Humeurs taurines et éclectiques

mardi 31 janvier 2012

Lassitude


Foutus morpions!
Se sont encore rossés les maudits crapauds!
C’est la troisième fois en deux jours!
Et ce grand couillon boutonneux qui attend tout penaud de passer à la casserole.
Tiens, pour la peine tu vas mijoter un quart d’heure en faisant antichambre, histoire d’arriver a gusto dans le bureau de torture.
J’te l’ai conditionné le pendard: un bon regard bien furibard, chargé de noir nuages qui ne présagent rien de bon.

Marine garçon! Marine dans le jus poisseux de ton forfait! Des fois que ça t’éviterait de me sortir l’antienne habituelle des «C’est pas moi, m’sieur», des «C’est lui qu’a commencé», des «On jouait…» ou des incontournables «Y m’a traité…».
Des classiques du genre: chiant comme la pluie, suant la lamentable banalité d’une violence ordinaire qui ne veut pas se voir et encore moins s’assumer.
C’est cela qui me fout en rogne.
Non pas la rixe, les mandalotes ou les horions échangés, mais ce déni, cette mauvaise foi, cette négation de l’évidence.

Car la violence juvénile est éternelle, et il faut l’inculture et l’imbécillité de nos temps pour ne vouloir le savoir et le reconnaître. Pourtant annales et chroniques nous ont toujours conté la violence de la jeunesse, celle des éphèbes hellènes, celle des jouvenceaux des cathédrales ou celle des guerriers des boutons.
Eternelle la pulsion!
Et universelle avec ça! Allez y zieuter au fin fond de l’Asie Centrale, aux abords des ashrams ou des monastères zen: idem-pareil le merdier !

Quoi de plus banal au fond, de plus…«naturel»?
La pulsion de vie, la «surabondance de sève de la jeunesse» comme l’exprimait si élégamment de Coubertin veut et doit s’exprimer. Comme doivent s’apprendre tendresse et caresse, doivent aussi s’apprivoiser rudesse et agressivité.
Reconnaître la banalité ne suppose en rien de «banaliser» et il convient de substituer de la culture, là où ne doit pas s’exprimer sans limite la nature.
La difficulté consiste à savoir où placer cette limite, où instaurer la barrière. Et surtout ne pas dramatiser.

Dans la société taylorisée et spécialisée que nous vivons, on charge (et on se décharge) abondamment du rôle que tout un chacun, à commencer par les parents, devrait assumer, «l’éducateur», le «pédagogue».
Le «métier de parents» étant volontairement ou involontairement de moins en moins assumé par les familles, on en a investi des «professionnels». En conséquence de quoi on est passé du Ministère de l’Instruction Publique à celui de l’Education Nationale.

Pendant que le môme se morfond en se tortillant dans le couloir, j’avale le dépit et la lassitude d’avoir à rejouer indéfiniment la même scène, à ressasser les mêmes mots.
Comment pour la cinq mille trois cents quarante troisième fois faire comprendre à un ostrogoth arqué sur la certitude de son bon droit qu’il doit considérer l’autre goth, son point de vue, sa sensibilité, son droit à exister lui aussi?
Comment le convaincre que grandir, c’est renoncer au passage à l’acte, troquer le geste contre la parole libératrice, si possible en évitant les noms d’oiseaux. Apprendre à s’autoriser à «dire de soi» et à s’interdire de «tout dire de l’autre».

Ouaip! C’est pas gagné avec ce chenapan récidiviste: mon laïus pèsera si peu au regard de l’humiliation suprême et impardonnable du «fils de pute» balancé par l’autre branlotin.
Comme à l’accoutumée, tout commence avec le dialogue de sourd des protestations et accusations mutuelles, de l’énoncé des témoins de moralité, des petits aveux qui veulent camoufler les gros mensonges. Ca cause, ça crie, ça tempête, ça retenez-moi-ou-je-le-tue. Dans ces cas là, faisant mine de me plonger dans un dossier, je laisse les ouragans s’épuiser jusqu’à la survenue des silences piteux et gênés.
Et quand, enfin le calme règne, je rajoute quelques minutes supplémentaires de préoccupation feinte, avant que de lever un œil si possible implacable et d’un ton millimétré jeter négligemment, de la voix la plus quiète possible: «Je n’apprécie guère que l’on crie dans mon bureau, ce qui justifie déjà en soi d’une sanction…».
D’ordinaire ça calme!!!

La situation est plus grave que prévue.
L’ostrogoth n’y pas été avec le dos de la cuillère. L’a travaillé au canon de 75 le garçon, sans nuance et sans montée préalable d’adrénaline. Y’avait du désir mortifère, de la bonne grosse haine recuite, du contentieux à liquider.
«Sale bougnoul!». Comment? Amir est bougnoul? Comment ce fait-ce?
En fait Amir est bosniaque, donc forcément mahométan et par voie de conséquence, la nuit tous les chats étant gris...

Je cause «délit»
Yes sir! «Sale bougnoul!» n'est pas une opinion ni une incartade, c'est un délit, passable de sanctions pénales.
L'ostrogoth sent bien que l'affaire tourne grave: «délit», «sanctions pénales», ça sent sa gendarmerie tout ça.
Pourtant à la maison, à la palombière, au bistrot avec papa, avec certains copains du rubby, ça prête pas à conséquence. Au contraire, la meilleure historiette racisto-grassouillette vaut un surcroît de prestige.
Il y a la vérité de l'école et la réalité de la vie, des copains, du milieu, de l'entourage, de l'oncle Peïo qui fait tellement rigoler tout le monde à la fin des banquets, ou de Yann, le patron de l'«Auberge du saumon réjoui»qui pérore devant son public d'afidés.. Qu'est-ce qui compte le plus?
L'école? Elle garantit même plus du taf!
D'ailleurs d'être «bon» à l'école, c'est mauvais dés qu'on en sort. Le héros du trottoir c'est souvent le cancre, l'antithèse de l'«intello», de l'Amir. Car il est bon à l'école le con.

Que dire à l'ostrogoth? Lui causer «valeurs»? «principes»? «histoire»? S'en fout le gonze! La morale du gros barbu grisonnant, il «s'en bat les couilles». De toutes manières en rentrant à la maison, on lui dira: «C'est des cons d'enseignants».
Silence pesant.
Comment le toucher?
Pas l'atteindre, le toucher. Introduire du doute, éveiller la conscience, la sensibilité, percer la cuirasse?
 
«- Amir, essaie d'expliquer ce que tu as ressenti lorsque ce zèbre t'a traité de sale bougnoul.». Amir parle souillure, injustice, impossibilité de justifier de ce qu'il est, un rejeton franco-bosniaque dont le papa a fui les nettoyages ethniques et les horreurs de son village près de Srebrenica (ça, c'est moi qui le sait parce que j'ai discuté avec le père). Là bas, 9 adultes sur 10 sont des femmes, les hommes ont été «purifiés».
C'est pas son problème à l'ostrogoth, il y est pour rien à cette merde.
«- Mais garçon, on est tous différents. Il y a les petits, les grands, les bigleux, les rouquins, les abrutis, les génies, ceux qui comme toi portent un appareil dentaire, ceux qui n'en ont pas, ceux qui parlent basque, ceux qui parlent pas, etc. Si on commence à relever les différences et à se battre pour ça, c'est la guerre civile, on va finir au lance-flamme.
Lui son père est français, d'origine bosniaque, et toi, le tien qu'est-ce qu'il est?».
Les yeux de l'ostrogoth s'embuent soudainement.
Avec rage il éructe: «- Le mien, il est cocu.»

Ô pute borgne!
Cuirassé touché!
Y'a blème!
Forcément, «fils de pute», l'autre n'est pas tombé à côté.
L'ostrogoth s'effondre, il veut se barrer, secoué de gros sanglots terribles qu'il vomit comme un volcan crache soudain sa lave trop longtemps contenue.
Je retiens in extremis le pélerin et j'évacue le bosniaque outragé.
Passé «côté client» du bureau, cette frontière invisible qui matérialise l’autorité, assis en face de l’ostrogoth, je laisse s’apaiser les rafales de son typhon intérieur.
Il me faut moi aussi ce temps pour mettre à distance l’émotion que cette expression d’une souffrance brute de décoffrage suscite en moi.
Une souffrance qui renvoie à toutes les souffrances, y compris et surtout aux miennes.
Une souffrance qui représente aussi un piège insidieux: à tout prix il faut éviter l’empathie, ou du moins la contenir à sa place. Un chirurgien ne peut opérer efficacement s’il éprouve les souffrances de son patient.
C’est utile les larmes. Ca permet d’évacuer le trop plein. C’est la soupape de l’âme, les essences qui passent dans le serpentin de l’alambic pendant la chauffe.

L’ostrogoth tente de se maîtriser: «- Laisse venir bonhomme, laisse venir. Tu en as besoin. Souvent, ça fait du bien de pleurer. Normal, tu es vivant, tu aimes, tu souffres, tu ris, tu pleures… Le pire, c’est de ne plus pouvoir pleurer, ou de ne plus oser.»
Je l’accompagne aux toilettes, pour qu’il se rafraîchisse. Une manière de transition, de purification, de sas avant la réintégration de la parole après l’émotion.
Retour au bureau: «- Et maintenant, si tu mettais des mots sur tout ça? Histoire que toi et moi, nous comprenions ce qui se passe.»

L’ex-ostrogoth débite des malheurs ordinaires, tellement ordinaires.
Le père qui se poivre périodiquement la gueule avec les copains de bistrot pour échapper au vide de sa vie conjugale.
La mère qui s’est réconfortée avec Mourad, un collègue de travail gentil et attentionné et qui a fini par se barrer une semaine avec lui.
Le regard réprobateur ou narquois des voisins, les commentaires «bienveillants» de la mère Trucmuche à la supérette, suivis de sourires en coin, les messages cruels des copains et surtout des copines sur twitter ou par SMS.
Le père qui a voulu copuler un soir avec un platane, histoire d’en finir et qui s’est loupé le con! Sauf que la caisse est naze, et que tout le monde rigole.
Rien que de très normal! Le traintrain trivial de la vie rurale avec des rombiers ni meilleurs, ni pires qu'ailleurs!

Il a compris mon zoiseau.
Il a compris que sa colère n’était pas tournée contre Amir.
Il a compris qu’Amir n’était pas Mourad.
Il a même compris que Mourad aurait pu tout aussi bien s’appeler Georges, Michel ou Hyppolite.
Il a compris qu’il devait faire avec tout cela, qu’il n’en était pas coupable, que personne d’ailleurs n’en était coupable. Ni coupable, ni comptable.
Et que personne n’avait à «payer», pas plus Amir que Mourad.
Il a surtout compris que j'avais compris, et ça, c'est peut-être le plus important pour lui.
Il a pas été traumatisé par une corrida mon zoiseau, simplement par un truc qu'aucune prohibition ne pourra jamais empêcher: un Mourad qui s'éprend d'une Stéphanie. Il aurait pu s'appeler Roméo ou John, et elle Juliette ou Pocahontas.
C’est la vie…
Il sort de mon bureau.
Il a écopé d’une retenue.
Normal! D'habitude le tarif c'est une exclusion d'un jour minimum.

J’avise sur mon bureau le dossier de presse de Monsieur le Ministre de l’Education, avec film, site internet, procédures, numéro de téléphone vert et tout le toutim.
«Agir contre le harcèlement à l’école» qu’elle s’appelle l’usine à gaz. C’est joli, très joli.
Moi, je préfèrerais disposer d’un conseiller d’éducation pour régler ces problèmes là. Mais là haut, très loin, entre Bruxelles, Strasbourg, Paris et Berlin on dit qu’il faut «réduire la dépense publique».
Ils s’en foutent mon Amir et mon ostrogoth de «réduire la dépense publique». Ils ne savent même pas ce que c'est la «dépense publique».
Eux et leurs parents ils comprennent seulement qu'on a supprimé la trésorerie, que le bureau de poste n'est plus ouvert que le matin, que la gendarmerie est désertée, que l'an prochain ils seront 32 en classe. Que pour la moindre démarche, la moindre bricole, il faut désormais se cogner 1/2 heure de bagnole, parce que quand l'Etat réduit sa «dépense publique», c'est eux qui payent la note.
Eux, ils ont besoin d’adultes au quotidien, pas de sites, pas de numéros verts, pas de procédures, seulement des hommes et des femmes présents et disponibles avec qui on puisse causer de Mourad, plutôt que de se retrouver devant le juge des enfants.
Des hommes et des femmes qui comme moi ne savent pas comment on fait exactement pour empêcher un gamin d’en castagner, d’en insulter, d’en rejeter un autre.
Et qui essaient, comme ils peuvent, imparfaitement, maladroitement, d'entrevoir des Mourad dans les larmes.

Tout compte fait c’est simple la violence, le racisme…
Je suis las, très las!
Xavier KLEIN

lundi 30 janvier 2012

Mickey est un con (fin)

«Je choisirai le paradis pour le climat, et l'enfer pour la compagnie.»
Mark TWAIN

ATTENTION, C’EST LONG (et peut-être chiant)!!!


Notre société vit une situation parfaitement schizophrène, j’emploie le mot à dessein.
Dans les lycées et collèges, depuis dix ans, on assiste à une progression exponentielle des problèmes psychologiques, tant dans leur fréquence que dans leur gravité. C’est le signe néfaste d’une société pathogène.
Dans le même temps, les recours possibles à cette évolution désastreuse se font de plus en plus rares. Essayer d’obtenir un rendez-vous rapide avec un «psy» pour traiter d’une urgence devient une gageure, surtout en zone rurale. En outre, cela suppose des contingences difficiles à surmonter (coût, distance, etc.).
En France, la pédopsychiatrie est une discipline sinistrée par pénurie de praticiens et c’est une calamité.

Lorsqu’on parvient enfin, après des semaines de travail, d’échanges, à convaincre une famille de consulter, lorsqu'il est temps de «battre le fer lorsqu’il est chaud», on se heurte à des rendez-vous à 5 semaines (au mieux), incluant un déplacement de 50 kms. La démarche de consulter étant par elle-même difficile, on voit qu’un tel parcours du combattant décourage les meilleures volontés, surtout quand la thérapie s’effectue ensuite sur la durée: les souffrances de l’âme ne se résolvent pas avec une pilule et trois cachetons…

Le paradoxe absolu réside dans le fait que légalement toute démarche thérapeutique repose sur l’adhésion des familles, sans laquelle rien n’est possible. On rencontre ainsi des situations inextricables où des cas d’anorexie ou des troubles graves du comportement ne sont pas traités parce que les familles regimbent. On constate alors impuissant, des mômes se dégrader lentement et arriver à la dernière extrémité alors qu'une prise en charge diligente aurait remédié à leurs problèmes.
Et voilà donc la farce sociale de notre époque: par démagogie on laisse à des familles tout loisir de s’abstenir de traiter des cas lourds et parallèlement, d’aucuns prétendent interdire l’entrée des arènes aux mineurs aux motifs de traumatismes psychologiques.
On nie la responsabilité de la famille et des parents pour une pécadille, et on requiert son assentiment obligatoire pour une pathologie sérieuse. Allez comprendre quelque chose!
Au cas où certains en douteraient, je tiens à leur disposition des dizaines de cas très précis.

En fait, ce qui est tout à fait extraordinaire, c’est  qu’il convient en matière «psy», comme en toute chose, de savoir raison garder. Les courants, les écoles et les modes se sont succédés et parfois contrariés. Cela ne remet nullement en cause le sérieux et l’utilité de la profession, il convient d’éviter le «poujadisme anti-psy» et les commentaires de Café du Commerce.
Ceci dit, on sait que le gourou américain des années 60, le Docteur Benjamin SPOCK, chantre d’une éducation permissive (c’est du moins la caricature qu’on en a fait), a aussi raconté beaucoup de bêtises avant de faire amende honorable dans ses dernières productions au crépuscule de sa vie.

La psychiatrie, comme science humaine et sociale est le reflet de son environnement et de la société où elle vit. Un psychiatre soviétique des années 60 n’avait que peu de chose à voir avec son contemporain français ou américain.
De même, la vision et la pratique de grands défricheurs comme Bruno BETTELHEIM ou Françoise DOLTO sont remis en cause, par exemple par Didier PLEUXDe l’enfant roi à l’enfant tyran»).
Où est la vérité? Existe t-il, peut-il exister un savoir absolu, objectif et définitif?

J’ai souvent observé que les «dérives» étaient souvent le fait non des pionniers, mais des «aménageurs» de pensée, des successeurs. Vous savez, ces obsédés de la réponse qui, dans un système d’école viennent s’efforcer de tout faire coller, alors que la plupart des avancées décisives et des interrogations utiles de leurs illustres devanciers provenaient justement de ce qui ne collait pas (rêves, mots d'esprits, actes manqués, lapsus).
En sciences humaines, la règle absolue me paraît être de toujours procéder par INDUCTION et non par DEDUCTION. C’est par l’analyse des effets qu’on remonte à la cause. On observe, on constate, on analyse, puis on formule des hypothèses et EVENTUELLEMENT on théorise au vu de la fréquence et de la répétition du phénomène.

C’est pourtant cette démarche déductive que des modernes Diafoirus tentent d’imposer avec le débat en cours sur l’accès des mineurs aux arènes. On peut légitimement s’interroger sur le nombre de cas cliniques d’enfants «traumatisés» par la corrida examinés par le collectif de «psys» signataires de l’appel de J.P. RICHIER (http://www.allianceanticorrida.fr/Docs_atelecharger/motion-richier.pdf), surtout qu’à la lecture des origines géographiques, on en voit peu dont les ouailles sont régulièrement en contact avec la corrida.
Leur position est donc une (im)posture théorique qui ne s’appuie sur aucune constatation clinique en matière de corrida. C’est à dire l’exact opposé de la démarche menée par les grands noms de la psychanalyse, Freud en tête, dont toutes les découvertes procèdent d'une observation clinique minutieuse. Tout cela relève donc d’une malhonnêteté intellectuelle majuscule.

On finit toujours par trouver ce que l’on cherche. En l’espèce, un traumatisme. La belle affaire!
Le problème avec ces putains de traumatismes, c’est que le même événement aura des conséquences et une portée très variables selon les patients.
En outre, un traumatisme peut en cacher un autre, c’est même le plus souvent un train qui cache toute une gare. Derrière «l’événement fondateur», le «trauma originel», il y a tout le terreau des peurs, des hontes, des souffrances qu’il vient réveiller, réactiver. On peut donc parfois considérer un traumatisme, non comme un point de départ, mais comme le catalyseur qui vient déclencher une réaction du préexistant, une perturbation qui remet en cause un équilibre déjà instable.
A ce compte là, chez un enfant, tout peut faire traumatisme, la mort du petit chat comme la démence du grand-père ou l’agression verbale d’un camarade.

On entre dés lors dans la philosophie: c’est le syndrome de Siddartha, le futur Bouddha, que son cher papa-roi-(psychiatre richierien?) avait voulu préserver de la confrontation avec la vieillesse, la souffrance, la maladie et la mort, en le maintenant dans l’enceinte protectrice du palais.
Peut-on, doit-on éviter les traumatismes, ou bien doit-on, peut-on apprendre à les vivre et à les surmonter? That is THE question. Une question qui concerne le philosophe avant d’interpeller le psychiatre. Le philosophe mais également l’éducateur, qu’il soit parent ou pédagogue, qui doit conduire un enfant vers l’âge adulte, sa complexité, sa luxuriance, ses joies et ses épreuves, en le préparant non à s'y soustraire mais à les affronter.
A une société qui prétend avec arrogance se dégager de ces choses bien embarrassantes comme Monsieur Siddartha senior voulait le faire avec son fiston, comme si l’on pouvait éviter de souffrir, d’avoir peur, d’avoir honte, je préfère penser une société où l’on apprend à s’y confronter, à les affronter, à les gérer.
Cela ne sous-entend nullement une apologie de la honte, de la souffrance ou de la mort, encore moins qu’on les favorise. Cela implique seulement qu’on ne se dérobe pas à la réalité, qu’on ne la cache pas, qu’on ne la maquille pas, et par dessus tout que par décret et prohibition on se prédispose au déni.

Certaines obsessions sont troublantes. Ainsi au Moyen-Orient, connaît-on le quotidien des Palestiniens, les gamins lanceurs de pierre qui tombent sous les balles, la promiscuité et la misère, le chômage et l’éducation déficiente, la condition des filles.
Très bien tout cela, mais pour certains, cela ne représente rien ou si peu de chose au regard de la situation tragique d’un chiot imbibé d’essence et calciné, un traumatisme majeur qui mobilise les énergies pour retrouver les coupables (http://margarida.over-blog.com.over-blog.com/article-message-du-dr-jean-paul-richier-trois-jeunes-ont-immoles-un-chiot-par-le-feu-83754149.html).
Pendant que la situation des clébards sarrazins s'améliore, celle des loupiots maures n'évolue guère.
La conclusion s'impose: en Palestine, pour apitoyer, le destin d’un chien importe plus que celui d’un gosse!

 En cela, nous revenons et nous concluons sur Mickey.
Mickey, c’est le héraut de l’optimisme et de la bonne conscience américaine. Vous savez, ces bons p’tits gars qui vont lutter contre l’axe du mal, partent pleins de merveilleux sentiments et finissent par flinguer tout ce qui bouge en Irak ou en Afghanistan, urinent sur les prisonniers ou les torturent, videos et photos à l’appui. Tout cela parce qu'on ne leur a jamais appris que cela aussi, cette sauvagerie, ils la portaient en eux.

Dans le Mickey’s word, rien n’est traumatisant –une escouade de psys waltdisneyisés y veille…- les gentils triomphent et les enfoirés morflent toujours. Rassurant isn’t it?
Mickey est doté d’une éternelle jeunesse, asexué certes mais doté ad vitam eternam d’une queue qui frétille mais ne raidit jamais. Propre sur lui mais célibataire, il se contente de relations, épisodiques, distanciées et platoniques avec une Minnie-potiche. On n'ose songer à la salacité de ses huis clos vaticanesques avec ses neveux...

Dans son univers stérilisé, les canards (Donald Duck) ou les chiens (Dingo) sont anthropomorphes, une souris a la même taille qu’un canard ou qu’un chien. Toutes ces bonnes gens ne meurent pas, ne souffrent pas, poursuivent cette utopie américaine constitutionnelle de la «recherche du bonheur» («tous les hommes sont créés égaux; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.»). Une vraie représentation de la condition humaine...
Pas de sexe, pas de mort, pas de tuerie, pas de maladie, pas de vieillesse, une issue heureuse à tout problème, les affreux Rapetout (des immigrés illégaux italiens ou chicanos sans doute) finissent au bagne, oncle Picsou n’est pas taxé sur la fortune, Bambi ne termine pas boulotté par les chacaux, Simba le lion est un self made man, les 7 nains ne se tapent pas Blanche-Neige, à qui cela dégagerait pourtant les écoutilles.
Bref! tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Un vrai programme du Tea Party, les prières propritiatoires mises à part!

Cette Weltanschauung (conception du mode) me révulse au plus haut point, ne serait-ce que parce qu’elle distille la vision d'une humanité trompeuse et favorise une immaturité perpétuelle.
On est loin des archétypes européens, des contes de Grimm ou de Perrault qui n’ont rien de naïf et de gentillet, du cynisme réaliste des fables de La Fontaine, de l’initiatique «Alice au Pays des Merveilles» ou de l’ambivalence sado-maso des «Malheurs de Sophie». A peine voilés, on y met en scène la trouble ambiguïté de l’humain, les Barbe-Bleues ogresques et pédophiles, la vindicte impitoyable et mortifère des belles-mères, les crises oedipiennes paroxysmiques, les désirs inavouables. Toutes insanités dont les enfants ont une conscience confuse, même si on les prend généralement pour des cons.
Point ne nous en chaut que certains trouvent leur jouissance à enquêter sur des hot-dogs (chiens chauds) bédouins, mais surtout que ces prédicateurs ne prétendent pas nous imposer des valeurs qui ne sont pas les nôtres, au nom de diagnostics non étayés et d’analyses tendancieuses.
De grâce, ne nous imposez ni vos fantasmes, ni vos phobies, nous garderons les nôtres pour nous, dans le secret des ruedos
Xavier KLEIN

Mickey est un con (le retour)

Lorsque j’étais gamin, mes parents étaient extrêmement regardants sur mes lectures en général.
Je me souviens que mon père (qui lit régulièrement La Brega) avait été quelque peu marri et interloqué que mon professeur d’histoire de 6èm me donnât à lire la «Vie des 12 césars» de Suetone, une réaction bien compréhensible au regard du récit très cru des turpitudes impériales romaines.
Il en allait de même des magazines de jeunes.

Pour résumer à l’usage des moins de 50 piges, les diverses publications des sixties auraient pu se classer en fonction de l’éventail des divers courants d’opinion philosophiques, religieuses et politiques de la société française. En effet, la jeunesse (et sa formation) était l’enjeu d’une guerre d’influence redoutable depuis les années 30. Francas contre patronages, scouts contre éclaireurs, Jeunesses Communistes (JC) contre Jeunesses Ouvrières (ou étudiantes) Chrétiennes (JOC ou JEC), ça ferraillait dur pour capter et retenir les jeunes esprits. Tout cela est bien fini, heureusement!

Pour les publications juvéniles, on avait en gros le choix entre Tintin (Spirou et consorts), Astérix (Pilote), les rééditions de l’Epatant (Bibi Fricotin, les Pieds Nickelés), le Journal de Mickey et Vaillant, le Journal de Pif (dont très curieusement pour une publication d’obédience communiste, les scénaristes et dessinateurs venaient du journal Le Téméraire, seule revue collaborationniste pour la jeunesse durant l’Occupation).

A la maison, si Pilote et Astérix avaient franchement la côte, Tintin et Spirou vivotaient sans problèmes, par contre Mickey était dédaigné, quant à Pif, c’était le black-out.
Pendant des années je me suis donc procuré clandestinement (pardon Papa!) Pif gadget, dont j’appréciais particulièrement certains dessinateurs: Marcel Gotlib (Gai Luron puis la Rubrique à brac), Kalkus alias Mandryka (Le concombre masqué), Tabary (Corinne et Jeannot puis Iznogoud) et surtout Hugo Pratt (Corto Maltese). Je suivais avec passion les aventures de Rahan, du Docteur Justice ou du Grélé 7/13. Et pour Corto, c’était carrément de l’idolâtrie.

 Je n’ai jamais vraiment questionné mes parents sur leur inappétence manifeste à l’univers de Disney, mais je crois en discerner quelques ressorts, qui rejoignent mes préventions.

Sans vouloir paraître bégueule, les années 60 et 70 me paraissent avoir été un âge d’or de la BD, comme elles le furent de bien d'autres arts. Le foisonnement de nouveaux graphismes, de discours et de tons innovants, d’une originalité percutante me semblent demeuré inégalé. Tout cela allait de pair avec une créativité qui bouillonnait de partout, de la mode à la chanson, en passant par le cinéma ou la peinture.
On tenait pour ses «maîtres»: j’ai fait des kilomètres pour rencontrer et voir dessiner Pratt ou Philippe Druillet, dont on rapportait triomphalement des dessins originaux pour impressionner les copains et accessoirement les filles, comme j’en ai fait autant pour vivre un concert de Frank Zappa ou de Creedence Clearwater Revival.
Le dénominateur commun de l’ensemble des artistes de ces années de créativité maximale tenait à une base culturelle et surtout technique solides, à un travail acharné, à un mépris des modes et à une imagination créatrice débridée.
Aucun n’est passé par la matrice d’une télé omniprésente, d’un internet envahissant, d’un «bien-disant» culturel standardisé. Chacun a ouvert des voies, a balbutié de nouveaux langages, a exploré des terres inconnues.
Quand on y regarde de plus près, on constate que l’ensemble de ce mouvement des sixties, seventies, s’est édifié sur un socle culturel classique, avec une formation classique, de techniques classiques et par dessus tout un travail acharné. Ce qui leur a permis de tout inventer ou réinventer. Zappa comme Gainsbourg ont fait leurs gammes et maîtrisé le solfège et la composition, avant que d'innover.

Quand on lit un livre, on peut tout imaginer. Personnages et décors prennent les formes qu’on leur choisit. Ainsi, chaque lecteur crée un univers dont lui seul a la clef, des visages dont lui seul pourra être amoureux. La rêverie peut s’épancher à l’infini, galoper dans des espaces illimités, ou au contraire s’enfoncer dans l’autre infini du minuscule.
Cette ascèse du rêve, cette académie de l’irréel est proscrite à ceux à qui l’on impose un imaginaire préfabriqué et exogène. C’est le cas actuellement.

La  génération Mickey -mais cela fait un moment que cela dure- ne peut à la fois être dans l'action (un leitmotiv très sarkozien) et dans la réflexion ou la rêverie. On ne peut passer son temps à twitter, à SMSer, télévorer et simultanément lire et rêver. On ne peut consommer passivement des images en permanence et mobiliser son imagination pour en créer.
Les premiers films de Disney que je visionnais («Blanche-Neige», «La Belle au bois dormant», «Le livre de la jungle») me déplurent terriblement parce que connaissant les histoires, ils venaient substituer et presque effacer les représentations imaginaires que je m'en faisais. Je me souviens, notamment pour le dernier, que j'avais éprouvé un quasi sentiment de souillure, d'autant que la version Disney dénature complètement le contenu et le message de Kipling.

Mon premier grief envers le «Disney word», c’est de procéder de la plus plate conformité.
Le second, c’est d’être dominé par l’american way of life et un substrat culturel très W.A.S.P. (white, anglo-saxon and protestant).
Disney serait un simple objet culturel innocent, cela ne serait nullement dérangeant. Un voyage aux States avec visite de Disneyland ou Disneyword, comme pur produits de l'american culture, pourquoi pas? Mais Disney est l'agent actif d'un impérialisme culturel qui s'assume pour mondialiser l'american way of life: ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour le monde...
Le troisième, c’est de véhiculer sans le dire et l’air de rien, en sus de messages subliminaux identifiés, un message conservateur-libéral sous-jacent très prégnant bien qu’inidentifiable par le spectateur-consommateur (a fortiori par un enfant ou un adolescent).
Enfin et surtout, c’est un univers complètement dépoétisé et dirais-je, lénifiant et standardisé.
Il va de soi qu'il n'y a pas de rejet de la culture américaine en soi. Tous les mouvements artistiques et culturels des USA, de Jack London à Tennessee Williams, de Buster Keaton à John Cassavetes, de Gershwin à Miles Davis, etc. ont profondément enrichi le patrimoine humain.

On pourra rétorquer que ce désenchantement concerne l'ensemble des oeuvres portées à la scène ou à l'écran.
Sauf que Disney joue sur le répertoire de classiques ou d'oeuvres archétypales, comme s'il s'agissait d'aseptiser façon US un patrimoine culturel mondial. Sauf aussi que Disney ne se contente pas d'être un véhicule culturel, mais que c'est surtout une arme stratégique du soft power.
Ce n'est pas le cas de l'immense majorité de la production de dessins animés, et il ne suffit que d'évoquer la richesse de l'école tchèque, un réalisateur génial tel que Paul Grimault, ou l'intelligence poétique de Kiricou, pour prendre la mesure des autres possibles.

La prédominance de l'empire Disney et la sujetion culturelle qu'elle véhicule participe de l'intoxication générale des esprits. Bambi ou la famille Mouse font le lit d'une conception pervertie du rapport homme-animal. Une conception militante, comme celle portée par des émissions comme «Vivre avec les bêtes» sur France Inter (http://www.franceinter.fr/emission-vivre-avec-les-betes), managée par Elisabeth de Fontenay, grande prêtresse des «zantis». Comment s'en étonner avec un patron comme Philippe VAL, dont on espère être débarrassé avec les élections à venir.
Le jour où, sur cette radio du service public, on pourra également parler de corrida, de chasse, ou de tout autre rapport à l'animal, non conforme à la vulgate bisounours, et non subir un endoctrinement bestialiste insidieux, peut-être pourra t-on parler d'intelligence et de débat sérieux.
Pour l'heure, on subit le décervelage et le conditionnement. 
Xavier KLEIN
 La suite dans Mickey est un con (decrescendo)

vendredi 27 janvier 2012

Mickey est un con


Il faut vraiment travailler avec les enfants pour se rendre compte de l’appauvrissement général de l’imaginaire de nos chères têtes blondes. On navigue dans une conventionnalité des plus navrantes et une impossibilité de sortir des modèles imposés ou proposés par notre environnement.
Sans parler évidemment des instruments par lesquels cet imaginaire peut se concrétiser. Sur ce dernier point qu’il suffise d’évoquer l’impossibilité pour une majorité d’élèves de 3ème (14 ans) de REDIGER plus qu’une ½ page. Et dans le même temps, on ambitionne de les faire AR-GU-MEN-TER alors même qu’ils ne disposent pas du vocabulaire et des bases essentielle de la langue française. Créer, imaginer, conceptualiser, sans disposer des bases techniques et des éléments de base du langage est tout simplement utopique.
Quant à l’univers onirique des bambins, il se limite aux frontières de leur lucarne magique et de la bouillie qu’on leur fait ingurgiter depuis les feuilletons ou la télépoubelle aux mangas, à SuperMario, au gore, au slam à 2 centimes (art majeur) ou aux films de vampires.
Demandez de citer un grand poète et on vous répondra Jean-Jacques Goldman.

Cette situation trouve son origine dans l’évolution sociétale en cours depuis une trentaine d’année qui résulte de l’interaction de multiples facteurs.
Je ne suis nullement de ceux qui évoquent la larme à l’œil le «bon vieux temps», ni qui prennent leur pied à ronchonner contre les petits cons actuels.
Je constate seulement.
Un constat qui me porte à penser que par démagogie, par évolution de la société, par délitement démocratique comme l’évoque Raffaele Simone qui cite Tocqueville notre époque voit l’émergence d’«un pouvoir immense et tutélaire qui se charge d’assurer leur jouissance (…) et ne cherche qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. Ce pouvoir aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il pourvoit à leur sécurité (…) facilite leurs plaisirs (…) Il ne brise pas les volontés mais il les amollit (…), il éteint, il hébète.»
On en constate les effets partout, y compris et surtout sur «l’Ecole» à qui la société délègue la responsabilité de former (ou déformer…) les futurs citoyens.

De facto, le «fun» et la consommation devenant les références et les impératifs de base, on voit mal comment «l’Ecole» pourrait se soustraire à cette nouvelle dictature et éternellement nager à contre courant des injonctions et évolutions sociétales.
Quand le martelage télévisuel valorise les sitcoms ou les téléréalités débilitants où l’on valorise l’opposé même de ce que «l’Ecole» est censée inculquer, on comprend que nos mômes, gavés à l’envie de ce gruau vénéneux, non seulement se voient désorientés par des discours antagonistes, mais rechignent à considérer des valeurs infiniment moins affriolantes telles que l’effort, la tenue, la culture, le cran, la pudeur, la loyauté, l’amour-propre, le respect, etc, etc. (la liste pourrait durer des pages).
Cela, ce n’est nullement la responsabilité de «l’Ecole», ni même celle des politiques, c’est une évolution insidieuse, globale, mondialisée, pour tout dire civilisationnelle de l’ensemble du corps social.

Quand désormais 60% de gamins ont une télévision dans leur chambre, quand les refus pur et simple de travail se multiplient, aux motifs parfaitement assumés et cautionnés par les parents que «cela prend la tête», voire comme me l’a rétorqué benoîtement un père parce qu'«il s’en bat les couilles», on ne doit plus s’étonner de rien.
Comment combattre l’exhibitionnisme quand les reality shows montrent des Stars académiciens ou des «lofteurs» dans leur intimité quotidienne, baiser dans une piscine, étaler leurs fantasmes, leurs avanies?
Comment combattre le voyeurisme quand c’est la raison d'être et le moteur de ces émissions?
Comment leur expliquer des mots comme «pudeur»,  «retenue», «intimité», «intrusion»?
Comment pousser au travail, à l’effort, quand ces mêmes «héros», ces modèles valorisés se prélassent dans l’oisiveté et qu’au bout du compte, il en tirent bénéfice sans bourse délier?
Comment leur demander d’appliquer des règles élémentaires de savoir-vivre, de civilité, de respect quand les modèles se vautrent dans le laisser-aller le plus complet?
Suis-je vieux jeu, fossilisé, alzheimérisé de m’en offusquer et surtout de m’en inquiéter?
En tous cas, nous ne sommes plus crédibles, ou pour le moins plus audibles…

Bon an mal an, pour ouvrir nos élèves sur le monde, nous organisons un voyage scolaire d’une semaine. C’est l’aboutissement d’un travail de préparation, de recherche, et c’est le préalable à une exploitation pédagogique et à des productions (exposés, diaporamas, expositions, etc.).
Les destinations lointaines sont exclues pour cause de coût excessif (tous les élèves doivent pouvoir participer). Nous avons donc eu droit ces dernières années à «la Provence, des Césars à Picasso», à la Barcelone architecturale, à Madrid et ses musées, etc.
Une année, on envisagea diverses possibilités éminemment intéressantes dont Paris, lorsque une délégation de mamans pédagogiquement très motivées, sont venues me trouver.
Les musées, l’Assemblée Nationale, Notre Dame, le Panthéon, les Invalides, un parcours Victor Hugo ou le café de Flore sur les pas des existentialistes, c’est très bien mais tout de même poussiéreux, suranné, pour tout dire «ça prenait la tête» (sic).
Aussi, fortes du pouvoir que confère le fait de payer la moitié du voyage, les bergères s’étaient-elles mises en tête d’en commanditer certains objectifs.
Mi-taquin, mi-intrigué, j’attendis avec délectation la panacée qui allait révolutionner l’univers compassé des voyages pédagogiques. La réponse fut d’une platitude qui rompit net au gaudriolage envisagé.
........................................................EURODISNEY…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Muni de tout le calme mobilisable, à l’article de l’apoplexie, je tentais d’expliquer aux matrones que Rodisney, n’était pas précisément un modèle pédagogique, qu’un collège de l’Education Nationale n’était ni une agence de voyage, ni une succursale du Club Med et que Mickey était certes très «fun», mais Totor Hugo et Quasimodo ou Jean Valtruc, hein, c’était quand même aut’ chose!
La plus accorte des rombières papillonnant des faucilles, munie d’un sourire des plus enjôleurs tenta de convaincre le gentil organisateur que sans doute étais-je un tantinet dépassé et que nonobstant mon arriération mentale, elle maintenait que Rodisney, permettait d’apprendre dans la joie, et que Mickey était un grand pédagogue.
Le dialogue de sourds s’éternisait sans que puisse s’entrevoir la moindre issue.
Devant tant de désarmante et charmante assurance, le monstre mysogine que je suis tenta d’épousseter la tonne de poussière antique dont on me revêtait et ne put que lui jeter de son air le plus sombre: «C’est parce que vous ne le connaissez pas bien: Mickey est un con!».
Parfois, il faut savoir conclure…
Xavier KLEIN
Peut-être une suite...
***

mardi 24 janvier 2012

«Zantis» de tous les pays, unissez-vous!

Le 22 janvier 2012 quelques milliers de personnes (de 6 à 30000 selon les sources) ont participé à Paris à la «Marche pour la Vie».
Cet IVGthon existe depuis 2005 avec le soutien actif de la hiérarchie de l’Eglise Catholique.
En démocratie, il est sain, naturel et légitime que des citoyens se regroupent et manifestent pour défendre leurs idées et leur donner écho. Surtout lorsque ces idées sont parfaitement honorables et légitimes, ce qui est le cas.
On peut approuver ou désapprouver l’avortement –c’est un choix moral- mais l’une ou l’autre des positions me semblent parfaitement respectables si elle sont argumentées et défendues en conscience.
Personnellement, pour des raisons philosophiques et religieuses, la question me pose problème. Ma morale PERSONNELLE, c’est à dire la conception que j’ai de la vie des humains, me porte à répugner à l'idée d’avortement.
Pourtant, si j’avais été député lors du vote de la loi VEIL, j’aurais voté son adoption. Le législateur n’a pas, à mon sens, à témoigner de sa morale propre, de ses inclinations profondes, mais à considérer le droit, à défendre le bien public avec le maximum d'objectivité, c'est à dire en se contraignant à l'ascèse de bannir l'affect personnel pour s'obliger à l'exercice de la raison. Une apparente contradiction avec laquelle tous les humains se débattent en s'essayant désespérément à faire «coller tous les morceaux» d'une hypothétique et introuvable cohérence.

La loi VEIL a permis aux femmes françaises d’exercer la plus haute et la plus noble des prérogatives de l’être humain, lorsqu’il est libre, responsable et citoyen: le CHOIX. Un choix qui repose sur la morale de chacun, c’est à dire le respect des valeurs que chacun estime devoir conduire sa vie.
Ces valeurs sont propres à chaque humain et s’il peut les proposer, il ne saurait les imposer aux autres.
C’est ce qui fait toute la différence entre une démocratie et un système totalitaire, où la morale de quelques uns, même majoritaire, s’impose à tous.

Ce qui m’intéresse dans ce phénomène d’une manifestation publique, c’est qu’en dépit du fait que l’I.V.G. soit une réalité largement admise et répandue dans la population française, une minorité croyante et agissante persiste, contre vents et marée, à en combattre le principe.
Pourquoi pas? C’est leur problème.
Ce qui me dérange par contre, c’est qu’on ne contraint en rien celles qui ne le désirent pas à recourir à l’I.V.G. et donc que l’exercice de leur liberté n’est donc nullement menacé.
Il n’en demeure pas moins que nombre de militants anti-avortement veulent à tout prix imposer leur conception aux copains, usant pour ce faire d’arguments ou de moyens absolument ignobles. Et encore vivons nous en France! Aux USA, c’est encore pire. L’arme absolue, le maître-mot, que j’ai encore récemment entendu c’est: «Mais n’avez-vous donc aucune compassion?».
On retrouve là les «éléments de langage» et les procédés (très «mode» en ces temps électoraux!) communs à tous les fanatismes bien-pensants qui veulent imposer aux autres LEUR vérité, au nom de LEUR éthique.
Affiches immondes, discours moralistes, diabolisants et culpabilisateurs, activisme agressif, occupations de salles d’opérations: tout ceci ne vous rappelle rien?
Le parallèle avec les méthodes d'autres «zantis», corrida, cette fois là, est saisissant.

Il paraît qu’une manif des anti-corridas doit se dérouler d’ici peu à Paris. Gageons qu’elle réunira encore moins de monde que la «Marche pour la Vie» et pour un motif et sur un thème infiniment plus futile.
On y observera les mêmes ressorts argumentatifs, les mêmes thématiques moralisatrices, les mêmes appels à un sentimentalisme bêlant de Prisunic, la même tentative lobbyiste d’imposer à tous l’idéal de quelques uns au nom de la dictature compassionnelle.
Il paraît aussi qu'aux prochaines élections «les toros voteront!». Tant mieux, car si ces idées là triomphaient, ils n’auraient plus l’occasion de le faire, étant donné que sans corrida les toros braves n’auraient plus de raison d’exister et donc n’existeraient plus.
Comme chez Vian cette tête décapitée d’un cornu fichée sur un pieu assortie de cet écriteau: «Comme ça, tu ne recommencera plus.». La réponse absurde à une problématique aberrante.
Nous vivons une époque moderne…
Xavier KLEIN


lundi 16 janvier 2012

Qui va à la chasse perd sa place.

Photo Burladero.com
Lors de l’Assemblée Générale de l’U.V.T.F., une demande a été formulée pour proposer un vote de soutien à l’initiative du «G7», c’est à dire, pour ceux qui en ignoreraient encore, l’entente des 7 arènes françaises de 1ère catégorie pour imposer aux figuras du G10 une baisse de 20% et une augmentation de 20% également des cachets des autres toreros.
En tant que mandant de la Ville d’Orthez (arène de 3ème catégorie), sans me prononcer sur le contenu et le bien fondé de cette mesure, j’ai considéré sans objet d’avoir à approuver et soutenir une disposition qui, pour le fond, ne concernait que les intéressés, et pour la forme, avait fait l’objet de débats et de tractations auxquelles les autres arènes n’avaient été nullement associées.
J’ai donc refusé de voter (et il n’y a d’ailleurs pas eu de vote).
Ceci dit, en tant qu’aficionado et «taulier» de la Brega, je ne me désintéresse nullement de ce débat, ne serait-ce qu’au niveau anecdotique.

Je dois reconnaître mon scepticisme originel en la matière. Un scepticisme lié à l’inaptitude, présumée de ma part, quant à la solidarité et à la fiabilité de cette collection de grands fauves.
Toutefois, la détermination et la clarté du discours, l’engagement -qui plus est public- solemnisé par la présence des protagonistes, la publicité dispensée autour de l’événement qui lie les acteurs et leur interdit l’échec, tout cela donne à penser que les 7 cavaliers de l’Apocalypse ont brûlé leurs vaisseaux.
On voit mal comment, sans se ridiculiser, ils pourraient faire machine arrière et se déjuger.
D'autant plus qu'en l'occurence, l'afición ne peut que les soutenir dans une épreuve de force dont elle sera globalement bénéficiaire.
Elle a d'ailleurs tout à y gagner et rien à y perdre. De deux choses l'une:
          · Soit les figuras cèdent et la situation ubuesque et délétère que nous connaissons (des vedettes honteusement surpayées qui imposent leur diktat pour se confronter à des animalcules) connaît un début de régulation. Je précise début parce que même réduits de 20%, leurs honoraires sont encore scandaleusement exorbitants.
          · Soit les dites figuras tentent l’épreuve de force et prennent le risque d’être absentes des ferias françaises. Auquel cas, elles verront de toute manière leurs revenus amputés des 20% qu’elles n’auront pas voulu consentir.

Cette dernière hypothèse serait à mon sens une excellente nouvelle pour la tauromachie. La nature ayant horreur du vide, la politique de la chaise vide n’a jamais conduit à des succès.
Les défections seraient avantageusement compensées par toute une génération de toreros talentueux qui frappent à la porte. Des toreros moins exigeants, à qui l’on pourrait proposer –pour ne pas dire imposer- un bétail qui corresponde un peu plus à ce que l’on peut attendre d’un toro de combat.

En fait, c’est l’opportunité d’un grand bouleversement et du redressement salvateur attendu vers plus d’authenticité et de vérité qu’attend, toutes tendances confondues, une afición à juste titre indignée. Même si les ambiguïtés persistent quant aux motifs d’indignation.

Il n’est d’ailleurs pas dit que la manœuvre française ne fasse pas tache d’huile outre Pyrénées et dans ce cas, les figuras s’exposeraient à un véritable changement générationnel qui les remiserait au rancard, ce qui personnellement ne m’affligerait pas réellement.
Bis repetitas placent, de tels bouleversements radicaux se sont déjà produits dans l’histoire taurine. Ils ont même constitué l’un des moteurs de son évolution en mettant en scène une alternance entre les deux pôles que représentent la tendance torista et la tendance torerista. Un mouvement historique de balancier indispensable à la vitalité et au dynamisme d’un fait culturel.

Cette ère de transition potentielle dont l’opportunité se présente promet d’être passionnante. Il est heureux que le mouvement parte de France, illustrant ainsi la vigueur d’une afición gauloise globalement moins passive, plus exigeante et plus «cultivée» taurinement parlant.
En tous cas, tant les déclarations publiques que l’état d’esprit des Gseptistes (j’ai longuement discuté avec deux d’entre eux) n’est pas à la capitulation. Surtout qu'on a toutes les raisons de penser qu'ils bénéficient sans doute du soutien des aficionados qui comprendront le bien fondé de cette position.
En témoigne la déclaration ci-dessous.
On ne peut que leur souhaiter «buena suerte», c’est l’intérêt de tous.
Xavier KLEIN
Mercredi 11 janvier 2012
«La coyuntura y la situación económica actuales obligan, entre otras decisiones, a mantener la reducción de los honorarios de algunos toreros, como el precio de las corridas de ciertas ganaderías, respetando el acuerdo alcanzado en Bayona el 22 de Octubre de 2011, a iniciativa de los Alcaldes de la Unión de Ciudades Taurinas, con el apoyo y la conformidad de los empresarios de las plazas francesas de 1ª categoría.»
«La conjoncture et la situation économique actuelle obligent entre autres décisions à maintenir la réduction des honoraires de quelques toreros, comme le prix de certains élevages, conformément à l'accord passé à Bayonne le 22 octobre 2011 à l'initiative des Maires de l'Union des Villes taurines (sic!), avec l'appui et l'accord des empresas des arènes françaises de 1ère catégorie.»
***