Je
demeure toujours absolument éberlué de constater l'impact d'une
intervention sur internet, en l'espèce ces derniers articles du
présent blog. Le texte paru samedi s'est répandu comme poux sur poilu de Verdun. Beaucoup s'en réjouissent («enfin un peu d'air frais
et de liberté de ton!»), d'autres m'ont trouvé haineux ou aigri. C'est leur affaire!
En
réalité peu me chaut. La Brega n'a jamais aspiré à une
quelconque vérité absolue mais à exprimer des points de vue et à
aiguillonner une réflexion qui fait défaut dans nos temps de pensée
unique et surtout «korekte».
Je
ne suis pas «gentil» et je tiens la plupart du temps la
gentillesse comme une parade tactique des esprits sans caractère à
l'encontre de ceux qui en ont. La gentillesse est rarement gratuite,
elle tend toujours sa sébile pour encaisser l'aumône de la
bienveillance. Je la laisse aux «gentils organisateurs» ou
aux «gentils membres» du grand empapaoutage contemporain.
En
revanche, je dois confesser un certain agacement -pour ne pas dire
une grosse rogne- à la confrontation avec le déni, l'arrogance, le
mépris, l'autosatisfaction, la prétention injustifiée, le foutage
de gueule, la mauvaise foi, etc. qui devient monnaie courante et dont
j'ai pu voir un étalage obscène et significatif à Dax, cité qui m'est chère (à tous les points de vue). Comme les copains, je suis sans doute un con, mais un con qui n'aime guère qu'on lui fasse savoir,
surtout par plus con que lui.
Formulé
plus élégamment, cela pourrait se traduire par deux citation
complémentaires:
«Je
m'estime peu quand je m'examine; beaucoup, quand je me compare»
de Villiers
de l’Isle-Adam
(«Je
vaux très peu quand je me considère, beaucoup quand je me compare»
du Cardinal
Jean-Sifrein Maury
ou plus exact dans mon cas «Je
me déteste lorsque je m'évalue, je m'apprécie lorsque je me
compare»)
«Je
me les sers moi-même, avec assez de verve, mais je ne permets pas
qu'un autre me les serve.»
de l'impérissable Cyrano de Rostand.
Evidemment
l'esprit gascon se perd, contrarié par la veulerie en vogue. Qui accepte désormais d'assumer l'impertinence, l'irrévérence, la subversion, la
liberté des pensées et des mots?
Passé
ce préambule apéritif venons en au concret, c'est à dire aux
raisons -et aux raisins puisque c'est la saison- de ma colère.
Dax
est ma patrie de cœur et de naissance. La maison familiale est sise
depuis plus d'un siècle rue de la Fontaine Chaude (on ne peut plus
«dacquois»!)
Je
fête cette année 50 ans d'afición
«active»,
40 ans d'abonos
à la même place, celle là même qu'occupait mon grand-père depuis
la construction des arènes.
Je
suis -excellent- contribuable dacquois.
J'ai
-avec de merveilleux amis- fondé l'honorable Peña Alegria de Dax en
1981, dont j'ai été président. Une peña qui a toujours su assumer
son rôle éducatif (organisation de conférences, de tertulias,
etc.) et son indépendance d'esprit (la parole y est libre).
J'ai
beaucoup réfléchi et écrit sur la corrida, sur les corridas
(reseñas, textes, articles, nouvelles, un roman en gestation).
On
m'a chargé durant 6 ans de gérer les arènes d'Orthez.
Lorsque
des amis me convient parfois dans un callejón, j'ai toujours mon
billet acheté en poche.
Je
ne me suis jamais gobergé, je n'ai jamais tiré aucun bénéfice ni
aucun avantage de mon afición.
Je sollicite, prend en compte et respecte les avis différents ou
contraires.
Je
ne tire aucune gloire, ni aucune prétention de ce curriculum.
Mais
je ne supporte pas qu'on vienne m'emmerder, me traiter comme un
abruti, et me manquer du plus élémentaire respect humain.
Comme
être humain, comme citoyen, comme dacquois, comme contribuable
dacquois, comme aficionado
dacquois, comme fidèle des arènes qui ont entouré mon afición,
je pense pouvoir légitimement revendiquer le droit au respect, à la liberté de
parole, à l'écoute, de la part des autorités et des instances
organisatrices dacquoises.
J'en
ai par dessus la tête des mesquineries autochtones, d'un climat
délétère qui voit dans chaque remarque, critique ou appréciation
une attaque, voire une prise de position politique.
Et
comme je n'ai plus ni l'âge, ni la patience d'encaisser toutes ces
conneries puériles et misérables, crevons l'abcès! Par delà
l'ironie, je veux croire qu'au plus haut niveau, mes propos puissent
être entendus et compris.
Dax
n'est pas une page blanche taurine. Il existe une culture, une
histoire, un goût, un contexte, des contingences proprement
dacquoises. Cela peut s'entendre, se concevoir et s'admettre. Mais
cela doit aussi se parler, s'expliquer, être objet critique et de
débat à la fois citoyen et taurin. Citoyen et non politique...
L'exercice
de la gestion tauromachique à Dax est un art difficile et complexe
du fait de l'audience, des contraintes, des enjeux. Pour autant, il
doit être soumis à évaluation objective et distancée. Ce n'est
pas le cas: le nez dans leur guidon, nombre des organisateurs
personnalisent les propos, deviennent aveugles, sourds, autistes et
limite paranoïaques: «Si
vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous.».
Le
patio
des arènes s'est transformé en salle de bal pour touristes esbaudis
et courtisans flatteurs à la recherche de prébendes. Le bar
-sympathique et ouvert au demeurant- est un refuge dont on ne veut plus s'extraire pour se confronter aux lieux d'afición
(peñas)
où l'on pourrait être objet de critiques. Il n'est plus de
débats, de ces discussions d'aficionados ravis ou courroucés où
rencontrer la salutaire contradiction.
Nullement
bégueule avec la chose, je m'étonne tout de même d'un callejón
gavé jusqu'à plus soif de gens qui n'ont rien à voir de près ou
de loin avec la tauromachie. Les
tendidos
sont devenus taurinement corrects, les pitos
«vulgaires»
(au contraire des applaudissements ou des ovations qui sont du plus
grand chic), la passion indésirable, l'afición
castrée, la connaissance taurine répudiée. Rien ne doit venir
troubler le plaisir tarifé du consommateur-spectateur souvent d'ailleurs et d'ailleurs surtout
payeur.
Certes,
ils payent pour cela, ce qui doit être respecté. Mais tout de même
… restons dignes.
On
se commet aux pires pueblerinades:
on retient les arrastres
pour soumettre les palcos
réticents à la bronca,
on écarte de ces derniers de très compétents aficionados
locaux au profit d'on ne sait quels pitres conciliants, on balance la
musique d'ambiante -excellente de surcroît- pour «animer»
la morosité éventuelle (les «palcos-jockeys»...),
on fait dégueuler les trophées dès que l'occasion -rare- se
présente, l'un des alguaziles
n'est plus qu'un adorno
assoiffé et bavard, etc. Et quel triomphalisme pour le plus souvent
peu de choses!
Dax
devient un barnum balnéaire.
Certes
pour les «cartels
de luxe», on sait le choix des ganaderias
et des toros
particulièrement délicat au regard des exigences des divas. Encore
faudrait-il prendre conscience que ce genre d'affiches ne remplit
plus les arènes en Hispanie (et de moins en moins en France), que la
soseria
qui s'ensuit est ravageuse -il n'est que de considérer le bilan des
dites corridas depuis 5 ans- et surtout que le manque d'émotion et
de SENS («A
vaincre sans péril on triomphe sans gloire»)
sont mortifères pour l'avenir de la corrida.
Si l'on avait «malencontreusement»
inversé les 3 premières et les 2 dernières corridas des ferias
2016, on aurait sans doute entendu protester contre les toros.
En
tout cas, il faudrait tout de même que l'on entende à Dax une
vérité évidente partout ailleurs, ce qui fait sourire tout
aficionado sérieux: non messieurs, les Pedraza de Yeltes et les Baltasar Iban
ne sont pas des ganaderias
toristas!
Pas plus d'ailleurs que ne le sont devenus depuis une décade la
plupart des toros de Victorino Martin et même de Miura.
Encore
faudrait-il qu'on ne se gargarisât pas ici d'un prétendu, périmé
et fallacieux standing dacquois qui contraindrait à ne présenter
que des «noms».
A ma connaissance Las Ventas, plaza de seconde zone sans doute, fait
cet effort là … sans déroger.
Sortant
un peu du microcosme, fréquentant assidûment les petites plazas, les
organisateurs dacquois gagneraient à introduire de la diversité, de
l'originalité et de la substance avec 2 ou 3 corridas sur 7. Car
quand même, 7 élevages de sang Domecq en 2016!!!
Cette
orientation permettrait en outre d'initier une synergie avec
l'environnement des autres plazas
-modestes- du Sud-Ouest. Mettre en place une procédure concertée
pour retenir la ganaderia
-certes peu connue- prometteuse ou triomphatrice en novillada ou en
corrida de l'année précédente permettrait de faire découvrir et
de valoriser à la fois cette dernière, mais également les plazas concernée. Elle motiverait en outre les éleveurs sachant que leur
bétail pourrait être répété dans une arène de renom qui se
grandirait de cette initiative de collaboration.
Le
même principe pourrait également être heureusement mis en œuvre
pour les novilleros
et les toreros
peu vus, qui, triomphant méritoirement à Garlin, Roquefort,
Parentis, Saint-Perdon, Orthez, etc., se verraient récompensés par
un cartel à Dax. Effort modeste, grands effets, motivant pour les
toreros
ou ganaderos,
gratifiant pour les «petits
organisateurs»
et honorable pour Dax.
Mais
comme on le leur reproche, les «tauriarques»
dacquois «ne
se préoccuperaient-ils que de leur cul»?
Xavier
KLEIN
Ce
n'est toujours pas fini: suite au prochain épisode