Humeurs taurines et éclectiques

lundi 28 janvier 2013

Arènes sanglantes

L’incompétence historique se marie à ravir avec l’impéritie littéraire quand nos contempteurs se préoccupent de prendre Vicente Blasco Ibáñez à témoin dans l’argumentation anti-taurine.
Contresens dans la perception de la critique sociale qui est le véritable thème sous-jacent d’«Arènes sanglantes» du digne représentant dans sa culture de l'Ecole naturaliste, celui qu’on surnommait le «Zola espagnol».
Mais également perception -hors du contexte- d’un texte écrit en 1908, utilisé pour une critique de la corrida en 2013!!!
Dans la mauvaise foi et la bétise on ne saurait mieux faire. C’est comme si l’on critiquait la condition des mineurs européens contemporains (du moins ce qu’il en reste) en utilisant «Germinal»…
La physionomie de la corrida, tant dans son contenu que dans l’attitude du public a autant évolué en un siècle, que tout autre type d’activités, du théâtre au tennis.
Cela ne gêne en rien nos imprécateurs, qui, tels les moutons de Panurge –normal pour des bestialistes- citent à l’appui un texte que je les défie de trouver dans le roman (je fournis même le texte: http://editions.sillage.free.fr/pdf/blasco-arenessanglantes.pdf): «Dans une corrida, ce qui m’écoeure, c’est la foule. Là, la foule donne libre cours à ses instincts de grossièreté, de férocité, avec une ardeur plus véhémente que dans une émeute ou à la guerre, car elle sait qu’elle ne risque rien. Là, l’homme du monde y devient pareil au pire voyou de la rue, et derrière la balustrade solide, il vocifère comme un dément, dans son désir de sang et carnage. La lâcheté de tous ces gens excitant les autres à s’entretuer est, à mon sens, une des choses les plus ignobles qui soit au monde, c’est un odieux assassinat de chevaux et de taureaux.»
Blasco Ibanez, «Arènes sanglantes»

Par contre, pour qui connaît le texte et son exégèse, Blasco Ibañez, aficionado de verdad, mais également scrutateur intransigeant de son temps, livre ci-après, sous le couvert du Docteur Ruiz, son sentiment.
Une façon de voir à laquelle, j’ai une forte tendance à adhérer: «Le docteur insistait sur son idée : «Un progrès incontestable ! Et voilà la raison pour laquelle, moi qui suis révolutionnaire en toutes choses, je n’ai pas honte d’avouer que j’aime les courses de taureaux. Ces courses sont barbares, j’en conviens. Mais les peuples qui se disent civilisés n’ont-ils pas d’autres plaisirs aussi sauvages ? Est-ce en Espagne seulement qu’on se délecte à des spectacles mortels ? Les inutiles courses de chevaux qui se pratiquent en Angleterre, en France et partout, ne laissent-elles pas chaque année sur les hippodromes plus d’hommes tués qu’il n’en périt dans nos redondels ? Et la chasse à courre, et les combats de coqs, et les séances de boxe, et tous ces sports brutaux qui écrasent les nez, cassent les jambes, fracturent les crânes, sont-ils donc des passe-temps anodins ? En somme, chaque peuple a ses jeux violents ; et, qui sait ? peut-être un peu de brutalité est-il nécessaire pour secouer la monotonie de notre existence trop douce, pour réveiller dans nos organismes débilités les énergies viriles. Que des hommes valeureux et adroits, s’astreignant à observer des règles d’une indubitable sagesse, affrontent et tuent, au grand soleil, sous un ciel de feu, en présence d’une foule multicolore qui les applaudit, une bête énorme et féroce, c’est sans doute un spectacle sanglant, mais, à coup sûr, c’est aussi un spectacle de beauté… ».
Encore une imposture, celle d’ignares et de fanatiques plus préoccupés de plier les réalités à leurs désirs forcenés et à leurs thèses, que de s’informer objectivement des faits.
Xavier KLEIN

6 commentaires:

Anonyme a dit…

« Il n'y a aucun mérite à bien se conduire avec ses semblables.(...) On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont le résultat de nos sentiments, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d'avance conditionnées par les rapports de force entre individus. La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu'il échappe à notre regard), ce sont les relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent. »

l'insoutenable légèreté de l'être (p.420-421) :

Xavier KLEIN a dit…

Sans doute vous a t-il échappé que j'évoquais Blasco Ibañez.
Mais c'est bien des "zantis" que de répondre à coté quand la question les gêne.
Des citations pro-corrida, d'auteurs tout aussi respectable, j'en dispose de caisses.
Milan Kundera, voyons!
N'est-ce pas ce garçon membre du Parti Communiste tchèque jusqu'en 1970 qui disait dans «Les anges», p. 78-79: «Moi aussi j'ai dansé dans la ronde. C'était en 1948, les communistes venaient de triompher dans mon pays, et moi je tenais par la main d'autres étudiants communistes."
Vous avez raison: un homme qui ne s'est jamais trompé!!!

Anonyme a dit…

Désolé j'avais oublié que Mr Klein était l'heureux détenteur de toutes vérités.L'aficionado est la perfection incarnée,exempt du peché originel.
Bref,il est normal qu'un homme se trompe et c'est de ses erreurs qu'ils forge son experience.
La modestie n'est pas votre qualité première.Votre sufisance elle,dégage une odeur de rance!

pedrito a dit…

Parce que nous aimons les courses de toros, nous serions des sanguinaires, des sauvages, des brutes assoiffées de sang? Des sauvages? Des rustres? Quoi encore? Des bourreaux?
Pauvre raisonnement: je parie que ceux qui ont torturé Tiphaine jusqu'à l'agonie n'ont jamais vu de corrida. Et çà, est-ce que cela pourrait effleurer les neurones yaourtisées des agités du bocal?
(Putain, Xavier,recopier ces chiffres, là-dessous, c'est pas du gâteau!!!!!

Anonyme a dit…

Je ne crois pas que Blasco Ibanez ait été réellement un aficionado.Il écrit Arènes Sanglantes au retour d'un voyage en Europe.Tout d'un coup il s'intéresse au thème de la corrida qu'il n'avait jamais abordé précédemment et qu'il n'aborderait plus jamais.Républicain et proche des milieux anarchistes, son livre n'est ni pro ni antitaurin. Les différents personnages servent effectivement de support à une critique sociale caractéristique de l'ensemble de son oeuvre.

Xavier KLEIN a dit…

Sauf que pour parler de la corrida comme il en parle, avec un raffinement de détails et une connaissance de ses arcanes, il fallait fréquenter intensément et intimement les arènes et son milieu!