En recherchant des documents exploitables sur la toile pour illustrer NAZISME et ANIMALISME 3, j’ai découvert deux ou trois pépites dont seul le net garde le secret.
Secret est beaucoup dire, internet privilégiant le dévoilement permanent. Dans une époque plutôt sombre, il faut d’ailleurs se réjouir de cet extraordinaire instrument de savoir, et s’émerveiller de la vitesse à laquelle se constituent (et se sont déjà constituées en 10 ans) des masses gigantesques d’informations et de contributions accessibles à tous.
Puisque nous parlons d’informations, bon nombre de lecteurs ont sans doute eu l’opportunité de consulter sur le site de la Fédération des Sociétés Taurines de France, un article détaillé, traduit par l’excellentissime Marc ROUMENGOU sur le thème: «Le taureau ressent-il la douleur durant le combat?» (http://www.torofstf.com/infos2009/090511douleurillera.html). Cet article du professeur Juan-Carlos ILLERA DEL PORTAL, fait le point sur la série d’études et d’analyses effectuées sur la production neuro-endocrinienne des toros pendant la lidia.
Tout cela est bel et bon, comme dirait l’Ecriture, l’affaire est entendue, exit l’argument du sadisme aficionado.
Il n’y a qu’un hic: l’honorable professeur précité n’est pas le seul vétérinaire qui se préoccupe de la question.
José Enrique ZALVIDAR LAGUIA, membre de l’Illustre Collège de Vétérinaires de Madrid semble remettre en doute les conclusions du professeur ILLERA DEL PORTAL, avec une argumentation qui me paraît d’autant plus devoir être prise en compte, qu’il connaît d’évidence son sujet et que la terminologie qu’il utilise est celle d’un aficionado.
Que Monsieur ZALVIDAR ou Monsieur ILLERA DEL PORTAL aient raison ou non importe moins, à mon sens, que l’essence même du débat.
Certains «taurins» croient avoir trouvé avec le rapport d’ILLERA DEL PORTAL, l’arma absoluta contre l’un des griefs les plus encombrants de leurs adversaires: on ne fait plus souffrir la bébête et évacuent le phénomène taurin vers les sphères éthérées de l’art.
Et c’est là qu’est l’erreur originelle et stratégique.
Le thème central et incontournable du phénomène taurin ne réside pas dans son caractère artistique, mais comme je ne cesse de le ressasser, dans la thématique du combat, de la souffrance et de la mort, comme dimensions essentielles de la condition humaine.
Et c’est parce qu’un pan majoritaire de l’aficion se dupe sur la signification profonde de ce qu’elle va voir dans les arènes, duperie savamment entretenue par les medias spécialisés et le discours du mundillo, que la corrida se trouve particulièrement sur la sellette.
Pour l’opinion publique, il n’est rien de pire que le déni, surtout le déni obstiné. Tenter de prouver par A+B, au quidam de Roubaix, que le toro ne souffre pas, c’est à dire de nier ce que ses yeux voient, c’est à dire de nier sa propre expérience, c’est à dire de nier sa propre projection dans l’animal, est aussi stupide que contre-productif.
Nous avons tous, peu ou prou, une expérience de la souffrance, dont on sait qu’elle n’est pas égale pour tous, ni qu’elle n’est pas vécue de la même manière par tous.
Le spectacle de la souffrance peut être parfaitement admis et même valorisé.
Spectacle d’une souffrance réelle: le boxeur qui prend une raclée, le rugbyman qui ramasse un tampon, le marathonien au bout de lui même, le conquérant de l’Annapurna aux doigts gelés, etc.
Spectacle d’une souffrance évoquée qui sert d’argument à nos plus grandes œuvres, littéraires, musicales, picturales, théâtrales. La souffrance et la mort constituent la thématique principale de nos opéras, de nos tragédies, de nos fims, bref de nos chefs d’œuvres.
En revanche, le déni de la souffrance, sa négation ne peuvent être perçu que comme de l’indifférence, voire pire, comme de la perversion.
Avaliser l’argumentation d’ILLERA DEL PORTAL reviendrait à affirmer qu’un accouchement (sans péridurale…) n’occasionne pas de souffrance excessive en raison de l’excitation émotionnelle de la maman qui se réjouirait de la venue au monde de son bébé. Billevesées que tout cela!
Oui, nous souffrons et nous souffrirons tous! Oui nous mourrons! Et nous mourrons seuls, l’expérience n’étant jamais partageable, et encore moins reproductible!
L’important est de savoir comment nous y faisons face, et quel sens cela revêt. C’est de cela que la corrida parle avant tout.
A cela les anti-corridas ne peuvent rien redire, parce que cela est indéniable et cela est vérité.
En revanche, la logorrhée et la langue de bois tenue par certains avocats autoproclamés de la tauromachie devient vraiment insupportable, car elle n’abuse nullement ceux qui connaissent les coulisses.A ce sujet, le débat entre Christian LABORDE et Simon CASAS est vraiment consternant, et l’on aimerait se passer des mensonges évidents de celui qui ignore tout des fraudes et paraît drapé dans une vertu et une indignation qui ne trompe personne. La vraie question est de savoir à qui et à quoi profite le mensonge. Sans doute que ce débat faussement intellectualisé de deux bonimenteurs qui veulent nous fourguer leur camelote, l'un dans le registre de la provocation paperassière, l'autre dans celui de la tauromachie commerciale, ne sert avant tout que leurs intérêts, qu'ils soient pécuniaires ou médiatiques (ce qui revient dans leur cas au même). Quelles vérités peut-on attendre de mercenaires?
On apprécie d’autant plus les justes, ceux qui n’hésitent pas à dire les choses, même quand elles font mal.
Merci Monsieur Marc ROUMENGOU de lutter depuis 30 ans contre ce qui menace la tauromachie… de l’intérieur.
Xavier KLEIN
RAPPORT TECHNIQUE VÉTÉRINAIRE SUR LES CORRIDAS: POURQUOI IL EST INDÉNIABLE QUE LE TAUREAU SOUFFRE.
Il y a un peu plus d'un an, en février 2007, de nombreux médias se sont fait l'écho d'une étude neuroendocrinienne sur les réactions hormonales du taureau pendant la corrida. Cette étude a été menée par un groupe de vétérinaires de l'Université Complutense de Madrid, et plus précisément, par le Département de Physiologie de la Faculté Vétérinaire.
Alors que personne, ni taurins, ni abolitionnistes de la tauromachie, ne remettait en cause le fait que, dans ce spectacle, le taureau était soumis à un dur châtiment en termes de douleur physique et de souffrance psychique, cette étude semble indiquer le contraire.
Avant d'expliquer les raisons qui m'ont poussé à me pencher sur cette question, j’analyserai tout d’abord en quoi consiste une corrida. Pendant toute la durée de la corrida, soit une vingtaine de minutes, le taureau est soumis à ce que l'on appelle des suertes1. Une fois dans l’arène, il est soumis à une série de passes de capote (cape), puis on procède à ce que l'on appelle la suerte de varas, ou « tiers de piques2 ». Pour ce faire, le picador utilise une puya, un instrument tranchant très acéré, long de 9 cm et divisé en deux parties: une pointe pyramidale de 3 cm et une autre pointe de 6 cm en acier encordé. Cet instrument devrait normalement servir à léser certains muscles et ligaments de la zone anatomique du taureau connue sous le nom de morrillo3. L’objectif recherché est qu’une fois ces structures anatomiques endommagées, le taureau ne puisse plus relever la tête afin de faciliter le travail du matador.
Malheureusement (entre guillemets), il n'en est rien. On sait que, dans 90% des cas, les puyas sont placées beaucoup trop en arrière, dans des zones où les vertèbres sont beaucoup plus exposées. De plus, certaines manoeuvres illégales des picadors entraînent des lésions beaucoup plus importantes, comme par exemple le barrenado (également appelé la « vrille ») qui consiste à utiliser la puya comme on débouche une bouteille de vin, et le mete y saca (ou « la pompe ») par laquelle le picador introduit et extrait la puya à plusieurs reprises, ce qui finit par produire les mêmes effets que si elle avait été enfoncée 7 fois, empêchant le taureau de s'enfuir lorsqu’il ressent la douleur. Les hémorragies dues à l’utilisation de telles méthodes entraînent une perte de sang pouvant atteindre 18 %, alors qu’on considère « souhaitable » (entre guillemets) qu’elle se situe autour de 10 %. Par ces manoeuvres, une puya peut provoquer des blessures de plus de 20 cm de profondeur jusque sur 5 trajets différents. Je dois dire que pendant la feria de San Isidro qui a eu lieu récemment à Madrid, j'ai pu voir plusieurs corridas à la télévision, et sur les 36 taureaux que j’ai vus combattre, dans un seul cas la puya a été placée dans le morrillo (1 sur 36).
Le second tiers de la corrida est celui des banderilles: il s'agit de bâtons terminés par une pointe en acier de 6 cm de long. Six banderilles sont plantées dans le dos du taureau. Pour éviter qu’elles ne se décrochent, ces banderilles sont munies d’un harpon de 16 mm de large.
S’ensuit la faena4 du matador qui exécute une série de passes avec la muleta5. C'est la seule partie de la corrida où aucune douleur physique n’est infligée au taureau, bien qu’on exige de lui une grande dépense physique et psychique.
La corrida prend fin avec l’estocade qui consiste à planter, dans ce qu'on appelle en espagnol el hoyo de las agujas (« la croix6 »), une épée de 80 cm de long qui provoquera la mort du taureau. Précisons qu’il est rare que cette épée soit enfoncée là où il faut et remplisse sa fonction, à savoir, léser les gros vaisseaux. Dans la majorité des cas, elle lèse des cordons nerveux latéraux de la moelle épinière, ce qui provoque la désolidarisation de la cage thoracique qui entraîne à son tour une grave lésion du poumon. Le sang peut passer du poumon aux bronches, des bronches à la trachée, et ressortir par la gueule et le mufle, parfois à grands flots. Dans d’autres cas, l’estocade est tellement en arrière qu'elle est capable de perforer le diaphragme et même de perforer la panse et le foie. Dans ce cas, le taureau meurt en avalant son propre sang.
La corrida s’achève avec le descabello et la puntilla. Le descabello est effectué à l’aide d’une épée semblable à l'estoc mais munie d’un butoir de 10 cm; il consiste à sectionner la moelle épinière au niveau de l'espace intervertébral situé entre la première et la deuxième vertèbre cervicale. La puntilla poursuit le même objectif que le descabello, mais est effectuée à l’aide d’un poignard de 10 cm.
L'étude à laquelle nous allons nous référer a analysé certaines caractéristiques hormonales chez différents groupes de taureaux, ainsi répartis:
1- Taureaux n’ayant subi que le transport en camion.
2- Taureaux entrés dans l’arène, puis renvoyés au corral7 en raison d’un problème physique quel qu’il soit, sans être passés par aucune des suertes précédemment décrites.
3- Taureaux ayant subi les piques avant d’être renvoyés au corral.
4- Taureaux ayant subi les piques et les banderilles avant d’être renvoyés au corral.
5- Taureaux étant passés par toutes les suertes de la corrida et, par conséquent, morts dans l’arène.
Nous pensons que les groupes 1 et 5 sont majoritaires car les circonstances envisagées pour les groupes 2, 3 et 4 ne se présentent que rarement. Je dis bien «nous pensons» puisque, presque un an et demi après avoir été rendue publique, l'étude n'a été publiée dans aucune revue scientifique.
L'étude est basée sur la détermination d'une série d'hormones:
1. ACTH: hormone sécrétée par l’hypophyse, précurseur de la production de cortisol.
2. Cortisol: hormone sécrétée par les glandes surrénales.
3. Bêta-endorphines: hormones sécrétées à différents endroits de l'organisme.
L’étude se réfère par ailleurs à deux autres hormones, l'adrénaline et la noradrénaline, dont je
ne parlerai pas ici pour ne pas trop prolonger mon intervention.
L'ACTH et le cortisol sont les hormones impliquées dans la réponse de tout organisme au stress. Plus la décharge d’ACTH et de cortisol est grande et plus le stress est important. En présence d’un stimulus stressant, la décharge de ces hormones se produit à partir d’une série d’ordres canalisés par le système nerveux.
Et qu’est-ce que le stress? A quoi sert-il? Quelles conséquences a-t-il sur la santé? On définit le stress comme « une agression contre un organisme vivant », ou comme « l'ensemble des réactions biologiques et psychologiques qui se déclenchent au sein d’un organisme brutalement confronté à un agent nocif de quelque nature que ce soit ». On peut encore le définir comme: « la situation d'un individu ou d’un de ses organes ou appareils qui, parce que l’on exige de lui un rendement supérieur à la normale, risque de tomber malade ».
Si l’on s’en tient à ces définitions, il serait logique de penser que les taureaux du groupe 5 (ceux qui sont passés par toutes les suertes de la corrida et sont morts dans l’arène) devraient avoir davantage d’ACTH et de cortisol dans le sang que les taureaux des autres groupes, et évidemment, beaucoup plus que ceux du groupe 1. Autrement dit, plus le châtiment est important, plus il devrait y avoir de stress.
Eh bien non, d’après cette étude, il n'en est rien. Cette étude nous révèle que les taureaux transportés (groupe 1) et les taureaux du groupe 2 sont trois fois plus stressés que les autres, c'est-à-dire qu’ils présentent davantage d’ACTH et de cortisol. De la même manière, ceux du groupe 3 sont également plus stressés que ceux du groupe 4, et ces derniers sont plus stressés que ceux du groupe 5.
Si l'étude et ses conclusions disent vrai, et nous ne devons pas douter de leur véracité, que peut-il bien se passer pour que tout fonctionne à l’inverse de ce que l’on pourrait logiquement penser? Est-il vrai, comme on nous le dit, que le taureau soumis à une corrida est un animal à part sur le plan neuroendocrinologique, et qu'il est parfaitement adapté à la corrida?
Si je vous dis que pour pouvoir prendre en considération certaines réponses endocriniennes, comme la libération de cortisol par l'ACTH, IL EST INDISPENSABLE QUE LA STIMULATION NEURONALE ET LA TRANSDUCTION DU SYSTÈME NERVEUX SOIENT INTACTES, c'est-à-dire que si une quelconque lésion a endommagé le système nerveux, ces réponses hormonales ne peuvent pas être prises en compte car elles ne sont pas produites normalement: quelle conclusion en tirez-vous?
Nous savons par de nombreuses études et publications de vétérinaires taurins que les puyas provoquent la rupture des apophyses épineuses des vertèbres thoraciques, endommagent des vaisseaux sanguins qui irriguent des muscles importants pour la locomotion, sectionnent ou lèsent les branches dorsales des nerfs spinaux, ce qui peut entraîner, et entraîne parfois, des claudications transitoires ou des chutes par inhibition réflexe du plexus brachial, le centre nerveux d’où partent les nerfs qui innervent les extrémités antérieures. Nous savons que les puyas sont capables de provoquer d'importantes hémorragies dans le canal médullaire et de léser le haut des côtes. Certains coups de puyas, les plus en arrière, peuvent perforer la plèvre, toucher le poumon et provoquer un pneumothorax et l'insuffisance respiratoire qui s’ensuit.
Nous savons que les banderilles, par l’action de la gravité et des mouvements du taureau, provoquent la rupture de certains nerfs, muscles et vaisseaux sanguins. Nous savons que l’estocade sectionne elle aussi des nerfs importants, et enfin, que le descabello et la puntilla sectionnent la moelle épinière. Nous savons par conséquent que, pendant la corrida, le système nerveux du taureau subit d'importantes lésions qui rendent impossible toute réponse normale en termes de décharge d'ACTH et de cortisol. Il est par conséquent logique, et nous reprenons ici les conclusions de l'étude que nous réfutons, que le taureau transporté et le taureau entré dans l’arène avant d’en être renvoyé sans avoir subi de dommages physiques, aient davantage de cortisol que ceux qui ont subi ces dommages. Cela ne signifie pas qu’ils sont plus stressés, c’est simplement que leur système nerveux est intact, condition indispensable, comme je l'ai dit auparavant, pour que ce type de réponses hormonales puissent être prises en considération dans une démarche scientifique rigoureuse. Savez-vous que chez des personnes accidentées présentant d'importantes lésions de la moelle épinière, la réponse hormonale qui devrait aboutir à une décharge de cortisol est extrêmement faible et même abolie? Peut-il y avoir une situation plus stressante pour une personne que de penser qu’elle va passer le reste de sa vie dans un fauteuil roulant? Existe-t-il un dommage neurologique plus grave que la section de la moelle épinière par le descabello et la puntilla? N'oublions pas que le sang de ces taureaux a été prélevé après leur mort, alors que ceux-ci avaient subi les lésions précédemment décrites.
La seconde partie de l'étude s’intéresse à la production d'autres hormones, les bêtaendorphines.
Nous savons que ces hormones sont sécrétées par l'organisme lorsque celui-ci est confronté à la douleur et/ou à l’effort. Puisqu’il semble que le taureau en sécrète une quantité énorme pendant la corrida, l’étude en conclut que les bêta-endorphines sont quasiment capables d'annuler la douleur qui lui est infligée. On nous dit que le taureau produit dix fois plus de bêta-endorphines que l’homme. Mais dans quelles circonstances? Aucun de nous n’a été ni ne sera jamais soumis à une corrida. Pour pouvoir faire ce type d'affirmations, les espèces comparées devraient être soumises aux mêmes situations, et ce n'est pas le cas, et ce ne sera jamais le cas. De plus, le sang qui a servi à déterminer le taux de présence de ces hormones appartient en grande majorité à des taureaux morts, c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas savoir à quel moment de la corrida ces hormones ont été sécrétées. Est-ce après les coups de puyas comme l’affirment les auteurs de l'étude? Est-ce après la pose des banderilles? Et pourquoi pas après le descabello ou la puntilla? Les auteurs de l’étude n’ayant pas procédé à des prélèvements séquentiels, on ne peut donc pas le savoir actuellement. Il faudrait pouvoir arrêter la corrida de temps en temps pour savoir à quel moment précis se produit cette décharge hormonale démesurée, soi-disant capable de réduire la douleur de l'animal.
Je dois ajouter qu’on attribue aux bêta-endorphines des propriétés qu'elles n'ont pas. On dit d’elles qu’elles neutralisent la douleur, alors que la seule chose que nous puissions en dire, c’est qu’elles servent à la pallier. Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’elles sont médiatrices de la douleur et du stress et, bien plus important encore, elles permettent de les MESURER.
Je n'ai trouvé aucune étude où il soit dit qu'elles neutralisent la douleur, que grâce à leur production et à leur action, un organisme peut cesser de ressentir sur le champ la douleur qu’on est en train de lui provoquer. Nous ne parlons pas de douleurs banales, ou tout du moins, moi, en tant que vétérinaire, je ne peux qualifier ainsi les douleurs que l’on inflige au taureau tout au long de la corrida. De nombreuses études effectuées auprès de femmes pendant l'accouchement (et il s’agit bien dans ce cas d’études séquentielles) démontrent que plus la quantité de bêta-endorphines dans le sang est élevée, plus la douleur est importante pendant l'accouchement. Les femmes qui ont déclaré que l'accouchement avait été insupportable étaient celles dont les analyses présentaient le plus fort taux de bêtaendorphines, et curieusement, les foetus qui avaient le plus souffert pendant l'accouchement étaient ceux qui avaient le plus de bêta-endorphines dans le sang. Et fait important: les femmes qui avaient suivi des cours de préparation à l’accouchement étaient celles qui avaient le moins de bêta-endorphines, c'est-à-dire celles dont le stress face à cette situation était le moins important.
Comment se peut-il que les hormones du stress -comme le cortisol- soient presque normales chez le taureau APRÈS la corrida, alors que d'autres, les bêta-endorphines –qui permettent de mesurer le stress- sont si élevées? Eh bien, pour moi, la réponse à cette question est dans l'intégrité des structures nerveuses, car on sait qu’en cas de dommage neurologique ces hormones, les bêta-endorphines, peuvent être sécrétées dans les lieux où se produit la douleur, grâce à certains mécanismes cellulaires sans médiation du système nerveux.
Les conclusions que je tire de cette étude sont par conséquent claires: Les réponses hormonales au stress sont celles attendues pour les dommages neurologiques causés au taureau pendant la corrida par les puyas, les banderilles, l'estoc, le descabello, la puntilla et l’épuisement (syndrome général d'adaptation) auquel est soumis l'animal. Ce syndrome qui a été étudié il y a de nombreuses années est toujours en vigueur actuellement.
Lorsque son équilibre est menacé, tout organisme émet une réponse afin de s'adapter. On peut donc définir ce syndrome comme la réponse physiologique spécifique de l'organisme face à toute demande ou agression d’ordre physique ou psychologique. Ce qui est certain c’est que quand l'agression se répète fréquemment ou est de longue durée, et quand les ressources de l'animal sont insuffisantes pour s’adapter, on passe de la phase d'adaptation à la phase d'épuisement dans laquelle les réponses hormonales devant l'effort ne sont pas viables.
Les réponses hormonales à la douleur, c'est-à-dire la décharge de grandes quantités de bêtaendorphines détectées dans le sang du taureau après la corrida, sont la réponse normale d'un organisme soumis à une forte douleur et à un grand stress; elles n’ont pour ainsi dire rien à voir avec la capacité des bêta-endorphines à neutraliser la douleur, c’est même tout le contraire; autrement dit, ces réponses hormonales nous sont utiles pour quantifier la douleur, mais rien ne nous permet d’affirmer qu’elles sont capables de l'annuler.
José Enrique Zaldivar Laguía.
Vétérinaire, Membre de l'Illustre Collège de Vétérinaires de Madrid.
1 N.D.T.: La suerte ou «chance» désigne, dans la terminologie taurine, chacune des manoeuvres réalisées pendant la corrida.
2 N.D.T.: La suerte de varas ou «tiers de piques» constitue le premier volet (tiers ou tercio) de la corrida. Les picadors interviennent munis d’une pique (vara), hampe de bois terminée par un instrument tranchant, la puya. Le but est de tester la «bravoure» du taureau, de réduire sa force et de l’amener à baisser la tête en vue de l’estocade finale.
3 N.D.T.: Le morrillo, parfois orthographié morillo, désigne la partie charnue qui se développe sur le cou du taureau de combat, entre la nuque et le haut du garrot.
4 N.D.T.: Littéralement, «le travail» du matador. Première partie du troisième tiers de la corrida, la faena désigne une série de passes avant l’estocade.
5 N.D.T.: La muleta est le leurre de tissu rouge utilisé par le matador lors du dernier tiers de la corrida.
6 N.D.T.: Chez le taureau de combat, la croix désigne le point de croisement de la ligne passant par les omoplates et de la colonne vertébrale.
7 N.D.T.: Le corral est la cour où sont enfermés les taureaux avant la corrida.