Humeurs taurines et éclectiques

dimanche 27 mai 2012

LUSITANIA MAGNA


VEIGA TEIXEIRA en majesté
 Dom Antonio VEIGA TEIXEIRA ne fait pas commerce de toiros, il les élève, à tous les sens du terme, en vivant une passion héréditaire. Une passion intransigeante qui ne concède rien aux modes et au clinquant.
Ils sont rudes ses pensionnaires, peu enclins à se montrer. Ils tentent incessamment de dissimuler leurs physiques sculpturaux, leurs armures impressionnantes par des fuites à travers les immenses et magnifiques cercados tapissés d'une pâture verte et abondante.
Et quand dans la superbe et antique placita de tienta, après 7, 8 piques accusées sans faiblir, sans l'ébauche du moindre fléchissement, la bouche close, ses vaches consentent avec une inépuisable générosité des embestidas de 15 mètres et une fringale inépuisable d'étoffe, on se prend à rêver.
Jamais je n'aurais supposé que ce bétail réputé difficile fasse preuve d'un tel brio à la muleta, merveilleusement mis en scène, faut-il le souligner par l'excellentissime lidia de Paulita qui rayonnait de joie torera et se laissa aller à des grâces morantistes.
Mieux encore, le maître des lieux se montrait intraitable, seule l'une de ces perles trouvait partiellement grâce à ses yeux, les autres l'ayant insatisfait à la pique.
Sacrebleu! Quelle exigence sublime!
Antonio VEIGA TEIXEIRA
Dom Fernando PALHA est de ces aigles qui survolent avec élégance et dédain les marigots de ce monde, n'y consentant en rien à se mêler des luxuriantes et boueuses contingences. Sa courtoisie ne se matine jamais de complaisance et la parole, teintée d'humour, porte au détour nonchalant de la conversation quelque silex acéré sur la bassesse du monde en général et du mundillo en particulier.

Dom Fernando est un Caton qui n'admet aucune capitulation, aucune transaction avec la haute éthique morale et taurine qui l'inspire.
Caton, qui sait encore ses stoïques et antiques vertus? Cela fait lurette qu'il n'est plus un exemple et qu'on lui préfère les capitaines d'industrie, les petits dieux du stade ou les divas de la chansonnette.

Grand seigneur, la grâce de Dom Fernado est d'être également demeuré un grand enfant, c'est à dire de porter au coeur l'émerveillement toujours possible, la pureté des rêves originels et la volonté intacte de les voir éclore.
Notre ami et compère Yves PETRIAT joue les Godard taurins, le sourire et la bonne humeur en plus. Il a eu l'idée baroque de se jucher sur un chêne liège pour filmer paisiblement les novillos de Dom Fernando et saisir la charge folle que ce dernier compte pousser vers lui dans un de ces safaris de campo dont il aime à régaler ses hôtes au volant de son 4X4. Poilade irrésistible et absolue d'un Paulita éberlué et de votre serviteur dans la ruée surréaliste et le slalom déjanté entre les chênes, les souches et les fossés. A fond la caisse, Fernando cramponné à la barre et au levier de vitesses vante  la beauté de la course du grand capirote ou la queue dressée du jabonero, s'inquiétant un peu du destin de son coucou perché sur l'arbre, tellement bien camouflé qu'on ne le retrouve plus.
Puis Puis vient le moment du tentadero, inauguré par une bénédiction: «Messieurs, n'oublions pas que tienter est chose grave, rappelez-vous Antonio Bienvenida», avant que de se signer. C'est cela Dom Fernando, et ça s'appelle la classe.
Les critères de sélection du Maître des derniers Palha Blancos sont des plus énigmatiques et relèvent de la plus haute antiquité. La «bravoure qui se consume pendant la faena», le «taux de toréabilité» ou toutes ces fariboles de l'âge de la domecqtisation ne lui inspirent qu'un mépris difficilement dissimulé. Lui, ce qui lui importe, c'est de révéler la nature profonde d'un toro de COMBAT, sa sauvagerie, sa pugnacité, son irréductibilité.
On est à des années-lumières des spectacles «modernes», dans des confins oubliés, où règne la clarté éclatante du «dieu qui combat», un dieu jabonero en livrée de lumière.
Coriace, d'ailleurs le sublime totem, comme s'en aperçoit Paulita. Et comme il s'en régale, étrangement fasciné par la divine équation à résoudre, par la clef à trouver pour entrer en harmonie, après la lutte farouche, dans deux trois séries de rêve, payées d'ecchymoses.

Étrange et captivant ce jeune homme, a priori voué aux délicatesses fleuries, qui s'épanouit et s'enivre des luttes sans merci. Il en sort saoul comme après le chanvre, rassasié comme après l'étreinte, avec des caput mortuum de félicité.
Etrange et captivant le respect mutuel du vieux ganadero pour l'homme qui combat ses toros, et du jeune maestro qui reqiert respectueusement d'oter sa chaquetilla  détrempée de sueur.


Le jour se lève sur l'Alentejo, dans la gloire du matin paisible, habitée au loin par les meuglements sourds des toiros, les pieds nus dans la rosée, Antonio Gaspar «Paulita» plie soigneusement le traje corto lavé et étendu la veille.
Moment de grâce...
Merci à Dom Antonio et à Dom Fernando pour leur munificente hospitalité et l'opportunité de ces purs instants de bonheur.
Xavier KLEIN

5 commentaires:

el Chulo a dit…

magnifique!

pedrito a dit…

Du bonheur: textes et photos !
Les aspirants novilleros et matadores qui rêvent d'argent et de nobles chèvres seraient inspirés de visiter ce blog et d'en retirer les leçons de courage....Paulita n'a pas exigé qu'on afeite les imposants berceaux, comme certain de nos nationaux?

Agnès a dit…

Superbe .... rien d'autre à dire !

Bernard a dit…

Vivement le 21 juillet!... Et quelle splendeur que cette première photo du reportage...

Merci Xavier

Abrazo fraternel - Bernard

Anonyme a dit…

C'est fou comme le toro de la deuxiéme photo ressemble par son attitude a la statue du parc theodore denis. Orthez Dax même combat