Humeurs taurines et éclectiques

lundi 1 février 2010

AU NOM DU MONDE TAURIN FRANCAIS

Peut-on prétendre à parler AU NOM DU MONDE TAURIN FRANCAIS, à partir du moment où de manière délibérée, on veut en ignorer les composantes qui vous critiquent?
On fait feu de tout bois pour discréditer ainsi l'opposition (pas au sens de minorité: il faudrait alors un scrutin loyal qui départage les protagonistes...) qui se manifeste. Tout y passe, de la caricature à l'amalgame, en n'oubliant pas les attaques personnelles, pour conserver le dernier mot, dans ce qui n'est que l'expression et la mise en scène, d'une ambition personnelle.
Il a toujours existé un débat, ou plutôt une «dispute» (au sens Renaissance du terme) entre Anciens et Modernes, ou en matière de tauromachie, entre «toristas» et «toreristas». La chose était plutôt sympathique et de nature à meubler les après-corridas ou les longues soirées d'hiver. Cela procédait du vaudeville.
Ce n'est plus du tout la pièce qui se joue en ce moment qui tend plutôt vers la tragédie ou pour le moins vers le pathétique.
Le problème n'est pas dans une opposition entre «toristas» et «toreristas», mais entre «corrida moderne» en tant qu'objet économique, et «corrida traditionnelle».
On ne m'a jamais entendu ici m'en prendre à l'orientation taurine et artistique, à la tradition et au goût, de telle ou telle plaza. Vic, Céret, Nîmes ou Dax (ou je dispose d'un abono depuis trente ans) par exemple, ne sont pas des «pages blanches». Elles ont un public et une sensibilité qu'il convient de respecter. On aime, ou on n'aime pas. On y va assister à des corridas ou non, selon son goût. Tout cela n'avait jusqu'alors posé aucun problème, sinon des tirades homériques ou des quolibets entre factieux de chaque «camp».
Le nouveau problème est complètement différent. Non seulement on oppose les aficionados entre eux, mais encore on les conditionne à l'idée qu'une forme de tauromachie est exclusive de l'autre, et que l'une des deux est appelée à disparaître, ce qui est un discours complètement inédit et inacceptable.
POURQUOI? Et ce pourquoi est d'importance.
Parce que la tauromachie «traditionnelle» gêne et culpabilise l'autre. Parce qu'elle en empèche l'évolution sans remords et sans vergogne vers un acte purement commercial, où l'acte taurin n'est plus que l'alibi d'un spectacle aseptisé qui veut monter à l'assaut de nouveaux publics plus «softs». La corrida «traditionnelle» est la mauvaise conscience du toreo moderne. C'est l'oeil de Caïn qui rappelle sans cesse aux figuras «modernes» que leurs devanciers se coltinaient AUSSI des Miuras, des Pabloromeros ou des Victorinos.
Parce que ce sont les valeurs et les enjeux de la tauromachie «traditionnelle» qui justifient la corrida tout court.
La tauromachie «traditionnelle» s'accommode et revendique l'irrégularité, l'imperfection, la subversion, le scandale de la mort, de la souffrance et de la peur présents dans la corrida. C'est une cérémonie aléatoire, aux résultats souvent décevants, qui entretient le désir, c'est à dire le manque. Loin de se résumer au torisme, elle englobe aussi le courant artistique. C'est dire que ses porte-étendards se nomment aussi bien Espla, que Morante.
Le grand Curro, comme Rafaël, mais aussi Antoñete, Curro Vazquez ou El Viti, ne furent jamais les enfants chéris de la tauromachie de paillettes, à cause de leur irrégularité de mauvais aloi ou de leur classicisme sans compromis.
Je me souviens des débats provoqués par la constitution de cartels C. ROMERO/R. de PAULA/ MANZANARES, à Dax où l'on préférait de loin PAQUIRRI/CANO et consorts, au nom des mêmes logiques «taquilleras».
Le front actuel oppose donc des PURISTES, pour qui la corrida demeure un rituel porteur de sens, aux ECONOMISTES pour lesquels la réalité économique s'impose, et avec elle l'évolution vers un spectacle qui s'adapte sans cesse au goût du client.
Appelons donc un chat, un chat, et cessons de tourner autour du pot, sans nommer clairement les choses.
Tout se résume à l’adage, stupide comme tous les adages, qu’on ne cesse de ressasser: «on ne peut être à la fois organisateur et aficionado». Comme si l’on disait à un producteur de cinéma: «On ne peut être producteur et cinéphile». Ou à un directeur de galerie: «On ne peut être programmateur et esthète».Grâce à ce raisonnement d’une connerie insondable, on se serait privé de TOUS les metteurs en scène qui ont fait la gloire de notre cinéma (d’Abel GANCE, Julien DUVIVIER ou Max LINDER à TRUFFAUT ou Eric ROHMER) et de la totalité des impressionnistes, cubistes, abstraits, qui vécurent et moururent dans la misère (comme MODIGLIANI, VAN GOGH ou GAUGUIN) aux motifs qu’ils «n’étaient pas vendeurs», et que le public n’en voulait pas.
L’art officiel est rarement prémonitoire même s’il s’impose aux contemporains. Et c’est un art académique et officiel, défini par des épiciers, qu’on prétend nous imposer AU NOM DU MONDE TAURIN FRANÇAIS.
Qui parle encore des figuras qu’on nous vendait il y a 20 ans? Les MUÑOZ, ESPARTACO et autres JESULIN? Ceux dont on vantait les mérites à grands coups d’Aplausos, en dénigrant des noms qui eux, sont demeurés.
Je constate que dans le panorama taurin français, il y a ceux qui s’engagent et la masse informe du Marais qui comme toujours se rallie à l’idéologie en vogue, sinon par adhésion, du moins par «beauferie», ignorance, veulerie, intérêt ou par confort.
Je constate de même qu’il y a ceux qui produisent des idées, des concepts, qui portent un regard curieux ou critique, qui ARGUMENTENT et puis ceux qui condamnent, vilipendent, méprisent ou raillent.
Je constate enfin qu’il y a des blogs ou sites qui interpellent et assument les débats, en se référant aux contradicteurs, et puis ceux qui se refusent à toute discussion, lui préférant la position du mépris et de la trompeuse vanité des gens qui croient savoir et détenir la vérité. Ceux là même qui prétendent à parler AU NOM DU MONDE TAURIN FRANÇAIS, alors même qu’ils se refusent orgueilleusement à entendre et à prendre en compte toute forme de critique ou de divergence.
Le fait est là, indéniable et irréfutable: nous citons souvent le Gourou de Vieux Boucau, démontons ses raisonnements, relevons ses mensonges ou ses contre-vérités, argumentons sur ses thèses.
Quand donc peut-on le voir en faire de même? JAMAIS!
André VIARD ne daigne pas se commettre à discuter avec la racaille. Ses contradicteurs sont traités par le mépris, il les nie en les amalgamant dans un anonymat forcément dégradant, en les caricaturant, en les stigmatisant par des insultes («talibans», «ayatollahs») qui le dispensent de toute pensée, de tout argumentaire, de toute contradiction.
Cette attitude présidentielle est à la mode certes, mais «à prendre les gens pour des chaises, on prend le risque de s’asseoir à coté».
La roche Tarpéienne est proche du Capitole et les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre.
Le pire pour moi, ne sont pas les dérives de l'intéressé, mais la complicité de ceux qui le soutiennent maintenant pour mieux le laisser choir demain, quand il sera devenu trop encombrant. Il y a ceux qui font, et ceux qui laissent faire, vous savez ceux qui échappent aux procès de Nuremberg et s'en tirent toujours "les couilles propres", en arguant qu'ils obéissaient aux ordres ou n'étaient au courant de rien.
MONDE TAURIN FRANCAIS, quel crime va t-on commettre en ton nom?

Xavier KLEIN
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4 commentaires:

el chulo a dit…

ole, ole y ole!

la "bulle" taurine s'approche!comme celle d'internet ou de l'immobilier!

peut on servir à blanchir de l'argent en "faisant" des toros??

avant, sans que celà soit mieux d'un point de vue moral, on étendait les élevages de toros pour echapper à la réforme agraire.
mais bon, le toro était un produit de "luxe" et non un produit de "consommation".

bien sûr l'espagne s'est ouverte plus tard que beaucoup à l'europe. mais qu'on ne s'y trompe pas la corrida comportait beaucoup "d'hispanidad", et cette relation toute particulière à la mort.
en sécurisant la "margelle du puits" de lorca, on tue la métaphore, "le duende", insupportable, habitant des viscères, et au passage l'art, au profit d'une gesticulation grandiloquente officielle, qui n'est pas sans rappeler d'autres architectures et foules béates.

Anonyme a dit…

El chulo.
Très justement vous parlez de foules béates. Une grande partie des arènes est emplie de nos jours de cette populace très éloignée des valeurs que le sable porte. Où est l'existence de la corrida quand des gens en claquettes et shorts se bousculent pour voir de la boucherie?
Dernièrement j'ai failli claquer un touriste qui n'arrêtait pas de sursauter à chaque passe:
"-Oh put**** ! C'est pas passé loin là! (sous entendu, dommage!)"
Des claques !

Philippe C.

FIX a dit…

Opposer les cartels d'artistes peu profitables, aux cartels de techniciens tout terrains plus propices aux triomphes qui seraient plus taquilleros est une contre vérité indigne de ton intelligence. Voire la tauromachie par la lunette déformante de l'aficion dacquoise ne fait pas "la vérité". Les cartels des grands artistes que tu cites, et bien d'autres par le passé ont toujours été des filons utilisés par les organisateurs acr avec des marges importantes: les élevages choisis ne sont pas les plus chers, et ona toujours pu imposer des sueldos moyens à certains artistes en s'appuyant sur leur "performance".
Une fois de plus opposer les pures aficionados à la tauromachie classique à d'odieux marchands du temple est d'un manichéisme simpliste et improductif. Trouver les moyens de faire perdurer la singularité d'aficionados épris d'équilibre entre toro et toreo par la survie économique est un autre challenge. Dont nous avions commencé à parler ...

el chulo a dit…

mais justement, ce challenge est perdu!