Humeurs taurines et éclectiques

mercredi 25 juillet 2012

ORTHEZ 2012, le bilan

Comme chaque année, difficile exercice PERSONNEL et SUBJECTIF d'auto-évaluation de la journée taurine, ainsi que quelques explications qui ne seront sans doute pas inutiles.
Même remarque préalable que l'an dernier, reprise telle quelle: je passerai rapidement sur la prestation des hommes du jour. D'abord parce que souvent mobilisé par ailleurs, je n'ai pu consacrer une attention régulière et soutenue aux lidias. Ensuite parce que, comme je l'ai souvent exprimé, le callejon n'est pas le meilleur lieu pour apprécier un festejo (déficit de vision globale en 3 dimensions), surtout lorsque votre «référentiel» n'est pas habitué à cet angle. Enfin parce qu'il serait de ma part inélégant de porter jugement sur des hommes que j'ai engagé et avec qui je ne peux m'empêcher d'entretenir des affects. On voudra bien le comprendre.

Satisfaction de voir la plaza tellement remplie en dépit de la concurrence. 
Satisfaction du soutien par leur présence de tant d'amis et d'aficionados.
Satisfaction de la disponibilité, de l'intelligence et de l'attention du public, surtout à la corrida qui n'a pas été un spectacle des plus faciles à apprécier et à comprendre pour des néophytes.

Dans les corrales au débarquement, nous avons été fort dépités de constater que les novillos notamment, avaient perdu une masse considérable (30 à 40 kgs selon le mayoral). Je dois avouer que j'appréhendais de les voir sortir dans le ruedo.
Toutefois, il faut savoir que Dom Fernando PALHA n'a jamais cherché à produire des compétiteurs de comice agricole. Il cherche avant tout des athlètes, et en jetant un oeil narquois sur ma bedaine, il n'avait pas manqué de me faire remarquer à plusieurs reprises qu'un athlète, c'est avant tout … du muscle. Et du muscle, les novillos n'en ont nullement manqué si l'on se réfère aux 14 piques encaissées par les 5 novillos, sans que le troisième tercio en fût affecté pour la plupart.
Ces novillos, desiguales, étaient toutefois harmonieusement et joliment présentés.
La grande surprise est venue de leur comportement infiniment plus civilisé et suave que ce que l'on pouvait en attendre. Un lot de novillos de buena casta, mobiles, solides et intéressants. Pour mettre en valeur leurs qualités, et particulièrement leur noblesse, il eût fallu des novilleros expérimentés, de style plus artiste.
Malheureusement, ceux qui prétendent à cette catégorie se refusent à affronter cet élevage. A défaut, nous avons retenu des belluaires qui ont manifesté beaucoup d'envie et de motivation et se sont vraiment engagés -les cogidas d'Ivan ABASOLO en témoignent- ce dont il faut leur savoir gré. Quand je lis ça et là, les commentaires sur les novilleros de la tierra, et la complaisance coupable qui a pu accompagner la carrière de certains, récemment doctorisés, je constate qu'en la matière, il y a plusieurs poids et plusieurs mesures et beaucoup de mauvaise foi.
De même, il faut être reconnaissants à ces jeunes toreros d'avoir eu à coeur de bien faire les choses, notamment lors du premier tercio. Personnellement, je ne regrette nullement ces choix qui introduisent de la nouveauté dans une «novilleria» où l'on s'emmerde souvent ferme, avec des gamins bien propres sur eux qui récitent leur pensum.
De mon point de vue, la novillada fut vraiment une réussite, et la plupart des aficionados rencontrés semblaient partager ce sentiment.
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Même surprise pour les toros de Dom Antonio VEIGA TEIXEIRA que j'attendais plus âpres. Passons sur une présentation que personne ne conteste, mais qui, disons le tout de même puisque peu l'évoquent, devient tout de même assez peu répandue, surtout lorsque ces beaux messieurs du G10 officient...
Ces toros n'ont pas complètement répondu à mon attente dans la mesure où nous recherchons un toro complet de trois tercios. Or, la moitié de nos cornus se virent passablement «calmés» quand il s'agit d'œuvrer à la flanelle. Ceux qui s'employèrent, hormis le compliqué premier, le firent avec ardeur et loyauté.
Peut-être également faut-il également considérer que d'une part certains toreros ne comprirent pas que ce type de toros, dans ces circonstances requièrent une lidia appropriée, avec son sitio, ses distances, son rythme. Peut-être faut-il expliquer qu'on ne saurait y voir les faenas contemporaines de 50 passes, mais qu'il convient d'exploiter intensément les 3 ou 4 séries que ces toros conservent: toute une philosophie à l'encontre des temps et des modes...
Il faut dire que l'épreuve du fer fut particulièrement éprouvante, avec des toros qui se sont livrés, avec bravoure et générosité et ont été très sévèrement châtiés, perdant beaucoup d'hémoglobine dont chacun sait que son rôle primordial est de nourrir muscles et organes et surtout de transporter bel et bon oxygène.
Après intenses échanges avec Dom Antonio, je formule néanmoins l'hypothèse que l'affadissement de leur ardeur n'avait pas tant pour origine l'affaiblissement qu'un petit DEFICIT de FOND. Le fer a affecté le mental de ces toros qui se sont vu, selon le mot d'Antonio déprimés, et ce ne sont pas des piques de moins (ou des piques mieux dosées), qui, à mon sens, auraient changé grand chose. Pour preuve un 5ème toro beaucoup moins piqué et tout aussi éteint. Je vais jusqu'à me demander si avec une seule pique, le résultat n'eût pas été le même.
Evidemment, l'éthique, l'exigence, le sérieux, le travail du ganadero ne sont nullement en cause. Peut-être cette conséquence provient-elle tout simplement du fait que ces toros sont très généralement lidiés à la portugaise, sans piques et sans faenas, avec donc des contraintes différentes.
Pour le moins pûmes-nous admirer des tercios de pique d'émotion et de grande qualité, dont 3 particulièrement relevés.
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Corrigeons maintenant quelques malentendus.
Si nous nous employons activement à revaloriser le premier tercio, c'est tout simplement parce qu'il est en danger et devient purement et simplement évacué de nos ruedos. Amuse toi lecteur à lire ou relire la plupart des reseñas où la chose n'est souvent plus du tout évoquée, et dans le meilleur des cas quantitativement.
Apparemment, lorsque dans une immense majorité de festejos, le premier et le deuxième tercios passent à la trappe, cela n'émeut plus grand monde. On desgarbade même des toros chichement picotés. Par contre, lorsqu'il s'agit du troisième tercio, gare à la rafale! L'esthète se rebiffe!
Encore une fois, il y a là, au mieux un aveuglement, au pis un parti pris parfaitement subjectif. On ne se formalisera pas plus que ça de la lidia d'un toro tardo à la muleta, alors qu'on se scandalisera du travail de lidia équestre sur une troisième pique à distance: foutaises!
En matière de piques, pour contenter son monde, il faut dans la corrida «moderne» des toros «modernes», expédier la formalité, aller vite et efficace.
Peut-on s'ouvrir l'esprit, sortir de ses enfermements mentaux et jouir de l'émotion du travail d'un picador, tout aussi technique, valeureux et méritoire que le reste?
Peut-on admettre qu'en certains lieux, on s'intéresse aussi à cela, sans que l'inculture taurine, le ricanement ou la critique sommaire ne se substituent à une évaluation éclairée des faits?
Peut-on se départir d'un fanatisme torerista et esthétique pour considérer sous un autre angle, avec un autre regard?
Comme l'a très justement formulé Miguel DARRIEUMERLOU lors de la tertulia: dans une immense majorité de plazas on ne voit plus qu'un troisième tercio, il est indispensable qu'il y en demeure quelques rares qui s'attachent encore ardemment au premier et en soulignent la beauté et l'émotion. Une beauté et une émotion qui n'ont pas échappé à une grande partie du public! A Orthez, il me paraît bon que l'on vienne pour cela, ce qui n'implique pas que l'on y voie que cela. Il y a donc un difficile équilibre à trouver, d'autant plus complexe qu'il relève des toros.
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L'objectif d'Orthez n'est aucunement de multiplier les piques, ni de dériver vers un concours, ce qui est un risque. La consigne dite et répétée aux piqueros comme aux maestros, c'est «des piques légères et bien faites, autant que de besoin».
Pour rassurer les maestros qui pourraient appréhender que l'on abrégeât prématurément l'exercice, leur laissant un toro insuffisamment piqué, les présidents les assurent qu'ils seront piqués à la convenance du torero, dont l'intérêt bien compris serait de ménager des forces pour la faena.
Nous devrons donc poursuivre les rencontres et le travail de concertation engagé avec les piqueros et plus généralement les cuadrillas pendant l'hiver (les membres de la Commission ont rencontré et discuté à plusieurs reprises à Salamanque avec des «subalternes» -je hais ce mot!!!-).
De même, nous poursuivrons notre politique d'imposer, quand nous le pouvons, des picadors et des banderilleros. Ce fut le cas pour un torero et les deux novilleros. La brega s'en est fort heureusement ressentie.
***
Le problème des dates demeure préoccupant. Nous oeuvrerons pour en changer et reculer sur le week-end suivant.
Pour conclure, deux constatations:
3 journées intéressantes de toros en 3 ans représentent un résultat prometteur et encourageant pour Orthez.
Il y a eu cette année deux «semanas de oro» en France, avec le triomphe cérétan, le succès tyrossais, le bonheur orthézien, et 2 excellentes corridas de vrais toros dans la feria d'une bourgade plus au nord. Tout cela confirme bien que tout commence et finit par le toro, pas par la figura.

Gageons que la fête brave se poursuivra dans un autre week-end de félicité avec Parentis ainsi que les Moreno de Silva d'Hagetmau.
Xavier KLEIN

2 commentaires:

William a dit…

Bonjour Xavier, vous trouverz mes photos de la corrida sur ce lien http://www.photoaficion-williamlucas.fr/pages/mes-pages/galerie-corrida.html

encore merci et à très bientôt

Anonyme a dit…

Bonjour Mr KLEIN, je suis l'aficionado de Salon de Provence qui vous a salué avant la corrida de 18 H. Comme je n'ai pas pu vous revoir après et que vous m'avez dit espérer que je ne serai pas déçu, je peux vous affirmer que j'ai très apprécié le lot de TOROS avec un premier tercio comme malheureusement on n'en voit pas assez souvent dans le Sud Est, meme si des grand moments existent quand même tels que Clavelito et Aguardantero à la concours d'Arles, en 2010 me semble t il, et restent inoubliables. Je partage votre analyse sur la course mais je me demande quand meme si les pique n'ont pas été données un peu trop en arrière ce qui pourrait peut etre expliquer en partie que "les cornus soient passablement calmés à la flanelle". Les arène du PESQUE sont agréables et sympathiques, j'espère bien pouvoir revenir une prochaine fois, ce type de corrida correspond bien à ma définition de la tauromachie qui doit rester avant tout un combat. Je regrette de ne pas avoir pu échanger plus longuement avec vous, j'espère bien que nous nous rencontrerons à nouveau et qu'il sera possible de discuter (corrida bien sur mais aussi autres sujets)notamment si vous venez a Arles (pour la concours?)ou à Nimes pour les vendanges mais ça me parait bien plus aléatoire vu les cartels.Patrick le salonais