Humeurs taurines et éclectiques

mercredi 29 juillet 2009

LE RICANEMENT DES HYENES

Je n'aime pas réagir à chaud, surtout quand l'émotion s'en mêle, et qu'il lui faut laisser le temps de l'évaporation pour revenir à la raison et à une juste évaluation et estimation des choses.
En outre, il va de soi que d'une part j'exprime ici un sentiment personnel qui n'engage nullement la Commission Taurine d'Orthez que j'ai l'honneur de présider, et d'autre part, qu'étant partie prenante, ces appréciations s'avèrent forcément subjectives et impliquées. Elles sont aussi impressionnistes, n'ayant eu le loisir de procéder à des notes précises.
Il n'en demeure pas moins que cette journée fût celle de la déception.
Déception par rapport à ce qui était attendu. C'est à dire ce brin de sauvagerie, de feu, de piquant, de mobilité, en un mot cette chispa, cette caste qui nous servait d'objectif.
Nous appréhendions, surtout avec les novillos, un excès de genio, or ce ne fut pas particulièrement le cas.
En fait, tant les novillos que les toros laissèrent plutôt à une majorité du public, une impression de soseria (de fadeur), sans l'émotion attendue.
Or c'était cette émotion de la caste que nous recherchions. Non pas un troisième tiers de 50 passes, mais ce piquant et cette vivacité, qui caractérise l'encaste santacoloma et qui fût généralement absent.
Tant les attentes «toreristas» que les «toristas» n'ont pu être satisfaites. Pour les premières, ce n'est guère étonnant, ce n'était nullement notre projet, pour les secondes cela me gêne plus, étant donné les espérances.
Je suis surtout très peiné pour les ganaderos, hommes de coeur et d'honneur, trainés indignement dans la boue, dont les rêves, les efforts et les peines n'ont pas été récompensés à leur juste mesure.
Que voulez-vous c'est ainsi, le sort de l'artisan me soucie plus que celui de l'industriel, et celui du fait main que celui de la grande série. Question de valeurs!
Et puis, il y eût une erreur. Une erreur majeure que j'assume douloureusement mais qui, pour autant, doit être expliquée.
Lorsqu'on s'adresse à des petits éleveurs avec des camadas courtes, on prend le risque de ne pas trouver en juillet ce que l'on choisit en novembre.
En l'occurrence, sur les 14 toros de l'automne, 1 fut lidié en concours (nous le savions) et 6 se sont entretués dont 3 prévus initialement.
Le dernier trépassa 10 jours avant la corrida. Les 2 toros restants étaient hors type. Que faire? Trois possibilités se présentaient:
1°) Aller chercher des toros ailleurs.
2°) Retenir un toro de guarismo 6, né début juillet 2006 et âgé de 4 ans et 20 jours.
3°) Retenir un semental de 5 ans.
Après concertation avec l'éleveur, nous avons opté pour la 3ème option. Sortir un toro de guarismo 6 nous semblait contestable, même si le bonhomme était bien présenté.
C'était une erreur majeure. Erreur par rapport à la présentation et erreur pour la faiblesse. Le pauvre hère, épuisé et amaigri par des assauts fougueux et répétés n'avait pas eu le temps de récupérer de ses efforts pourtant méritoires.
Des toros d'origine, seule la moitié sortit en piste.
En ce qui concerne la présentation du bétail, hormis le trapio déficient de ce premier toro, il m'a paru sortir dans le type de l'encaste -dans les types de l'encaste devrait-on préciser, vu que plusieurs lignées étaient présentées à la sagacité des connaisseurs- le deuxième étant un peu «avacado» (normal car typé saltillo). Mais sans doute faudrait-il expliquer à beaucoup de ces grands savants qui caquètent la subtilité de ces détails de peu d'importance à qui apprécie le galbe impressionnant de pureté, de puissance et de beauté de Desgarbado, à qui ils n'ont rien trouvé à redire.
Peu auront noté la limpieza des armures (un abruti particulièrement performant en ayant jugé une «sciée»), mais beaucoup se seront plu à déplorer, en braves imbéciles, un manque de trapio, voire un manque de tête pourtant inhérent à cet encaste. Là aussi, pour certains, la présentation se jauge au quintal: beati pauperes spiritu...
De l'effort particulier accordé aux piques, surtout le matin, de leur bon déroulement global, tant qualitatif que quantitatif (je parle des piqueros), guère d'allusions. Des 6 piques remarquables de Pimpi, ou de celles d'Almodovar aux novillos, portées telles qu'en concours, pas un mot. Rien d'étonnant dans le royaume du «toro moderne» où tout cela n'est que futilités superfétatoires, surtout quand la cuadra en vogue n'est pas au rendez-vous.
Trois toros m'ont semblé intéressants: le premier, justement décrié, mais empreint d'une classe qui ne put malheureusement pleinement s'exprimer du fait de sa faiblesse, le troisième suave, et le dernier qui prit deux piques trop lourdes avec catégorie. Le 4ème me parût affecté de problèmes de vision (avis partagé avec l'éleveur-vétérinaire). Des deux restants, le 2ème et le 5ème on ne put juger réellement (-sic-).
Dans tout cela, n'en déplaise aux sectateurs des corridas préfabriquées, hormis ce premier toro, nulle grâce particulière, mais pour autant nulle indignité. On ne vit pas de toros tomber, ni se réfugier aux tablas, ni témoigner de mansedumbre ou de genio excessif.
En ce qui concerne les maestros, je m'abstiendrai de commentaires (positifs ou négatifs) par courtoisie et par objectivité envers des hommes avec qui j'ai noué des liens amicaux et suis affectivement impliqué.
La présidence et les jurys ont été assumés avec sérieux, honnêté et rigueur. D'autres oreilles auraient pu tomber, comme ailleurs; la musique se multiplier, comme ailleurs. On aurait pu user de l'artifice pour organiser la liesse, toujours comme ailleurs. On aurait pu «gratifier» certains chroniqueurs, comme ailleurs. Nous nous y sommes refusés. Question d'éthique...
Bien d'autres problèmes se posèrent au niveau de l'organisation: on ne passe pas impunément de la gestion professionnelle (de qualité) d'Alain Lartigue à une gestion directe sans ratés et bavures.
Je voudrais également rappeler que, contrairement à la caricature que certains se plaisent à dessiner, article après article, dans le présent blog, je me suis toujours évertué à défendre une position d'équilibre, englobant la diversité des sensibilités taurines, sans exclusives. Me peindre comme un torista forcené s'avère parfaitement ridicule.
Mais certains savent-ils lire? Et dans ce cas improbable, sont-ils en état de comprendre des subtilités par trop incompatibles avec les représentations primaires qu'ils se plaisent à manier?
De même, l'antienne ressassée après qu'un crétin en ait lancé le «la» d'un «- Vous allez voir, ce que vous allez voir!» ne me paraît refléter aucun écrit de ma part. On nage là dans le fantasme et la basse revanche des médiocres, dans la curée orchestrée de bas étage.
Nous avons fait au mieux et j'exprime mes regrets pour des erreurs ou des manquements que j'assume. Je me sens pleinement concerné par la déception que tous ceux qui «y ont cru» et nous ont soutenu peuvent ressentir. Mais la sagesse nous rappelle que Rome ne s'est pas édifiée en un jour.
Le travail que nous avons entrepris prendra du temps, surtout quand, n'organisant qu'une corrida, nous jouons à pile ou face, avec des moyens extrêmement modestes.
La mesure dans le jugement, c'est aussi de considérer cela.
Cela confirme qu'entre ceux qui ne savent rien mais se placent à proximité de ceux qui savent, ceux qui croient savoir, ceux qui savent mais supportent des intérêts bien compris, les déçus qui n'ont pas touché la propina (vous savez les invitations, les callejons ou le repas gratuit), et les crétins patentés, on a bien du souci à se faire pour se modeler une idée équilibrée et pondérée des choses. Le pompon allant à ceux qui en parlent mais n'y étaient pas ou se fondent sur l'avis d'un "professionnel", ne pouvant se déterminer tout seuls.
A la date et à l'heure où j'écris, à ma connaissance, un seul chroniqueur m'a paru exprimer par écrit une opinion intelligente, compétente et mesurée. C'est Vincent Bourg «ZOCATO», que pourtant je n'ai guère ménagé par le passé, et qui montre ainsi sa caste et son élégance. Chapeau Vincent! Je continuerai sans doute à t'égratigner mais avec respect et considération. Un seul l'a fait à l'oral, c'est Don Miguel DARRIEUMERLOU.
Pour les autres, laissons ricaner les hyènes pendant que la caravane passe (je respecte trop les chiens pour les concerner à ce tohu-bohu!). L'excès, la bétise et la méchanceté ont ceci de positif qu'ils prêtent à sourire... Toujours ça de gagné.

Xavier KLEIN

NOTA: Que les hyènes exigent des autres empresas le même exercice...
AUTRE NOTA: SVP, ayez le courage de commentaires signés les cancrelats...

12 commentaires:

el chulo a dit…

cher xavier,

bravo pour cette réponse très digne.
je n'étais pas à
orthez, mais de retour ce mardi des terres australes, je me suis enquis auprès de mes amis de ce qui s'était passé.
j'ai compris une déception mais certainement pas la catastrophe décrite par le pape soustonnais.
probablement des incoppatibilités d'humeur faussent t'il son infaillible jugement de professionnel.
je ne l'ai jamais lu éreinter les produits jeanpierre like, gonfles poussives, tous identiques.
il est vrai que là il vaut mieux préserver ses arrières de professionnel du mundillo.
trop lontemps délaissée la cste des santa coloma finira bien un jour par s'exprimer et ceci en dehors de ce distingo stupide entre torerista et torista.
la raison est bien plus profonde et grave: la corrida est un "spectacle" pour beaucoup, pour d'autres, dont nous devons être, c'est autre chose.
l'essentiel est de rempir les arènes d'ignares ébahis et de leur offrir les gesticulations qu'ils attendent devant des "torosniais", conditionnés par sélection, non selection?, pour cet exercice, au détriment de la bravoure et de la caste et de c'ette vibration qui nous est chère.
le discours qu'on nous oppose est donc haineux, biaisé, et pour tout dire dégueulasse.
en tous cas, xavier j'imagine ta déception, mais il faut continuer à donner leur chance à ces vrais petits santacoloma qui peuvent nous enchanter.
qui a dit que desgarbado était laid, mal foutu, petit, indigne en présentation d'une plaza de "l'importance" de dax.
certainement pas nos porte parole de la casa jeanpierre.
je suis content que zocato ait eu un discours un peu différent, et digne.
il vaut infiniment mieux que ce qu'il écrit parfois. je ne parle pas du contenant, mais bien du contenu.
abrazo

Unknown a dit…

On reviendra l'année prochaine xavier.

Anonyme a dit…

Il y avait même un spectateur (je n'ose dire aficionado au risque d'être jugé) le matin qui a reçu une barera ombre à 70 euros en lieu et place de la place de novillada à 20 euros et que croyez vous qu'il fit ? Il l'a rendu au placier coté piscine en expliquant la méprise à la taquilla.
Mai la chaleur, la perspective d'un retour de nuit sur la gironde et la déception de la novillada ont eu raison de sa soirée Orthézienne.

Bien sûr que vous avez du mérite mais je suis désolé, j'ai été déçu.
Mais tout n'est pas perdu, après Vic, Ceret et Orthez, il reste encore Parentis.

kaochkidu a dit…

il n'y a pas que les hyènes qui
ricanent... et si mr Klein a quelque chose du hérisson c'est surement pas son élégance ... ;-)))enfin puisqu'il nous faut tomber ce masque du pseudo ,qu'Emile Ajar eût apprécié et qui gène tant les vertueux qui se servent de la toile pour y déverser leur(pé) dantesque logorrhée , je ne vous en donnerai pas la signification , ce serait une concurrence déloyale à la prose scatologique de mr El Chulo ( au fait le CH vous le prononcez comment ? ;-))) , mais vous dévoilerai tout de go l' identité que m'ont légué mes ancêtres :
je m'appelle Jack ( prononcez le D çà me ferait plaisir )Kerneau , je suis Breton , je n'ai pas l'intention de me soigner et je pense avoir atteint un âge , qui m'autorise à lire , après impression (papier bien sûr...) ,vos écrits d'un derrière distrait ;-)))
les présentations étant faites , sachez qu'en dehors d'une aficion qui m'a pris comme çà un vendredi ,je n'appartiens pas au mundillo ,je n'ai pas de plaza préférée et ne connais ni SC ,ni AV, ni EC ,ni PB ni Zocato ni Fulano et n'ai jamais voté pour aucun parti à aucune élection , je sais c'est mal...
alors quoi me direz-vous ?
et bien çà m'énerve de vous lire à longueur de blogs ou d'éditos démolir systématiquement les spectacles organisés par d'autres , qu'ils soient du S-O ou du S-E, au prétexte que le trapio ceci ou les cornes celà .
alors si après la corrida de dimanche tout ce que vous trouvez comme explication c'est que le semental ne voulait plus embister parce qu'il avait trop baisé la veille ,moi je ne vois qu'une solution pour l'année prochaine: abandonner l'habit de lumière et déguiser le torero en vachette ...;-)))
et puis c'est tout !
Kaoc'hkidu

Anonyme a dit…

La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non point à ceux qui prétendent la détenir.

Condorcet

Anonyme a dit…

responsable mais pas coupable...

el chulo a dit…

le problème du breton au cul lecteur semble précisément être qu'il ne "connaît" pas ou qu'il aurait besoin de lunettes.

Xavier KLEIN a dit…

Monsieur Kaochkidu,
Veuillez m'excuser mais j'ai un petit faible pour la précision.
Pourriez-vous m'indiquer, je vous prie, les articles où, comme vous dites "à longueur de blogs ou d'éditos démolir systématiquement les spectacles organisés par d'autres". Il m'arrive certes d'émettre des critiques, il m'arrive de plaider pour une corrida diverses, mais je n'accepte pas vos amalgames, surtout quand il n'ont pas été précédés de commentaires au coup par coup.
Que vous me disiez que, comme les autres, je me plante, pas de problèmes. L'erreur est humaine et n'étant pas d'essence divine, cela ne me dérange nullement.
Que vous caricaturiez un ensemble dont la majeure partie est affectée à des analyses de fond (il n'y figure quasiment pas de reseñas) me paraît irrecevable.
Manifestez-vous au coup par coup lorsque quelque chose vous choque et vous serez plus crédible.
Respectueusement.

Xavier KLEIN a dit…

Certains, visiblement préfèreraient coupable et irresponsable...
Mon sentiment de culpabilité me regarde à moins d'être traîné devant quelque tribunal, mais pour quelle indignité?

el chulo a dit…

a bien y regarder, dans ce que j'ai écrit et qui semble avoir déclenché la ire de notre breton atrabilaire, ce serait surtout la charge contre l'indulto de desgarbado que je ne supporte pas, pas plus que tous les autres.
donc, si ce monsieur, qui a le cul abonné je l'espère chez aflelou, veut bien m'écouter, je lui suggérerais de courir chez sol y moscas pour y voir le petit toro d'adolfo martin à madrid. 6 piques he oui, dont la dernière était bien supérieure à la seule que prit notre nouveau béat nain desgarbado.
il comprendrait peut être mieux ce dont nous essayons de parler, et que "cuando hay toros, no hay toreros", ce qui est bien le fond du problème, et pour cause.

Bronco a dit…

Il arrive , rarement hélas, mais parfois quand même qu'il y ait adéquation entre toro et torero et c'est bien là, notre rêve d'aficionado à chaque fois que l'on s'asseoit sur un tendido.

Pour revenir au sujet, pour mesurer la difficulté d'organiser en général , et un spectacle aussi aléatoire qu'une corrida en particulier , il faudrait beaucoup d'aplomb pour critiquer sur le résultat de cette corrida ( à laquelle je n'ai pas assisté ).

La seule chose critiquable étant, d'aprés ce que j'en lis, et admis par tous, la présentation du premier toro. Comme celle, rappelons-le puisque là aussi, ce fut évoqué unanimement, la présentation , ou plutôt l'absence de présentation, de la corrida de Zalduendo au Moun ( ainsi que de deux ou trois La Quinta...)

Pour le reste , tout passe à condition de rectifier le tir l'an prochain.

el chulo a dit…

rarement es un euphémisme.
pour le reste tout à fait d'accord sur la difficulté d'organiser un spectacle taurin, et en plus lorsqu'on prend les risques d'organisateur indépendant mais/et assumant les risques.