Humeurs taurines et éclectiques

dimanche 20 décembre 2009

LE DEBAT CONTINUERAIT-IL A S'INSTAURER?

Monsieur COLEMONT engage un dialogue sur l'inscription de la tauromachie au Patrimoine Immatériel de l’Humanité.
Comment ne pas répondre à cette démarche puisqu'elle est formulée de manière courtoise et mesurée (
http://www.echoducallejon.com/article.php?id=5486).
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Tout d'abord une mise au point préliminaire fondamentale.
Lors du vote à l'U.V.T.F. de la motion pour cette inscription, à partir des éléments dont nous disposions, c'est à dire l'unique déclaration orale de Monsieur ZUMBIELH, J'AI VOTE POUR. Ce qui suffit je pense, à démontrer que dans le principe je n'y suis nullement opposé. Il n'y a donc nullement lieu d'évoquer de votre part une «critique négative de la démarche». Si j'avais été négatif, j'aurais voté contre.
Ceci dit, je trouve pour le moins cavalier qu'on nous ait demandé de nous prononcer à la va-vite, sans réflexion et examen préalable, sans documents écrits, sur une orientation d'une telle importance, qui eût justifié d'un débat préparé et approfondi. Faut-il être contraint à signer, comme ce fût le cas, des chèques en blanc?
Par contre, j'ai émis de fortes réserves, d'une part sur l'opportunité, d'autre part sur les contingences de cette démarche.
Il faut bien comprendre qu'en ce qui me concerne, il convient de séparer nettement les attributions et les fonctions, ce dont d'autres ne se soucient guère en entretenant une confusion préjudiciable.
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En l'occurrence, lorsque je siège à l'U.V.T.F., élu par mes collègues conseillers municipaux en séance, j'y représente le Conseil Municipal et Monsieur le Maire d'Orthez. J'y figure en tant qu'élu du peuple, et suis tenu à une réserve et à une distance parce que j'y représente la globalité des citoyens de ma cité.
Lorsque je siège à l'«Association des organisateurs de corridas et novilladas du Sud-Ouest», j'y figure en tant que Président de la Commission Taurine, élu par mes collègues conseillers municipaux en séance, pour l'organisation des activités taurines.
Lorsque je m'exprime sur mon blog, je le fais à titre privé et personnel, et je n'engage que moi.
Il me paraît important de souligner cette nécessaire distinction.
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Venons en aux faits.
Vous concluez: «Ce que nous n'approuvons pas non plus c'est le fait d'affirmer que ne pas répondre aux abolitionnistes serait la meilleure des manières de lutter».
Tout vient me semble t-il, d'une certaine méconnaissance, et de ce que suis, et de ce que je fais.
Vous semblez actuellement vous détacher du discours entretenu par Monsieur VIARD, ce qui me semble tout à fait heureux. Vous avez pu mesurer la distance entre les belles paroles et l'absence du soutien au moment de l'épreuve. Il ne vous aura nullement échappé qu'il n'y a eu aucun commentaire de ma part sur ce sujet. Et pour cause!
Je ne suis nullement en accord avec vous sur le ton que votre ardeur aficionada vous porte à employer à l'endroit des «zantis». Pour autant, je vous ferai remarquer que je ne vous ai jamais «enfoncé la tête sous l'eau» à cette occasion. Si nous en avions parlé, je vous aurais dit, très tranquillement mon sentiment à ce sujet.
En l'occurrence:
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1°) Il convient d'évaluer justement l'importance et l'acuité de la menace et de ses vecteurs.
Sur ce point, de quoi parlons-nous? D'une cinquantaine d'activistes qui se déplacent de plaza en plaza, en profitant de l'écho donné à des manifestations spectaculaires et provocatrices. Pour le reste nous faisons face, comme depuis un siècle, à l'hostilité traditionnelle de la S.P.A.
Qui gagne à l'exacerbation et à la médiatisation de cette confrontation? Assurément les «zantis», parce que nos discours n'ont qu'un usage interne, et les leurs s'adressent à l'ensemble de l'opinion publique.
Mais aussi certains de nos grands penseurs taurins, pour réaliser l'union sacrée, et se dédouaner des critiques internes sur leurs thèses et sur leurs personnes.
La guerre contre l'ennemi extérieur constitue toujours l'ultime recours des régimes menacés. Celui qui conteste à l'intérieur devient alors un traitre. C'est vieux comme le monde, c'est bien commode, et le gogo naïf se laisse toujours avoir.
Il serait par contre indispensable de nous questionner sur les raisons de ce regain d'activité anti-taurine.
Et, de ce point de vue, il me semble que l'évolution de la corrida (et son expansionisme) vers des pratiques de plus en plus commerciales, et vers le toreo moderne avec des toros de plus en plus collaborateurs, et de moins en moins adversaires, met à mal la principale justification de la corrida: le combat et le risque. On peut défendre une tradition, on aura beaucoup de mal à défendre une opération commerciale qui la dénature, «on peut tuer le loup, mais on ne peut maltraiter son chien».
Il me semble que nous forgeons ainsi les armes de nos adversaires.
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2°) La situation de la France n'est pas celle de l'Espagne, où elle est fiesta nacional. En France, qu'on le veuille ou non, la corrida est IMPORTEE et TOLEREE. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait! C'est à dire qu'elle ne concerne qu'une minorité de territoires, tous sis dans le sud, et que sa survivance résulte d'un rapport de force établi il y a un siècle, qui a évolué depuis.
Ce rapport de force a entériné une situation de compromis où la république, devant la levée d'étendard au nom des libertés et traditions locales, n'a pas voulu se mettre à dos une population a priori favorable et «radsoc», alors qu'elle luttait sur divers fronts (laïcité, affaire Dreyfuss) pour s'imposer.
Depuis l'eau a coulé sous les ponts, et les populations ne présentent plus le même caractère d'homogénéité culturelle. A Dax, il y a un siècle, 90% de la population était de souche, parlait le gascon, et occupait les gradins. Ce n'est plus le cas. La feria fonctionne désormais avec une très forte proportion du public, étrangère au canton. En outre, à cause du prix des places, un élitisme de fait a découplé la tauromachie de son assise populaire.
Il va sans dire que la situation espagnole n'est nullement la même, bien qu'aussi complexe. A l'inverse de la France, la corrida y incarne d'une part un symbole de l'état espagnol centralisateur, d'autre part, elle a été instrumentalisée par le franquisme et porte une forte charge symbolique de ce fait. Soutenir la tauromachie sous-entend là-bas porter des valeurs que l'Espagne, et particulièrement ses provinces veulent oublier. D'autant plus que «l'appareil économique» qui préside à la gestion des affaires taurines regroupe toujours le gotha des grands propriétaires, des capitaines d'industrie, voire des affairistes de la péninsule.
Ce n'est pas la poignée d'élus locaux, de députés et de sénateurs qui nous protégeront d'un changement de politique française à l'égard des toros. Les politiques actuels sont avant tout des pragmatiques pour qui, malheureusement, les sondages pèsent infiniment plus que les convictions. Nos gouvernants pourraient être tentés de capitaliser le gain électoral indiscutable de positions anti-taurines susceptibles de drainer les votes des «mémères à leur toutou» et de nos concitoyens hyper-sensibles à la dictature de l'émotion dans une «société de la victime». D'autant que les voix gagnées compenseraient très largement, nationalement, les voix perdues localement, qui plus est dans des zones «roses», qui ne votent pas pour eux. Vous verrez alors, Monsieur COLEMONT s'égayer nos courageux politiques comme une volée de moineaux, devant la réalité des urnes. La situation espagnole et la démission de nombre d'élus devrait là aussi nous alerter.
Y compris localement, les élus sont les représentants du peuple, dont ils doivent porter les attentes et les aspirations. Il est normal qu'ils les prennent en compte, à moins de se comporter en dictateurs. Une initiative intelligente serait d'ores et déjà de procéder à des sondages confidentiels pour évaluer tout cela. Les résultats risquent d'en surprendre plus d'un, et de nous ramener à plus de modestie et plus de réserve.
Je suis intimement convaincu que la tauromachie relève totalement d'un Patrimoine Immatériel de l'Humanité. Mais ce que j'en pense importe peu, pas plus que l'avis de la centaine d'aficionados «encartés», et les 200 ou 300 sympathisants d'Orthez. Ce qui compte, c'est le positionnement des 10.000 qui restent. Et là, nous nous aventurons sur des terrains hasardeux.
Sommes-nous en situation de mener des offensives? Là est la problématique.
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3°) Il convient d'adapter et de proportionner la réponse à la question.
C'est à dire d'adopter des discours et de prendre les mesures pondérées, qui s'imposent.
Répondre à l'insulte par l'insulte ne mène à rien, sinon à l'escalade et aux procès. Vous êtes bien placé pour le savoir. On peut parler paisiblement avec des anti-taurins, je le fais sur mon blog. Certes il y a des abrutis et des excités, mais pas plus (et pas mloins) que "chez nous".
Lorsque qu'on est sûr de son droit, et serein dans ses convictions, on méprise les coups d'épingle auxquels on répond par l'indifférence, ou mieux par l'humour.
En réponse aux happenings dénudés du PETA, le mieux serait de les enclôre et d'aller, rigolards, leur jeter des cacahouettes. Peut être même de leur fournir l'opportunité de mettre en pratique leur compassion animalière en leur débarquant une coursière, qu'ils pourraient s'essayer à convaincre.
Monsieur le Maire d'Orthez, sur mes recommandations, a été l'un des seuls de France à prendre en 2009, arrêté d'interdiction de toute manifestation à proximité des arènes (et ce affiché sur les portes de la plaza).
De même, nous avons mis un point d'honneur à appliquer à la lettre, et au delà, les préconisations de l'U.V.T.F. et de la F.S.T.F. en matière de piques, de présidences, de trophées, de prix des places, etc.
De même, nous ne nous contentons pas de nous lamenter sur le triste sort des ganaderias ou encastes en danger. Nous les programmons.
De tout cela, a t-on parlé? Pas que je sache. Ou bien péjorativement. Les beaux discours priment d'évidence sur les actes.
En tout état de cause, il ne m'est jamais apparu que ma position soit frileuse, poltronne ou défaitiste. Pour moi, elle est sereine et paisible. Elle est également active, mais dans l'optique d'oeuvrer pour une tauromachie indemne de toute critique affairiste, et qui ait un sens et un contenu. Il faudra vous faire à l'idée que je me battrai pour défendre ce en quoi je crois, mais comme beaucoup d'autres, je ne lèverai pas le petit doigt pour défendre les intérêts privés de Monsieur VIARD ou de Monsieur CASAS.
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4°) La valorisation de la corrida relève avant tout de notre volonté et de notre action POSITIVE et non d'une REACTION au discours de l'«Autre».
Devenir crédible par des spectacles de qualité, revenir à des tarifs plus raisonnables et populaires, c'est à dire renoncer à la dérive inflationniste actuelle et mettre un terme à l'affrontement des "seigneurs de la guerre" des grandes plazas.
Accéder à l'indépendance par rapport aux intérêts du mundillo qui pèsent trop sur la forme et l'évolution de la corrida.
Admettre, expliquer, mettre en valeur, promouvoir, TOUTES LES FORMES ET SENSIBILITES TAURINES, sans chercher à les opposer, ou à en privilégier une particulière.
Prendre conscience que le terreau de fond de l'aficion, c'est avant tout le réseau des petites plazas, qu'il convient de soutenir et de promouvoir, même si leurs spectacles ne peuvent systématiquement rivaliser avec les moyens mobilisés ailleurs.
Sur ces divers points, les commentateurs (et donc vous-même) avez une responsabilité écrasante. L'assumez-vous comme il conviendrait? Pouvez-vous vous départir de vos goûts et propensions personnelles pour entrer dans d'autres logiques, et d'autres systèmes de valeurs qui, pour vous être étrangers n'en sont pas moins respectables?
Pouvez-vous accepter, et valoriser, qu'un «bon toro» ne soit pas pour beaucoup, votre toro, un toro qui «sert» et donne des passes? Mais que des aficionados en attendent d'autres vertus qui vous importent moins.
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Il faut, Monsieur COLEMONT, vous savoir gré de vouloir sortir du discours dépréciateur de Monsieur André VIARD, dont je conteste les idées et les orientations en argumentant.
M'opposent à lui plusieurs griefs:
- Il divise l'aficion au lieu de la fédérer.
- La multiplicité de ses casquettes, ses parti-pris, discréditent son discours, et discréditent notre cause.
- Je désapprouve sa stratégie d'affrontement.
- Il défend avant tout un certain type de tauromachie (le «toreo moderne»), dont les arrières pensées ne sont rien moins qu'intéressées, et ce au détriment d'autres types de sensibilités taurines, et de l'intérêt des petites plazas qui ne veulent ou ne peuvent s'aligner sur ses critères.
Tout cela procède d'un discours cohérent, argumenté et respectable qu'il conviendrait d'écouter et d'analyser plutôt que d'essayer de le diaboliser pour le marginaliser.
Il me semble que beaucoup d'aficionados, dont vous, commencent à le comprendre, ce qui explique la violence des attaques dont je fais l'objet, intra muros.
Je ne cherche à convaincre ni les «zantis», ni les contradicteurs taurins, je ne convoite aucune fonction, je cherche seulement à expliquer et à exposer un autre point de vue, une autre conception.
Cela deviendrait-il possible?
Xavier KLEIN
PS: Impossible de vous contacter, pour vous communiquer une réponse (pas de mail, pas de tel).
NOTA: Plutôt que de «parler en pec», se rapporter à la source: http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?pg=00002

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