Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 13 août 2010

REMEMORATION


A mon cousin Xavier,


Quand vient la mi août, que les jours raccourcissent et que les nuits se font plus fraîches, vient le temps du pèlerinage.
Un pèlerinage tout personnel, difficilement compréhensible par ceux qui, mettant leur exigence de toros au dessus de tout, aiment à sourire lorsqu'on leur parle du ruedo dacquois.
Certes je n'y vais pas voir de grandes corridas toristas. Cela fait malheureusement bien longtemps, qu'on y a renoncé aux berges de l'Adour, en se prévalant d'un sévillanisme de pacotille.
Nulle ironie dans ma remarque, seulement le souvenir d'amertme d'une après-midi de septembre où l'on y préféra l'épate d'un petit toro à indulter que la grâce profonde d'une faena inspirée de Morante. J'en veux encore à mes frères dacquois de cette blessure toujours vive.
«Aller aux toros» à Dax m'est une noce, même quand les cartels y peuvent s'annoncer insignifiants. C'est le retour aux premiers émois de mon aficion autant que retrouvailles de ma ville natale dont les aléas de la vie m'ont exilé.
C'est une saveur du temps qui passe et se perd entre conversations avec de vieux amis retrouvés, escapades dans des lieux chargés de souvenirs, errances nocturnes, rêveries d'après-midi torrides dans une oasis soudain silencieuse.
J'aime à trainer mes guêtres dans la frénésie matinale de la Peña Campo Charro où l'on rencontre les compains; somnoler au café dans les salons du Splendid, quand le chaland n'y vient pas encore s'y faire voir; errer dans le patio de caballos lorsqu'il n'est pas encore envahi de fébrilité; retrouver les camarades de tendidos brûlants; siroter la manzanilla alegriesque aux Remparts et même m'esbaudir des chuts courroucés de la Peña Ponce, temple du kitsch où les bourgeoises méconnaissent que le flamenco est né dans les bordels bruyants et enfumés d'Andalousie.
Mal gusto et bon aloi s'étreignent inlassablement pour engendrer le charme dacquois.
.
Quand je pars pour la traversée de Chalosse me reviennent souvent comme une lancinance les mots mordorés du prince des poètes.
Je n'ai pas de baguette d'osier, mes «boucles brunes» sont devenues cardeñas, il n'y a ni citronniers, ni monts de plomb, juste parfois quelques uniformes qui attendent un PV de fortune.
Mais si ces mots me touchent et s'éveillent en mon coeur fatigué, c'est qu'ils y trouvent quelque écho d'une réalité enfouie.
Ils ne cessent jamais de me ravir...

Aujourd'hui je vais voir Morante, allez savoir pourquoi je pense à Lorca!
Xavier KLEIN
*
Antonio Torres Heredia,
hijo y nieto de Camborios,
con una vara de mimbre
va a Sevilla a ver los toros.
*
Moreno de verde luna
anda despacio y garboso.
Sus empavonados bucles
le brillan entre los ojos.
*
A la mitad del camino
cortó limones redondos,
y los fue tirando al agua
hasta que la puso de oro.
*
Y a la mitad del camino,
bajo las ramas de un olmo,
guardia civil caminera
lo llevó codo con codo.
*
El día se va despacio,
la tarde colgada a un hombro,
dando una larga torera
sobre el mar y los arroyos.
*
Las aceitunas aguardan
la noche de Capricornio,
y una corta brisa, ecuestre,
salta los montes de plomo.

Curiosité: "El Prendimiento" interprété en grec par Maria Farantouri sur musique du divin Mikis

4 commentaires:

el chulo a dit…

je te recommande encore le plus beau poeme de lorca, selon ponce, ou de ses conseillers, "a las cinco de la tarde".
me cago!

el chulo a dit…

ponce ne pue pas sous les bras, ni surement du coté de la zezette, il est propre, muni de préservatifs de toutes sortes, il est gentil ami du roi, inculte et prétentieux.
lui! bref je l'adore!
en plus lorsqu'il invite quelques malheureux, à visiter sa finca, il invite aussi les cameras.
bref un type super!

Bernard a dit…

Xavier,

Pour t'accompagner durant ton "pélerinage" dacquois - le cas échéant à titre de viatique, ces quelques autres vers de Lorca, tirés du poème suivant du "Romancero gitan" - et dont j'apprécie la musicalité même si je ne sais pas l'espagnol:

"Cuando las estrelas clavan
rejon el agua gris,
cuando los erales sueñan
veronicas de alheli,
voces de muerte sonaron
cerca del Guadalquivir"

("Complaintes gitanes" - Edition bilingue - Editions Allia 2009 - p. 78)

Suerte - Bernard

el chulo a dit…

une nouvelle de grande importance, cf malaka.
a la malagueta où le senor puche en seigneur absolu avec cette année l'aide de pseudo empresas, conde y el paquirrin, une corrida a été supprimée car les toros étaient jugés honteux.
c'est à dire que "l'autorité" a "affronté" les "taurinos".