Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 6 août 2010

TRIOMPHER et TROMPER

Dans la continuité du dernier article qui évoquait la SEMANTIQUE, il est toujours utile de se référer à l'étymologie des mots (c'est à dire à leur origine et à leur histoire) pour appréhender le sens profond des choses.
Je suis régulièrement agacé par l'emphase et l'exagération systématique de moult commentaires et reseñas qui usent et abusent de superlatifs qui frisent le ridicule.
En dehors du fait que tout ce qui est excessif est insignifiant, on en arrive à une déconsidération des commentaires comme de ce (et de ceux) qu'ils sont sensés commenter.
Personne n'est plus dupe, surtout chez les aficionados. Et même le public néophyte prend ces propos avec distanciation, se doutant bien que tant d'éloges, par leur excès même, sont contestables.
Ma grand-mère avait coutume de dire (je traduit du patois): «Louange de soi, couronne de crotte». J'ai eu bien de la chance d'être éduqué par cette grand-mère là...

Pour en revenir à l'étymologie, travaillant il y a quelques années sur les emblèmes du pouvoir dans la Rome impériale, j'avais constaté que le mot TRIOMPHE (du latin triumphus: entrée solennelle d'un général en chef victorieux) avait des racines communes avec le mot TROMPER (du latin vulgaire trumpare, altération de triumphare: triompher).
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le triomphe des généraux romains vainqueurs (qui à l'occasion accédaient à un statut quasiment divin) s'est peu à peu dévoyé.

Tout d'abord on a commencé à accorder le triomphe pour n'importe quoi, y compris pour des escarmouches. Puis on a fini par l'accorder à n'importe qui.
Ainsi, les empereurs ne pouvant autoriser que quiconque pût rivaliser avec leur majesté, s'attribuaient les triomphes de leurs généraux. Et l'on voyait des débiles incapables défiler sur la voie sacrée pour célébrer des victoires remportées par leurs généraux aux marges de l'empire, alors qu'ils n'avaient pas quitté leurs orgies du Palatin.
Ce sont d'ailleurs là les signes de la décadence qui ruina l'Empire romain.
On en est quasiment rendu à ce point, si l'on en croit la tendance qui donne progressivement plus d'importance à certaines empresas médiatiques, qu'aux spectacles et aux acteurs qu'elles sont réputées gérer. Dans les amphithéâtres antiques, rien de nouveau sous le soleil.
Le petit peuple de Rome ne s'est pas fait embobiner. Les TROMPES et buccins qui TROMPAIENT le peuple se sont vite confondues avec les TRIOMPHES à bon compte.
Ceux donc qui, à tous propos, invoquent le TRIOMPHE, devraient, avec quelque entendement, vite prendre conscience qu'ils trompent les gens, se trompent eux même, et surtout trompent de jeunes toreros ou novilleros sur ce qu'ils font.
Je ne suis nullement une référence ou un docteur en tauromachie, mais je reste surpris par le nombre croissant de gens qui à l'issue d'une corrida ou d'une novillada viennent me demander un avis parce qu'ils pressentent confusément que les commentaires «officiels» ne rendent pas souvent compte de la réalité. Sans prétentions de vérité, je leur dis ce que j'ai vu et ressenti, et force est de constater qu'il en résulte souvent de la défiance à l'endroit des laudateurs. Le public n'est pas idiot, quand il en a l'opportunité, il préfèrera toujours un avis critique, lorsqu'il est argumenté et expliqué, à la retape du fournisseur.
«Tout trompeur vit au dépens de celui qui l'écoute». C'est malheureusement le public et surtout les jeunes prodiges abusivement portés aux nues qui paieront la note.
Parmi ceux qui croulent sous des déluges de trophées factices, combien survivront aux réalités? Combien quémanderont des contrats quand, ayant passé l'alternative, ceux là même qui les auront encensés se détourneront péteusement de leur route?
Cessons d'invoquer sans cesse des triomphes, ils ne trompent que ceux qui veulent y croire.
Xavier KLEIN

NOTA: «Encyclopédie de la corrida» d'A. LAFRONT (Paco Tolosa) de 1950, on peut lire à l'article «oreille»: «La cession de l'oreille par la Présidence est, en principe, la plus haute récompense que reçoit un matador pour un travail de qualité supérieure. L'oreille du taureau ne devrait être accordée que dans des cas exceptionnels, à la suite d'un succès ininterrompu obtenu par l'artiste dans toutes les phases du combat.»

2 commentaires:

el chulo a dit…

ami xavier,

lire la resena de zocato sur rafaelillo pour illustrer ton propos.

pedrito a dit…

Xavier, je reprends un extrait de ton post: "Ceux qui à tout propos invoquent le "TRIOMPHE", trompent les gens, se trompent eux-mêmes, et surtout trompent de jeunes toreros ou novilleros sur ce qu'ils font."

Si au moins les jeunes gens en question pouvaient surfer de temps en temps sur les blogs aficionados!
Et peut-être, avec un peu de perspicacité, y apprendre ainsi comment ils sont parfois -ou souvent- manipulés par des cuadrillas d'incapables, et par des apodos sans scrupules, ou rêveurs, ou cupides et menteurs.
Ton post, Xavier, me rappelle les déclamations illusoires de qqs novilleros que j'ai suivis de près comme d'autres que moi, pendant leur très brève carrière: aux soirs de leurs premières NSP où tout n'est - ou ne devrait être - qu'apprentissage, modestie, réalisme, persévérance dans la vérité et sagesse, ils répétaient à l'envi les propos mensongers que répandaient autour d'eux peones et mentors, qui ne parlaient que de de "triomphe", en se répandant en louanges parfaitement abusifs et déplacés en faveur de leurs petits protégés.
Comme si "gonfler leur melon" pouvait gommer leurs défauts et favoriser leur carrière.
L'un d'eux répétait sans rire: "j'ai trioumphé(sic) dimanche à ...XY, j'ai coupé deux oreilles!!"
Aujourd'hui, d'ailleurs, on continue à distribuer de distribuer de petits dépliants à l'entrée des arènes, résumant la carrière des toreros programmés: tout n'y est encore que louanges!
Comme également sur les articles de presse du S.O., de la Dépêche, du Midi Libre, ou d'ailleurs.

On voit le résultat : il y a rarement concordance entre ce qui est pompeusement annoncé sur le papier concernant les toreros, et leur prestation du jour.
Confirmation à PARENTIS: ce sont les toros qui en règle générale ont imposé leurs choix de terrain, les garçons ont été promenés, ont toréé sur le passage, ou n'ont rien fait du tout, pour un certain Plasencia.
Saludos