Humeurs taurines et éclectiques

lundi 19 mars 2012

MODERNITE!!!

«Etre moderne, c'est bricoler dans l'incurable.»
«Syllogismes de l’amertume»   Emil Cioran

L’ami Charles CREPIN, me prie de communiquer l’avis de la conférence qui se tiendra dans le cadre du 5ème Printemps des Jeunes Aficionados avec comme exergue: «La corrida doit-elle s’adapter à la modernité?».
La MODERNITE, «Vaste programme!» comme disait le grand Charles. Je regrette d’être si éloigné de Nîmes…

MODERNITE, c'est le genre de mots qui me fait dégainer.
On l’a mise à toutes les sauces, elle a servi à tout justifier, tout cautionner, tout vandaliser.
Être moderne, c’est «être de son temps», même si le temps est infumable et pourri.
Être moderne, c’était ravager la Mosquée de Cordoue pour y caser une verrue Renaissance.
Être moderne, c’était fondre les trésors artistiques des aztèques pour les transformer en retables baroques.
Être moderne, c'était saccager Saint Denis en 1794, dynamiter les églises en 1917, brûler les pagodes et rééduquer les vieux maîtres pendant la Révolution Culturelle.
Être moderne, c’est le plus souvent considérer qu’une catégorie d’«autres», en l’espèce ceux qui nous ont précédés, étaient plus ignorants, plus arriérés, plus cons que nous.
Être moderne, c’est penser «rupture» avec le passé et non «continuité» ou «transmission», c'est jeter le bébé avec l'eau du bain.
La modernité, c’est comme le dit Baudelaire «le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable».

Les «modernistes» ne m’insupportent en rien, tant qu’ils ne se préoccupent pas d’imposer leurs lubies.
Malheureusement le «moderniste» est mégalo, le «moderniste» est persuadé d’avoir raison, le «moderniste» veut votre bien, détient la science infuse, la panacée, la vérité révélée. Il veut du passé faire table rase, prêche l’incompatibilité fondamentale, érige ses dogmes sur les décombres de ce qu’il entend ruiner.
En outre, la modernité qu’on nous propose n’est nullement une évolution, encore moins une révolution. C’est l’adaptation à une réalité sociétale et surtout économique dont le moteur n’est nullement conceptuel, mais résulte du choix d’acteurs marchands.
La modernité, comme ils disent- c’est la «conformisation», la «lightisation» pour séduire de nouveaux publics, c’est du marketing pour continuer à engranger des bénéfices.

Il ne s’agît nullement d’un mouvement novateur d’idées, artistique ou philosophique suivi de conséquences économiques et sociales, comme ce fut le cas des «grandes modernités» (révolutions romantique, impressionnisme, cubisme, surréalisme, «Nouvelle Vague», etc.). Ce n’est pas la pensée pionnière et l’innovation qui font mouvoir une nouvelle esthétique de la société, c’est malheureusement exactement le contraire, c’est à dire la conformité sociale qui dicte une pensée orthodoxe.
La tauromachie «traditionnelle» (opposée à la «corrida moderne»), surtout dans notre société «moderne», est par nature une SUBVERSION. Son fond, comme sa forme deviennent inacceptables dans la société d’EloïsLa Machine à explorer le temps» d’H.G. Wells) qu’on nous concocte.
Jamais la corrida, en tant que «donner à voir ce qu’on refuse de voir», n’a été aussi nécessaire. Jamais elle n’a été autant vilipendée.
La vraie modernité, si la modernité procède d’une essence scandaleuse (ce qu’elle fut le plus souvent) n'est pas d’être à la traîne des idées conventionnelles d’une société, mais au contraire d’introduire une malséance intellectuelle de bon aloi.
La tauromachie «traditionnelle», avec sa violence codifiée, sa sauvagerie, son centrage sur le «toro qui combat», son attachement irréductible à des valeurs comme la difficulté, le courage ou le pundonor offre cette malséance là.
Tout aggiornamento, toute concession, toute reculade ne seraient que des capitulations annonciatrices d’une mort inéluctable.

On peut s’interroger sur l’objet réel de ce type de questionnement. La corrida «traditionnelle» d’évidence gêne aux entournures nos décideurs taurins du mundillo. Elle est comme la statue du Commandeur, la mauvaise conscience des errements G10esques. Le mundillo ne peut à terme se permettre de laisser subsister cette condamnation permanente.
Même une tauromachie à deux vitesses est impossible tant l’une d’une part contredit l’autre et d’autre part l’empêche d’accéder au sociétalement correct auquel elle aspire.

L’alternative est donc simple: s’adapter à la modernité en se dénaturant ou s’arc-bouter à la tradition en réduisant la voilure, c’est à dire en renonçant aux pépètes.
Le problème de ces débats, c’est qu’en dehors du sieur Prieto de la Cal et des vétérinaires, les «penseurs» de service fréquentent plus les gradins des grandes ferias champagnisées que les tendidos plus rustiques où se pressent les talibans...
Les «élites» sévissent également en tauromachie.
Xavier KLEIN

4 commentaires:

el Chulo a dit…

bon, mon javierin, je souscris à 10 000 pour cent à ce que tu écris.
un bemol tout de même pour le senorito prieto de la cal, car vraiment, dans le style veau sous la mère, on ne fait pas mieux. et la mère ne me plait pas du tout.

Marc Delon a dit…

Moi j'ai envie de vous dire que cette conférence est pour les "travailleurs" des 35 heures, les fonctionnaires déjà en week-end, qu'à cette heure-là je recevrai Thierno et Djibril deux frères africains et puis à 18h30 M. Bouyouajeb et ainsi de suite jusqu'à 20 heures.
Mais c'est pas grave et je connais la réponse à cette question : c'est non.

Bernard a dit…

Xavier,

Tes propos vitupérants me font penser à ces mots d'un autre anti-moderne: "Seule la tradition est révolutionnaire" (Charles Péguy), et on peut y ajouter aussi: "Le moderne ne se mesure pas, il vainc".

A part ça, les "Portugais" cornus que vous nous promettez pour Orthez 2012 m'ont l'air bien "traditionnels"! C'est bien pour ça qu'on les y viendra voir "combattre"...

Abrazo fraternel - Bernard

Bernard a dit…

Xavier,

Tes propos vitupérants me font penser à ces mots d'un autre anti-moderne: "Seule la tradition est révolutionnaire" (Charles Péguy), et on peut y ajouter aussi: "Le moderne ne se mesure pas, il vainc".

A part ça, les "Portugais" cornus que vous nous promettez pour Orthez 2012 m'ont l'air bien "traditionnels"! C'est bien pour ça qu'on les y viendra voir "combattre"...

Abrazo fraternel - Bernard