Humeurs taurines et éclectiques

mardi 30 août 2011

Le jour d'après


Juan SANCHEZ-FABRES n'en revenait toujours pas en ce lundi 22 août!
De passage à Salamanque, je lui avais téléphoné, comme je le fais souvent pour lui dire un petit bonjour.
Juan, comme dab, m'avait répondu d'un tonitruant «¡Fenomenal!» en me conviant séance tenante dans ses pénates de Pedro Llen. Ce qui représente déjà en soi une originalité révélatrice dans la mesure où c’est sans doute l’un des seuls ganaderos du Campo Charro à vivre et habiter à demeure dans sa finca.
«Un privilège et un bonheur» de son propre aveu, sauf lorsqu’il s’agissait de jouer constamment les taxis pour la marmaille.

Juan est l’homme le plus adorable, cordial et hospitalier qui se puisse être. Un concentré de tonus, d'enthousiasme et de bonne humeur communicative, de vie quoi…
Il n’a qu’un seul tort, celui d’avoir éliminé une barbe qui le faisait ressembler à l’avatar des amours coupables del Capitán Haddock (de Moulinsart…) et d’Ernest Hemingway. Il partage avec ce dernier une passion effrénée de la chasse, ayant été abondamment traîner ses guêtres en bonne compagnie (Don Juan Carlos ou Julio Robles) du coté du Kilimandjaro. Dans la «casa grande», les massacres d’antilopes, de buffles ou de phacochères (certains sont bon marché) côtoient les têtes des toros célèbres de la maison. Tout un programme!

Pour ceux qui l’ignoreraient, la famille SANCHEZ-FABRES préside aux destinées de la maison mère de l’encaste Coquilla qui après des heures de gloire depuis sa création dans les années 30 jusqu’à la fin des seventies a rudement pâti de l’évolution du «toro madrilène».
A Madrid, il faut de la carrure et de la tête, toutes choses dont les Coquillas ne sont guère prodigues. Leurs qualités se trouvent ailleurs, dans une caste et une bravoure piquante qui ne s’accorde guère avec les standards du «toro moderne». Résultat, les Coquillas de Sanchez Fabres, en dépit de quartiers de noblesse amplement justifiés, sont lamentablement délaissés par les grandes plazas et par les toreros.
Là est le problème de la quadrature du cercle. Un problème longuement évoqué lors de la «cena» chez Juan, en compagnie d’augustes représentants du monde ganadero du Campo Charro.

Juan ne manie pas la langue de bois, c'est le moins qu'on puisse dire. On voudra bien se rappeller qu'en 2009, pour d'obscures raisons sanitaires et par l'effet des complications amoureusement élaborées par une administration tatillonne (ce qui dans certains cas est un pléonasme) l'ensemble du troupeau avait failli terminer au matadero.(http://bregaorthez.blogspot.com/search/label/SANCHEZ%20FABRES).
Par nature, Juan conçoit  difficilement la possibilité de se laisser abattre et il a réagi en conséquence, accélérant le rafraîchissement  déjà entamé du sang maison.
Comme il l’explique avec passion, ponctué des opinements de ses homologues, le temps n’est plus au romantisme: pour entretenir des toros, même si l’afición et l’éthique taurine sont au rendez-vous, il faut les vendre.
Et pour les vendre –comme dirait Monsieur de la Palice- il faut qu’on les achète.
Pour persister dans la tautologie, pour qu’on les achète, il faut qu’on en veuille. Et notamment ceux qui font la pluie et le beau temps sur la planète des toros.
Certes Juan admire et apprécie l’effort et l’exigence de ces quelques fous qui, en France le plus souvent, guerroient pour maintenir ce qui peut l’être encore de la diversité d’une cabaña brava en voie d’uniformisation. Toutefois, pour lui, la logique arithmétique élémentaire voue ces efforts méritoires à un échec inéluctable à terme.

Qu’on en juge: il demeure une petite trentaine de ganaderias «différentes» et peu ou prou susceptibles de répondre à l’attente de ces bastions du toro de respect. Ces derniers se comptent en France sur les doigts (plus ou moins amputés) des deux mains et peuvent répondre à l’achat, au mieux, d’une vingtaine de lots entre corridas et novilladas.
L’inadéquation des deux chiffres pose le problème. Un ganadero, pour survivre efficacement doit pouvoir vendre REGULIEREMENT une masse critique suffisante pour lui permettre d’entretenir le troupeau conséquent qui autorise une sélection satisfaisante et lui épargne la consanguinité (pour rappel, au MINIMUM, 2 corridas de toros exigent un troupeau d’une centaine de bestiole). Faute de commercialisation minimale de sa «production», il est condamné à l’étranglement financier ou à l’appauvrissement du sang, donc de la caste de ses cornus.
Le drame actuel se joue en ces termes, même si le recours aux spectacles de rue qui se sont considérablement développés apporte à certains une bouffée d’oxygène salvatrice.

Etranglées par l’absence de demande des empresas taurines, ces ganaderias héroïques le sont également par les toreros et novilleros qui refusent de plus en plus de s’y confronter, et pis, qui n’entretiennent plus l’art de les combattre.
On advient ainsi au paradoxe de la temporada 2011 où de nombreux lots tout à fait remarquables sont sortis dans le sud-ouest, confrontés quasi systématiquement à des professionnels généralement très en dessous de la qualité des bêbêtes, qualifiées de compliquées dés qu'elles sortent des canons modernes.
Pour résumer abruptement, le discours poussé à l’extrême de Juan et de ses petits camarades revient au triste constat: «Vous êtes très gentils, très aficionados, très «éthiques», mais malheureusement, mille millions de mille sabords, vous ne pouvez nous permettre de vivre malgré votre bonne volonté!».
C’est un discours qu’il faut entendre, sans jouer les autruches pour prendre la mesure exacte de la situation actuelle.

Dans ce panorama guère réjouissant d'une diversité et d'une caste qui s'amenuisent sans autres justifications qu'économiques, il demeure des raisons d'espérer.
Un frémissement semble néanmoins se faire jour dont l'un des signes annonciateurs serait que la plaza de Madrid ait jugé bon de programmer une novillada mixte de Coquillas réunissant 3 novillos de Sanchez Fabres et 3 de Sanchez Arjona, le dimanche 21 août 2011.

Le jour d'après, Juan n'en revenait toujours pas que les décideurs madrilènes aient choisi ses novillos qui d'évidence, par leurs trapios et par leurs têtes, ne coïncident guère avec les exigences habituelles de la capitale.

Les lignes frémiraient-elles? 
Reviendrait-on au fond plutôt que s'arc-bouter sur une forme qui n'a plus de sens depuis que sortent régulièrement à Las Ventas des divisions de panzers aux blindages de carton, aux moteurs de pétrolette et aux canons de fer blanc?

Juan en revenait d'autant moins que ses ambassadeurs ont fait bonne figure, portant honorablement les valeurs de la casa à la croix templière .
Manuel Jiménez «Chicuelo» prétendait que les Coquillas étaient «dulce como rosquillas y picante con guindillas» (doux comme des rosquillas et piquants comme des guindillas).
D'évidence à Madrid en ce 21 août de l'an de grâce 2011, les Coquillas se partagèrent équitablement entre rosquillas (gâteaux secs) et guindillas (piments forts).
cf. ci-dessous vidéo, photos et commentaires diversifiés.
En somme, le jour d'après, Juan était HEU-REUX!
***
En hôte passionné et attentionné, Juan ne pouvait manquer de donner à voir ses pensionnaires. Nous empruntâmes donc le 4X4 qui se déglingue un peu plus chaque année (la ventana et la porte passager ne s'ouvrent plus) pour une navigation aventureuse au milieu des «noirs», comme les qualifiait si poétiquement le regretté Patrick Espagnet, l'Antoine Blondin des cornus.
A nos pieds, s'étendait le domaine, baigné de la clarté mordorée du crépuscule.
Profitant d'un virement lof sur lof, je fis remarquer au maître à bord après Dieu, l'état pour le moins arrondi et ... «rustique» de beaucoup de pitones.
Si Juan acceptait que l’on manie la scie ou la râpe sur ses terres, cela se saurait et il y a beau temps que ses Coquillas eussent été troqués contre du vulgaire JPD.

Juan leva les yeux aux cieux, façon Saint François d'Assise vu par le Greco. Je subodorai alors l'avis de grand frais et l'irruption de la risée dévastatrice sur la voilure.
On entama l'empannage par un «Te lo digo yo» du meilleur aloi et un arrêt de circonstance de l’embarcation.
Juan maîtrise parfaitement toutes les subtilités du «taurinement incorrect» et avec calme et détachement, un sourire quasiment narquois aux lèvres, il asséna à peu près cela: «Je ne devrais pas parler comme cela, cela contrarierait quelques illusions, mais tu dois savoir qu’actuellement, aucune expertise de cornes sérieuse ne permet de distinguer un afeitado correctement et habilement pratiqué d’une usure naturelle des cornes.».

Tonnerre de Brest, enfer et damnation, la bordée par tribord de ta mère qui s'fait niquer devant l'Prisunic!
Mais que fait la police? Non, la culture?
Sainte UVTF, au secours, toi le recours des afeités!

«Voy a enseñarte». Et toute voile dehors, par vent arrière de rallier des minis canyons, dont certains d’un profondeur abyssale de 1,20 m:
«Vois ce qu’ils sont capables de creuser avec leurs têtes, mes sapeurs.». Et moi de reluquer pensif les énormes caillasses excavées à la force du piton.
Je photographiai un trou.
C’est dur à photographier un trou!
Comment saisir la béance?
Pourtant, c’est révélateur un trou, c’est même la particularité majeure du gruyère et de Zarah Whites, l'égérie porno-bestialiste!
J’avisai les troueurs quadrupèdes en prenant conscience de leur réalité désormais la plus incontournable: un toro, ça n'existe vraiment que pour faire des trous! Des trous dans la terre-mère ou dans la viande d'homme...

Mais je n’en avais pas encore complètement terminé. Triomphant (c’est le nom d’un sous-marin, non?), Juan me véhiculait aux antipodes du cercado pour fièrement exhiber la production artistique de ses ouailles qui non content de labourer, exerçaient leur talents de sculpteurs sur le tronc des encinas (yeuses en bon français) disponibles.
Du grand art, digne de Joachim-Raphaël Boronali, maître de l’excessivisme (en fait le «Père Frédé», patron du cabarret montmartrois du «Lapin agile») qui fit peindre en 1910 son unique et impérissable chef d’œuvre par son âne «Lolo».
Comment voulez-vous après tant d’activités kératiniques que les puntas ne s’émoussent pas?
C’est sur ces considérations hautement philosophiques que par un prompt renfort, nous nous vîmes vingt deux en arrivant au port. Tant, à nous voir marcher avec un tel visage, les plus épouvantés reprenaient de courage…
Campo, école d’humilité…
Xavier KLEIN

Une vidéo de la novillada:
Pas mal l'échantillon représentatif!

Quelques commentaires diversifiés sur la novillada:

Photos "officielles" du lot:
http://www.flickr.com/photos/copetoros/sets/72157627482633686/

Et celles que j'ai réalisées le jour d'après:
 
 

jeudi 25 août 2011

Montealto à Saint-Sever

On avait donné dans le sérieux à Saint-Sever, dimanche 21 août.
Une présidence éminemment compétente.
Une novillada de Montealto remarquablement présentée, tant dans le trapio largement plus conséquent que ce que l'on voit d'ordinaire dans la majorité des corridas pour figuras, que dans les têtes aux armures acérées.
Un lot encasté et plutôt «en cannes», qui s'est avéré tout à fait intéressant (qui poursuivait les banderilleros jusqu'aux tablas ou aux burladeros dans lesquels il ne se privèrent pas de taper), avec du piquant et de la tonicité.
Selon une mode désormais bien établie, les novilleros qui les affrontèrent demeurèrent, à mon sens, très en deçà de la qualité des novillos, dont la plupart seraient sortis du ruedo, en d'autres temps,  sans leurs oreilles.
Un lot qui demandait à être tout simplement lidié avec efficacité.
Evidemment entre ceux qui ont du talent et ne veulent pas, ceux qui veulent mais n'ont pas de talent et ceux qui n'ont ni talent, ni quelque chose à dire, cela devient vraiment compliqué! Entre le désengagement des uns et l'engagement des autres...

A Saint-Sever on est généreux et l'ami Olivier Lataste a été bien mal récompensé de servir de telles perles aux pourceaux.
On aura donc passé en revue le catalogue de ce qu'il convient de ne pas faire: toréer décroisé, au pico, fuera de cacho, étouffer la bébête, se faire balader et même bouffer tout cru.
Pour autant, l'après-midi fut passionnante et il est vraiment dommage que l'on ne se soit pas plus déplacé, sans doute la canicule...
A moins qu'il ne s'agisse des fruits de ce black-out dont pâtissent certaines arènes peu en cour.
On préfère en ce moment faire le «buzz» en attirant les gogos par la fibre de la défense de la tauromachie en péril sur les plages nordlandaises.
Signe des temps: on prétend défendre la tauromachie là où elle n'existe pas au lieu de la soutenir là où elle vit intensément depuis longtemps. Tout cela pour la gloriole d'un péquin m'as-tu-vu!
En tous cas, j'ai abusé des temps morts pour me livrer sans retenue à mon goût des portraits: tranches de vie callejonesque.

La cogida de Juan Milian en 10 photos.
La vie est bizarre. Juan Milian fut le seul novillero que je photographiai dans le patio de caballo.
Sans doute à cause de la finesse de ses traits et de l'expression très concentrée et en même temps très rêveuse qu'il adoptait.
A revoir les clichés, j'ai été frappé par le fait qu'à divers moments, on croirait qu'il ne s'agit pas de la même personne.
Ce jeune novillero passe par diverses métamorphoses, divers stades, diverses émotions, diverses postures. Rien que de très normal dire-vous? Pas si sûr...
Ces modifications de l'apparence, réelles ou supposées, n'échappent pas à la prise de vue ("prise-de-vue": quelle expression tout à coup étrange!), alors que jusqu'à ce jour la chose m'était complètement passée outre.
L'appareil photo, la photo, apprendraient-ils à voir ou du moins à regarder? Ou plutôt, permettraient-ils de voir?
Ainsi ces «sauvages» qui refusent qu'on les photographie, de peur qu'on leur vole leur âme, auraient-ils quelque raison en fin de compte?
Une série de photos (j'en ai tiré 4 fois plus) pose ainsi une foule de questions dont la première serait: lesquelles choisir?
C'est une problématique sur laquelle Marc Delon avait attiré mon attention. François Bruschet m'en a récemment reparlé, ayant fait un stage passionnant sur ce thème.
Je ne dois pas être vraiment un photographe -ou alors un très piètre photographe- car ce choix là m'est difficile, comme un deuil impossible. Toutes me paraissent exprimer quelque chose de différent, un sentiment, une impression, une idée qu'il est dommageable de sacrifier.
Sacrifiez donc pour moi!
Ceci dit, cela ne m'étonne guère et me renvoie, comme d'autres expériences, à mon «architecture interne». Le tout étant de ne pas en être dûpe...
Prisonnier des images, celles que l'on ne veut pas nier, on l'est aussi des références culturelles et artistiques qui les ont inspirées.
Ainsi, grand admirateur de Jérôme Bosch, j'ai voulu rendre la frénésie du moment.
Ou saisir le désarroi du picador qui attend les nouvelles.
L'ultime question fut de savoir ce qu'on pouvait ou non, montrer. Ou se place la frontière entre le voyeurisme et la peinture d'une scêne.
Prendre les photos de l'infirmerie m'a gêné parce qu'elles «font intrusion dans l'intime». Un intime toutefois très relatif étant donné le monde présent et le ressenti des acteurs taurins que cet aspect là des choses n'avait pas l'air de préoccuper outre mesure.


Mais j'avais été frappé par le contraste de ce visage qui se révélait soudain si enfantin, et par la délicatesse des gestes qui devenaient d'une infinie tendresse, traduisant la solidarité des humains devant l'épreuve et la souffrance. L'infirmière devenait maternelle et le péon de confiance paternel.
Il y eut surtout un regard et un sourire que j'ai réussi à saisir, C'est ce genre de chose qui me touche, c'est de parvenir à saisir une miette d'humanité sans fards.
Voyeurisme?
Xavier KLEIN

samedi 20 août 2011

VELASCO, MIURA and Co

On ne doit pas être complètement idiots à la Commission Taurine d'Orthez.
Après avoir figuré deux fois aux cartels de la cité de Fébus, confirmé son alternative début août à Madrid (parrainé par Frascuelo), voilà t'y pas qu'on colle à Raul Velasco les Miuras de Bilbao, demain dimanche.

Madrid, Bilbao, des placitas de plage comme tout le monde sait.
Se pourrait-il que l'acharnement que nous avons montré à le soutenir contre vents et marée, à cause de ses talents de lidiador, de manière quasi isolée, se voit -enfin- partagé par les comiques qui gèrent ces deux ruedos?
Les toros disposeront demain!
Demain, je serai à Saint-Sever, je m'étais déjà engagé.
Mais je penserai fortement à lui à l'heure du paseo.
Si vous passiez dans le secteur, faites lui un fuerte abrazo de mi parte.
En tous cas SUERTE torero, que les dieux et les toros te soient propices...

vendredi 19 août 2011

Bilan à la mi-temporada 2011: Triomphe de la caste et déconfiture des «figuristas»©

Pour rompre avec les jérémiades et le catastrophisme ambiant, considérons paisiblement le résultat des courses. Un catastrophisme qui constitue le lot de la frange FIGURISTA©.
J'ajoute par dérision le ©, tant certain site depuis quelques mois s'emploie activement à s'inspirer et à copier régulièrement des concepts, des analyses, des constats et des mots que d'autres développent depuis des lustres pour se refaire, vainement, une vertu.

L'opposition torista/torerista n'a plus guère d'actualité pour de multiples raisons. Le goût de Morante, comme ce fût le cas de celui de Curro ou celui de Rafael n'est nullement incompatible avec celui des toros sérieux.
Par contre, la ligne de partage érigée durant une décade départage désormais les tenants d'une tauromachie de culture de ceux d'une tauromachie de spectacle: les «puristas» et les «figuristas».
Si ces derniers se lamentent devant la déroute, et le ridicule patents des parodies qu'on leur sert (pourrait-il en être autrement!), les premiers ont de nombreux motifs de satisfaction. Qu'on en juge (pour le Sud-ouest au moins):

GARLIN: novillada intéressante de Joselito, El Tajo y la Reina.
AIGNANS: corrida sérieuse de Baltasar Iban.
VIC-FEZENSAC: corrida intéressante de Dolores Aguirre.
MONT de MARSAN: corrida sérieuse de Samuel Flores, sortie «à l'ancienne».
SAINT VINCENT DE TYROSSE: corrida intéressante de Victorino Martin.
ORTHEZ: corrida intéressante de Dolores Aguirre.
HAGETMAU: «Pecador» de Fuente Ymbro et novillada intéressante de Miura (les 3 derniers).
BAYONNE: corrida sérieuse et intéressante de Joselito, El Tajo y la Reina.
PARENTIS: 3 excellentissimes novilladas de Murteira Grave, Paco Madrazo et Valdellan.
DAX: corrida intéressante de Dolores Aguirre.
ROQUEFORT: excellente novillada de Fidel San Roman.

Pour l'heure, le lot de toros le plus complet de la saison se partage entre les Dolores Aguirre de Vic et les Joselitos de Bayonne. Pour les novillos, sans contestation Parentis.
Voilà pour l'heure qui n'est pas négligeable, surtout au regard de la litanie de «sosadas» pour figuras que l'on nous a infligé.

La perfection n'étant pas de ce monde, on ne pourra que déplorer l'indigence technique et morale qui sévit au niveau torero. Combien de bons voire de grands toros et novillos n'ont pas trouvé d'adversaires à leurs mesures!
Des toros et des novillos de qualité, il y en a. Il y en a même beaucoup plus qu'à des époques plus funestes. Qu'on cesse donc de nous bassiner avec un prétendu marasme ganadero. Il n'existe qu'un désastre ganamundillero!

Le problème du jour, ce ne sont ni les toros, ni les zantitoros, ce sont les hommes et le fonctionnement perverti du système.
Les indignations commencent à s'exprimer de toutes parts, mais les cornus de respect demeurent, l'espoir persiste...
Xavier KLEIN

jeudi 18 août 2011

Dépit dacquois 2: l'espoir

Dacquois de naissance et de coeur, contribuable  «généreux » à la fiscalité locale, abonné depuis plus de 35 ans au même sitio, fondateur d'une peña qui ne se débrouille pas si mal, j'oserais quelques considérations d'autant plus désintéressées qu'éloignées des 40 kms qui séparent Dax d'Orthez.
La feria de Dax 2011 est symptomatique et riche d'enseignements.

Le constat:
Dax, une cité taurine jalousée par beaucoup, s'est souvent trouvée en pointe de l'innovation, ce dont témoigne le remplissage permanent de ses arènes depuis des années, quel que soit le goût que l'on puisse entretenir sur la «Dax touch».
Depuis la fin des années 70, Dax a toujours merveilleusement su jouer de ses atouts, de dates, d'un contexte et d'un environnement privilégiés, soutenus par un sens du «marketing» et de la «réclame» éprouvés. En outre, un consensus porté par des peñas locales actives, engagées, et surtout COGESTIONNAIRES de l'organisation municipale, a assuré un soutien et une base solide aux politiques taurines menées par la cité, quelle que soit la tendance de la municipalité en place. Tout cela n'excluant nullement critiques et divergences absolument indispensables à la vigueur de la vie taurine. C'est un cas suffisamment rare pour le souligner.

Dax a toujours aimé les paillettes, l'apparat, le spectaculaire, l'émotion superficielle, les toreros «medios», académiques, propres sur eux, gendres idéaux: les Arruza, les Dominguin, les Paquirri, les Cano, les Ojeda, les Ponce et maintenant les Juli.
Authentiques artistes et véritables belluaires s'abstenir.
Nulle opprobre: un fait!
Un fait qui coïncide parfaitement avec le contexte taurin de ces dernières années et la vogue de ce «toreo moderne» qui collait si intimement aux appétences locales.

Le problème c'est que les temps changent, et ils changent rapidement.
Quand les figuras se fendaient il n'y a guère de quelques épreuves annuelles justifiant leur statut. Quand 2 ou 3 fois l'an Ortega Cano, Espartaco ou Joselito consentaient à se gratter un lot de Miuras, de Victorinos ou de pimientos cornus de ce genre. Quand Molas demandait à Paquirri ou Junca à Ponce de «faire un effort», cela fonctionnait.

Cela ne marche plus...

Chez les professionnels comme dans le public, culture et afición sont en berne. Quand je dis afición, je parle du feu dévorant, de la passion qui pousse à la déraison qui déborde tout, et non de ce vague engouement paré de rouge et blanc, qui mène le troupeau torobranché aux étagères.
Je parle également de ces illuminés qui comme les supporters d'un club sportif se rencontraient tous les dimanches dans les diverses plazas et placitas pour célébrer le toro et non de ces nombreux guignols qui parlent beaucoup mais qu'on ne voit guère que dans les endroits chics où il convient d'être vu.

La valeur dominante de la société libérale post-moderne étant l'argent, le flous, le pognon, l'artiche, le blé, pourquoi la tauromachie échapperait-elle au mouvement?
La tauromachie où l'argent a de tout temps été présent, comme en toute activité humaine, n'obéit plus qu'à cet unique critère, ce qui n'était pas le cas tant qu'on parlait de pundonor et de tout ce jargon taurin dépassé auquel les 9/10ème du public n'entrave plus que dalle et dont il n'a rien à foutre d'ailleurs.
On est passé de l'aficionado au client (comme on l'entendit récemment à Vic)...
Une figura constitue plus que jamais un investissement rémunérateur côté et tarifé comme en bourse, dont on doit limiter les risques et maximiser les profits.
En clair, «limiter les risques» signifie lui éviter tout désagrément préjudiciable en lui réservant des faire-valoirs dociles et qui «servent» comme ils disent («Servir» quel mot abominable qui convient aux laquais mais ne saurait qualifier un toro fier et brave!).
L'objectif n'est plus l'engagement, mais le dégagement, c'est se prémunir de la blessure qui fait sauter les contrats à venir.
«Maximiser les profits» suppose que l'on pare l'insignifiance de tous les attributs factices de la gloire: oreilles, queues et indultos compris. Tout cela avec le soutien et la complicité active de journalistes laudateurs.

Ceci étant posé, on mesurera combien évaluer une feria à l'affluence des figuras et aux nombre de pavillons échus en dit long sur le degré de décadence du système.
La stratégie commerciale de nos figuras se fonde donc sur 2 ou 3 faenas d'importance consenties dans des plazas stratégiques qui établissent la côte annuelle et les émoluments qui en découlent. Le reste n'est que formalités et retour sur investissement.

Dans ce contexte Dax, comme toutes les plazas françaises de (fausse) première catégorie -en Espagne Dax serait une plaza de 2ème- ne peut plus conserver l'assurance que «figuras bien payées, plazas et tiroir caisse remplissent». Les figuras s'en fourbissent le coquillard de Dax, comme des autres, surtout lorsque le carnet de commande est déjà rempli depuis lurette.
Il faudrait arrêter de rêver, surtout lorsqu'on n'adhère pas, de prés ou de loin (et c'est heureux!), à l'un des clans de tontons macoutes qui gèrent le mundillo.
Il faudrait également cesser de consentir le beurre (le contrat), l'argent du beurre (les compagnons de contrat), la crème (le choix de l'élevage) et le cul de la crémière (le choix des toros par les veedors des figuras), même si connaissant l'orthodoxie de Christian Laborde en la matière, je doute qu'il consente à ces coquineries.

On jette là le bouchon un tantinet trop loin.
Passer systématiquement sous les fourches caudines de petits messieurs qui n'assument même pas leur part de contrats pourtant juteux n'est plus acceptable. Laisser choisir par l'apoderado jusqu'au sobrero qui va sortir devient intolérable.
Evidemment, tout cela, on l'entend plus dans les peñas populaires et taurines, à la Campo Charro ou à l'Alegria que dans les salons du Splendid ou les fastes feutrés de la Peña Chut! Encore faut-il risquer de s'y fourvoyer...

On atteint maintenant les limites d'une indécence obscène en temps de crise.
Plusieurs des gugusses qui sont venus vainement gesticuler devant des animalcules ont encaissé en 2 fois 20mn de facéties, l'équivalent de 6 à 10 ans de SMIC brut (16.380 euros). Ca fait cher la plaisanterie, même lorsqu'on a de l'humour! Combien d'éducateurs de rue, d'animateurs culturels, d'assistants éducatifs, d'aides à la vie, pourrait-on engager à ce prix là?
Qu'on me comprenne bien, ce que je stigmatise là, c'est uniquement l'EXCES et la démesure.
Un argument qui devrait certainement sensibiliser une municipalité socialiste.

Je le dis d'autant plus sans arrières-pensées, que j'ai reçu à Orthez, en tant qu'élu, des courriers de concitoyens se trouvant dans des situations critiques, qui s'émouvaient de possibles excès.
Cela, je l'entend et je dois l'entendre, comme humaniste, comme citoyen et comme élu.
Je les ai rassurés: au prix d'une corrida dacquoise on en organiserait 5 à Orthez où les toreros, modestes sans doute mais non moins respectables viennent toréer pour 10 fois moins.
Mais Orthez n'est pas Dax où la tache est infiniment plus complexe. Cela tout le monde l'entend.

Le temps de la révolte me semble venu et il me paraîtrait beau qu'on en lève à Dax le premier étendard. Comme il y a un siècle on a su le lever lorsqu'on voulut y interdire les corridas.

Comment remédier à cette situation calamiteuse dont seuls les comptes en banques de quelques «people» surévalués et de fumeux intermédiaires sont bénéficiaires?

Les pistes:
Il y a semble t-il la solution boucalienne: l'union sacrée pour produire à moins cher la même daube. Ce qui ne changera en rien ni la motivation des gladiateurs, ni l'ardeur flageolante des bestioles. Imagine t-on en outre les «Grands» du concert taurin français s'accorder alors que les grands abrazos publics camouflent si peu les navajas planquées dans les manches.

Il y a aussi l'audace, le culot d'appliquer le vieil adage: «El que paga manda» (Celui qui paye commande).
Billevesées et fariboles? Mais qu'a fait Pampelune cette année?
Sans donner dans l'excès de changer radicalement sa ligne taurine, Dax pourrait se limiter à une figura par cartel (il s'en trouvera toujours pour accepter) tout en choisissant librement des lots sérieux, ET les toros de ces lots: à prendre ou à laisser.
Ce serait surtout promouvoir toute une génération de toreros talentueux, de seconds couteaux de qualité qui verront quelque intérêt à venir se livrer à Dax, «poussant au cul» par competencia, les gloires surfaites. Une politique de long terme et un investissement sur l'avenir.
Dax détient l'audience, les moyens financiers, et le poids d'une telle politique. Il ne suffit que de l'afficher, de l'expliquer et de la «vendre».

Pour la mener, trois questions s'imposent:
Quelle tauromachie voulons-nous pour demain?
Qu'est-ce qui importe le plus: les profits faciles à court terme ou une tradition qui conserve encore un sens?
Quel public pour demain si la base populaire locale déserte et le  «cheptel de clients» tourne au troisième âge à cause des prix déraisonnables qu'imposent de tels cartels?

Dans ce sens et uniquement dans celui là, la tauromachie est chose politique.
Gaby, Cacou, vieux compañeros de longue date, défendez une tauromachie populaire et culturelle et non ce défilé de people sans âme et sans relief!
Xavier KLEIN

De l'art de la déconstruction créatrice: VIVA EL ROQUE!

Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
On se barbait solide après 4 corridas et une novillada sans que quelque incongruité ne vînt rompre la routine des lidias transparentes, des faenas stéréotypées et du traintrain des pegapases.
Comme dans ces auberges spécialisées dans le représentant de commerce ou les cocufiages clandestins dont on se lasse des menus standards et de l'impersonnalité du décor à trop les fréquenter.

A cette novillada non piquée du 15 août, mis à part l'héritier Martin -qui ne nous servit malheureusement pas de numéro de claquettes comme son homonyme Dean mais une faena fine et relativement engagée- on voyait se succéder la collection standard du prêt à porter taurin qui nous barbera prochainement dans les arènes.
Profilage, fuerage de cacho, décroisage, toreodeculage à foison, tout cela stérilisé durant une heure pour la conserve par un lot de Banuelos insipides et faibles. Un régal pour les curistes en goguette et les applaudisseurs professionnels, d'autant qu'on fit incessamment donner la Philharmonique pour tenter d'éveiller les ardeurs.
On se dirigeait cahin-caha vers la délivrance d'un apéritif stoïquement mérité lorsque surgit la bête.

On aurait pu et dû subodorer du louche durant le paseo: un gonze qui vous trace sur le sable des croix grandes comme celle de la Valle de los Caídos avant le paseillo, puis qui s'avance avec la superbe d'un Tarquin et le physique d'un Sancho Panza pour arriver à la présidence 3 mn après les copains dans une majesté paulienne étonne forcément dans le défilé des maigrichons de service.
Discret avec ça: costume rouge pétardant, cravate-foulard à l'ancienne, breloquée d'importance de toutes les Vierges disponibles d'Espagne, capote chiffonné turquoise au revers du plus grand chic et, dans le callejon, inhalation approfondie d'un puro Esplendido de gros calibre de la casa Cohiba. On sentait l'inspiration morantiste: du lourd en perpective!
Photo gracieusement fournie par Pierre THOMAZO
 La première impression se précisa vite lorsqu'à son tour «the thing» traversa impérialement le redondel pour s'agenouiller devant le toril et pieusement y dévider une salve de signes de croix à faire pâlir un chartreux cénobitique.

On ne fut point déçu: la larga-farol-chiffonade déclenchée un tantinet tardivement permit d'orner le costard d'une jolie série d'empreintes de sabot du meilleur effet.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
 
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE

Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
La suite fut indescriptible et la créativité permanente pour remédier, sans jamais céder de terrain (car les balloches du garçon ont été forgées à Albacete), aux menus inconvénients de la lidia.
 Malheureusement (ou heureusement, on ne sait...) la bestiole était faiblichotte, ce qui ne connectait pas trop avec la mâle incandescence du sympathique candidat.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
A la muleta, on assista à un assemblage surréaliste et hétéroclite de passes, dont certaines complètement inédites, conjugaison originale d'un sens prononcé de l'à-propos et d'un duende dyonisiaque.
C'était chaotique, tumultueux, tout cela avec des poses d'imperator suivies de délicatesses plébéiennes mais avec des naturelles qui rasaient les bas même si le point de destination relevait de l'improbabilité la plus absolue. Comme disait l'autre, parfois grossier (au sens propre du terme), mais jamais vulgaire.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
 Du Manuel Benitez pur jus à ses débuts. On donnait dans le bizarre, l'exotique, l'imprévisible. C'était frais et spontané, en un mot JU-BI-LA-TOI-RE!
Et cela souleva les gradins pris par l'alegria de cette incongruité tauromachique.
Evidemment il y avait les grincheux, les renfrognés, les docteurs de la loi. Les mêmes qui vous auraient flambé les gribouillages de Gauguin, Van Gogh ou Picasso comme la "çamsuffit" d'un vulgaire Viard.
On criait ça et là au blasphème, on feuilletait son Cossio, on en appelait aux mânes de Popelin ou à une intervention d'El Juli.
Foin de toutes ces finasseries! L'instant était là, jouissif, la rupture pataphysique salvatrice avec la véritable vulgarité, celle des toreros préfabriqués qui récitent sagement leur leçon en copiant sur le voisin.
Le maçon-torero qui jouissait sans complexe de son excentricité, le don Quijote aux allures de Sancho-Panza qui allait au bout de sa géniale et subversive folie crachait à la gueule du conformisme et du taurinement correct, comme une vivante et joyeuse offense aux ternes gandins qui l'avaient précédé.
C'est cette joie brute de toréer, cette vérité fondamentale de l'essence taurine, caricaturalement dévoilées qui séduisirent le public: On le retint, hors concours, pour la finale du lendemain.

Le 16 au matin, par le téléphone dacquois, les gradins étaient confortablement garnis.
On s'enquilla distraitement les finalistes en feuilletant le journal: au sud-ouest rien de nouveau...

Nous avions préparé une banderole de galéjade, histoire de faire bisquer les atrabilaires et de porter l'absurdité au paroxysme. L'absurdité d'une corrida qui se perd dans les subterfuges en ignorant l'essentiel: la joie barbare, la sauvagerie et la subversion.
Photo gracieusement fournie par Arnaud IMATTE
Rebelote, avec un Victoriano del Rio, un fils de Desgarbado peut-être, ce qui ne rajoutait que du piment à la sauce.
Et puis sortie en triomphe, ¾ d'heures pour traverser le patio de caballos en ébullition, du jamais vu.
L'homme du jour a dédicacé la banderolle avec gentillesse, l'humectant de sa sainte sueur (je conserve le précieux linge), bénissant nos mères de nous avoir engendré, ce qui est fort courtois.
EL ROQUE DE LA ALBERCA nous vient de Salamanque, nul ne sait ce qu'il deviendra.
C'est un garçon simple et gentil, fruit de l'Espagne en crise, qui apprend à toréer à l'école taurine sous l'égide de José Ignacio Sánchez.
Il a quelque chose à dire, et il le dit fort et avec caractère. A son niveau cela seul importe! Mais que cela fait du bien de revivre quelque chose des novilleros d'antan...
Putaingue, quel pied!
Xavier KLEIN