Humeurs taurines et éclectiques

mardi 21 septembre 2010

PHOTO 1

Samedi 18 septembre, de l’an de grâce 2010, j'avais décidé de tirer mes dernières cartouches taurines de la temporada lors d'un safari navarrais.
SANGÜESA, charmante bourgade du Camino frances ne m'avait laissé que des souvenirs heureux lors de mon pèlerinage à Saint Jacques. J'y avais joint, lors d'agapes bien arrosées, une joyeuse bande d'ibères avec qui nous avions marché jusqu'à Burgos.
Ce samedi qui sentait l'approche de l'automne rayonnait d'une lumière dorée. Tout semblait se présenter au mieux en compagnie de Juan, un ami budoka d'Irun, ancien novillero, originaire des abords de Cáceres.
Nous avions rendez-vous aux corrales avec Jose ESCOBAR, le mayoral de Cuadri, une légende vivante du campo andalou, un grand amateur de cigares, à qui j'avais spécialement apporté un Cohiba «Esplendidos» d'une coudée, rapporté de Cuba avec ses petits frères par un beau frère philanthrope. Ses pensionnaires ne laissaient de le tracasser depuis le débarquement, ils n'avaient cessé de «péter» sur tout ce qui bouge, et leurs pitones en avaient été affectés.
Cela n'avait en rien empêché une foule de badauds d'envahir les corrales pour assister à l'apartado: on est en Navarre où certaines précautions ne sauraient prévaloir sur la coutume. Pepe était à la manoeuvre, le barreau de chaise vissé à la bouche, s'affairant imperturbablement sur les passerelles avec sa longue perche. Nous devions déjeuner ensemble, mais il ne le put. Pepe en fut réduit à bocadiller au dessus des chiqueros en parlant longuement à ses ouailles pour tenter de les apaiser. Nous le laissâmes seul. Cela ne devait pas le déranger. Dans le patio, on me présenta l'empresario, Alejando Enriquez Ruiz, un type adorable, doux, courtois et fort obligeant qui me pria au callejon.
Il a des idées intéressantes Alejandro, et sa programmation de Sangüesa ne manque pas de style (Dolores AGUIRRE, Herederos CUADRI). Une curiosité au programme: le sieur Juan Bautista s'était fait excuser par un certificat médical (une allergie aux Cuadris sans doute, ou au climat navarrais), qui ne l'empécha toutefois pas de toréer un lot de Sorando à San Agustín de Guadalix, le même jour. Je ne connais pas les Sorando, mais je suis prêt à parier que leur ascendance doit plutôt être JPD et leur format plus commode, ceci expliquant cela... Que verguenza!
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J'étais muni de mon appareil photo, muni d'un nouvel objectif de 70-300 mm, un peu moins phallique que les énormes zooms que se plaisent à arborer les professionnels ou les passionnés, mais que voulez-vous, avec l'âge on devient moins prétentieux. Avec cet objectif on peut «shooter» à 10, 15 m sans problème, avec une grande qualité de définition, et sans «alerter» la «cible».
J'ai toujours aimé la photo, depuis le petit labo du lycée, où entre boutonneux libidineux, on profitait de l'obscurité ou de la lumière rouge pour peloter les copines les moins farouches et les plus intéressées par les «tirages».
Initialement, je voulais apprendre à jouer du trombone, mais peu doué pour la chose, on m'envoya en classe de cor d'harmonie, ce qui suffit à me détourner de l'exercice instrumental.
Je me rabattis avec plaisir sur l'Ecole des Beaux Arts de Pau, où le fusain, le modelage ou la peinture répondirent mieux à mes attentes et à mes capacités. Ainsi que la photo.
Je trouve toujours autant de satisfaction au dessin ou à la peinture! Mais la photo, c'est quelque chose de différent: le résultat s’impose rapidement, presque immédiatement. Un dessin, représente en général des heures de travail. Il exige un long apprentissage et un minimum de maîtrise technique et gestuelle. En outre, pour un amateur dont la technique est limitée -ce qui est mon cas- le résultat ne peut jamais être à la hauteur du projet.
Avec la photo, surtout avec la photo numérique, on peut tirer à moindre frais des dizaines, des centaines de clichés, et n’en retenir que ceux qui vous conviennent. De surcroît, avec les logiciels de traitement, il est commode (et amusant) de rattraper les ratés ou petits défauts. Certes, il n’y jamais chef d’œuvre, et il serait vain de se comparer aux maîtres en la matière, mais on peut se faire plaisir et tirer un certain contentement du résultat.
J’ai eu la chance de débuter dans la photo dans les années 60, en utilisant des techniques de base, avec des anciens qui avaient appris avant-guerre (celle de 39).
Mon premier appareil, un Foca, excellent appareil français m’avait été offert pour ma communion. Avec mes premiers salaires, je me suis ruiné pour acheter d’occasion (en 4 traites sans frais) après de longues tractations chez Camara à Pau, le mythe de l’époque, un Nikon F. Il repose maintenant en paix au fond du port de Patmos, après une bagarre anthologique entre pêcheurs autochtones et l’équipage du caïque de mes copains de Kalymnos (on avait pris une sacrée raclée suite à une sombre affaire d’espadon capturé sur le territoire adverse. Il faut préciser qu’ils se foutent sur la gueule depuis 2000 ans). Après, j’ai bifurqué vers les appareils russes, un copain communiste régulièrement invité en U.R.S.S. me rapportait des boîtiers et des optiques achetés pour des bouchées de pain (le problème était de comprendre les notices). J’ai vraiment pris mon pied avec mon Zorki 3M ou mon Fed 2, puis plus tard avec un Pentacon 6, une grosse bébête qu’on m’a volé en 1980 (j’en ai racheté un récemment).
Quand j’ai commencé à photographier, il fallait tout calculer entre vitesse, ouverture du diaphragme, focale, profondeur de champ, etc. et il valait mieux calculer soigneusement son coup. Pellicule, développement, tirage, n’étaient pas donnés, et on faisait attention à chaque photo. Avec le numérique et l’automatisation, tout a changé, comme lorsqu’on est passé de la règle à calcul de mon adolescence à la calculette (ça va rappeler de bons souvenirs aux kroumirs de mon âge !).
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Je suis très admiratif devant la passion et la qualité des photos des zigues de CyR ou de Marc Delon, et j’ai souvent honte d’afficher les miennes dans ce blog. Elles ne sont sans doute pas terribles, mais enfin ce sont les miennes, et j’en tire une grande satisfaction, comme lorsque je me mets aux fourneaux, ou que j’embouteille ma vendange. Je ne suis ni Bocuse, ni Petrus, mais j’ai plaisir à CREER et à FAIRE, et surtout à le partager, du mieux que je peux, avec mes moyens.
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Deux ou trois fois, lors de débats, les «zantis» ont cru intelligent d’afficher avec insistance des photos pour stigmatiser «l’horreur taurine». Le procédé quoique bas et démagogique est efficace.
Une photo parle. Mais de quoi?
Je me suis dit qu’il serait intéressant de démontrer la stupidité de ce type d’argument en procédant de même. Il y a toutefois un hic: essayez d’aller prendre des photos d’un refuge de la S.P.A., des «pensionnaires» tristement cloîtrés derrière leur grillages, des séances d’«euthanasie», comme ils disent, des cadavres des gentils zanimaux avant équarrissage!
Je peux vous garantir (j’ai essayé) qu’on ne vous laisse aucunement la licence complète qui existe dans une arène et qu’on vous expulse violemment avec perte et fracas! Pourtant les tenanciers sont des «zantis» ultras, que j’ai croisé dans certains patios à l’heure du boucher, à mitrailler les carcasses des pôvres toros. Bizarre cet attrait et cette fascination pour les cadavres... On exige des libertés qu’on prétend refuser aux autres : c’est la démocratie bestialiste!
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A Sangüesa, j’avais le duende, j’ai tiré une centaine de clichés, la plupart au coup par coup (selon l’éthique exigeante de l’ami Laurent LARRIEU).
Ces clichés sont sortis, et ont traduit, ce que je voulais, mon désir, mon sentiment, mon regard, ce que je ressentais des êtres ou des objets. Ils ont concentré ce que je ne parviens pas à exprimer, ou dit ce qu’il est difficile de dire. C'est en cela que pour ma part, ils me paraissent assez réussis. Je voudrais les présenter ici en plusieurs salves, comme un petit jeu. Non que ces photos soient extraordinaires, non qu’elles visent à quelque exemplarité ou quelque hommage à la tauromachie, mais tout simplement parce qu’elles fixent parfaitement ce que j’avais dans l’œil, dans le cœur et dans l’âme et me permettent de partager ce que j’ai vu, compris, éprouvé. C’est à dire de COMMUNIQUER. Ce qui me paraît intéressant, c’est de connaître ce que le lecteur de ce blog en verra. Comment la même image procède ou peut procéder de «ressentis» différents. Les photos ou le miroir de l’âme.
Xavier KLEIN
1- PATIO
L'attente
J'avais trouvé refuge dans l'escalier qui monte aux passerelles des corrales ou dans des "counics" où j'essayais de me faire discret. Tous les portraits ont été saisis à 5-10 m, dans la cohue, et à l'insu des intéressés qui ne posaient pas. j'étais le seul à photographier durant 1/4 d'heure.












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Capotes de paseo
Depuis mon refuge dans l'escalier, les entrelacs de mains, des couleurs et des matières.



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Les Castoreños
Je me suis beaucoup plu à explorer le jeu des verticales, des horizontales et des courbes, celui des ombres et des matières.
SUITE ULTERIEUREMENT

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Concernant JB j'ai interrogé André Viard qui m'a répondu ceci :

Il n'y a eu aucun certificat médical pour la simple raison qu'il n'y avait pas de contrat.
Un mois avant la date de ces deux corridas qui lui ont été offertes, le torero a choisi celle qu'il préférait.
L'empresa de Sanguesa en a été avisée, et cela n'a bien sûr pas posé problème.
S'il a ensuite annoncé JB, c'est sa seule responsabilité, puisqu'il savait qu'il ne l'avait pas engagé.

Xavier KLEIN a dit…

Si André VIARD le dit, ça doit être vrai.
Un peu bizarre comme façon de procéder toutefois. N'est-ce pas?

Anonyme a dit…

Xavi,
.. au labo,..tu étais plus fixateur que relévateur non ? et à l'arrét , moussant, dans le bain !..sacrée canon , que cette krokus !

Anne Hotxi Minernesto.

frpar a dit…

Son de cloche semblable chez El tico qui m'a adresse ce message :

Bonsoir,
J'ai eu Jean-Baptiste ce matin au téléphone. Il s'agit de désinformation. Il n'y a jamais eu de certificat médical. Les apoderados de Juan Bautista lui avaient signé deux contrats pour le même jour. Il était entendu que le choix serait fait d'une corrida ou de l'autre quelques semaines avant l'échéance. L'empresa de Sangüesa savait depuis un mois qu'il ne viendrait pas tuer la corrida de Cuadri, qui était à l'origine une de Cebada Gago.
J'espère que cette réponse vous satisfait...
Bien à vous.

Marc Delon a dit…

"muni d'un nouvel objectif de 70-300 mm, un peu moins phallique que les énormes zooms que se plaisent à arborer les professionnels ou les passionnés, mais que voulez-vous, avec l'âge on devient moins prétentieux."

l'explication n'est pas si "psychologique" que ça... :
le zoom que tu as acheté doit être moins lumineux (et donc aussi beaucoup moins cher...)que les zooms plus volumineux qui renferment plus de lentilles et ont besoin d'un plus grand diamètre pour ouvrir à f:2,8 CONSTANT (quelle que soit la focale) au lieu de, vraisemblablement, f:3,5 à 5,6 pour le tien.
Cette plus grande luminosité permet par exemple d'avoir une vitesse suffisamment rapide pour capturer les 5ème et 6ème toros qui sont souvent dans l'ombre...

Sinon, je suis très honoré d'être cité en bon exemple mais je sais pas si je le mérite vraiment...

Pour le reste, moins technique, ton post va en motiver un autre dans mon blog...
à bientôt.

PS : je ne savais pas que la chica révélait aussi son grain en lumière inactinique...