Humeurs taurines et éclectiques

samedi 10 septembre 2011

Sola gratia


Le pape Jules II par Raphael

En réaction aux excès scandaleux de la papauté, et notamment au trafic des indulgences (systématisé par le pape Jules II dés 1505 pour financer la construction de la Basilique Saint Pierre à Rome), la Réforme et notamment Martin Luther développèrent le canon des 5 solae (seules en latin), dont la plus importante SOLA GRATIA (par la grâce seule), constitua la principale différenciation entre l’Eglise catholique et le monde Protestant.

A l’Eglise Catholique qui affirmait que le salut des âmes pouvait être obtenu par les œuvres (actions méritoires), et qui exaltait la primauté et l'efficacité de l'effort personnel dans la pratique de la vertu, Luther et derrière lui le courant Protestant postulaient que seule la foi et la volonté de Dieu à travers la grâce divine pouvaient entraîner le salut.

Chacun des protagonistes s’appuyait qui sur Saint Paul, qui sur Saint Jacques, dans un débat qui n’a connu un début de réconciliation que le … 31 octobre 1999 par une déclaration commune faite à Augsbourg (lieu ou naquit officiellement le luthérianisme en 1530 avec la célèbre Confession d’Augsbourg).

Cela peut prêter à sourire pour ceux qui ne s’intéressent guère à la chose religieuse, et à fulminer pour ceux qui tiennent toute religion pour un produit opiacé vénéneux, mais cette querelle sémantique, apparemment ridicule ou sans objet pour l'Homme contemporain est à l’origine de plusieurs siècles de conflits (dont les Guerres de religion) qui firent des centaines de milliers de morts, et indirectement d’une orientation décisive de notre société.
Si l’on en croit le génial Max Weber, père de la sociologie moderne dans «L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme» 1904-1905, le développement et la doctrine capitaliste serait une conséquence directe de cette «dispute» théologique.

Cela confirme en tout cas, si besoin était, que ce sont les idées qui gouvernent le monde et son évolution.

Mais que vient faire Sola gratia dans un blog taurin, en dehors de l’intérêt manifeste de ses fidèles lecteurs, pour ses périodiques appels à l’élévation de l’âme (alma en spanish)?
C’est que le débat ou plutôt la dichotomie demeure toujours d’actualité et toujours transposable.

Ainsi, il en est sur la planète toros, qui sont convaincus que la salvation taurine ne peut intervenir que par quelque grâce dont le principe le plus absolu s’épanouirait dans une révélation transcendante qui a pour nom «Patrimoine culturel immatériel».

Il en est d’autres qui supposent, les fourbes, que cette même salvation ne saurait procéder d’autres causes que des œuvres des aficionados eux-mêmes, et que, ma foi, «Aide-toi et le Ciel t’aidera».

Dans le premier cas on s’en remet dangereusement à l’Autre, un «Grand Autre».
Dans le second on compte surtout sur soi-même.

On entend ces jours ci déplorer et vouer aux gémonies ces cons d’aficionados de base qui «ne s’engagent pas ou ne réagissent pas quand on leur demande» à l'inverse de l’«infime»minorité d’élus qui ont compris la parole divine.
«S'engager quand on leur demande» quelle étrange manière d'envisager les rapports humains! Comme si l'«engagement» qui porte le sens profond d'un don gratuit et spontané pouvait en quoi que ce soit s'accorder avec une «demande». Il y a là une formulation antithétique et paradoxale des plus intrigantes.

Crise des vocations? Crise d’évocation?
Crise de foi? Crise de foie?
Non, plutôt, sans doute, crise-passion!

Cet aveu d’échec d’une ligne politique qui ne répond nullement aux attentes constitue un événement passablement extraordinaire.
Un moment d’égarement sans doute ou, au contraire une incursion inopinée dans une réalité trop longtemps ignorée.

En fait, le seul engagement efficace, la seule militance opérante tiennent à l'acte le plus évident qui soit: être présent.
Ce n'est ni par des pétitions, ni par des manifestations, ni par des badges et encore moins par des inscriptions au Patrimoine machin trucmuche que la corrida se survivra, mais par le plus simple, le plus naturel et le plus vieux de tous les actes en matière de tauromachie: acheter une place, poser son fessier sur un tendido et laisser faire la nature...

La vraie question est de savoir pourquoi cette militance là est en berne et d'en comprendre les ressorts.
Mais là, on n'est plus seulement Protestant, on devient Contestataire et ce n'est pas ce que les papes apprécient le plus!
Xavier KLEIN

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Après M Delon et son "pourquoi allez vous voir des corridas?" nous serions donc passés à "pourquoi n'allez vous plus voir de corrida?"
Parce que les cartels ne font pas envie, parce qu'on veut voir des toros qui tiennent debout et des cornes pointues, parce qu'on veut voir des toreros qui soient des guerriers et pas des squelettes revenus d'entre les morts, parce que dans l'escalafon il doit y avoir 200 toreros en exercice et qu'on voit toujours les 15 mêmes...
Et aussi parce que c'est la crise et que j'ai moins de blé!

isa du moun

pedrito a dit…

Ors donc, ces "cons d'aficionados" refuseraient de s'engager quand ON leur demande?
Comme quoi, "ON" et les cons qui leur "demandent" sont vraiment à côté de la plaque, à ne pas se rendre compte que les aficionados usent depuis longtemps leur voix, leurs forces, leurs illusions, et LEUR FRIC, à tirer la sonnette d'alarme pour que cesse le scandale des corridas du medio toro
et de la lidia tronquée et truquée.
Qui sont les cons: ceux qui luttent contre le monoencaste domestiqué, imposé par les figuras auprès des ganaderos tout puissants, ou bien ceux qui applaudissent les indultos de chèvres et les apprentis sorciers indulteurs?