Humeurs taurines et éclectiques

jeudi 16 septembre 2010

LE SONGE ILLUSOIRE D’UNE APRES MIDI D’ETE

A Chulo, Olivier, Batacazo … et les autres.

Il y a l’être et le paraître, le fond et la forme, l’opéra et l’opérette, la chanson à texte et la ritournelle, etc., etc., etc.
L’un des deux termes de ces couples peut-il, doit-il, forcément cheminer sans l’autre? Doivent-ils s’exclure?
Ce n’est nullement mon avis. Tout deux procèdent de l’existence, et en cette matière comme en d’autres, tout est affaire de pondération et d’harmonie pour éviter de choir dans la monotonie ou dans l’excès.
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Dimanche à Dax, on se trouvait plus à la Gaîté-Lyrique, au Châtelet ou au Théâtre Mogador qu’au «wagnerium» de Bayreuth.
On jouait plus du Franz Lehár ou du Francis Lopez, que du Verdi ou du Puccini.
La chose est évidente.
On donnait dans l'insoutenable légèreté, la frivolité des choses, plus que dans le fond.
Pour autant, était-ce blâmable? Y avait-il là, en soi, motif à polémique?
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On était prévenu ou l’on était idiot pour, un seul moment, se leurrer sur le résultat des courses, avec l’affiche prévue, si les toros «servaient» (comme ils disent).
Et pour le coup, dans ce type de répertoire où l’on ne peut ignorer l’inconsistance du bétail en terme de COMBAT, l’après-midi ma foi s’est déroulée de fort agréable manière, donnant lieu à un SPECTACLE de qualité DANS CE REGISTRE bien particulier. Spectacle accompagné des attributs afférents, soit un triomphalisme sans vergogne ni complexe, un déluge de trophées, vueltas et sorties a hombros par la Puerta Grande.
Dax et 8000 heureux élus «aficionados» nageaient dans la douce béatitude de ces apothéoses de pacotille dont le ruedo du Parc Théodore Denis cultive le goût à l’extrême. Un goût bien légitime, tant qu’il ne s’impose pas comme la norme, et qu’on ne se méprend en rien sur sa vanité et sa portée.
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Pourquoi bouder le plaisir simple et primaire d’une euphorie ponctuelle et évanescente tant qu’on ne s’illusionne en rien sur la vérité de la chose?
Qu’avons-nous vu? Une superbe corrida moderne, d’excellent toreo moderne avec ce qui se fait de mieux comme toros modernes.
Redisons le: un spectacle de grande qualité DANS LE GENRE … moderne.
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On sait, on savait, qu’il n’y aurait pas de premier tercio. On fût un peu surpris: deux toros prirent deux piques, et il y eût un batacazo!
On sait, on savait, que le second serait escamoté. On fût très surpris, plusieurs banderilleros saluèrent après de faciles mais très honorables paires de bâtonnets!
On sait, on savait que le troisième serait démesuré, qu’on subirait des dizaines de passes, des avis. Il le fût moins qu’on aurait plus le craindre. On a vu El Juli au summum de la maîtrise technique de son art. Quel autre torero eût pu instrumentaliser ces toros avec une telle précision, initier des enchaînements aussi complexes?
On sait, on savait que les mises à mort seraient superfétatoires, des détails au regard de l’importance accordée dans le «toreo moderne» à la faena. Certes, on eût droit à 2 oreilles dégringolées après 3 julipiés, MAIS il y eût aussi Morante tuant al encuentro et Juli partant pour un recibir à son premier.
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Certes on peut considérer qu’une queue à son noblimbécile premier et 2 oreilles à son second (après une estocade au troisième voyage) s’avèrent un tantinet excessif pour El Juli. Qu’une vuelta à un toro qui n’a pris qu’un semblant de pique relève de la caricature. On se consolera en se disant qu’on a échappé à l’indulto à la mode.
Certes El Cid fut, en dépit de jolies manières et de bonnes dispositions, largement en dessous de ses toros, notamment le troisième, d’une bravoure (supposée, étant donné qu’il ne passa pas significativement sous le fer) et d’une candide noblesse exceptionnelles.
Certes Morante ne démérita point avec le premier manso et querencioso aux tablas, et mérita beaucoup avec le quatrième (ou plutôt cinquième) moins évident que ses frères, lui servant une entrée de faena somptueuse et une conclusion du goût le plus pur, par naturelles de face au ras des zapatillas, .
Certes on pourra s’étonner que les maestros décident désormais de tout dans le ruedo, demandant et obtenant vueltas des toros, du mayoral, et bientôt, pourquoi pas, du palco ou de la Commission.
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Tout cela ne représente que regimbements de peines à jouir ou de pisses vinaigre: IL-FALLAIT-Y-ÊTRE ou plutôt IL-FALLAIT-EN-ÊTRE pour pleinement saisir l’étrange et doulce folie qui subitement saisit le ruedo dacquois, dans un de ces élans œcuméniques dont il a le trouble secret.
C’est l’un de ses charmes, auquel il convient de ne pas se refuser tant qu’il ne dérive pas vers l’inacceptable d’un indulto desgarbadiste qui bouleverse les valeurs fondamentales de l’éthique taurine.
Si Dax et son public (on n’ose parler d’aficion !) trouvent quelque vanité à s’oublier dans des émois pueblerinesques, grand bien lui fasse, d’autant que le ridicule ne tue plus, on le sait. Il n’y donc pas mort d’homme.
J’en étais et TOUT CELA NE ME DERANGE EN RIEN. Quand on va au cirque pourquoi être surpris d’y voir des clowneries!
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Je ne cesse d’écrire dans ce blog que la tauromachie doit être et demeurer diverse, ce qui inclut également cette tauromachie là. Il me semble aussi stupide et inacceptable de la contester que pour les toreristas de vilipender celles de Vic ou de Céret…
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Ce qui me dérange par contre et s’avère inacceptable, c’est quand le triomphalisme s’en mêle, c’est quand l’on cesse de badiner pour se convaincre de l’historicité et du sérieux d’un événement plaisant mais mineur. C’est quand l’on tend à se persuader de son propre artifice.
C’est surtout, qu’avec le concours de la presse appointée ou partisane, on se propose de faire d’une vaste et agréable facétie, d’une gasconnade de clocher, une norme d’excellence.
Cela devient alors intolérable. Ne serait-ce qu’outre l’inversion vénéneuse des valeurs, cela ne concourt qu’à dévaloriser les autres types de tauromachies, vous savez celles où la gloire se paie au prix de la peur et du sang.
Si l'allégresse était au rendez-vous, où étaient dimanche à Dax, la difficulté, le risque, le danger, la peur?
Le plaisir, la joie, la jubilation irraisonnés qu’on pût ressentir dimanche (que Chulo ou moi-même avons ressenti!) n’avaient rien d’illégitime ou de honteux, à condition de les laisser à leur place et de les remettre en perspective à l’heure où le raisonnable doit donner.
Et c’est un dacquois, fidèle et amoureux de sa ville qui vous le dit…
Xavier KLEIN

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Xavier,

Bieenn !
Muy Correcto !
...Et en plus ce jour là,j'ai re-trouvé le Txulo !
No me lo cago,cono !
J'ai jouis..sans peine,comme un ane dans la jungle ! et.. j'attends ,avec impatience, les résultats des analyses de mes zurhines.
peio.

el chulo a dit…

tout a fait d'accord, don javier!

Bernard a dit…

Xavier,

Ce que tu écris à ta manière rejoint ce qu'en a dit Chulo sur son blog... Mais, ce que tu ne dis pas - et qui est peut-être indicible, c'est pourquoi à Dax?... Pourquoi ces joliesses taurines à Dax?... Serait-ce le "charme" (au sens sorcier) de ses arènes?... Au vrai d'ailleurs, elles sont pour moi les plus "jolies" du Sud-Ouest, et peut-être même - hors mes romaines arlatenque et nîmoise - de France(?)...

Abrazo - Bernard

Anonyme a dit…

Ce songe illusoire, c'était donc la réalité ! Fallait-il être de cette Gaîté-lyrique ? Poser la question, c'est déjà y répondre. Bien sûr, nous en sommes presque toujours, et le regrettons souvent !

stella a dit…

Bien bien,
va pour l´exagération médiatique qui exacerbe et propage une haute tauromachie qui n´en a ni l´audace, ni l´essence, et bientôt plus l´envie.
Va également pour la diversité, les multiples facettes, les différents goûts de la société qu´il faut bien satisfaire...

Allons-y alors gaiement, jouissons donc, jouissons!
Comme des ânes, comme des gnous, même!
Dans nos songes, dans nos draps, dans les rondes incessantes de bravas muletas (Adios toros bravos!)!

Et mélangeons nos eaux, nos joies issues tantôt d´un théâtre musical, tantôt d´une piste de cirque ou d´un cercle d´arène!

(dit-on "Olé" sur les planches du Chatelet? Dans nos songes, tout est permis!...)

J´adore l´expression toute expressive et lassive des quatres spectateurs dans les gradins (et Morante, devant ces huits yeux qui semblent ne regarder ni le toro ni les toreros?), lá,sur la toute première photo jointe au text...

Bon, c´est quand déjà, Morante á Beyreuth?


(J´aime bien ce billet)