Humeurs taurines et éclectiques

mardi 5 avril 2011

Tous les chemins mènent au front

Il paraît que la laïcité est en danger et qu’un débat s’impose en urgence.
Personnellement, l’urgence ne m’en saute nullement aux yeux, et si la laïcité se trouve en péril, c’est surtout du fait de ceux, ou plutôt de celui, qui serait sensé la garantir et qui la galvaude à des motifs populistes de basse politique électorale.
Chercher à être réélu quel que soit le prix à payer, en l’occurrence mettre la République à feu et à sang, verser de l’huile sur le feu, rouvrir les vieilles blessures, monter les uns contre les autres, me semble au plus haut point relever de l’abjection absolue.


La laïcité en France relève d’un compromis génial trouvé en 1905.
Un compromis toujours actuel qui n’a nullement lieu d’être remis en cause.
Un compromis malmené par les dérapages d’un président irresponsable, malheureusement suivi et aveuglément soutenu dans ses errements, par un quarteron d’arrivistes, de spadassins, de «béni-oui-oui» obséquieux et autistes, qui font mumuse avec des allumettes dans la poudrière.

Le 5 avril, l’ignoble Claude GUEANT, celui qu’on surnomme au château le «Cardinal» (sic), éminence grise de Nicolas 1er, a encore rajouté une couche dans l’abjection en glosant sur «l’accroissement du nombre de musulmans (qui) pose problème».
On se croirait revenu aux beaux jours de «Je suis partout» ou de «Gringoire» quand c’était le judaïsme qui était placé sur la sellette, à peu près dans les mêmes termes et avec les mêmes arrière-pensées.
Ce type de (fine) allusion porte le double avantage d’enrager les tenants d’une laïcité de stricte obédience, ceux à qui l’évocation de toute forme de religiosité provoque des crises d’urticaires, mais aussi de titiller la fibre gauloise et xénophobe qui se terre en moult français «de souche».
On veut ainsi séduire les gogos primaires qui tiennent pour la laïcité, comme ceux qui craignent pour la disparition annoncée de leur petit clocher, bientôt reconverti en minaret. On reprend à son compte, en la déclinant sous des formes plus civilisées, la fameuse formule lepeniste montrant une France «mosquétée» et «hidjabée».


Ce faisant, on sollicite complaisamment, non pas la pensée et la raison, mais cet irrationnel et ces peurs qui gisent à l’état latent dans le for intérieur de tout un chacun, même si tout un chacun s'échine consciencieusement à les ignorer.
Car, même si l’on veut conserver bonne conscience, la lucidité commanderait que l’on n'ignorât point cette bête tapie dans les tréfonds des esprits les plus sublimes, qui ne demande qu’à ce qu’on brise ses chaînes pour s’exprimer.
Dans ce chef d’œuvre absolu qu’est «La Grande Illusion» de Renoir (interdit dans l’Allemagne nazie et la France pétainiste), le héros, le Lieutenant Maréchal (Jean Gabin) s’évade avec son ami, le Lieutenant Rosenthal (Marcel Dalio).
Pendant leur rude cavale, les affres de leurs tribulations les conduisent à l’épuisement physique et moral. A bout, Maréchal, homme pourtant ouvert et progressiste, finit par traiter son meilleur pote de «sale juif», ce dont il se repent amèrement par la suite.
Jean Renoir, en grand humaniste, ne se refuse pas à montrer cette réalité là.
C’est justement par la prise en compte de cette ambiguïté et cette complexité de l’être humain, et son refus de tout manichéisme et de toute représentation simpliste, qu’il accède à cet humanisme dont beaucoup se gargarisent sans en comprendre le sens réel, ou bien en le dénaturant.
Renoir, voit l’Homme et l’aime tel qu’il est, sans illusion et sans fards.
Mais pour autant, il peint des «hommes de bonne volonté» qui, dans leurs imperfections, dans leurs failles et leurs incohérences, militent et combattent pour une humanité plus accomplie, plus juste, plus libre, plus égalitaire.
Moi aussi, comme les copains, les démons me harcèlent parfois, galvanisés par les peurs.
Moi aussi, pourtant attiré par l'Autre, l'étranger, j'appréhende parfois cet inconnu aussi séduisant qu'inquiétant.
J'ai toujours trouvé la ressource de les refouler dans mes tréfonds, avec les obscurs et troubles désirs de meurtre, de viols ou de violence qui les accompagnent.


Ce matin, une déviation m’a contraint à quitter mon trajet habituel et à traverser plusieurs de ces petits villages charmants et isolés qui font le charme de la France profonde.
Chemin faisant, j’entendais monter de France Inter les remugles malodorants du débat en cours.
Je perdis ma route et me trouvai perdu dans une impasse.
Je joignis le bistrot rural le plus proche afin de corriger la trajectoire, et j’en profitai pour m’enfiler un petit noir (même si je suis révolté par le tourisme pédophile…).
Depuis le zinc, j’avisai le panneau électoral encore sur pied où figurait une affiche du FN, très détériorée par des taquins autochtones, où il était question de hordes maghrébines.
Je questionnai le patron et les deux cacochymes, mannequins de chez Ricard vu leurs trognes:
«Et çui-là combien il a fait?»
«12 voix (3%). Pourquoi, c’est mal?»
«Juste surprenant… Combien d’immigrés dans le village?»
«ZERO… Mais il POURRAIT yen avoir. J’les connais les zoizeaux, j’ai vu ce qu’ils valaient en 58
Il s’est quand même trouvé 12 simplets pour témoigner de leur trouille irrépressible de voir leur bedeau nonagénaire remplacé par un muezzin, et l’église où ils ne pénètrent plus par une mosquée. Le seul Omar qu’ils fréquentent, c’est Omar Buzet, et encore les jours de banquet!
«Ouais mais la guerre d’Algérie c’est loin, non?»
Et de se rappeler le bon temps des colonies, quand on était sorti pour la première fois de sa cambrousse pour aller tâter de la moricaude dans les BMC du Constantinois.
Et de raconter le copain trouvé au petit matin avec le sourire kabyle.
Et de conclure: «Ceci dit, on leur a pas fait de cadeau non plus!!!».
Intrigué, il fallait pousser l’affaire.
4 jaunes plus tard, le fin mot de l’affaire: pour un copain zigouillé, un douar cramé au lance-flamme et 6 cadavres en représailles dont deux mousmées, sans compter un ou deux viols, histoire de calmer la fureur des guerriers. Le tout raconté mi-confidence, mi bravache, avec un zeste de provocation et d'émulation dans la connerie.
On évoqua aussi les gaîtés de l’escadron: un «commando de chasse», spécialisé dans la traque des fellouzes, où l'on maîtrisait l'art de la gégêne et les corvées  de bois.

Ces deux vieux débris n’étaient pas des monstres. De bons gars de chez nous, bons fils, bons frères, bons pères et bons maris.
Ils avaient simplement eu peur, les pioupious!
Peur de l’Autre, peur du différent, peur de l’inconnu, peur de la peur.

«Ouaip, on ne leur a pas fait de cadeau non plus!»
La voix s’étrangle soudain, on le sent. Une larme coule doucement dans les rides cramoisies, qu'on fait mine d'ignorer: chagrin d'ivrogne!
La bête immonde avait tué leur innocence...
Je me sauve à l'anglaise.
Peur et honte!
Xavier KLEIN

Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.
Article 1- La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Article 2- La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. […]

***




10 commentaires:

el chulo a dit…

La laïcité, pour moi, fait partie intégrante de notre République, associée fondamentalement à la notion d’Égalité de traitement, de Liberté de croyance et de culte, et pourquoi pas de Fraternité. Bonjour « l’Angélisme » qui nous est tant reproché. Ceci étant dit, je n'utilise pas le mot de « Tolérance » et sous entend pour moi une certaine condescendance, ou une idée comme « c'est pas bien" mais je « tolère » .

L'utiliser comme outil de Guerre Religieuse me paraît dangereux, et inacceptable car contraire à l'esprit même du sens du mot.

Même si je comprends bien le sens de ta discussion de bistrot, voulant dire qu'il s'agissait d'un comportement peu réfléchi et assez commun, je te dirai, avec ton autorisation, que cela me semble faire perdre de la force au discours. Le sourire Kabyle est un vieux truc, et je te signale de plus, dans un autre ordre d'idée, si on veut, quoique l'un pouvait ne pas empêcher l'autre, que par exemple Franco, non pas qu'il ait été horrifié, mais pour éviter que ce soit utilisé contre son « mouvement » avait interdit que ses troupes indigènes castrent les prisonniers morts ou vivants. Il y a là, une forme de « tradition » qui perdure semble t'il.

La laïcité, facteur déterminant de paix sociale, mérite autre chose que cet amalgame pratiqué au plus haut niveau de l'Etat. De plus elle est parfaitement délimitée et définies dans les textes, trop souvent plus « interprétés » qu'adoptés. Mais c'est à toutes les parties constituantes de la société de le comprendre et de l'intégrer, et ça c'est une autre histoire, plus du domaine de l'éducation, pour moi, républicaine.

Abrazo

Anonyme a dit…

Admirable "humaniste" ce Jean Renoir qui s'est "cassé à l'anglaise" en 37 aux Etats-Unis, qui avait plus peur que honte et qui est mort bien peinard à Beverley Hill. Passons sur le courage de Jean Gabin à la même époque. Tout cela fait d' excellents français.
Très réussi comme illustration de l'humanisme !

Ludovic Pautier a dit…

le commentaire précédent s'emmêle complétement dans les dates et du coiup en tire des conclusions hâteuses ( hâtives et douteuses ). par contre, je suis d'accord que c'est extrèmement complexe de s'appuyer sur des oeuvres , donc des productiuons intellectuelles qui nous proposent de cerner des enjeux, du sens..., issues de cette période trouble. car ce qui est notoire c'est l'antisémitisme qui se dégage de certains dialogues de "la grande illusion" et l'antisémitisme et lke reniement des valeurs humanistes de Renoir lui-même :
http://www.educreuse23.ac-limoges.fr/loewy/realisations/enfants/avvichy.htm
et
http://www.matierefocale.com/article-229924-6.html
mais la valeur d'exemple transcende l'auteur et l'oeuvre, c'est un fait. si j'écoute Wagner, je suis antisémite ? si je lis Murray , je suis de droite ou réac plein phare ?
Quant à Gabin...c'est un personnage de fiction , Jean Gabin n'existe pas dans le film de Renoir eh oh , faut se réveiller : jean yanne n'est pas tueur en série dans la vie comme dans "le boucher " de Chabrol. mais laissons-lui le dernier mot : "oh, je sais...oui, je sais...je sais qu'on ne sait jamais."

ludo

Xavier KLEIN a dit…

OK Ludo.
Il convient en cette matière comme en d'autres, de remettre dans le contexte.
Je suis convaincu que malheureusement l'antisémitisme ne connait nulle barrière en matière politique ou philosophique.
Voltaire, homme des lumières était antisémite!
Lorsqu'on lit les écrits de l'entre deux guerres, on serait surpris d'y trouver, sous les plumes ou les medias les plus progressistes des propos et prises de position qui nous feraient hurler.
Tout cela vient du manichéisme ambiant, qui donne à penser que les bons sont d'un coté et les mauvais de l'autre.
Rien n'est plus inexact, il n'est que de considérer le nombre de Cagoulards qui ont rejoint Londres et le nombre d'hommes de gauche qui ont rallié Pétain.
Cela n'enlève en rien l'aura humaniste qui depuis toujours accompagne la "Grande Illusion".
Le jour où l'on admettra que la perfection n'est pas de ce monde, on aura fait un grand pas.

Anonyme a dit…

Parce que je m'emmêle dans les dates, j'en tire des conclusions hâtives ? Comme vous allez vite dans la condamnation. Bon d'accord, 37 c'est l'année de "La grande illusion" et J. Renoir s'est barré aux USA en 41? Puis il est reviendu en France, il est repartu et il a mourru à LA quelques années plus tard.
Si j'écoute Wagner, je suis antisémite ? Et pourquoi pas, à rebours : pourquoi le fait d'être sémite a fait détester Wagner parce que Adolf en était groupie ?
P. Murray ? une version light de ce qui nous pend au nez. Une affaire ni de gauche ni de droite. Nous sommes tous devenus des Juan Pedro Domecq.
Voyez l'actualité : JL Trintignant refuse de croiser Bernard Cantat au festival d'Avignon. Je ne sais pas si ce chanteur a du talent mais sa "valeur" transcende t-elle le personnage ? Serait-il convenable d'aller applaudir un assassin ?
Cet étalage d'humanisme me hérisse au plus haut point. Tenez, JL Borloo s'est déclaré "humaniste et social". Connerie !
Ah bon ? J. Yanne n'était pas tueur dans la vraie vie ? Pourtant il en a tué des cons !
Bonne Maman (qui fait la bonne confiote d'humanisme).

el chulo a dit…

je prefere ne preter aucune attention au reste. trintignant a absolument raison de faire ce qu'il fait; hé, mon grand penseur de mes deux, irais tu encourager l'assassin de ta fille, et qui plus est dans des conditions ignobles.

Xavier KLEIN a dit…

C'est vrai que pour Trintignant, je trouve la chose légèrement amère.
Non seulement le gonze se sert de sa fille comme punching-ball, puis comme il a pas l'air soigneux, il la laisse clamser peinard toute une nuit. Ayant les moyens de se payer un bon avocat et le tarif des juges baltes étant intéressant vu les taux de change, il s'en tire avec une babiole.
Et tranquilos, au lieu de se fourrer dans un trou de souris pour s'en être tiré à si bon compte, comme si de rien n'était, il continue sa belle carrière.
Mieux il va s'afficher dans le même festival que le père de la tabassée, sur son sitio.
Faut quand même oser!

Anonyme a dit…

je ne sais pas ce qu'il vous reste lorsque vous n'avez pas prêté attention à une partie du texte et que vous n'avez rien compris à l'autre partie. Car j'approuve Trintignant, mais bien sur que oui ! Il n'en reste pas moins l'éternelle question : l'assassin "a payé sa dette à la société" et l'on doit oublier son crime ? Il y a quand même des limites à cette tolérance. Et chacun a le droit de poursuivre l'opprobre, ne serait ce que pour des raisons personnelles. Quant à ce que décide la société... Je crois que c'est difficile à décréter de façon définitive.
Il me semblait bien que Jean Yanne n'avait pas tué tous les cons.
Bonne Maman

Xavier KLEIN a dit…

Plutôt que de s'invectiver, il me semble plus productif de définir «humanisme», un terme effectivement galvaudé et utilisé à toutes les sauces.
En ce qui me concerne je me réfère à ce courant né à la Renaissance qui fait de l'Homme, la «mesure de toute chose», en fait la valeur suprême, et le place au centre de toute préoccupation, sans l'idéaliser pour autant. Dans cette conception, je m'oppose aussi bien à ceux qui privilégient des logiques économiques individualistes (Le libéralisme: Monsieur «les marchés» qui paraît-il décide de notre sort), qu'à ceux qui privilégient des logiques sociales et collectives (le marxisme).
En tout cas, il ne s'agit en rien d'un espèce d'altruisme béat.
«L'humanisme s'est donné pour mission exclusive d'éclairer et de perpétuer la primauté de l'homme sur l'individu. L'humanisme a prêché l'homme (Saint-Exup., Pilote guerre)
Libre à vous Bonne Maman, de ne pas vous reconnaître dans cette vision des choses. Vous ne serez ni le premier, ni le dernier, ni le meilleur, ni le pire.
Ceci dit, sans vous offenser, vous êtes difficile à lire et à comprendre dans votre alternance de questions et d'affirmations.
Pour reprendre l'une d'entre elles: «payer sa dette est-ce oublier?», je me réfèrerai à l'adage «pardonner n'est pas oublier». Il me semble surtout que l'application pratique de cette position relève de préoccupations bien surannées: morale personnelle, honneur, pudeur, sensibilité.
Tout homme a droit à l'erreur et à la faute, c'est le lot de notre humanité. Il a aussi à mon sens, le devoir de les assumer. L'équilibre entre une société de la victime et une société du coupable ne peut s'harmoniser qu'à ce prix. Ceci dit, lorsqu'on assiste au spectacle permanent des hommes politiques condamnés en justice, parfois à l'inégibilité, qui pérorent, se représentent et sont élus, il y a de quoi se poser des questions quant à la santé de notre société.

Anonyme a dit…

Bravo, c'est très bien, en étant de votre sensibilité, de rappeler l'article 2 de cette loi :

"la République ne subventionne aucun culte"

Car on se fait malheureusement traiter bien souvent de raciste dés que l'on rappelle que les deniers publics ne doivent pas servir à financer l'érection des mosquées !

Salodedrouat