tient pour assuré qu'il convient de remonter de 80 cm pour situer le véritable siège de la sexualité, et si l'on admet que l'hédonisme, le vrai, ne se satisfait nullement des facilités et des lieux communs, on prêtera quelque attention à un discours qui, pour être dérangeant, doit être néanmoins entendu.
La réponse tient en un mot: émotion et/ou déficit d'émotion.
Avec Georges Braque, dans sa correspondance avec Picasso, je tendrais assez à prétendre «J'aime la règle qui corrige l'émotion. J'aime l'émotion qui corrige la règle.».
L'émotion trouve sa source dans une multiplicité de facteurs qui tiennent au vécu de tout un chacun. Elle ne saurait régner seule, au risque de l'épizootie d'indultos, qui menace la tauromachie, pire que toutes les légions de moustiques, de vibrions buboniques ou de bacilles tuberculiques coalisés, les plus pernicieux étant le bacillus viardus, et le rétrovirus zocatus.
La pudeur et la retenue ne sont plus de mode, c’est bien dommage! Assister à l'agonie d'une fillette qui met deux heures à se noyer en Amérique du sud ne m'a jamais particulièrement ému. Le caractère voyeuriste de ces images, le pathos et l'exploitation mercantile de la souffrance d'autrui (une souffrance parmi des millions de souffrances à travers l'histoire ou à travers l'espace) m'ont indigné, ont provoqué un sentiment de colère, mais ne m'ont pas proprement ému.
En revanche, le petit bonhomme qui s'est délibéremment placé devant un char à Tien An Men, lui, m'a ému. Allez chercher pourquoi?
C'est toute la distance qui sépare l'anecdote de l'histoire, le champ du privé de celui du politique.
Certains sont peut-être sensibles à l'expressivité de J.T., à la transmission d'une intimité complexe et torturée, à son irrépressible pulsion «d'encornement». En ce qui me concerne, je ne puis me départir d'une impression désagréable d'impudicité, de morbidité, d'un désir insaisissable d'autodestruction, de huis clos oppressant, qui me rendent son art assez insupportable.
Encore une fois, je ne juge pas de la valeur du cher J.T., ni du bien fondé de son art, ni du goût qu'on peut y trouver: je dis ce que je ressens et ce qu'il m'inspire.
Mais qu'on en convienne, considérons également avec qui ou plutôt avec quoi il officie. Le toro n'est plus au centre, il n'est même plus à la périphérie, il n'est quasiment plus du tout... Il est réduit à un rôle d'argument voire même d'alibi. De sujet, il est devenu objet.
En outre, torérait-il ainsi avec des toros de plus de respect? Car la prise de risque suppose des limites et des contingences. On est infiniment plus prudent lorsque ses actes sont sanctionnés par des conséquences extrêmes et problables. Quand l’on constate la fréquence de ses cogidas, ce, avec des toros relativement «complices» qui permettent de se confier, on peut douter qu’il manifeste les mêmes téméraires velléités avec des toros de sentido, de surcroît plus violents et sauvages, qui n’autorisent pas le même détachement, ni n’entraînent les mêmes périls.
Que signifie encore «A cada toro su lidia», quand le mot lidia n'a plus de sens?
Que signifie toréer quand l'objectif n'est plus l'utilité intrinsèque de la passe mais le fait d'en multiplier sans qu'elles portent leur sens réel: dominer et soumettre.
Que signifie encore l'art des grands lidiadors de mettre en valeurs les caractéristiques et les vertus d'un toro quand ce dernier n'existe plus qu'en tant qu'objet de valorisation du torero?
On se commet aux mêmes errements que ces émissions ou le présentateur importe plus que l'invité.
Il y a aussi autre chose.
Il me semble que nous vivons en ce moment une époque charnière. A lire les commentaires divers et variés, c'est sans doute un sentiment partagé. Confusément, nous sentons tous que des enjeux se manifestent, que des choix se dessinent, que des évolutions se profilent.
José Tomas ne serait-il pas Dieu, comme certains le brocardent, mais plutôt le prophète, l'imprécateur involontaire, celui qui pousse un raisonnement absurde au bout de sa logique?
Car de fait, que peut-il se faire de mieux dans le cadre étroit des canons taurins actuels que ce qu'il fait? Qui peut aller plus loin que lui et, oserai-je un blasphème, que d'autres praticiens virtuoses tels que Perera dans d'autres styles?
Et si José Tomas était l'aboutissement d'un paradigme, son zénith avant la décadence ou la redéfinition d'autres logiques?

Et si José Tomas était l'annonciateur de la destruction de ce qu'il porte et incarne?

Et si, nous arrêtions de nous aveugler et que nous acceptions de voir en JT, ce qu'il est: le porte étendard du «toreo moderne»?
Les grandes figuras actuelles célèbrent le triomphe d'une émotion esthétique au détriment d'une émotion fondée sur l'affrontement et le péril réel. Ce sont les chantres de la dialectique du toro partenaire et faire valoir et les fossoyeurs du toro adversaire.
Cette posture est suicidaire -à tous les points de vue- parce qu'elle encourage une critique qu'on ne pourra éluder, notamment de la part de ceux qui remettent en cause la corrida.
On peut justifier la confrontation de la sauvagerie latente de l'homme et de celle de l'animal, on ne peut pas accepter que cette même sauvagerie humaine s'exerce sur un animal réduit par une «domestication par la noblesse».
En d'autres termes, on peut moralement chasser le loup, on ne peut pas battre son chien.
En la portant à son absolu, José Tomas et consorts énoncent, corrida après corrida, la fin d'une époque, de l'âge d'or d'un savoir faire avec des toros faciles, prévisibles et prédisposés. Ne serait-il pas temps d'envisager de revenir aux sources de ce qui doit rester avant tout l'affrontement de la culture et de la nature, celle de l'homme, et celle du toro?
Jouissez de José Tomas, Messieurs les tomasistes et tant qu'à faire, jouissez sans entraves, mais rappelez vous que les plaisirs solitaires génèrent, parait-il, de la surdité, pas de l'aveuglement!


«La grandeur d'un destin se fait de ce que l'on refuse plus que de ce que l'on obtient»


«L'allée du Roi» de Françoise Chandernagor

Les journalistes disent une chose qu'ils savent ne pas être vraie dans l'espoir que,s'ils continuent à l'affirmer assez longtemps,elle deviendra vraie

citation d'Arnold Bennett (1867-1931) «Things that have interested me», 1921

Il ne paraît pas inutile de publier ci-dessous les recommandations, très résumées, du rapport Charon, remis en juin 1998 au Ministre de la Culture et de la Communication.
On constatera qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, et que parfois, en dépit du sentiment moderne que tous et chacun peuvent faire tout et n’importe quoi, le rappel à la règle et à la réalité s’impose: le journalisme est un METIER, qui exige une formation et requiert une déontologie.
La compétence technique n’est pas tout et ne représente nullement la globalité du champ de la compétence journalistique.
«Science sans conscience n’est que ruine de l’âme». Plus qu'à tout autre, le précepte du grand Rabelais, l’Humaniste doit demeurer sans cesse présent à l’esprit de celui qui ambitionne d’informer.
Est-ce toujours le cas sur la planète taurine française, sans parler de nos amis espagnols?
La collusion entre la presse taurine et le «mundillo» est une vieille tradition chez nos voisins d’outre-Pyrénées.
Collusion involontaire par le fait d’une excessive proximité entre les acteurs et les commentateurs: on voit toujours moins bien quand l’on observe de trop près!
Collusion consciente et quasiment institualisée pendant des lustres par la pratique de la propina, et des enveloppes qui favorisaient une bienveillance de bon aloi.
Il faut espérer que nous n’en sommes vraisemblablement plus là.
Toutefois, la confusion des rôles entre d’une part un engagement, certes légitime, mais néanmoins incompatible avec la recherche de l’objectivité et d’autre part une relation sincère et loyale avec le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur se pose réellement comme problématique dans le panorama taurin français.
On a le droit de professer des opinions, on a le droit de s’engager, on n’a pas celui d’avancer masqué, et de cumuler des fonctions d’acteur et d’observateur.
Ces préoccupations relèvent-elles du fantasme? d’une excessive intransigeance?
On ne compte plus les transgressions voire les agressions verbales commises et assumées par des journalistes (ou prétendus tels) à l’endroit de protagonistes de la fiesta brava qui persistent à professer des opinions différentes des leurs.
Les présidences mises sur la sellette, déconsidérées ou jetées en pâture à l’opinion publique, les empresas (Bayonne) injustement et outrancièrement mises en procès, les aficionados, les revues et les sites critiques ou «mal pensants» caricaturés, vilipendés, ridiculisés, tout cela contribue à un climat délétère de chasse aux sorcières.
Il y a les opinions et il y a les faits. Un écrit est un fait, il demeure. Passer au crible des recommandations du rapport Charon les écrits existants constitue la meilleure manière de sortir des fantasmes et de confronter les propagandistes à leurs manquements et par conséquent à leurs devoirs.

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/rapports/charon/chartes.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme

Publier une information de qualité

  • honnête et respectueuse de la vérité
  • collectée sans recours à des procédés déloyaux
  • fondée sur des faits vérifiés
  • présentée de bonne foi
  • impartiale, c'est-à-dire présentant les différents aspects d'une situation

Défendre la liberté de l'information

  • en veillant à son indépendance à l'égard de tous les pouvoirs
  • en exerçant son esprit critique, qui impose de douter méthodiquement de tout
  • en distinguant clairement l'information des messages de communication ou de publicité


Respecter les personnes

  • en respectant la dignité de la personne humaine
  • en faisant preuve de compassion pour les personnes frappées par le malheur
  • en respectant l'intimité de la vie privée
  • en publiant toute demande légitime de droit de réponse
  • en reconnaissant et en rectifiant ses erreurs


Promouvoir la liberté d'expression

  • en prenant en considération les observations de ses lecteurs
  • en s'interdisant tout discours d'incitation à la haine ou à la discrimination

Renforcer les valeurs qui fondent la démocratie

  • en poursuivant, dans la publication de l'information, un but légitime au regard du droit du lecteur d'être informé
  • en ne négligeant a priori aucune information de proximité dans tous les domaines de la vie sociale
  • en ayant le souci d'éclairer, par l'information et le commentaire, le jugement du citoyen sur tous les aspects de l'actualité politique et générale
  • en faisant preuve d'équité, pour considérer tous les citoyens égaux devant la presse comme ils le sont devant la loi

Ce même rapport faisait état de règles professionnelles demandant que l'éditeur de presse hebdomadaire régionale s'engage à veiller à ce que ses journalistes:

  • vérifient leurs sources;
  • n'usent pas de méthodes déloyales;
  • ne versent aucune rémunération aux personnes qui acceptent d'être des sources d'information;
  • ne publient que des informations, avérées et précises, dont l'origine est connue, en les accompagnant si nécessaire de la réserve qui s'impose;
  • s'interdisent de percevoir quelque avantage que ce soit en raison de la publication ou de la non-publication d'une information;
  • informent les personnes peu familières avec la presse que leurs propos pourront être diffusés, et donc portés à la connaissance d'un large public;
  • restent critiques à l'égard des perquisitions au déroulement desquelles les forces de l'ordre invitent les journalistes;
  • n'acceptent aucune consigne d'un annonceur;
  • n'acceptent des cadeaux que s'ils servent directement l'accomplissement du travail journalistique;
  • refusent toutes pressions et n'acceptent d'autres directives rédactionnelles que celle de l'éditeur ou des responsables de la rédaction;
  • ne soumettent pas un reportage aux sources avant sa publication;
  • fassent preuve de respect à l'égard des personnes qui viennent de vivre un drame, en évitant de les harceler pour obtenir une information;
  • s'interdisent la calomnie et les accusations sans fondement;
  • refusent de nourrir et d'amplifier la rumeur, même si d'autres supports s'en sont déjà fait l'écho;
  • veillent dans le choix de leurs photos à ne pas induire une présomption de culpabilité par l'image;
  • traitent l'information, y compris les faits divers, sans rechercher le sensationnalisme;
  • assurent le suivi des informations publiées;
  • respectent fidèlement le sens des propos rapportés;
  • situent les faits et opinions dans leurs contexte, sans en exagérer ou en diminuer la portée;
  • départagent soigneusement ce qui relève:
    de l'information factuelle,
    de l'analyse
    et de l'opinion personnelle
  • recueillent le point de vue de toutes les personnes mises en cause dans une affaire et, lorsque l'une d'elles se refuse à toute déclaration, en informent les lecteurs

dimanche 19 octobre 2008

Dissection médiatico-taurine

COMMENT CONDITIONNER LE TELESPECTATEUR AUX FUTURS INDULTOS

Un reportage apparemment innocent et anodin, transmet à quelques millions de téléspectateurs, une série de messages qui le sont infiniment moins, pour qui sait ou veut les décrypter. Voilà comment une émission de grande audience, supposée mise en scêne par des spécialistes (donc des cautions indiscutables pour le vulgum pecus) modèle et oriente le goût d'un public intéressé mais peu informé, impose subrepticement une norme.
Il y a ce qu'on y dit, ce qu'on y montre, mais aussi et surtout, ce qu'on n'y dit pas et ce qu'on n'y montre pas.
En préambule de l'émission, notons l'importance de l'avertissement: «Déconseillé aux moins de dix ans». Comment? les «Onze mille verges» ou quelque film gore diffusés sur une chaîne grand public à 11h!
Que nenni! seulement le magazine publicitaire du «toreo moderne», animé par l'enthousiasme juvénile, impartial et désintéressé de quelques vieux routards des callejons, triés sur le volet. Certes, on n'a pas été les chercher à Toros ou à Campos y Ruedos. Ce ne sont pas, selon le mot de Paco Aguado (6TOROS6 n°746 du 14 au 20 octobre 2008), des «hooligan del torismo». On ne sait d'ailleurs pas qui ils sont, le reportage n'étant pas signé, le commentateur, Monsieur X, n'étant pas identifié. Ainsi déroge t-on, entre autres, à l'une des règles d'or du journalisme.

SIGNES DU TORO samedi 18 octobre FR3: Olivier Margé.
http://jt.france3.fr/regions/popup.php?id=t33_tercios&video_number=0

VOIX OFF: Mais voici d'abord le combat de Vermentino, le toro de Robert Margé, qui a fait sensation à Nîmes lors de la feria des vendanges. (BRINDIS) Salvador Vega ne se contente pas de se découvrir avec révérence quand il dédicace au public le combat qu'il va livrer à Vermentino le toro de Margé.[...].
Olivier Margé 25 ans est le mayoral de l'élevage familial, il assiste à la corrida dans le callejon avec son ami Jérémie Banti. Son père est caché sous les tribunes. Sa mère, ses soeurs, ses beau-frères, sont quelque part dans les gradins.
Vermentino est un bon toro, peut être même un très bon toro. Vega va le toréer puis le tuer. Mais beaucoup dans le public et parmi les professionnels auraient voulu qu'il fût gracié [...]
JALEOS
Olivier MARGE: «- Le toro est très, très bon, il humilie beaucoup, il baisse la tête avant le cheval, il galope. Le plus important, c'est le galop. Pour l'instant parfait! Il a un très, très bon galop. C'est trop bon de voir un toro galoper comme ça!»
SEQUENCE DERECHAZOS (AU PICO) LONGUE CHARGE DE VERMENTINO
Olivier MARGE: «Quoi ça me donne des frissons. Aah!» SOURIRE D'AISE.
Olivier MARGE: «- Allez démarre!» LE TORO PART. DERECHAZOS PICO PFTT ADMIRATIF «[- ça mérite de faire une statue? incompréhensible]». «- Quand vous voyez trente passesPFTT ADMIRATIF
Olivier MARGE: «- Un toro comme ça à Nîmes, c'est extraordinaire! Même s'il en sort qu'un! PFTT EMOTION Sa mère, c'est une vache qu'on a retienté au campo et elle s'est avéré très, très, très, bonne, malgré qu'elle avait été toréé avant! Sortie extraordinaire et son fils il est monumental, c'est extraordinaire. Meilleur toro que ça on peut pas! C'est le top! Et donc sa mère très, très, bonne. Son père, c'est un semental de chez nous. PFTT EMOTION Tu vois comment il est le toro!» PFTT EMOTION
INTERVENTION OPPORTUNE D'UN BANDERILLERO EN SOUS TITRE: «- Demande la grâce. Vas-y!»
Olivier MARGE: «- Non, du calme!»
BANDERILLERO EN SOUS TITRE: «- Encore trois séries comme ça et on le grâcie»
BANDERILLERO EN SOUS TITRE: «- C'est un toro extraordinaire, c'est sûr. Ca sera bien pour toi! Lance toi! Demande la grâce!»
Olivier MARGE: «- C'est vrai qu'il charge bien.»
EN DOUBLON, LA FAENA, NATURELLES TOUJOURS AU PICO, REDONDOS TOUJOURS AU PICO
LE TORO S'ESSOUFFLE ET COMMENCE A SE DISTRAIRE.
EMOTION DU JEUNE GANADERO DONT LES YEUX ROUGISSENT ET LA GORGE SE NOUE

VOIX OFF:
Vermantino ne sera pas gracié. Peut-être parce que Salvador Vega a été trop cérémonieux et pas assez exigeant. Peut-être parce que la pluie qui commence à tomber douche un peu l'enthousiasme du public.
Sous les tribunes et sur les gradins, tous les Margé ont la larme à l'oeil.

CRIS: INDULTO, INDULTO FIN DU REPORTAGE

Ite missa est.
D'emblée, le journaliste exprime un présupposé et un choix significatif: le combat débute avec le brindis.
De premier et de second tercio, il n'est pas question. Non seulement l'image ne les montre pas, mais au cas où l'on n'aurait pas compris, le commentateur enfonce le clou: «Salvador Vega ne se contente pas de se découvrir avec révérence quand il dédicace au public le combat qu'il va livrer à Vermentino ...». D'évidence, pour les sectateurs du torero moderne, le combat, le vrai, le seul, l'unique, ne commence qu'au troisième tercio!
Puis suit la séquence émotion: le beau jeune premier, son copain, Papa, Maman, la bonne et le canari sur ou au dessous des gradins. Toutes informations éminemment plus objectives et capitales que les caractéristiques, l'histoire, la politique de la ganaderia. On va tout de même pas emmerder le grand public avec des sornettes d'encastes qui n'intéressent que les ayatollahs tout de même!
Revenant au grands fondamentaux, et négligeant des termes de nature à encombrer l'entendement nécessairement limité des masses, tel que caste, bravoure, noblesse, trapio, le commentateur se montre alors précis et pédagogue: «Vermentino est un bon toro, peut être même un très bon toro». Il pousse même la perspicacité jusqu'à hasrder un pronostic: «Vega va le toréer puis le tuer». Pour finir sur la considération fondamentale du jour: «Mais beaucoup dans le public et parmi les professionnels auraient voulu qu'il fût gracié». Tout cela sur fond de faena plutôt rectiligne, décroisée, et au pico et surtout de jaleos complaisants du callejon, propres à assurer le spectateur de la qualité de la prestation: c'était fantastique puisque même les «professionnels» s'en épataient!
S'ensuivent les images simultanées du brave jeune homme et de la faena, accompagnées de commentaires propres à comprendre en profondeur la lidia de la merveille bovine.
A ce stade, entendons-nous bien, il n'est nullement question de mettre en cause le jeune Margé, qu'on aurait été mieux inspiré de laisser tout à une émotion réelle, sincère et compréhensible. Non, il s'agit de l'usage qu'un journaliste -ou supposé tel- en fait, du profit qu'il en tire.
C'est Simon Casas qui sera content: «-Un toro comme ça à Nîmes, c'est extraordinaire! Même s'il en sort qu'un»
Comme semble ravi un banderillero opportunément intervenu et dont les propos sont limpides: «Demande la grâce. Vas-y!». Ah, c'est que le coquin sait bien qu'un bon indulto, pour être dûment homologué par la F.I.I. en gestación (Federación Internacional de los Indultos), doit partir du callejon (ou à défaut des barreras). Le cave se rebiffe et résiste: «- Non du calme». Mais le serpent tente le nouvel Adam: «- Encore trois séries comme ça et on le gracie».
Comment être plus explicite? On s'en doutait, mais la confirmation est éclatante: de la qualité des passes, des piques, de la bravoure, de la caste, ON s'en tamponne abondamment le coquillard. ON s'intéresse uniquement à la muleta et au nombre de séries de passes. Qu'elles soient d'une insipidité staracadémique, qu'elles n'aient aucun effet, qu'elles soient décroisées ou/et au pico, ON s'en fout, tant qu'il obtient son content de redondos, de cambiadas et d'adornos en tout genre.
Et le tentateur de renchérir«- C'est un toro extraordinaire, c'est sûr. Ca sera bien pour toi! Lance toi! Demande la grâce!». Comment le téléspectateur néophyte pourrait-il rester insensible à tant d'insistance, de prévenance, d'assurance, de la part d'un «professionnel», qui plus est ibérique, donc connaisseur?
Et le charmant éphèbe d'être pris par l'émoción, avec commentaire compassionnel à l'appui.
Salopards de présidents qui n'ont pas gracié Vermantino «peut-être» à cause de cet empoté de Salvador Vega «cérémonieux et pas assez exigeant» (le petit personnel n'est plus ce qu'il était!) ou «peut-être» de ces mollusques d'aficionados qui s'affadissent après quelques gouttes, en dépit des exhortations pourtant expressément formulées par la claque callejonesque!
Maudits soyez vous de condamner à l'affliction les bons Margés, père, mère, soeurs, beau-frères et consorts, sur et sous les gradins! Ne comprenez-vous pas le drame inexpiable que vous infligez à une honnête famille française, nombreuse de surcroît!
Allons! Vous ferez mieux la prochaine fois.
Assurément, Monsieur X, le commentateur, aurait pu s'enquérir du point de vue de la présidence, d'aficionados reconnus, de «dissidents». On aurait pu évoquer ces gros mots que nous rappellions plus haut: trapio, type, caste, bravoure; carrément parler obscéne: sentido, genio; voire même tendre vers le pornographique: pique, sauvagerie.
A quoi bon! Il ne s'agit pas d'analyser, il s'agit de convaincre.
Il ne s'agit pas de donner à penser, il s'agit de donner à consommer.
Ainsi, un jour, après la suppression d'une pique archaïque et traumatisante, appelée à grands cris par le lobby du «toreo moderne», c'est à dire normalisé, aseptisé, korrect, pourra t-on sereinement supprimer aussi la mention «Déconseillé aux moins de dix ans».

jeudi 16 octobre 2008

Saragosse, dimanche 12 octobre 2008

MORANTE AL PILAR
A une époque où l’on plébiscite les «winners», où il vaut mieux être beau, riche, bien portant, que pauvre et malade, où la réussite, constitue l’aulne de toute valeur, où l’on parle en toroland de nouvel âge d’or, je dois confesser une certaine tendresse pour ceux qui volontairement ou involontairement foirent lamentablement ce qu’ils entreprennent.
Les malchanceux, les gaffeurs, les «malestrucs» (maladroits) comme on dit en gascon portent un message d’humanité qui nous rassure heureusement quant à nos loupés, nos échecs, nos manquements, notre faiblesse. Notre imperfection humaine quoi!
Entre J.T (José Tomas), le demiurge manoletiste, idole des back-rooms masochistes, Michel Ange PERERA, le terminator des ruedos, et les nouvelles pousses comme Daniel LUQUE, on peut appréhender une systématisation du succès qui me paraît s’accorder mal avec une certaine idée de la tauromachie.
Dans les années 70, j’aimais beaucoup cet art délicat de Frascuelo qui n’avait guère son pareil pour se prendre les pieds dans le capote, s’emberlificoter les zapatillas, et s’étaler de tout son long, de préférence au moment le plus critique. Ou bien Rafaël à Tyrosse prenant un air profondément navré quand son toro, consciencieusement rématé sur un burladero, s’occit «black et d’équerre».

Ce sont des moments de grâce, ces "détails", dont on se souvient souvent mieux que des faenons d'époque.
Il fallait témoigner d'un certain héroïsme et/ou d’un humour particulièrement développé pour délivrer la grandissime prestation de Morante, dimanche passé à Saragosse. Car le superlatif n’est guère exagéré: ce fût cosmiquement foutral!
Convier le ban et l’arrière ban de l’aficion à la noce pour ne lui servir que des plats trop cuits, mal présentés, mal cuisinés et terminer par une intoxication alimentaire, il fallait oser.
Un toro sort-il pastueño ou indulgent, on ne veut pas le voir. Se montre t-il douteux, on le consent. Dans un trip pur sucre sévillan, on laisse passer indolemment un, puis deux, puis cinq toros, pour se rendre compte qu’on en est au sixième et qu’il conviendrait de sortir quelque chose pour éviter que ces cons barbares d’Aragonais et de franchutes ne vous étripent à la sortie. Du grand art, vous dis-je! Toute une culture de l’approximation, du je m’en foutisme, du mépris des conventions, de la négligence subtile mise en acte en 6 bestioles lamentables.
Il y avait de l’engagement culturel et politique dans ce triomphe de l’Andalousie et cette revanche des terres du sud sur les contingences productivistes du neo-libéralisme anglo-saxon.
Car enfin, comment réagir autrement, quand on est le digne et ombrageux héritier de générations de peones écrasés de labeur et de soleil dans les grands domaines latifundiaires, quand une ville indigne accueille un caballero de la Puebla, dans les trombes d’eau et l’inondation.
Morante, avec un pundonor louable nous a répondu: «-Avant moi et après moi le déluge»
Et que personne ne vienne rétorquer qu’il n’y avait là aucune préméditation, car, quand même, ne consentir qu’une unique naturelle inaboutie sur six faenas, cela tient du chef d’œuvre.
A la fin du roman de Nikos Kazantzakis, Zorba le Grec conclut: «C’est une magnifique catastrophe. Maintenant dansons!»
Viva Morante!

Xavier KLEIN

Encore un nouveau blog taurin?

Que peut-on espérer apporter de meilleur, de si intéressant, de si original que l'on se croie obligé de rajouter une parole aux milliers, aux millions d'expressions qui se manifestent.
Peut-être le désir d'exister?
C'est à dire, étymologiquement «sortir de, se manifester, se montrer».
Mais sortir de quoi? A chacun d'y répondre.
On évoque abondamment un nouvel «âge d'or» de la tauromachie pour notre temps. Il est évident que ces dernières décades ont vu s'opérer des mutations considérables: forte expansion de la tauromachie, multiplication des spectacles, effondrement des frontières, «industrialisation» de la corrida, ouverture d'un mundillo opaque et confidentiel.
Si, par contre, quelque chose n'a pas changé, ce sont bien les débats enflammés que suscite la res taurina. Disputes interminables entre aficionados, controverses avec les acteurs, mais aussi, et c'est une nouveauté, contestation croissante des «étrangers» ou des opposants.
Au risque de surprendre on peut conclure, surtout pour ces derniers, à une richesse, mieux à une opportunité, en ce que la confrontation nous enjoint à mieux écouter, à demeurer sensible à l'autre, à regarder plus profondément en nous-mêmes, à être moins dupes de nos émotions et plus portés à la réflexion.
Beaucoup d'aficionados goûtent avec délice, les attraits du commentaire technique approfondi, commentent la flexion d'un poignet en fin de naturelle ou la taille idéale d'un fer de pique. Voilà certes sujets très passionnants, mais je n'y trouve pas toujours mon compte.
Mais l'essence la plus profonde et intime du fait taurin ne s'épanouit-elle pas dans l'universalité de son propos? Sans prise de distance, sans translation d'un événement somme toute dérisoire, dans une perspective générale, tout cela n'a guère plus de sens que l'agitation d'une fourmilière quand un scarabée s'y introduit.
La corrida est menacée, de l'intérieur comme de l'extérieur. Rien de bien nouveau sous le soleil.
On ne la sauvera pas tant avec des actes qu'avec des idées et avec des mots.
C'est à les énoncer, c'est à les prononcer que ce blog vous invite en toute liberté dans un esprit courtois, tolérant, mais pourquoi pas gaillard ou passionné.
La «brega», la LUTTE, ce terme plutôt inusité et presque obscène de nos jours, qui pourtant convient si bien à la tauromachie vous appelle... Il s'agit maintenant «d'aguanter»
Xavier KLEIN