Humeurs taurines et éclectiques

jeudi 28 janvier 2010

VERS UN MUNICH TAURIN?

«Qui tacet consentire videtur» (Qui ne dit mot consent)
Boniface VIII

Il est des silences coupables, des démissions calamiteuses, des capitulations honteuses, qui portent le germe des désastres à venir.
Lundi 25 janvier, s’est tenue dans l’enceinte du Sénat espagnol une réunion des protagonistes de la fiesta brava, en présence des élus et des représentant des comunidades.
A cette réunion était invité l’O.N.C.T. et son président, fermement décidé à «recadrer un débat qui s’annonce confus» (sic)
[1]. On ne sait ce que penseraient les élus d’outre-Pyrénées de la prétention ainsi exprimée d’aller leur dicter avec condescendance ce qu’ils ont à faire ou à décider.
Dans un éditorial du 27/01
[2] André VIARD, président de l’O.N.C.T. communique la teneur de son intervention lors de cette réunion.
Il importe d’étudier ce document, ce qui y est dit, supposé et surtout sous-entendu.
Il importe bien plus d’en évaluer la portée et les conséquences.
Celles-ci ne sont en rien anodines et, qu’on le veuille ou non, nous engagent dans des voies voire dans des ornières, qu’il ne s’agira pas plus tard de déplorer, alors que tout le monde aura laissé faire sans mot dire, dans un silence assourdissant.
De quoi parlons nous? Rien de moins que, je cite:
1°) «tenter d'imaginer, au travers de la réglementation la plus opportune, quel sera le spectacle taurin du XXIème siècle». Il n’est donc ni plus moins question que de décider du faciès à venir de la tauromachie.
2°) dénoncer une «réglementation inadaptée [qui] peut accélérer le risque de décadence», une «décadence consécutive à une réglementation mal adaptée [qui] concerne l'actuel premier tercio». La décadence découle t-elle de l’inadaptation de la réglementation ou bien des pratiques des professionnels et de leurs objectifs? Que signifie cette redondance du concept de décadence, un mot très significatif et connoté, cher à certaine pensée politique réactionnaire.
3°) «Le troisième exemple de dérive réglementaire nous est donné par la surenchère que l'on observe lors de nombreux reconocimientos, laquelle a pour conséquence d'exiger des normes inédites dans toute l'histoire de la Fiesta.» Le problème se pose t-il avec les normes ou avec la surenchère?
4°) «Pour présenter ce toro qui n'existe pas de manière naturelle, ils ont dû renoncer à l'élevage extensif dont celui-ci bénéficia toujours, pour le maintenir au contraire dans des espaces restreints où il est soumis à une alimentation "hors sol", seul moyen pour eux de le doter tout à la fois du poids et de l'énergie nécessaires aux exigences du spectacle moderne.». De qui parle t-on? Des ganaderos «modernes», qui élèvent des «toros modernes» spécialement fabriqués pour un «spectacle moderne», soumettant les toros à des efforts prolongés (allongement des faenas et multiplication des avis) contre-natures!
5°) «Si l'on ajoute à l'exiguïté des cercados actuels l'usage des fundas qui ont pour objet principal d'éviter que le toro ne soit refusé lors des reconocimientos en raison de l'usure naturelle […]». Qui développe cette pratique? Les «ganaderos modernes». Pourquoi? A les entendre, surtout pour éviter que les toros ne se blessent ou se tuent lors de leurs duels. De quoi parle t-on? De l’incompétence présumée des vétérinaires ou organisateurs (merci pour eux!) incapables de discerner entre «usure naturelle», et le vrai problème non-dit et pourtant omniprésent: l’afeitado. Si les fundas posent problème, c’est simple, qu’on en interdise l’usage. Mais pour cela, il faudrait…réglementer.
6°) «nous devons, tant que le naufrage dont les prémices sont visibles en Catalogne est susceptible d'être évité». Tout le monde sait que la problématique catalane est une problématique politique propre à l’Espagne, dont la tauromachie, symbole du combat contre le pouvoir central n’est qu’un alibi. La vraie question est de savoir pourquoi le public -et pas seulement en Catalogne- se détourne progressivement des arènes. Par delà l'évolution des représentations sociales, quel sens la corrida porte t-elle encore avec des parodies de combat face à des toros/faire-valoir?
7°) «ce n'est pas au spectacle taurin de s'adapter aux exigences d'un règlement inadapté, mais au règlement d'être conçu en fonction des besoins du spectacle que nous souhaitons produire.». Tous les mots comptent ici. Traduisons en termes plus généraux en remplaçant «spectacle taurin» par le mot «économie» et le mot «règlement» par les mots «loi» ou «législation du travail» et l’on voit toute la portée et les implications de cette prise de position que l’on peut qualifier de libérale. Nous avons donc là la translation dans le domaine taurin, de la logique qui prévot dans les domaines politique et économique: faisons sauter les barrières, le marché régulera tout...
8°) «il reviendra à chacun de nous, en concertation avec le secteur professionnel». Où sont passés les principaux intéressés, les aficionados?
9°) «Le toreo est un art, et à l'image de la musique, de la peinture ou du théâtre, il ne doit plus être seulement placé sous la compétence exclusive du ministère de l'Intérieur, mais intégrer aussi celui de la Culture.» Pour certains, il est aussi et avant tout un combat, c'est bien ce qui est en cause.

Est-il besoin d’en rajouter: tout est dit, et cela sans aucune ambiguïté.
Les déclarations et prises de position antérieures du président de l’O.N.C.T. ne laissent place à aucun doute quant au sens profond de ses propos et de ses desseins.
Tout cela formulé «au nom du monde taurin français» répété plusieurs fois.
Une prise de position qui ne s’avèrerait pas si inquiétante en soi, si «l’apport français» se fondait sur une démarche consensuelle et ouverte, fruit d’une consultation de l’ensemble des sensibilités du monde taurin français. Ce qui n’est nullement le cas.
Encore que le principe même de ce conclave qui prétendrait décider de que sera la tauromachie de demain me semble parfaitement contestable: l’évolution d’une activité culturelle, comme la tauromachie ne saurait se décréter. C’est un non-sens absolu. Comme si l'on prétendait: la musique, le cinéma ou la littérature de demain sera cela, c'est à dire «ce que nous souhaitons produire».

Un quarteron d’ambitieux, porté par des préoccupations mercantiles essaie de nous faire avaler un certain nombre de couleuvres, et de faire passer par la bande, et sous couvert d’une entité qui n’est nullement représentative, des idées qu’ils n’ont pu imposer par ailleurs dans les débats taurins français.
Il ne faut pas s’y tromper, cette démarche ne doit pas être appréhendée à la légère. Elle se fait devant les élus espagnols, en notre nom, et fait très bizarrement écho à d’autres déclarations, notamment celles de Monsieur J.P. DOMECQ. D’ores et déjà les «professionnels» espagnols témoignent de leur satisfaction de ces déclarations du «monde taurin français». Ils prennent tout cela très au sérieux, EUX.
Demain, après-demain, quand ça ou là, le mundillo viendra nous imposer dans nos arènes, le seul choix du toro moderne, la monobanderille ou la pique andalouse et qu’on nous rétorquera que tout cela a été entériné, voire proposé sans contestations, ni protestations par les représentants du «monde taurin français», il sera trop tard.
Mais après tout, peut-être suis-je seul à crier dans le désert? Peut-être vois-je le mal où il n'est pas? La Fédération par exemple, qu'en pense t-elle? On serait enchanté de savoir si un homme digne comme Monsieur MERLIN approuve ces propos et leur sens profond qui ne devrait échapper à personne. RAS sur leur forum.
Que faire? Pour le moins, protester et dénoncer cette O.P.A sur la tauromachie française. Se taire, c'est approuver.

Xavier KLEIN

jeudi 21 janvier 2010

LE MOT QUI TUE

«Il ne s'agit pas, avec la psychanalyse, d'endormir la souffrance, mais d'éveiller à sa vérité. La découverte de Freud est que cette vérité est celle du désir.»
Pierre KAUFMANN


Adagio rubato
Je termine en ce moment la lecture passionnante –et passionnée- d’un bouquin tout à fait remarquable: «Le mot qui tue. Les violences intellectuelles de l'Antiquité à nos jours» sous la direction de Patrick Boucheron et Vincent Azoulay (collection Epoques chez Champ Vallon) Confere critique en fin. Dans cet ouvrage collectif les divers auteurs décrivent et commentent comment à travers les siècles, la plume vient souvent remplacer l’épée. Il ne s’agit pas là que d’une image. A la Renaissance, la structure du discours, du débat ou de la controverse s’inscrit dans la même logique que celle du duel, les techniques de combat de l’un se voient transposées explicitement dans le champ de l’autre.
Ce genre de lecture évidemment plus ardue et moins affriolante que celle du Midi Olympique –encore que!- nous laisse toutefois moins sots, moins vains et moins naïfs, à la condition toutefois d’y trouver un miroir de ses propres travers, et pas seulement de ceux des autres.
Il me semble qu’en général on «commence à grandir», lorsque l’on sort d’une vision manichéenne et infantile d’un monde bipolaire partagé entre «bons» et «méchants», bien et mal, vérité et erreur, etc.
Ce m’est un motif de satisfaction que de constater qu’en règle générale, les intervenants sur ce blog se placent dans la même perspective et qu’ils ont suffisamment bourlingués sur leurs sentiers intérieurs, pour «par delà le bien et le mal», comme dirait le précieux Friedrich, prendre de la hauteur et deviser, sinon sereinement (pourquoi d’ailleurs…) du moins sans les bassesses et les platitudes des discours convenus.
Non pas qu’il faille entretenir un quelconque sentiment de supériorité ou d’élitisme à l’endroit d’un vulgum pecus supposé trivial et méprisable, mais parce qu’il me semble nécessaire d’entretenir des espaces de parole où l’on puisse s’exprimer en vérité et sans dénis.

Andante grazioso
Hier nuit (le soir était copieusement dépassé), quand j’ai pris quelques temps pour mes dévotions à Saint Internet, je fus stupéfait du nombre d’interventions qui poireautaient gentiment, attendant mon imprimatur (dont je rappelle que je n’exclus que les insultes, propos diffamatoires ou attentatoires à l’honneur).
Ma doué, mais c’est que ça tombait comme à Gravelotte! Feux croisés et nourris, shrapnels et chevrotines à foison, corps à corps à la baïonnette, offensives, contre-offensives, choc au centre, débordement par l’aile, déploiement, enveloppement, c’était tantôt le Chemin des Dames, tantôt la charge des cuirassiers de Murat à Eylau.
Au milieu de tout cela Monsieur J.P.R. (Jean Paul RICHIER) tel Nelson à Trafalgar sous sa dunette envoyait les fanions: «PETA and CRAC expect that every man will do his duty». En face, les Cambronnes taurins rétorquaient fièrement que «La garde meurt mais ne se rend pas», assortis d’une variation sur «le mot».
Sans jouer les Fabrice Del Dongo ou les Comte Bézoukhov et me réfugier dans le rôle du témoin distancié, la mêlée en cours avait quelque chose d’assez surprenant.
Comment et pourquoi tant de passion réciproque?
Certes, il y a la provocation imprécatrice du cher Jean-Paul, et la jouissance profonde, seul contre tous, d’alterner le masochisme de se voir ainsi conspué et le sadisme d’aller porter le fer. Le reste n’étant que rationalisations : il ne faut pas nous la faire!
Mais il y a aussi la palette des réactions, de l’agacement à la fureur, qu’il suscite chez des interlocuteurs pourtant avisés (y compris votre serviteur), qu’il convient de ne pas négliger comme objet d’observation.
A ce stade, je ne voudrais pas passer pour un méticuleux sodomisateur de diptères, pratique zoophilique hautement réprouvée par les zamis des zanimaux. Mais lorsque quelque chose m’irrite, j’ai plutôt tendance à considérer qu’il faut s’y confronter plutôt que de le fuir ou de l’évacuer.
Le problème dans le débat en cours, c’est la dérivation répétée vers des conflits périphériques par des digressions incessantes vers d’autres questions, politiques, religieuses, etc., qui permettent d’échapper à la question. Ces échappatoires ne seraient-elles pas inévitables, si, comme je l’avance, nous nous trouvons dans le domaine de la croyance et de la foi, et non dans celui de la rationalité ?
Le problème, c’est la représentation culturelle du rapport de l’homme à l’animal qui diffère. Le problème, c’est le rapport et la représentation divergente quant à la souffrance et à la mort.
Il n’est nullement insignifiant de prendre compte du fait que Maître J.P.R. est psychiatre ET psychanalyste. Il ne peut ignorer, nous ne pouvons ignorer, qu’à l’instar d’autres métiers, c’est une orientation qui n’a rien d’anodin. De même que pour être chirurgien et aller trancher dans la chair, il faut une solide dose de sadisme plus ou moins assumée et consciente. De même que pour être historien ou policier, il faut être en quête du «secret» caché (réel ou supposé). De même pour être psychanalyste, il faut être et avoir été préoccupé de ses propres démons, de son sadisme, de son masochisme, d’autant que le psychanalyste est lui même passé par le divan.
Pourquoi J.P. s’intéresse t-il à ce qui se dit ici? Voilà une question qu’elle est intéressante. Il est bien trop fin pour envisager sérieusement, ou bien il serait légèrement parano, la «convertion des pêcheurs». Ce qui l’intéresse donc est l’objet et la confrontation, une confrontation qu’à mon sens il vit dans ses propres instances intérieures.
Quelle particularité marque ce blog? C’est que la plupart des intervenants se différencient du discours taurin conventionnel par un refus marqué du déni. Il n’y a pas de déni de la souffrance, de la mort, des pulsions sous-jacentes, d’une problématique morale, philosophique.
La souffrance? Et alors!
La mort? Et alors!
Le sadisme ou le masochisme? Et alors!
Assumer? Et alors!
J.P. se trouve ainsi confronté à une splendide collection de névrosés qui, autant qu’ils le puissent, s’assument tel quel, sans trop de complexes. Du pain béni pour le psychanalyste, dont la névrose constitue le fond de commerce et le terrain de prédilection (et de succès).
Or, J.P. postule généralement que l’addiction taurine procède surtout de la perversion, c’est à dire, en l’espèce, du déni de la souffrance infligé à l’autre. Mais quel autre est le toro? Est-il un autre?
Ce n’est pas le cas ici. C’est là qu’est l’os hélas ! J.P. vient donc titiller ici, ce qui le gratouille aussi, comme les copains. Le pire, c’est qu’il le sait sans nul doute, mais qu’il préfèrerait monter à l’échafaud que de le reconnaître. Vous avez dit déni?
Allegro vivace
Je postulerai donc que le cher J.P. est en fait un aficionado qui veut s’ignorer. Peut-être un repenti. Fasciné par la chose mais encombré par son surmoi pour caricaturer.
Comment expliquer autrement le temps, l’investissement et la connaissance tout à fait extraordinaires pour un «zanti», consacrés à un débat somme toute très périphérique?
Voyez comme il tire un plaisir évident à la lutte, sans espoir d’une victoire finale. Il est vrai qu’il est trop subtil et trop sophistiqué pour trouver quelque attrait à la littérature simplette tant de la plupart des blogs taurins que «zantis». Ces derniers pêchent notamment par l’indigence de la pensée, du raisonnement, de l’esprit et surtout de l’humour. Les déclarations sommaires des groupies véganiennes sont d’un ennui et d’une platitude mortels dans l’expression de leur symptôme d’identification empathique.
Rien qui puisse séduire notre homme. Non, il lui faut matière à prédation au garçon, du solide, du consistant, du "qui se traque", se défend, résiste. Son désir de dominio intellectuel, sa volonté de poder sont l’expression d’une attitude authentiquement taurine. Il veut châtier, faire baisser la tête, il cite, aguante et se croise, charge la suerte en en remettant une couche, sans jamais lâcher le terrain.
Quel torero certes, mais quel toro il ferait! Le nirvana d’un torista.
Il part de loin, s’engage sous le fer, négligeant sa morsure, en engageant les reins. Il revient inlassablement et répète, vous poursuivant jusqu’aux tablas.
Con sentido y genio, il n’humilie pas, ne renonce pas, et si l’on se découvre hasarde un coup de corne de derrière les fagots.
Un tio vous dis-je… de mucha casta… Allons osons: un miura de la grande époque, de ceux qui vous niaquaient de derrière les burladeros.
Soyons à la hauteur chers amis d’un tel opposant. Gardons humour et courtoisie de gentilhommes. Ne nous réfugions pas dans la facile banalité des invectives et noms d’oiseaux.
Déployons les ailes éthérées du duende et de la finesse.
Comme le patriarche Jacob, J.P.R, comme nous tous, lutte avec l’ange, il ne faudrait pas qu’il ignore cette réalité, ou plutôt qu’il pense que nous l’ignorions.
Allons J.P., lachez-vous et faites-nous un peu tomber ce masque qui ne trompe que vous.
Comme dit mon tavernier préféré, tenancier du bistrot "Le Pitchoun": «Ici tu ne parles pas à ta mère».

Xavier KLEIN


Il existe mille et une façons de domestiquer les intellectuels. L'une des plus courantes consiste à fustiger leurs tendances brutales, leur fascination pour la violence, voire leur essentielle férocité. En temps normal, dit-on, ces arrogants s'attribuent une position de surplomb, ils s'autorisent de leur science pour dynamiter le sens commun, tracer de nouvelles frontières entre le vrai et le faux, régenter nos conceptions du monde. En temps de crise, ces pyromanes multiplient les discours incendiaires, ils mettent le feu aux esprits, ils préparent le pire des embrasements.
Tout cela n'est pas faux. En atteste le riche volume collectif qui paraît sous la direction de Vincent Azoulay et Patrick Boucheron. A coups d'"anachronismes contrôlés", une vingtaine d'historiens y décrivent les formes de la violence intellectuelle depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, et de l'exécution de Socrate jusqu'à "l'affaire Sokal". Mais si l'on trouve dans ce livre quelques exemples de l'abjection dont se sont rendus coupables, au fil des siècles, certaines femmes et certains hommes d'idées, on y repère également une entreprise plus discrète, plus originale : la remise à l'honneur de la pensée comme geste offensif, du champ intellectuel comme champ de bataille.
Née dans le fracas de l'affaire Dreyfus, la notion même d'intellectuel implique l'urgence du combat à mener. Et par-delà les situations où un engagement ouvertement politique s'impose, toute théorie digne de ce nom constitue en tant que telle un passage à l'acte. Quiconque tient à une idée sait que sa victoire implique nécessairement un coup de force. Bien sûr, les savants aiment à se présenter comme les membres d'une communauté policée, où les échanges obéissent à une éthique du dialogue respectueux qui remonterait à l'humanisme classique.
Or l'humanisme fut tout sauf une révolution de velours. Son héros, Pétrarque, définissait le théâtre des opérations comme une "arène poussiéreuse et bruissante d'injures". Lui-même prisait l'intimidation, l'invective, l'attaque ad hominem, jusqu'à en faire des armes de destruction massive, comme le rappelle Etienne Anheim. "Te craindre, toi, avec ton cerveau engourdi, ta plume émoussée, ta langue qui fait des noeuds ?", lançait Pétrarque à l'un de ses détracteurs en 1355.
Quant aux philosophes de la Renaissance, ils pratiquaient souvent l'escrime, et réglaient leurs affrontements sur le modèle du duel. Soulignant les liens qui unissaient alors passion du vrai et "sentiment du fer", Pascal Brioist cite ces mots du mathématicien milanais Jérôme Cardan : "Je maniais le poignard en même temps que l'épée, la pique ou la lance (...). Sans armes je savais arracher à mon adversaire un poignard dégainé."
Parce qu'il exige une confrontation des thèses et des arguments, le monde des idées est un univers impitoyable. Il arrive que ces face-à-face sécrètent des procédés indignes, quand le polémiste nourrit un pur déchaînement de haine : il s'en prend au corps de l'adversaire, il fait des jeux de mots sur son nom... bref, il se déshonore. Mais il est aussi des cas où la plus virulente des joutes provoque une avancée de l'esprit. Jérémie Foa avance l'exemple des disputes théologiques qui opposèrent catholiques et réformés durant les guerres de religion. D'une cruauté implacable, ce conflit n'en favorisa pas moins "un essor remarquable de la connaissance érudite". Surtout, il mit en lumière cette fonction des bagarres intellectuelles : "par elles se découvrent ceux qui ont la grâce et ceux qui ne l'ont pas", ceux qui peuvent s'affranchir des règles établies et ceux qui y resteront à jamais enfermés.
LA FRANCHISE PROSCRITE
De ce type de "grâce", notre société semble ne plus vouloir. D'un côté, elle célèbre les pamphlétaires venimeux, qui ne souhaitent rien d'autre qu'anéantir leur cible, ayant tout autre chose en tête que le triomphe de la Vérité. De l'autre, elle chasse les esprits critiques, ceux qui estiment encore assez leurs contemporains pour tenter de les convaincre, quitte à leur dire les choses en face. De là ce phénomène angoissant : dans les colloques académiques comme sur la scène médiatique, la franchise se trouve désormais proscrite. Exprimez le début d'un désaccord avec tel "cher collègue", l'esquisse d'une divergence avec tel "cher confrère", et vous passerez aussitôt pour une brute.
"Dans l'état actuel des choses, constate le sociologue Bernard Lahire dans sa postface, celui qui exerce son sens critique est souvent soupçonné d'agressivité, de méchanceté ou de dureté, et ce, indépendamment de la justesse de la critique. La rigueur intellectuelle est, pour certains, un simple signe de rigidité morale ou psychique, et l'exercice de la critique est réduit à une entreprise malveillante, voire terroriste."
Le «Monde des livres» du 2/05/09

lundi 18 janvier 2010

L'ECOLOGIE POLITIQUE SERA T-ELLE LE TOTALITARISME DE DEMAIN?

Ils sont comme cela les humains, ils ont toujours besoin de se trouver un paradis en attente, assorti bien sûr de l'enfer qui va avec.
Ils ont épuisé au fil des siècles les diverses combinaisons des croyances pour lesquelles ils n'ont pas hésité à tuer ou à se faire tuer.
Tous les moteurs, tous les instincts, toutes les idées leurs furent bonnes pour alimenter cette fureur de croire et cette jouissance d'imposer, par la violence, quelque soit cette violence, leur point de vue et leur désir.
Car ils aiment avoir peur, ils aiment avoir mal, et puis ils aiment (en) avoir honte. Et par voie de conséquence, il aiment faire peur, ils aiment faire mal, et il aiment faire honte.
Tout cela a débuté, sans doute par les pulsions les plus basiquement vécues et exprimées. Tenez! la concupiscence par exemple. Le pire, c'est que c'était nécessaire d'aller barboter les Sabines du clan voisin. Oui, j'ai oublié de dire que tout cela naquit souvent de la nécessité. Copuler en famille, entre soi, sans aller tâter de l'Autre, on en a vite connu les limites et surtout les conséquences. Pas cons les ancêtres!
Il en est resté pas mal de traces fossilisées, des unions endogames des dieux-pharaons aux historiettes du sieur Œdipe, en passant par tous les rituels d'enlèvement jusqu'à nos dots contemporaines ou l’extraordinaire aveu incestueux du sieur LE PEN: «Je préfère ma soeur à ma cousine, ma cousine à ma voisine...»
Baiser, c'est bien, mais bouffer c'est mieux, ou du moins plus indispensable.
On s'est donc battu pour son lopin de territoire de chasse, avant que l'agriculture n'apparaisse et ne permette de rationaliser tout cela en substituant aux rixes, des guerres plus sophistiquées. C'est l'histoire qui depuis l'apparition des clans de chasseurs-cueilleurs jusqu'à notre ère s'est répétée pendant quelques millénaires.
Avec l'histoire est apparue la thésaurisation, avec l'argent, le sentiment de possession, le gain, l'avarice, le plaisir d'AVOIR.
Et puis il y a eu le POUVOIR, et l'histoire de la Grèce classique illustre les combats, durant 6 siècles entre différentes formes d'organisation: démocratie, tyrannie, royauté, oligarchie.
Rome apporte une nouveauté: l'idée impériale. Rome croit dans le droit et dans la loi. La sienne bien sûr, dont les autres, les barbares sont exclus des bienfaits. Pendant 5 siècles, se développe un système particulièrement bien huilé et d'une efficacité redoutable. Mais ce système finit par ne plus croire en lui même, et le géant finit par se détruire de l'intérieur.
Il faut dire qu'entre temps est apparue, issue de Palestine, une nouvelle idée: le MONOTHEISME. On commencera dés lors, et pendant 1200 ans, à s'égorger avec ce nouveau gadget. Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens, «Mon Dieu est mon droit»!
Les temps modernes ont foisonné de ces idées, souvent excellentes en soi -pour certaines- qui devenues IDEOLOGIES se sont avérées destructrices: la NATION, le PROGRES, la SCIENCE, la RACE, l’EGALITE.
Le problème vient toujours de la systématisation et d’un besoin irrépressible de se construire des idoles. Dés qu’une idée, ou un idéal devient LA solution à tout, on tutoie LA SOLUTION FINALE. Beaucoup d’entre nous ne parviennent pas à sortir d’une vision enfantine, d’un fantasme où la perfection, le BIEN ABSOLU, la panacée pourraient exister.
Le dernier avatar de cette inclination, le truc qu’on n’a pas encore essayé, mais qui n’en doutons pas est appelé à monter en puissance, c’est l’ECOLOGIE.
Avant que d’être politique, l’ECOLOGIE fut une science. En 1975, à l’Université de Pau, existait une formation à l’écologie (Professeur Claude DENDALETCHE), alors que l’écologie politique en était à ses balbutiements dans la logique post soixantehuitarde, et des derniers feux du babacoolisme. René DUMONT et son pull-over rouge, les manifs du Larzacq, les premiers grenouillages de Brice LALONDE, toute une époque…
On est passé depuis, de l’artisanat au stade industriel, et au fond de commerce qu’il convient de défendre. La petite Cécile DUFLOT est une communicante susceptible de charmer le bon peuple et les medias, plus que la révérende mère VOYNET et son austérité plutôt répulsive.
Il n’en demeure pas moins que derrière ces atours plus affriolants se cachent des Torquemadas au petit pied qui, si on leur confiait la barre, nous promettraient des lendemains pas piqués des hannetons.
J’entendais récemment les propos d’un cacique écologiste européen qui ne cachait pas son vif désir d’une limitation imposée des naissances en Europe, la Sainte Terre Mère se trouvant par trop encombrée de la pullulation de cette espèce nuisible: l’Homme. Une antienne qu’on retrouve sur les blogs ou sites animalistes («Homme pourri sadique: crève, salope!»).
Ce sentiment déplaisant et inquiétant que je ressens -et je ne crois pas être le seul- à l’écoute de moult discours écologistes ne tient pas tant aux questions posées, parfaitement légitimes et fondées, ni même aux solutions que l’on peut et que l’on doit écouter et prendre en considération. Il tient à l’extrêmisme, à la systématisation et pour tout dire au TOTALITARISME qu’on sent affleurer derrière, tout prêt à se déchaîner sans limites et sans nuances. Il tient aussi à ceux qui les développent, et on pourrait s’inquiéter, dans un monde où la démagogie et les discours simplistes et réducteurs séduisent, de voir nationalement ou localement certains prédicateurs gagner en puissance. A Orthez, on en connaît un ou deux spécimen particulièrement expressifs.
Comme dans toutes les dérives totalitaires, on sent là dessous, la volonté d’endoctriner plus que d’éduquer, d’interdire et de réprimer plus que de prévenir et d’informer, de condamner plus que de comprendre et de prendre en compte.
J’entendais récemment un spécialiste de l’eau jubilant de constater le renchérissement du coût de l’énergie et de l’eau, surtout pour ces cons de ruraux (ou de néo ruraux), qui avaient préféré leur villa à la campagne qu’un habitat urbain moins dispendieux: «Ils ont voulu se mettre au vert, les cons, se loger à meilleur compte, qu’ils payent! Ce qu'ils n'auront pas voulu payer pour leur logement, ils le paieront pour s'y rendre». On entrevoyait là une manière de jubilation, la même qu'on constate chez les "zanti-fumeurs" quand ils jouissent de la gêne des nicophiles frustrés. Ce qui les intéresse n'est pas tant de ne pas être incommodés, mais que les autres le soit devenus.
Tout cela rejoint nombre de débats quasiment pataphysiques, tel celui de l’ours, dont on préfère le destin aux hommes. De beaux intellectuels verdâtres, d’aimables hauts fonctionnaires discourent à Paris ou à Bruxelles d’étendre le Parc National des Pyrénées jusqu’aux portes d’Oloron, limitant ainsi la vie et l’activité des hommes qui, depuis aussi longtemps que l’ours y vivent. L’avis des autochtones n’est en rien pris en compte: il y a les pontifes parisiens "qui savent" et puis il y a les péquenauds locaux, à propos desquels on entend les mêmes discours que l’on retrouve ailleurs: des brutes frustes, plus ou moins ricardisées, sous l’emprise de passions primitives et par là même perverses.
On traite avec eux comme on a toujours procédé avec les sauvages: en détruisant les téocallis ou en fondant les chefs d’oeuvres aztèques, en brûlant les masques ou les idoles bambaras, en couvrant d’oripeaux ou de noix de cocos les seins dénudés des vahinés impudiques, en raillant les hurlements flamencos, les noubas soufis, ou les moulins à prière tibétains.
Faisant volontairement le choix de me rallier aux indigènes, je privilégierai toujours la condition de l’Homme et de son rapport à la terre qu’il occupe, avant que de considérer, avec attention certes, celle de l’ours.
Quand j’étais gosse, au début des années 60, j’ai vu, au petit matin d’une belle journée de juillet, 30 charognes de moutons et de brebis égorgés dans un pâturage du village d’Ascarat (64). L’ours n’avait emporté qu’un agneau dans sa bauge. Et oui! sans anthropomorphisme excessif, les ours aiment à jouer eux-aussi avec leurs proies, les vilains petits sadiques pervers.
A l’époque, il n’était que peu question d’indemnisation (de nos jours elle pose toujours problème). Cinq jours après, la battue avait exhibé la dépouille du coupable qui n’en était pas à son coup d’essai et comptait plus de 250 bestiaux au compteur. Ce fût la fête au son des txistus et des ttun-ttuns, et comme les autres, j’ai communié dans cette joie archaïque.
Pourtant on lui avait bien expliqué à l’ours, y compris en euskara. Mais le nounours, animal si sympathique n’avait pas compris. Peut-être le charme de B.B. ou la dialectique des ténors de la nomenklatura anti-spéciste auraient ils mieux réussi!

Tout cela me rappelle un chiste (trad: une blague), qu'un copain, ex-rabbin de Bayonne m'avait raconté et qui me fait toujours rire:
Quels sont les juifs les plus célèbres de l'histoire?
Il y a d'abord Abraham qui a découvert que: «Tout est Dieu»
Puis vint Moïse qui affirma: «Tout est Loi»
Jésus prétendit: «Tout est Amour»
Spinoza se différencia en prétendant que: «Tout est Pensée»
Marx n'était pas d'accord: «Tout est Politique»
Freud le contredit en avançant évidemment que «Tout est Sexe»
Finalement, Einstein mit tout le monde d'accord en concluant que:«Tout est relatif»


Oui tout est relatif!!!

Xavier KLEIN

Campagne PETA contre l'usage du lait animal.

vendredi 15 janvier 2010

FESTIVAL d'ARZACQ


Cartel officiel du Festival d’Arzacq (64) qui se déroulera le dimanche 28 février 2010 dans les arènes couvertes du Soubestre.

11 heures : tienta les aspirants toreros du sud-ouest.

13 heures : repas animé par le groupe "Alma Flamenca".

16 heures Festival toros Novillos de Luc et Marc Jalabert et des Frères Gallon

Pour :

Stéphane Fernandez Meca
Francisco Marco
Julien Lescarret
Alberto Aguilar,
Mathieu Guillon

et un novillo sans picador pour le meilleur jeune de la matinée.

Ce festival est organisé par le Club Taurin Palois Joseph Peyré et le Club Taurin d’Arzacq. La matinée est organisée par l’ACOSSO association des organisateurs de corridas du sud-ouest. Il s’agit d’un festival de bienfaisance au profit d’ oeuvres sociales.

jeudi 14 janvier 2010

MUY INKORREKT

«L'humour est l'anthropophagie des végétariens»
Francis PICABIA, «Aphorismes»

Ca risque fort d'en défriser quelques-uns de par les chaumières taurines, mais tant pis, ou tant mieux!
J'entends d'ici les cris d'orfraie des intransigeants et le ahanement des bourreaux qui chargent de fagots mon bûcher expiatoire
Pourtant ce serait un crime que de vous priver d’un bijou de prose anti-taurine, tel que malheureusement, les «zantis» sont généralement bien en peine d’en produire. Comme le chantait le regretté Boris (ou Vernon pour les intimes): «Je suis snob…» et je demeure inoxydablement sensible à des coquineries passées de mode, telles que l’intelligence, l’humour (le vrai) ou la finesse, toutes valeurs en perte de vitesse en Sarkozie Intérieure.
Je suis tombé (presque) par hasard, sur le blog de Jean Paul RICHIER, un lecteur et commentateur fidèle et critique (c’est le moins qu’on puisse dire) de la Brega, avec qui nous entretenons une riche et intensive dispute philosophico-psychatrico-ethnologico-mystico-taurine, qui doit barber la plupart des lecteurs mais qui passionne les plus pervers.
Le Docteur Jean-Paul RICHIER est un petit canaillou. Il avait omis de préciser qu’il «en était».

Je veux dire par là que loin d’être un blogueur anonyme, le Herr Doktor est une pointure.
En l’occurrence, l’un des experts scientifiques qui sont intervenus lors des rencontres «Animal et Société», vous savez cette commission réunie par le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche en 2008, pour enterrer en grande pompe le merdier taurin naissant (http://www.animaletsociete.fr/verbatims/Verbatim-Atelier-intergroupes-Corrida-et-jeux-taurins-Reunion1.pdf)
Mais Jean-Paul RICHIER ne s’en est pas tenu à cette broutille où il dut certainement beaucoup se divertir puisqu’un certain A.V. de Vieux Boucau y officiait comme comique troupier. Il n’était pas le seul d’ailleurs à grenouiller dans la choucroute, y'en a qui aiment!
J.P. est également l’auteur d’un appel beaucoup moins rigolo, même au second degré, et qui me semble plus contestable (Les moins de seize ans ne doivent plus avoir accès aux corridas, http://margarida.over-blog.com.over-blog.com/article-dr-richier-les-moins-de-seize-ans-ne-doivent-plus-avoir-acces-aux-corridas--39535361.html).
Ce n’est toutefois pas de ce Jean-Paul RICHIER là que je veux parler. C’est de son Walter Ego, l’auteur plein de verve, d’ironie, et parfois de mauvaise foi (ce qui va avec), qui étincelle dans la rubrique subtilement intitulée «Bouchers à l’arène» de son FAQ À L'USAGE DES AFICIONADOS
C’est ma foi assez bien vu, et provoque quelques grands esbaudissements pour qui se pique de quelque humour et accepte de rire ou sourire de ses travers.
On ne saurait trop recommander cette saine, gaillarde et revigorante lecture qui vaut bien des opus.
http://zone.pazenn.over-blog.com/article-6420987.html

Pourtant, deux interrogations ne laissent pas de me tarauder :
1°) Pourquoi le cher Jean Paul a t-il choisi notre blog pour y porter la contradiction, alors que la Brega n’est que l’underground de la cave du sous-sol du net taurin avec une audience confidentielle (mais de qualité). Il y a pourtant d’autres canaux (historiques) plus porteurs et plus lus!
Certains se targuent même de centaines de milliers de visites par an, et d’éminents polyspécialistes y officient, en charge (ou aspirant à le devenir) de la défense officielle et politiquement korrekte de la tauromachie.
Ce n’est pas que je me plaigne des attentions du bon docteur. Tout au contraire.
Mais cela me turlupine (attention Docteur, pas d’interprétation psychanalytique mal placée!).

2°) Jean-Paul RICHIER aurait-il conservé quelques notes de ses débats (et dans débats il y a ébats) avec «l’Inénarrable», histoire qu’on rigole un peu avec les conneries qu’il débite en notre nom. Auquel cas il pourrait avoir l’amabilité de nous communiquer un florilège des perles de la plus belle eau, histoire que nous aussi puissions nous gausser. Pas toujours les mêmes…

En conclusion ferme et définitive, le blog de Jean-Paul RICHIER est un must à ne manquer sous aucun prétexte!
A quand le FAQ à l'usage des zantis? Nous serions-là véritablement dans l'humour: savoir rire de soi-même. Medice, cura te ipsum!
Quand je vous disais que j’étais snob...
Xavier KLEIN

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dimanche 10 janvier 2010

l'«UNION SACREE»

«Dîtes-vous bien que quand un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver»
Simenon/Audiard «Le Président»
Non le barbu, c'est pas moi. Peut-être qu'au dessus c'est l'oracle boucalien s'apprétant à estoquer un "zanti", mais alors chapeau pour le maquillage! Encore un talent méconnu...

Quand le 4 août 1914, le Président de la République, Raymond POINCARE invoque l'«UNION SACREE» contre l'agresseur allemand, il a quelque légitimité à le faire. Détenteur légal de la souveraineté populaire, élu par l'Assemblée Nationale (les 2 chambres), il incarne l'unité de la Nation. C'est dans une circonstance exceptionnelle et par un accord quasiment unanime de l'ensemble des politiques et des syndicats, de toutes les forces vives de la société, que le Président se voit ainsi fondé d'en appeler à l'union des français pour une guerre défensive. La réussite de cette Union Sacrée, de 1914 à 1919 a pu se réaliser aux conditions suivantes:
  1. Péril extérieur gravissime, identifié, assuré et inévitable.
  2. Légitimité de l'instance fédératrice (un Président issu du suffrage populaire).
  3. Adhésion spontanée, libre et consentie de la totalité des acteurs (partis et syndicats).
  4. Respect d'un contrat moral.

Cet événement constitue un fait presque unique dans l'histoire de notre pays. Les conflits antérieurs et postérieurs (y compris la guerre de 1939-45) ne virent et reverront jamais une telle cohésion nationale. L'Union Sacrée est donc un phénomène mythique, qui ne s'est produit qu'une fois dans notre histoire, à la faveur de circonstances très particulières. Mais les mythes ont la vie dure et il ne manque pas de rêveurs, de démagogues ou d'ignorants pour s'y référer périodiquement, en évitant évidemment d'en remémorer les circonstances et les conditions.

En fait la loi du genre dans les évènements tragiques de notre histoire fût souvent la division. Une division qui tenait par dessus tout, dans la plupart des cas, à l'absence d'un consensus ou l'inexistence des conditions énoncées ci-dessus.

Des guerres révolutionnaires où l'outrance des sans-culottes parisiens provoqua des révoltes (dont les guerres de Vendée), aux guerres coloniales, en passant par l'impérialisme de Napoléon III, et la dernière guerre mondiale (ou les communistes ne s'engagèrent vraiment, après avoir appelé aux sabotages et aux désertions, qu'après la rupture du Pacte germano-soviétique) les exemples ne manquent pas.

C'est que tous ces conflits ont sanctionné l'impuissance, l'impossibilité ou le refus d'élaborer des solutions politiques viables et concertées: on sait depuis Clausewitz que la guerre est la poursuite de la politique et de la diplomatie par d'autres moyens...

La guerre a été aussi le moyen le plus commode que beaucoup de dirigeants, et de dictateurs, aient mobilisé pour sortir d'une crise intérieure et fédérer leur camp. On voit en ce moment comment Ahmadinejad radicalise la crise iranienne pour échapper à la contestation intérieure. On aurait pu tout aussi bien citer la provocation de Sharon sur l'esplanade des mosquées, l'invasion des Malouines par la junte argentine, la guerre d'Ethiopie de Mussolini, la guerre Iran-Irak déclenchée par Sadam Hussein, etc...

Il va sans dire que l'objet principal de la guerre n'est donc plus la lutte contre l'ennemi extérieur, mais bien avant tout de réduire l'adversaire intérieur au silence, pour éviter d'avoir à rendre des comptes.

Ce faisant, au pis on prend le risque de la défaite, au mieux on ne fait que surseoir; mais la «question» finit toujours par ressurgir et l'opposition par se manifester. Ce type de stratégie ne résout en rien les problèmes, elle les diffère et les envenime. Quand on s'y oppose, on est de suite désigné comme le traître, le diviseur, attaqué avec d'autant plus de virulence que le prétendu «sauveur» veut cacher les cadavres qui trainent dans les placards ou faire oublier une batterie de casseroles encombrantes.

On aura compris que mon propos ne se réfère pas uniquement à l'histoire des nations. Et que les conditions de l'Union Sacrée de 1914 ne se retrouvent nullement sur la planète taurine, bien que d'aucuns s'en fassent les ardents propagandistes.
Où est le péril extérieur gravissime, identifié, assuré et inévitable? Où est l'instance fédératrice légitime? Où voit-on l'adhésion spontanée, libre et consentie de la totalité des acteurs? Sur quel contrat moral un consensus s'établit-il?

Que n'entend-on avec les vœux de nouvel an sur cette ritournelle faussement séduisante qui émane le plus souvent de taurinos, apparentés, ou lèche-bottes patentés qui profitent généralement du système et seraient mal venus de le critiquer. «Que cessent les divisions!». «Soyons unis!». La «grande famille de l'aficion!». Les «valeurs de la tauromachie!». La collection complète de tous ces grands mots qui de tous temps à jamais ont été mobilisés pour tromper les peuples.

Valeurs? Mon oeil (pour ne pas dire autre chose)! La seule valeur actuellement à l'œuvre, c'est le le pognon, le flous, l'artiche, le blé, les pépètes. La seule éthique, c'est celle du profit maximum, comme dans l'art, le sport ou la plupart des activités humaines. Certes il en a toujours été plus ou moins ainsi, mais jamais à ce point, depuis le triomphe d'un libéralisme décomplexé sans foi ni loi.

Car ne nous y trompons pas. Il existe dans le monde taurin en général et en France en particulier un projet non-dit, un dessein à l'œuvre. Certes, il n'est pas concerté et planifié de manière rigoureuse et systématique. Certes il n'y a pas de complot, ni de comploteurs. Seulement une convergence d'intérêts. Mais ce dessein vise la mise en place insidieuse et tenace d'un «nouvel ordre taurin», d'une organisation et d'une programmation qui favorisent l'instauration d'une tauromachie presque exclusivement commerciale. Avec ses produits normalisés et calibrés qui limitent les risques (le «toro moderne»), ses officiants (petits prêtres et grands prélats-figuras), ses pèlerinages (les grandes ferias), ses reliques, ses martyrs, sa hiérarchie vaticane, ses prédicateurs, et bien entendu ses banques Ambrosiano et ses loges P2. Et ne parlons pas de son Opus Dei, dont la branche gauloise, l'O.N.C.T. comme on l'appelle je crois, traque infatigablement les hérésies ou la tiédeur doctrinale.

Dernièrement on a décidé d'un concile, non pour instaurer le Dogme de l'Immaculée Conception, mais pour intégrer la tauromachie au Patrimoine Immatériel de l'Humanité de l'U.N.E.S.C.O. Comme pour l'Immaculée Conception, dont tout le monde non catholique se contrefout ou s'esclaffe, cet ex-futur «Patrimoine Immatériel de l'Humanité» ne concernera que les intéressés: les afionados.

Encore faudra t-il tout de même prendre en compte l'avis des "autres", ceux pour qui la tauromachie ne représente rien, ou pis une abomination barbare. Et là, le bât risque de blesser. Si l'on consulte le catalogue des divers us et traditions déjà retenus, on constatera qu'ils sont tous extrêmement consensuels. Ce serait complètement méconnaitre l'esprit et les usages de l'U.N.E.S.C.O., un milieu parfaitement feutré et convenu, quintessence de la tradition diplomatique pour envisager qu'un sujet aussi explosif puisse y être retenu. J'ai d'ailleurs eu confirmation de la chose par un ami diplomate , haut responsable de cette organisation.

On se dirige donc, vers un prévisible enterrement à la sauvette, sans tambours ni trompettes, après quelques vibrionnages et rodomontades (j'aime bien le terme).

Ne vous inquiétez pas, quand le projet aura fait long feu, ou au contraire qu'il aura provoqué le conflit espéré, cela sera toujours la faute des mauvais esprits ou des renégats.

Vous pariez?

Xavier KLEIN

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lundi 4 janvier 2010

L'ART CONFORME

«Je ne réponds pas d’avoir du goût, mais j’ai le dégoût très sûr»
Jules RENARD, «Journal»
A Séville tout prend toujours des allures d’affaires d’état, et tout fait commentaire.
C’est ainsi, et ce n’est pas le moindre des charmes de la cité.
L’affiche taurine de la feria 2010 ne fait pas exception. Elle est pourtant, ma foi, des plus conventionnelles. Un collage certes, mais d’un patchwork de représentations très figuratives, qui eût dû plaire à une ville finalement très conservatrice artistiquement parlant, si on la compare à Barcelone, capitale d’une Catalogne qui vit naître quelques uns des plus grand artistes du XXème siècle. Que n'eût-on dit des destructurations cubistes du cher Pablo, ou des audaces oniriques du génial Salvador ou du divin Joan?
Luis GORDILLO (un nom qui rime avec MURILLO), son auteur, n’est rien moins que l’un des plus grands artistes contemporains espagnols, ambassadeur de la peinture abstraite ibérique dans les plus grands musée de la planète.
Certains fats n’ont pas hésité à se ridiculiser, une fois encore, par des commentaires aussi désespérants que déplacés. A l’immense palette de leurs talents d'histrion, il leur a fallu ajouter l’incompétence pitoyable d’une critique artistique à deux sous qui ne traduit que leur vanité, et, somme toute leur mauvais goût.
Mauvais goût dans l’appréciation de la valeur esthétique de l’œuvre, mais surtout mauvais goût de se permettre de la vilipender avec des arguments de café du commerce.
En matière d’art, on aime ou l’on n’aime pas. On est sensible à une œuvre ou elle ne vous parle pas. Et cela on a le droit de l’exprimer, en essayant bien sûr de l’argumenter.
Mais le fin du fin de la vulgarité, car c’est de cela que l’on parle, c’est de démolir une œuvre au motif qu’elle n’est pas «vendeuse», ou qu’elle donne une «mauvaise image» de la tauromachie. Tout le monde n'est pas obligé de confondre art et commerce ou journalisme et public relation.
Car ce discours suppose qu’il y a une «bonne image», et qu’il conviendrait que tout un chacun s’y rallie. Là encore, on essaie de nous dicter nos goûts, et de nous pénétrer de la bienséance et de la «bienpensance» obligées en matière taurine, comme on essaie de nous imposer le toro, le torero, le toreo moderne, la pique andalouse, ou l'afeitado à géométrie variable.
Ces commentaires nauséabonds –en d’autres temps on parlait d’«art dégénéré»- confirment une fois de plus, s’il en était besoin, l’hybris de son auteur, et sa dérive «beaufiste».
Et puisque l’on parle d’image, on peut et on doit se questionner sur la multiplication de prises de positions de plus en plus «réactionnaires» et poujadistes ainsi que de leur impact sur l’image du monde taurin de l'oracle boucalien.
Pour en revenir à cette affiche de Luis GORDILLO, elle me plait. Elle est gaie, vivante et colorée, et suggère le camaïeu d’émotions et d’images qui demeurent en mémoire après une tarde taurine. Pour tout dire, rien de plus sévillan dans l’esprit. Tout au plus la graphie post moderne très «tendance» m’agace t-elle un peu. Tout cela est bien plus pimpant et joyeux que le plâtras noir de l’an passé, qui ne m’avait guère convaincu.
Mais tout cela n’est qu’avis personnel, et je me garderai de jouer les arbitres des élégances. Cela me plait, c’est tout. Et à vous?

Xavier KLEIN

samedi 2 janvier 2010

LETTRE OUVERTE

Notre compadre El Chulo, nous fait parvenir cette lettre ouverte tout à fait explicite qui résume assez bien l'opinion d'un nombre croissant d'aficionados, qui ne se contentent plus de gober le gentil discours fédérateur à la mode, mais se préoccupent d'en saisir les tenants et aboutissants soigneusement dissimulés.


André, Monsieur le Président,

Je viens de lire ta dernière production, où avec une certaine complaisance, tu emboites le pas de la «casa Domecq» via Mundotoro.
Je comprends fort bien qu’aujourd’hui, quelqu’un qui veut vivre de l’industrie taurine et de ses multiples produits dérivés a tout intérêt à montrer patte blanche. Tout de même!
J’avais bien compris à la lecture d’une précédente publication, que tu en avais après les O.N.G. qui avaient fait capoter Copenhague. Il faut, disais-tu «laisser faire ceux qui ont le pouvoir et l’argent, à savoir les états, au risque d’être accusés» d’irresponsabilité.
Dont acte.
Ceci dit propager, dans le sillage de la casa Domecq l’hypothèse d’une conspiration internationale, avec en tête de proue Greenpeace est attaquable sur deux optiques:
* La première, la thèse du complot extérieur, surtout en Espagne a été utilisée en d’autres temps avec succès, si on peut dire. Et peut être qu’en plus, il y a des communistes et des francs maçons à Greenpace, si tu vois bien ce que je veux dire.
* La seconde car elle témoigne de cette incapacité chronique des «taurinos», ceux qui comme toi «taurinean» à accepter de faire le moindre semblant d’autocritique.
Ce ne sont pas les «irresponsables» qui conduisent la corrida dans son impasse suicidaire actuelle, mais bien les taurinos, qui, au nom de leur immense savoir, en s’extasiant des exigences de nos toreritos figuras, financières surtout, en s’extasiant de ces indultos tragiques, tracent la route d’une mort annoncée, avec cette nécessité de faire de la corrida un produit de consommation courante et de vider les gradins des aficionados «irresponsables».
Ainsi ce spectacle actuel est à la corrida ce que Lorie est au bel canto.
Tout ceci au nom de prises d’intérêt colossales à court terme.
Pour en revenir à Barcelone:
Ce n’a jamais été une terre d’aficion bien ancrée, même si on peut penser que l’afflux des «murcianos» au début du siècle dernier a pu en créer les conditions,
Il fallut toute la volonté et probablement une certaine aficion de Balaña père pour maintenir à flot ce monument fragile,
Le fils actuel propriétaire de la Monumental, n’a peut être pas l’aficion aussi chevillée à l’âme, et a déjà exprimé sa lassitude de faire des spectacles à perte. Au fond, on le comprend.
Selon une vieille méthode policière, cherchons à qui pourrait bénéficier ce forfait, sachant que d’ores et déjà, par exemple, la plaza de Tarragona a fermé, pour certainement se convertir en un objet mercantile. Je note que ce fut exactement la même chose pour celle de Badajoz pour d’autres raisons historiques!
Supposons que les corridas soient interdites, el señor Balaña se trouve tout à fait dédouané pour utiliser la Monumental à d’autres fins, et de plus toucherait une misérable indemnisation de 5 Millions d’Euros.
Bien peu de choses à voir avec Greenpeace, señor Dédé!
Enfin, je pense que le gouvernement Espagnol voire catalan a bien d’autres choses à traiter en Espagne ou Catalogne en ce moment.
Avec mon esprit fort mal placé, et surfant sur la tendance catalane à rejeter tout ce qui est supposé venir du reste de l’Espagne, à l’exception du fric, les «zantis» soit sont directement partie prenante dans la fabuleuse opération qui peut se dessiner derrière la «réalisation» de la Monumental, soit se font manipuler.
Je te souhaite une excellente année 2010, plein de Présidences de machins, et surtout de ne pas céder aux sirènes du moment, ou à une tendance atrabilaire, et de prendre le temps de réfléchir à qui sont les «irresponsables».
Cela ferait progresser le débat.

EL CHULO

vendredi 1 janvier 2010

JOYEUSE ANNEE 2010

Aux grognons et aux «ravis»
aux ronchons et aux béats
aux kératophiles et aux … kératophobes
aux zantis et aux pros
aux poètes et aux prosaïques
aux tor...istas et aux tor...eristas et même aux tor...eistas.
aux ortheziens, aux provençaux, aux espinguès et même aux serbocroates
aux huns et aux autres
aux talibans et aux trucs sous les burkas
aux adjudants chefs, aux techniciens de surface et aux V.R.P.
aux autochtones des terres taurines et aux libre-penseurs
aux peones et aux maestros
aux terriens et aux extra- (le sont-ils tant que ça?) terrestres
et à tant de petites fourmis qui aux quatre coins de la galaxie rient, pleurent, bouffent, copulent, ou parfois espèrent selon leur karma (ou leur karlmarx... ce qui devient rare).
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UNE BONNE ET JOYEUSE ANNEE 2010
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