Une araignée grosse, velue, répugnante qui cavalait dans mes pensées, s'embusquait dans les recoins obscurs, s'apprêtait à bouffer mes rêves et à obscurcir le peu de ciel bleu que je m'éreinte à y entretenir.
Totor m'a dit un jour, au détour d'un vers de rencontre (à moins que ce ne fût d'un ver...), «- j'aime l'araignée et j'aime l'ortie». D'habitude, je suis assez d'accord avec Totor, sauf pour l'aragne.
Je hais cette embusquée, cette traitresse, cette tueuse méthodique sans panache.
Hier soir l'araignée s'est repue à l'envi.
Elle s'est gavée d'un met de choix: l'espérance.
Hier soir, j'apprenais que Mariano CIFUENTES enverrait dés demain ses pensionnaires au matadero (à l'abattoir). Et qu'importe si l'on y pratique ou non le halal: ce n'est pas là et ainsi que doit mourir un toro brave.
Mariano, vous le connaissez.
Mais si! Mais si! Vagabondez un peu à droite, farfouillez dans la liste des «blogs ou sites que je fréquente» jusqu'à «LOS COQUILLAS DE CIFUENTES». Ce n'est pas un hasard, s'il figure en bonne place!
Allons bon, sacrés empotés, je vous indique le site!
Avec la méticulosité quasi chirurgicale qui le caractérise, Mariano détaille presque froidement les étapes finales de la mort d'une ganaderia, de la disparition prévisible d'un encaste.
Mariano est un homme de petite taille, soigné, précis, ordonné. Dans la rue, on pourrait le prendre pour un notaire, un ingénieur ou un comptable.
Mais si rien dans l'apparence ne distingue Mariano d'un des innombrables retraités de la classe moyenne espagnole, il se distingue par la grandeur de ses rêves, l'ambition de ses projets.
Mariano est un original qui se cache. Il y a chez lui de ces traits bunueliens qui vous conservent sur le qui vive. Sous le dehors conventionnel, pointe la géniale folie des Dali, des Goya, d'une passion exacerbée qui se dissimule.
Pour comprendre pleinement, il fallait jouir de sa parfaite hospitalité, visiter son musée au son égrillard d'un radio K7 qui débitait des pasodobles désuets, découvrir sa ganaderia impeccablement tenue, admirer ses toros amoureusement soignés, se surprendre du mayoral flanqué de ses bergers allemands.
Mariano vivait de l'espoir d'une renaissance, celle de l'encaste Coquilla, «dulce como rosquillas y picante con guindillas».
On apprenait récemment que les coquillas de Sánchez Fabrés désertaient les ruedos, que Juan se limiterait à fournir les écoles taurines, que le dernier lot de novillos était vraisemblablement promis au matadero. Tout cela en dépit d'une novillada madrilène plutôt réussie (http://bregaorthez.blogspot.com/2011/08/le-jour-dapres.html).).
Avec la disparition des «coquillas de Cifuentes», c'est un encaste qui est sur le point de disparaître.
Pourquoi?
Poser cette question c'est ouvrir les portes à la colère. C'est se colleter de plain-pied à la vilenie d'un système qui a perdu son âme, à l'hypocrisie de ceux qui versent des larmes de crocodile et s'apitoient en se battant la coulpe après avoir organisé l'exécution.
Non! cher Mariano, ce ne sont pas la hausse insensée du prix des céréales, du pienso ou quelque virus malfaisant qui ont mis fin à ton aventure coquillesque.
Les «coquillas de Cifuentes» partent à l'abattoir, mais c'est le «toro moderne» et ses propagandistes qui les ont tué, ce sont les figuras qui les ont condamné, ce sont les empresas des grandes plazas qui les ont abandonné.
Il n'y avait aucune fatalité, aucune «sélection naturelle», quoi qu'on en dise.
Il y avait un projet, un désir délibéré, un consensus des vautours pour éliminer «ces élevages qui ne devraient pas exister».
Et cela me met très en colère.
Avec les copains de la Commission Taurine d'Orthez, nous avions dans les cartons un projet avec les rescapés de Coquilla. C'est d'ailleurs pour cela que nous avions visité Mariano, mais également Sánchez Fabrés ou El Anadio.
Nous n'aurons pas eu le temps de lui donner corps malgré notre volonté.
Il y a tant à faire, tellement d'urgences et si peu de monde pour oeuvrer, pour se mobiliser afin que demeure la richesse de la diversité, afin que persistent d'autres possibles!
Quand vous rencontrerez ces pleureuses, ces «indignés des barreras» qui se lamentent sur les avanies de la Fiesta Brava avec leurs uniformes rouge et blanc de gala, leurs abonos de «plaza grande» en poche, répondez leur seulement, les yeux dans les yeux, comme un cri d'indignation et de révolte: «Cifuentes!».
Que «Cifuentes!» devienne le cri de ralliement de ceux qui voient dans la tauromachie autre chose qu'un objet économique, que l'opportunité du pactole à moindre risque.
«Cifuentes!»: ils ne comprendront même pas de quoi vous parlez...
Xavier KLEIN
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