Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 31 mai 2013

Esprit de clocher


«Le nationalisme est la culture de l'inculte, la religion de l'esprit de clocher et un rideau de fumée derrière lequel nichent le préjugé, la violence et souvent le racisme.»
«Les enjeux de la liberté» Mario VARGAS LLOSA


La nature, surtout humaine, ayant horreur du vide, et l'actualité taurine -madrilène en cette saison- manquant quasiment de matière et de piment, l'aficionaute se console par quelques joutes dont l'intensité culmine plutôt à proportion inverse de l'altitude.
La galéjade se nourrissant avantageusement de la brièveté, la taquinerie ne saurait qu'être exceptionnelle pour demeurer amicale.
Plus, c'est trop, ... et trop, c'est lourd!

On revit donc en direct un mauvais remake de la croisade contre les Albigeois, mais à front renversé, les agresseurs n'étant plus les méchants chevaliers du nord, mais quelques activistes cathares en mal de chauvinisme mal placé.
Que nos frères oïliphones ainsi maltraités se rassurent: pour la plupart des gascons lambda, le nord commence au sud de … Bordeaux, parfois même des limites communales, les burdigaliens étant aussi décriés, sinon plus, que les parigots!
Le gascon ne monte pas à Paris, il y descend, comme à la cave ou aux poubelles. Et il n'y descend généralement (hormis pour cas de force majeure: Tournoi des 6 nations, Salon de l'agriculture, concert de Nadau à l'Olympia) que contraint et forcé par des impératifs professionnels, jadis pour servir dans l'ost, maintenant dans les respectables administrations de l'Education Nationale, des Douanes ou des Impôts. Il y vit comme Alcibiade en Perse: en exil... tout en profitant bien entendu des fastes de Babylone...

C'est une chose d'être fier de ses racines et de sa culture, c'en est une autre d'en exclure les copains et d'aller leur trouver des pailles oculaires alors même que des poutres vous obscurcissent le regard et l'entendement.
Il en va des parisiengs et des nordistes comme des autochtones: une déclinaison de particules humaines qui part de la connerie la plus abyssale pour parvenir, parfois, à la la plus délectable des subtilités, dans les mêmes exactes proportions au septentrion qu'au méridien.
En cette matière comme en d'autres, l'intolérance est de règle: on supporte toujours mieux le fumet de ses flatuosités que celles de son prochain! La couillonnade énoncée sur les tendidos de Dax ou de Vic passe toujours plus mal quand elle adopte l'accent de Paname.
C'est la vie!

Cet ostracisme n'a pas toujours été de mise, d'autant que les culturés taurins savent se rappeler qu'il fut des arènes en Lutèce (rue Pergolèse) aussi bien qu'au Torodrome de Roubaix.
Il me semble qu'il résulte surtout de l'afflux massif, depuis les années 80, suite à la mourousimania nîmoise, d'une faune en mal de chébran. Dax a connu la même évolution (en plus bordelaise), voulue et mise en scène PAR LES ELITES LOCALES pour remplir leurs redondels.
Les llenos venant, les affiches se faisant somptueuses pour satisfaire aux exigences d'une tauromachie-champagne qui dériva le plus souvent en méchant mousseux, pour finir complètement éventée, le prix des places s'envola pour supporter le luxe et les paillettes, les abonos extériorisés se multiplièrent, privant l'indigène de l'accès à cette tauromachie populaire et locale à laquelle il était attaché et provoquant parfois son ire (beaucoup de dacquois ne trouvaient plus de places).
En conséquence, dans les ruedos, la réprobation devenue majoritaire des «chutistes» couvrit peu à peu la saine, vigoureuse et subversive activité des aficionados de verdad -qu'ils fussent ou non du cru-
De là vient le mal. De la perception erronée que l'afflux d'estrangers aurait subverti financièrement et dans l'esprit la culture locale.

On se trompe de cible. On ferait mieux de s'en prendre aux édiles, aux commissions taurines et aux bistroquets locaux qui ont usé et abusé des avantages pécuniaires de cette migration taurine, dont ils ont organisé les agapes frelatées pour leur plus grand profit.
Il n'est nullement indifférent de considérer les signes, apparemment anodins, qui accompagnent les mutations en cours: à Dax par exemple, la conversion à un toro plus sérieux s'accompagne, comme par hasard, de la fermeture programmée d'un symbole éclatant des fastes désormais périmés: le Splendid.

Après l'éclatement de la «bulle taurine» ®, comme il advint de la bulle spéculative, après 30 années de vaches grasses, on revient simplement à la normale. C'est à dire que quantitativement et qualitativement (en terme de figuras et de cartels de luxe), les évolutions vont sans doute nous porter vers l'état originel des 80's.
Il en ira de même des spectateurs du nord comme du sud, les authentiques aficionados continueront à nous enrichir de leur présence et de nous gratifier de leur amitié, quand les bobos déserteront progressivement des corridas qui ne seront plus de leur goût et qu'ils ne pourront apprécier, faute de culture taurine.

Je voudrais toutefois fustiger d'importance les contempteurs de cette magnifique afición nordiste. «Je pense notamment à certains salisseurs de mémoire qui feraient mieux de fermer leur clape-merde».
Combien de peñas méridionales produisent-elles régulièrement le bijou aficionado, ô combien ciselé, que représente «Olé y Palmas», la lettre du Club Taurin du Nord? Combien feraient l'effort de se déplacer fréquemment, comme eux, pour venir voir des festejos badés par les natifs?
Combien des mêmes peñas autochtones vous accueillent avec autant de délicatesse, de gentillesse, d'enthousiasme, et surtout de socios présents que la Peña Angelina de Saint Jean d'Angély? Quand ils se réunissent, ils sont 50 passionnés (seuls les grabataires et les agonisants restent à la casa), quand chez nous, une conférence ou un débat attire difficilement 10 pelés, 3 tondus et 2 galeux (ces derniers ayant vu de la lumière et étant entrés par hasard...).
La Commission Taurine d'Orthez a organisé le week-end dernier un voyage pour visiter les ganaderias des fêtes. 6 inscrits (sur 53) sont venus de toute la France, quand des prétendus aficionados du cru, sans doute blasés, ont jugé superfétatoire de répondre présent. Tant pis pour eux, c'était jubilatoire! Merci aux estrangers, à ces nouvelles amitiés.

Qu'on ne vienne donc pas me chatouiller avec cet esprit de clocher merdique, le même qui oppose nos bourgades, dont chacune rivalise pour occuper le centre du monde, dont chacune croit être le nombril!
Personnellement, je m'honore de l'amitié et de la camaraderie de ces copains d'ailleurs, de Denis le Parisien ou de Denis le Lillois, qui parlent, voient, pensent, plaisantent différemment, comme de celle de mes amis  Shavkat l'Ouzbek, Youssef le Marocain, Mitsuhitsa le Japonais, William l'Ecossais, Firouz l'Iranien ou John le Texan (ils se reconnaitront). Ils sont le sel de ma vie, sans lequel tout serait fade.
Pour ma part, j'échangerais volontiers quelques dizaines de casse-berles locaux, imbus de leur supériorité supposée, de leurs privilèges callejonesques ou des 30 corridas vues du canapé sur Canal + Espagne, contre une poignée d'aficionados de verdad qui font 500 ou 1000 kms POUR ÊTRE PRESENTS et pour nous faire l'honneur de partager convivialement la fiesta dans nos arènes snobées par les aborigènes (ou dans les Landes, les arborigènes).

Et puis mordiou, s'il le faut, je suis prêt à en découdre à l'heure et au lieu qui plairont aux cuistres, de quelque patois qu'ils soient. Le choix des armes (tinto, clarete, chinchon, yoyo ou puces parisiennes) demeurant à la dévolution  de l'offensé.
Je gage qu'à la Brega, beaucoup de témoins se bousculeront pour me seconder dans le duel. 
Xavier KLEIN

Le seul esprit de clocher qui m'agrée (pas le millésime!):

6 commentaires:

Alain Lagorce a dit…

:-) ¡olé Javier!
On n'est pas payés bien lourd mais on se marre bien !

Anonyme a dit…

Tu peux compter sur moi pour te seconder quand tu seras dans le besoin, quoique à priori, il m'étonnerai que tu en ais besoin.
Abrazo fuerte, et à bientôt.
Patrick.

Anonyme a dit…

Poursuivez le raisonnement jusqu'au bout et dissociez corridas et fêtes d'Orthez.

pedrito a dit…

Submergé de travail et de soucis, pour cause de déménagement du "village authentique" où il est interdit de déclarer que 6 semaines d'occupation, c'est trop long - je me fais rare et discret: mais que j'aime tes saines ruades en avançant la jambe p'alante, Xavier, elles me redonnent du moral, qui en a bien besoin

Xavier KLEIN a dit…

Dissocier fêtes et corridas?
Sûrement pas!
Historiquement, culturellement et symboliquement les deux sont intimement liées partout et toujours.

françois molina a dit…

Merci Xavier et à très bientôt à Céret ou à Orthez. Quant à Pedrito,tu as tout faux, la sortie en Espagne ne valait pas de l'or mais bien plus par le bonheur qu'elle nous a procurés.
Il me tarde de tous vous revoir.
Amitiés
bmolina@laposte.net