Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
On se barbait solide après 4 corridas et une novillada sans que quelque incongruité ne vînt rompre la routine des lidias transparentes, des faenas stéréotypées et du traintrain des pegapases.
Comme dans ces auberges spécialisées dans le représentant de commerce ou les cocufiages clandestins dont on se lasse des menus standards et de l'impersonnalité du décor à trop les fréquenter.
A cette novillada non piquée du 15 août, mis à part l'héritier Martin -qui ne nous servit malheureusement pas de numéro de claquettes comme son homonyme Dean mais une faena fine et relativement engagée- on voyait se succéder la collection standard du prêt à porter taurin qui nous barbera prochainement dans les arènes.
Profilage, fuerage de cacho, décroisage, toreodeculage à foison, tout cela stérilisé durant une heure pour la conserve par un lot de Banuelos insipides et faibles. Un régal pour les curistes en goguette et les applaudisseurs professionnels, d'autant qu'on fit incessamment donner la Philharmonique pour tenter d'éveiller les ardeurs.
On se dirigeait cahin-caha vers la délivrance d'un apéritif stoïquement mérité lorsque surgit la bête.
On aurait pu et dû subodorer du louche durant le paseo: un gonze qui vous trace sur le sable des croix grandes comme celle de la Valle de los Caídos avant le paseillo, puis qui s'avance avec la superbe d'un Tarquin et le physique d'un Sancho Panza pour arriver à la présidence 3 mn après les copains dans une majesté paulienne étonne forcément dans le défilé des maigrichons de service.
Discret avec ça: costume rouge pétardant, cravate-foulard à l'ancienne, breloquée d'importance de toutes les Vierges disponibles d'Espagne, capote chiffonné turquoise au revers du plus grand chic et, dans le callejon, inhalation approfondie d'un puro Esplendido de gros calibre de la casa Cohiba. On sentait l'inspiration morantiste: du lourd en perpective!
Photo gracieusement fournie par Pierre THOMAZO |
On ne fut point déçu: la larga-farol-chiffonade déclenchée un tantinet tardivement permit d'orner le costard d'une jolie série d'empreintes de sabot du meilleur effet.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
La suite fut indescriptible et la créativité permanente pour remédier, sans jamais céder de terrain (car les balloches du garçon ont été forgées à Albacete), aux menus inconvénients de la lidia.
Malheureusement (ou heureusement, on ne sait...) la bestiole était faiblichotte, ce qui ne connectait pas trop avec la mâle incandescence du sympathique candidat.Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
A la muleta, on assista à un assemblage surréaliste et hétéroclite de passes, dont certaines complètement inédites, conjugaison originale d'un sens prononcé de l'à-propos et d'un duende dyonisiaque.
C'était chaotique, tumultueux, tout cela avec des poses d'imperator suivies de délicatesses plébéiennes mais avec des naturelles qui rasaient les bas même si le point de destination relevait de l'improbabilité la plus absolue. Comme disait l'autre, parfois grossier (au sens propre du terme), mais jamais vulgaire.
Du Manuel Benitez pur jus à ses débuts. On donnait dans le bizarre, l'exotique, l'imprévisible. C'était frais et spontané, en un mot JU-BI-LA-TOI-RE!
C'était chaotique, tumultueux, tout cela avec des poses d'imperator suivies de délicatesses plébéiennes mais avec des naturelles qui rasaient les bas même si le point de destination relevait de l'improbabilité la plus absolue. Comme disait l'autre, parfois grossier (au sens propre du terme), mais jamais vulgaire.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
Et cela souleva les gradins pris par l'alegria de cette incongruité tauromachique.
Evidemment il y avait les grincheux, les renfrognés, les docteurs de la loi. Les mêmes qui vous auraient flambé les gribouillages de Gauguin, Van Gogh ou Picasso comme la "çamsuffit" d'un vulgaire Viard.
On criait ça et là au blasphème, on feuilletait son Cossio, on en appelait aux mânes de Popelin ou à une intervention d'El Juli.
Foin de toutes ces finasseries! L'instant était là, jouissif, la rupture pataphysique salvatrice avec la véritable vulgarité, celle des toreros préfabriqués qui récitent sagement leur leçon en copiant sur le voisin.
Le maçon-torero qui jouissait sans complexe de son excentricité, le don Quijote aux allures de Sancho-Panza qui allait au bout de sa géniale et subversive folie crachait à la gueule du conformisme et du taurinement correct, comme une vivante et joyeuse offense aux ternes gandins qui l'avaient précédé.
C'est cette joie brute de toréer, cette vérité fondamentale de l'essence taurine, caricaturalement dévoilées qui séduisirent le public: On le retint, hors concours, pour la finale du lendemain.
Le 16 au matin, par le téléphone dacquois, les gradins étaient confortablement garnis.
On s'enquilla distraitement les finalistes en feuilletant le journal: au sud-ouest rien de nouveau...
Nous avions préparé une banderole de galéjade, histoire de faire bisquer les atrabilaires et de porter l'absurdité au paroxysme. L'absurdité d'une corrida qui se perd dans les subterfuges en ignorant l'essentiel: la joie barbare, la sauvagerie et la subversion.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE |
Rebelote, avec un Victoriano del Rio, un fils de Desgarbado peut-être, ce qui ne rajoutait que du piment à la sauce.
Et puis sortie en triomphe, ¾ d'heures pour traverser le patio de caballos en ébullition, du jamais vu.
L'homme du jour a dédicacé la banderolle avec gentillesse, l'humectant de sa sainte sueur (je conserve le précieux linge), bénissant nos mères de nous avoir engendré, ce qui est fort courtois.
EL ROQUE DE LA ALBERCA nous vient de Salamanque, nul ne sait ce qu'il deviendra.
C'est un garçon simple et gentil, fruit de l'Espagne en crise, qui apprend à toréer à l'école taurine sous l'égide de José Ignacio Sánchez.
Il a quelque chose à dire, et il le dit fort et avec caractère. A son niveau cela seul importe! Mais que cela fait du bien de revivre quelque chose des novilleros d'antan...
Putaingue, quel pied!
Xavier KLEIN
4 commentaires:
C'est dommage que Rion ne le prenne pas dimanche prochain, j'aurai bien aimé le voir ayant boudé Dax. Je bouderai aussi Rion, les novilleros actuels sont mortels.
JPc
El ROQUE Hénorme !!
Un f.a.b.u.l.e.u.x coup de pied aux culs pelés !
Et dire que le p(é)p(é) dd.av.dvb essaye de se raccrocher aux branches con retraso et de monter dans le train...!gare !
Merci Xavier,one more time..
On the ROQUE ! Gora la VIDA !
ernesto (mejorando do trasero)
excellent commentaire plein de noblesse
un type qui sort de La Alberca ne peut être qu'un grand torero
à voir et à revoir
honte à Rion qui ne sait même pas ... où se situe La Alberca
J'aurais aimé le voir... que c'est bon ce libéralisme de la personnalité qui émerge du communautarisme de comportements d'habitude des "répliquants"...! Il y a des sociétés où il serait emprisonné pour ça. Du pain béni pour une resena qui a su se hisser à la hauteur de l'original !
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