Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 12 février 2010

LE BAL DES CHACALS

"Quand le lion saigne, les chacals reprennent courage"
Proverbe arabe
L’inconséquence de nombre de nos compatriotes ne laisse jamais de m’étonner.
Récemment, je me trouvais à «batailler» sur un coin de zinc avec trois citoyens qui devisaient gaillardement sur les «marchés» conquis de haute lutte (et petites vilenies) par les entreprises françaises à l’étranger. On évoquait fièrement les pays où d’ex-entreprises françaises nationalisées (dans les domaines de l’eau ou de l’énergie) avaient mis la main sur les marchés. Cocorico!
La chose s’avérait d’autant plus savoureuse que deux des intervenants avaient été licenciés par des entreprises qui délocalisaient par le biais de leurs filiales.
Que voulez-vous le cocu heureux est une figure emblématique de notre civilisation gauloise! Généralement, le franchouillard est généreux et partageur (tant que ce n’est pas avec un black ou un beur…).
Je n’ai nullement l’esprit cocardier, surtout quand la cocarde ne recouvre pas la nation mais un conseil d’administration et des actionnaires, voire des fonds de pension.
Je tentais donc désespérément de faire remarquer que ce qui m’importait surtout, comme me semble t-il à la plupart de nos compatriotes, était de disposer des éléments vitaux que constituent l’eau, le gaz, l’électricité, les transports publics, etc. au meilleur prix et avec les meilleures garanties. Et de rajouter que ces badineries qu’on nommait, il y a déjà des lustres, de l’appellation désuète de «services publics» ne devaient pas constituer des objets économiques et des sources de profits ou de spéculations.
Qu’en conséquence de quoi, je me foutais pas mal qu’E.D.F., Suez ou Dieu sait qui, s’assurent du monopole du marché dans les Carpathes, mais que par contre, il m’importait beaucoup qu’ils assurent leur fonction à Orthez, sans que je contribue, involontairement, à l’acquisition du réseau électrique serbo-croate dont je me contrefous.
J’aime bien les serbo-croates. Les rhododendrons aussi d’ailleurs! Et comme je les aime bien, je ne leur souhaite nullement que des hyènes, fussent-elles estampillées françaises, aillent jouer chez eux les charognards.
Qu’on fasse du blé avec le superflu ne me gène pas particulièrement: on est libre d’acheter le dernier home cinéma à la mode ou la panoplie rouge et blanche made in China, indispensable pour ne pas être harcelé par les pékins durant certaines ferias. On ne l'est pas de boire ou de se chauffer.
Ce qui me heurte, c’est qu’on tire profit de l’indispensable (énergie, santé, éducation, etc.).
Alors vous comprendrez que de disserter pour savoir quel chacal a pris le pouvoir et mène la horde dans les plazas de Barcelone, Valence, ou de Trouduculos de las Hermanas, JE M’EN BATS LES FLANCS AVEC UNE NOUILLE.
Et d’être confondu par la fascination que ce genre de non-évènements exerce sur l’acicionado, à en croire la place qu’on leur réserve dans les tabloids et les sites taurino-pornographiques.
Le ridicule ne tuant plus, et depuis belle lurette, les mêmes qui grenouillent abondamment dans ces magouilles de bas étage à but hautement lucratifs, nous exhibent à foison les frêles cache-sexes d’un discours sur la tradition, l’art, les «valeurs», le «patrimoine immatériel….», alors qu’il ne s’agit que d’OSEILLE (pas celle dont on farcit les aloses, qui est respectable et utile, elle).
Qu’on ne vienne pas s’étonner ensuite que quelques esprits rebelles, qui n'entendent nullement renoncer à un usage raisonnable et régulier de leurs neurones, ne veuillent nullement marcher dans la combine.
Qu’on ne s’étonne pas non plus d’offrir aux «zantis», qu’ils soient français ou ibériques, des arguments de choix. Ils auront beau jeu d’appeler un chat, un chat (normal pour les défenseurs des «zanimaux»), et de condamner AVEC RAISON une tauromachie qui ne devient plus qu’une opération économique et une source de profit comme les autres.
Autrement dit, je ne reproche nullement aux grands fauves d’être ce qu’ils sont, aux capitaines d’industrie de vouloir «faire de la thune». Ce que je n’accepte pas, c’est qu’ils n’assument pas ces objectifs réels, c’est qu’ils les enrobent d’arguments fallacieux, c’est enfin qu’ils sollicitent notre soutien pour leurs projets foireux.
Affirmant tout cela, je ne me réfugie en rien dans un angélisme découplé des réalités. La tauromachie, comme toute activité dans un monde moderne, ne saurait ignorer les contingences économiques. Et elle les a intégrées depuis ses origines. Là comme ailleurs il convient de n’être ni naïf, ni béat, et de ne pas prendre des vessies pour des lanternes.
Pour autant, on peut vouloir garder l’emprise économique «a su sitio» et appliquer la formule des Ecritures: «L’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître».
Affirmer ainsi que l’économie et l’argent sont des outils et non une fin, des moyens et non un but, est une prise de position MORALE, PHILOSOPHIQUE et POLITIQUE, certes démodée dans nos temps de libéralisme exacerbé, mais qui n’en demeure pas moins parfaitement honorable.
En tous cas, placer le débat sur ce plan lui donne un relief, une acuité et une portée tout autres.
La tauromachie n’est ni de gauche, ni de droite. Par contre, la manière dont elle s’organise relève authentiquement de choix éminemment politiques.


Il conviendrait de ne pas l’ignorer, ni l’oublier.


Xavier KLEIN

2 commentaires:

entradas jose tomas arnedo a dit…

Très bon article. J'aime bien le nom, parce que je suis espagnol.

Au revoir.

pedrito a dit…

Un bon bol d'oxygène ! Et salutaire ! Nous en avons TANT besoin!
Par un auteur encastado y talentoso!
Un saludo