Humeurs taurines et éclectiques

dimanche 2 janvier 2011

Des modes...

«L'Odalisque brune» (1743-1745) par François Boucher ou comment la chemise rehausse le plus beau cul de la peinture occidentale.
L'une des attractions familiales saisonnières, c'est l'arrivée des catalogues de la Redoute à Roubaix et des 3 Suisses. Mon épouse et mon fils y trouvent, qui ses draps ou ses serviettes, qui son petit linge de corps.
Il FAUT commander quelques babioles à ces estimables institutions. Ne serait-ce que par solidarité envers nos compatriotes du grand septentrion, sinistré par une désindustrialisation brutale, et donc indirectement, pour contribuer à la parution des savoureux numéros d'«Olés y Palmas», le bulletin du Club Taurin du Nord (dont le dernier numéro vient de sortir).

La mode au long du XIXème siècle
Chaque année, je feuillette ces bottins des élégances populaires (les catalogues, pas le bulletin!) avec jubilation, histoire de savoir comment on se fagotera.
Je regrette parfois de ne pas en avoir collecté les diverses éditions, année après année, tant ce sont réellement des documents qui en diront beaucoup plus aux historiens sur une époque que les goncourts de l'année.

La mode est con, on ne le dira jamais assez.
Je ne parle pas de la haute couture, qui est acte artistique de création, mais des idées souvent aussi sottes que grenues, que nos décideurs consuméristes pondent annuellement pour inciter les consommateurs à acheter.
La mode est con, parce qu'elle impose une norme unique, ou du moins réduite, à un ensemble diversifié, marginalisant de ce fait ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas s'y plier.
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Plusieurs illustrations de ce fait:
Pendant quelques années, la fureur était chez les dames à ces caleçons moulants qui ne laissaient rien ignorer des moindres détails anatomiques.
 Autant pour une jolie fille bien foutue la chose pouvait être des plus avenantes, autant elle s'avérait catastrophique chez des rombières surdimensionnées, qu'elle transformait en Vénus préhistoriques.
La Vénus de Lespugue
Il y eût aussi, la vogue des pantalons taille basse, parfaitement adaptés aux ventres plats et aux tailles élancées des grands «tamaños» («taille»pour les hispanophones).
Mais redoutablement grotesques pour les surchargées pondérales, surtout avec string débordant sur le gaillard arrière, ce qui révélait des débordements de «titje» affligeants («graisse» pour les occitanophones, désolé pour l'orthographe).
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Malheureusement, la plupart des bergères n'a pas tout à fait intégré que le «buen gusto» consiste à adapter sa vesture à son physique et à son âge. Il faut dire que l'entreprise est difficile: l'ensemble des commerces succombant à la mode, il devient quasiment impossible de dégotter des vêtements qui n'y sacrifient pas, à moins de se ruiner.
Le phénomène me semble moins prégnant chez les matous où le vestiaire est moins varié et plus conventionnel: un 3 pièces est et sera toujours un 3 pièces.
De nos jours, on ne saurait être trop attirante sans paraître sortir d'un stalag. La minceur, aujourd'hui la maigreur, est de rigueur depuis quasiment 3/4 de siècle .
"L'origine du monde" de Gustave Courbet, revue et corrigée par William Daniels (2006)
Pour celui qui court les musées, où prend quelque plaisir à lire le divin Maison Neuve, le lascif Restif ou les écrits infernaux du très cher Guillaume Apollinaire, il en va autrement. 
Samson et Dalila (non pas la chanteuse!) de Rubens
Les délices d'une forme voluptueuse, la délicatesse d'une albe carnation, l'exubérance des chairs luxuriantes, et la foison du poil OUI, horreur! du POIL, insanité contemporaine, tous ces attraits honnis de nos jours tristes, avaient la faveur des hédonistes de verdad. Et l'accoutrement de rehausser ces trésors de corps triomphants: décolletés vertigineux propres à dévoiler des mamelles cossues, faux-culs prometteurs d'extases lubriques, hanches girondes, multiplication des jupes et jupons à trousser avec ferveur. Sans causer fanfreluches, au bon temps où Dim et ses collants n'avaient pas encore sévi. 
"L'origine du monde" de Gustave Courbet, revue et corrigée (anonyme)
Là, comme ailleurs, la diversité n'est plus de règle, la beauté est devenue uniforme et codifiée, les normes prévalent. Il faut être jeune, mince, musclée, glabre, bronzée, sportive quoi!
La beauté selon le sublime nabot: Toulouse-Lautrec
La maturité triomphante, les petites rides charmantes, les fils argentés dans la coiffure, la prospérité de hanches accueillantes, d'un bassin ... aquitain, d'une gorge alanguie, non content de ne plus ravir, sont devenus rédhibitoires. L'on cachera l'infortune dont les temps vous auront convaincus sous des oripeaux conçus pour magnifier d'autres physiques et ridiculiser le vôtre.
Lucian Freud (petit fils de Sigmund)
La dictature de la mode n'est qu'une des faces de celle de l'obligation de consommer, et de se confondre dans la masse marécageuse du «monstre doux» que j'évoque souvent.
Qu'il est difficile de ne pas céder à ces objurgations silencieuses!
On court le risque d'apparaître comme un original ou pis, comme un marginal. Regardez les photos des publics des arènes des années 1910. Y foisonnent les canotiers à la Maurice Chevalier.
Pointez-vous l'année prochaine avec un canotier, un vrai, triple épaisseur, made in Caussade, vous entendrez les lazzis!
Je connais...
Fin des années 70, alors que le goût était au bob artistiquement griffé d'une boisson anisée, je recueillais toutes les moqueries avec des panamas qu'un copain me rapportait des Amériques (autrement on n'en trouvait que dans une antique chapelerie de Saint Sébastien ou à Madrid dans des boutiques au charme désuet).
Je crois que je devais être à peu près le seul dans les tendidos dacquois à arborer le bibi de paille.
De même le seul, à l'ère du disco ou des derniers feux de la pop et de la folk, à m'enthousiasmer pour les rumbas, congas et autres salsas, dont je faisais venir les galettes de Cuba ou de Colombie. Quand je sortais ça dans les boums, on me prenait pour un australopithèque.
N'est-ce pas mon cousin qui doit me lire? Maintenant, on ne saurait faire sans.
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Fripes et chaussures italiennes l'été, tweeds anglais l'hiver, collection de couvre-chefs en tout genre toute l'année (j'ai toujours été chapeaugénique!), il ne me reste plus que les westons et les paraboot périodiquement ressemelées de mes jeunes années de coquetterie, pour me rappeler mes excentricités.
Je goutais en lieu et place du morne bluejean, l'originalité des coutils d'Orthez, des jeans mais gascons!
Maintenant, je m'en fous.
Tombé il y a trois ans sur une facture de 1938 de mon grand-père, je me suis avisé d'en retrouver le fournisseur, spécialiste des vêtements de métiers compagnoniques. Il existe toujours!!!
Le charme suranné du largeot de charpentier.
Sans doute une des plus vieilles maisons de France, avec des produits inoxydables, des largeots de charpentier made in Gaule, d'un velours côtelé impérissable, amples, confortables, qui ne vous compriment pas les burnes et vous aèrent idéalement le soubassement (références sur demande).
Je prie pour que la mode n'en surgisse pas.
Il existe ainsi des choses indémodables, parce qu'elles se foutent de la mode et ne visent qu'au confort, à la fonctionnalité et à une fruste mais élégante simplicité, patinée par les ans.
Il en va de même de la tauromachie: les modes passent, les vrais taureaux d'éternité demeurent, du moins tant qu'il restera des connaisseurs pour les apprécier et des ganaderos pour les élever.
Le vrai buen gusto procède de l'intemporalité.
Xavier KLEIN
Pour El Chulo, Anita EKBERG faisant trempette dans la fontaine de Trevi (La Dolce Vita de Fellini)

3 commentaires:

Marc Delon a dit…

Moi, jeune, j'étais vieux, je délaissais les jeans Denim pour ne porter que des pantalons
''Le Toro'' de la célèbre marque de prêt à porter nimoise que mon père représentait à travers la France... Culotté, non ?
On peut lire l'histoire complète dans le dernier recueil de nouvelles du Diable Vauvert.

Alain Lagorce a dit…

"ou comment la chemise rehausse le plus beau cul de la peinture occidentale"

Il en est un autre valant le détour et qui siège - si je puis dire - à la National Gallery :
http://www.nationalgallery.org.uk/paintings/diego-velazquez-the-toilet-of-venus-the-rokeby-venus

el chulo a dit…

merci pour le brindis, amigo!

mais je pense que tu as remarqué que j'ai évité le sujet de la fontaine de trevi.

j'attendais quelque chose d'intime. raté!

en plus, à t'écoeurer de faire des photos.