«Les moyens de télécommunication, non contents de restreindre l'étendue abolissent aussi toute durée, tout délai de TRANSMISSION des messages, des images. Comment vivre vraiment «ICI» SI TOUT EST «MAINTENANT»?»
Paul VIRILIO «Le monde de l'Education», juillet-août 2001
Je participais ce week-end à un stage d’arts martiaux avec Maître Daniel CHABAUD, un homme sage, savant et avisé.
J’ai parfois évoqué dans ces lignes le parallélisme et la proximité particulièrement frappants entre l’esprit et la technique des «budos» et la tauromachie.
Bénéficier des enseignements de maîtres de grande qualité qui enrichissent la pratique «ordinaire» de commentaires qui apportent du sens, constitue un privilège qui tend malheureusement à se raréfier.
L’évolution de nos sociétés vers des postures consuméristes, le culte du plaisir sans entraves, la prétention de la «connaissance de tout par tous», la désertion de la nécessité de l’effort et de la ténacité, se ressentent dans l’ensemble des activités qu’elles soient sociales, politiques (au sens noble du terme), culturelles ou… tauromachiques.
Ceux ou celles qui, passant par delà les modes ou l’esprit du temps, persistent dans une EXIGENCE font malheureusement figure d’esprits rétrogrades ou sectaires.
Notre société porte au pinacle ses meilleurs fossoyeurs: les apôtres de l’éphémère, du paraître, de la facilité ou de la vénalité, en ignorant ou en cachant sous le boisseau ceux-là qui seraient par leur parole et par leurs actes à même de la régénérer.
Samedi et dimanche, j’ai entendu ce qu’on n’entend plus.
* Qu’il faut apprendre l’alphabet pour savoir lire et écrire, et qu’il convient également de maîtriser la lecture et l’écriture avant de disserter. Avoir beaucoup lu et beaucoup écrit avant de prétendre «savoir», c’est à dire savoir qu’on ne sait pas grand chose et surtout l’étendue de ce que l’on ne sait pas…
* Que des techniques ont été travaillées, expérimentées, étudiées, polies et repolies par des centaines de maîtres depuis des lustres, qui les ont enrichies de leur savoir, de leur expérience, de leur personnalité.
* Que chaque situation, chaque possibilité ainsi que la ou les solutions qui en découlent ont été explorées, codifiées et répertoriées par des générations de «chercheurs de vérité».
* Que chaque «voie» est un univers en soi, qu’une vie ne suffit pas à connaître.
* Que la connaissance ainsi accumulée par les générations est l’objet d’une TRANSMISSION par des «sachants», et qu’il n’existe pas en la matière de «science infuse» ou de génération spontanée.
* Que toute technique possède une logique éprouvée par des expériences successives dont on ne saurait impunément modifier la forme, surtout quand on n’en maîtrise nullement la globalité.
* Qu’un «maître», un VRAI, ne cesse JAMAIS de poursuivre l’étude.
Dans certains budos, les plus hauts gradés retrouvent la ceinture blanche des débutants, ce qui devrait questionner.
Cet ensemble de considérations (et bien d’autres sur le mouvement, l’adaptation, la vigilance, la disponibilité, etc.) me semble difficilement transposable à la tauromachie.
Non par essence, bien au contraire, mais parce que la longue chaîne de la transmission traditionnelle a été rompue depuis bien longtemps et qu’il n’existe plus vraiment de MAÎTRES, tant dans la pratique (connaissance globale et polyvalente du toreo devant TOUS toros) que dans la manière de l’enseigner.
Considéré sous cet angle, on peut et on doit s’interroger sur cet état de fait et sur ce qui l’a engendré.
La tauromachie, activité quasiment tricentenaire, a malheureusement connu le destin de la plupart des traditions occidentales. La succession des bouleversements historiques depuis la Renaissance jusqu’à mai 68, en passant par la révolution «scientiste» du XIXème siècle a mis à mal cette notion et cette pratique empirique de la transmission.
Qu’on comprenne bien ici, qu’il ne saurait être question d’un quelconque esprit rétrograde ou «réactionnaire».
J’ai parfois évoqué dans ces lignes le parallélisme et la proximité particulièrement frappants entre l’esprit et la technique des «budos» et la tauromachie.
Bénéficier des enseignements de maîtres de grande qualité qui enrichissent la pratique «ordinaire» de commentaires qui apportent du sens, constitue un privilège qui tend malheureusement à se raréfier.
L’évolution de nos sociétés vers des postures consuméristes, le culte du plaisir sans entraves, la prétention de la «connaissance de tout par tous», la désertion de la nécessité de l’effort et de la ténacité, se ressentent dans l’ensemble des activités qu’elles soient sociales, politiques (au sens noble du terme), culturelles ou… tauromachiques.
Ceux ou celles qui, passant par delà les modes ou l’esprit du temps, persistent dans une EXIGENCE font malheureusement figure d’esprits rétrogrades ou sectaires.
Notre société porte au pinacle ses meilleurs fossoyeurs: les apôtres de l’éphémère, du paraître, de la facilité ou de la vénalité, en ignorant ou en cachant sous le boisseau ceux-là qui seraient par leur parole et par leurs actes à même de la régénérer.
Samedi et dimanche, j’ai entendu ce qu’on n’entend plus.
* Qu’il faut apprendre l’alphabet pour savoir lire et écrire, et qu’il convient également de maîtriser la lecture et l’écriture avant de disserter. Avoir beaucoup lu et beaucoup écrit avant de prétendre «savoir», c’est à dire savoir qu’on ne sait pas grand chose et surtout l’étendue de ce que l’on ne sait pas…
* Que des techniques ont été travaillées, expérimentées, étudiées, polies et repolies par des centaines de maîtres depuis des lustres, qui les ont enrichies de leur savoir, de leur expérience, de leur personnalité.
* Que chaque situation, chaque possibilité ainsi que la ou les solutions qui en découlent ont été explorées, codifiées et répertoriées par des générations de «chercheurs de vérité».
* Que chaque «voie» est un univers en soi, qu’une vie ne suffit pas à connaître.
* Que la connaissance ainsi accumulée par les générations est l’objet d’une TRANSMISSION par des «sachants», et qu’il n’existe pas en la matière de «science infuse» ou de génération spontanée.
* Que toute technique possède une logique éprouvée par des expériences successives dont on ne saurait impunément modifier la forme, surtout quand on n’en maîtrise nullement la globalité.
* Qu’un «maître», un VRAI, ne cesse JAMAIS de poursuivre l’étude.
Dans certains budos, les plus hauts gradés retrouvent la ceinture blanche des débutants, ce qui devrait questionner.
Cet ensemble de considérations (et bien d’autres sur le mouvement, l’adaptation, la vigilance, la disponibilité, etc.) me semble difficilement transposable à la tauromachie.
Non par essence, bien au contraire, mais parce que la longue chaîne de la transmission traditionnelle a été rompue depuis bien longtemps et qu’il n’existe plus vraiment de MAÎTRES, tant dans la pratique (connaissance globale et polyvalente du toreo devant TOUS toros) que dans la manière de l’enseigner.
Considéré sous cet angle, on peut et on doit s’interroger sur cet état de fait et sur ce qui l’a engendré.
La tauromachie, activité quasiment tricentenaire, a malheureusement connu le destin de la plupart des traditions occidentales. La succession des bouleversements historiques depuis la Renaissance jusqu’à mai 68, en passant par la révolution «scientiste» du XIXème siècle a mis à mal cette notion et cette pratique empirique de la transmission.
Qu’on comprenne bien ici, qu’il ne saurait être question d’un quelconque esprit rétrograde ou «réactionnaire».
Il s’agît simplement de considérer qu’on n’a cessé de jeter le bébé de l’incontournable transmission de maître à disciple, parfaitement adapté à certains arts ou disciplines, avec l’eau du bain de la «modernité».
En 68, on n’a pas seulement supprimé les estrades, on a supprimé également les «maîtres qui allaient avec». On est passé d’un extrême à l’autre, d’une société trop fermée et contraignante à une société trop ouverte et permissive.
Les extrêmes ne me tentent en rien et la mesure, le metron (grec μέτρον) me semble toujours préférable.
Une mesure qui ne procède en rien de l’atonie ou de la passivité.
La sagesse ne consiste pas à se taire, mais à lever le ton lorsqu’il le faut.
En 68, on n’a pas seulement supprimé les estrades, on a supprimé également les «maîtres qui allaient avec». On est passé d’un extrême à l’autre, d’une société trop fermée et contraignante à une société trop ouverte et permissive.
Les extrêmes ne me tentent en rien et la mesure, le metron (grec μέτρον) me semble toujours préférable.
Une mesure qui ne procède en rien de l’atonie ou de la passivité.
La sagesse ne consiste pas à se taire, mais à lever le ton lorsqu’il le faut.
Elle n’est pas résignation mais révolte devant l’inacceptable.
La colère est dans la tradition religieuse l’apanage de Dieu: dies irae (jour de la colère divine). Mais comme Dieu paraît-il n’existe plus!!!
Avec l’eau du bain!
Avec l’eau du bain!
La colère est dans la tradition religieuse l’apanage de Dieu: dies irae (jour de la colère divine). Mais comme Dieu paraît-il n’existe plus!!!
Avec l’eau du bain!
Avec l’eau du bain!
Xavier KLEIN
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