Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 31 mai 2013

Esprit de clocher


«Le nationalisme est la culture de l'inculte, la religion de l'esprit de clocher et un rideau de fumée derrière lequel nichent le préjugé, la violence et souvent le racisme.»
«Les enjeux de la liberté» Mario VARGAS LLOSA


La nature, surtout humaine, ayant horreur du vide, et l'actualité taurine -madrilène en cette saison- manquant quasiment de matière et de piment, l'aficionaute se console par quelques joutes dont l'intensité culmine plutôt à proportion inverse de l'altitude.
La galéjade se nourrissant avantageusement de la brièveté, la taquinerie ne saurait qu'être exceptionnelle pour demeurer amicale.
Plus, c'est trop, ... et trop, c'est lourd!

On revit donc en direct un mauvais remake de la croisade contre les Albigeois, mais à front renversé, les agresseurs n'étant plus les méchants chevaliers du nord, mais quelques activistes cathares en mal de chauvinisme mal placé.
Que nos frères oïliphones ainsi maltraités se rassurent: pour la plupart des gascons lambda, le nord commence au sud de … Bordeaux, parfois même des limites communales, les burdigaliens étant aussi décriés, sinon plus, que les parigots!
Le gascon ne monte pas à Paris, il y descend, comme à la cave ou aux poubelles. Et il n'y descend généralement (hormis pour cas de force majeure: Tournoi des 6 nations, Salon de l'agriculture, concert de Nadau à l'Olympia) que contraint et forcé par des impératifs professionnels, jadis pour servir dans l'ost, maintenant dans les respectables administrations de l'Education Nationale, des Douanes ou des Impôts. Il y vit comme Alcibiade en Perse: en exil... tout en profitant bien entendu des fastes de Babylone...

C'est une chose d'être fier de ses racines et de sa culture, c'en est une autre d'en exclure les copains et d'aller leur trouver des pailles oculaires alors même que des poutres vous obscurcissent le regard et l'entendement.
Il en va des parisiengs et des nordistes comme des autochtones: une déclinaison de particules humaines qui part de la connerie la plus abyssale pour parvenir, parfois, à la la plus délectable des subtilités, dans les mêmes exactes proportions au septentrion qu'au méridien.
En cette matière comme en d'autres, l'intolérance est de règle: on supporte toujours mieux le fumet de ses flatuosités que celles de son prochain! La couillonnade énoncée sur les tendidos de Dax ou de Vic passe toujours plus mal quand elle adopte l'accent de Paname.
C'est la vie!

Cet ostracisme n'a pas toujours été de mise, d'autant que les culturés taurins savent se rappeler qu'il fut des arènes en Lutèce (rue Pergolèse) aussi bien qu'au Torodrome de Roubaix.
Il me semble qu'il résulte surtout de l'afflux massif, depuis les années 80, suite à la mourousimania nîmoise, d'une faune en mal de chébran. Dax a connu la même évolution (en plus bordelaise), voulue et mise en scène PAR LES ELITES LOCALES pour remplir leurs redondels.
Les llenos venant, les affiches se faisant somptueuses pour satisfaire aux exigences d'une tauromachie-champagne qui dériva le plus souvent en méchant mousseux, pour finir complètement éventée, le prix des places s'envola pour supporter le luxe et les paillettes, les abonos extériorisés se multiplièrent, privant l'indigène de l'accès à cette tauromachie populaire et locale à laquelle il était attaché et provoquant parfois son ire (beaucoup de dacquois ne trouvaient plus de places).
En conséquence, dans les ruedos, la réprobation devenue majoritaire des «chutistes» couvrit peu à peu la saine, vigoureuse et subversive activité des aficionados de verdad -qu'ils fussent ou non du cru-
De là vient le mal. De la perception erronée que l'afflux d'estrangers aurait subverti financièrement et dans l'esprit la culture locale.

On se trompe de cible. On ferait mieux de s'en prendre aux édiles, aux commissions taurines et aux bistroquets locaux qui ont usé et abusé des avantages pécuniaires de cette migration taurine, dont ils ont organisé les agapes frelatées pour leur plus grand profit.
Il n'est nullement indifférent de considérer les signes, apparemment anodins, qui accompagnent les mutations en cours: à Dax par exemple, la conversion à un toro plus sérieux s'accompagne, comme par hasard, de la fermeture programmée d'un symbole éclatant des fastes désormais périmés: le Splendid.

Après l'éclatement de la «bulle taurine» ®, comme il advint de la bulle spéculative, après 30 années de vaches grasses, on revient simplement à la normale. C'est à dire que quantitativement et qualitativement (en terme de figuras et de cartels de luxe), les évolutions vont sans doute nous porter vers l'état originel des 80's.
Il en ira de même des spectateurs du nord comme du sud, les authentiques aficionados continueront à nous enrichir de leur présence et de nous gratifier de leur amitié, quand les bobos déserteront progressivement des corridas qui ne seront plus de leur goût et qu'ils ne pourront apprécier, faute de culture taurine.

Je voudrais toutefois fustiger d'importance les contempteurs de cette magnifique afición nordiste. «Je pense notamment à certains salisseurs de mémoire qui feraient mieux de fermer leur clape-merde».
Combien de peñas méridionales produisent-elles régulièrement le bijou aficionado, ô combien ciselé, que représente «Olé y Palmas», la lettre du Club Taurin du Nord? Combien feraient l'effort de se déplacer fréquemment, comme eux, pour venir voir des festejos badés par les natifs?
Combien des mêmes peñas autochtones vous accueillent avec autant de délicatesse, de gentillesse, d'enthousiasme, et surtout de socios présents que la Peña Angelina de Saint Jean d'Angély? Quand ils se réunissent, ils sont 50 passionnés (seuls les grabataires et les agonisants restent à la casa), quand chez nous, une conférence ou un débat attire difficilement 10 pelés, 3 tondus et 2 galeux (ces derniers ayant vu de la lumière et étant entrés par hasard...).
La Commission Taurine d'Orthez a organisé le week-end dernier un voyage pour visiter les ganaderias des fêtes. 6 inscrits (sur 53) sont venus de toute la France, quand des prétendus aficionados du cru, sans doute blasés, ont jugé superfétatoire de répondre présent. Tant pis pour eux, c'était jubilatoire! Merci aux estrangers, à ces nouvelles amitiés.

Qu'on ne vienne donc pas me chatouiller avec cet esprit de clocher merdique, le même qui oppose nos bourgades, dont chacune rivalise pour occuper le centre du monde, dont chacune croit être le nombril!
Personnellement, je m'honore de l'amitié et de la camaraderie de ces copains d'ailleurs, de Denis le Parisien ou de Denis le Lillois, qui parlent, voient, pensent, plaisantent différemment, comme de celle de mes amis  Shavkat l'Ouzbek, Youssef le Marocain, Mitsuhitsa le Japonais, William l'Ecossais, Firouz l'Iranien ou John le Texan (ils se reconnaitront). Ils sont le sel de ma vie, sans lequel tout serait fade.
Pour ma part, j'échangerais volontiers quelques dizaines de casse-berles locaux, imbus de leur supériorité supposée, de leurs privilèges callejonesques ou des 30 corridas vues du canapé sur Canal + Espagne, contre une poignée d'aficionados de verdad qui font 500 ou 1000 kms POUR ÊTRE PRESENTS et pour nous faire l'honneur de partager convivialement la fiesta dans nos arènes snobées par les aborigènes (ou dans les Landes, les arborigènes).

Et puis mordiou, s'il le faut, je suis prêt à en découdre à l'heure et au lieu qui plairont aux cuistres, de quelque patois qu'ils soient. Le choix des armes (tinto, clarete, chinchon, yoyo ou puces parisiennes) demeurant à la dévolution  de l'offensé.
Je gage qu'à la Brega, beaucoup de témoins se bousculeront pour me seconder dans le duel. 
Xavier KLEIN

Le seul esprit de clocher qui m'agrée (pas le millésime!):

jeudi 30 mai 2013

Les apories du Grand Sâr Rabindranathviard

Aporie: contradiction insoluble dans un raisonnement. 
Paradoxe: proposition qui, contradictoirement, mettant la lumière sur un point de vue pré-logique ou irrationnel, prend le contrepied des certitudes logiques, de la vraisemblance.

Le garçon est indécrottable et c'est au détour d'un article, lorsqu'il se prend à les sortir en série, que sa vérité fondamentale jaillit, telle l'éruption de ces gisements de pétrole soudainement libérés de leur claustration géologique multimillénaire.
Ces lapsus, chers au vénérable Sigmund, viennent subitement dévoiler la réalité profonde de convictions trop longtemps refoulées ou soigneusement «contentionnées» qui relèvent du paradoxe.
En témoigne son dernier article du 30 mai intitulé «Jandilla», un chef d'oeuvre de contradictions et d'équivoques (http://www.tierrastaurinas.com/terrestaurines/actus/01-05-13/30-05-132.php).

1ère affirmation (c'est une OPINION et non un FAIT): «À moins d'être un révisionniste aveugle, nul ne peut contester le fait que la ganadería de Jandilla est une de celles qui possèdent un des patrimoine génétiques les plus riches et les plus variés.»
Je ne sais pas ce que l'on entend par «un des patrimoines génétiques les plus riches et les plus variés».
Quand je ne sais pas, ne disposant pas des connaissances mirandoliennes du Grand Sâr argenté, j'obéis stupidement à l'antique injonction parentale et je vais chercher sur le dictionnaire, en l'occurrence l'Encyclopedia Universalis. Pour simplifier les choses, basculons sur wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Patrimoine_g%C3%A9n%C3%A9tique).
Toujours très stupidement, ne pompant pas grand chose au merdier, je m'en remets au bon sens qui me susurre benoîtement que Jandilla, c'est le Domecq le plus pur, avec un morphotype caractéristique et le comportement que l'on sait.
Question: où voit on de la richesse et de la variété là dedans? Ou plutôt: que peut nous importer la pullulation des gènes, allèles et autre génome si à l'arrivée les bestiaux sortent moralement et physiquement à l'identique? Contrairement aux toros, cela nous fait une belle jambe!

2ème affirmation, beaucoup plus contestable (c'est toujours une OPINION et non un FAIT): «Elle est la véritable source du toro moderne, et le savoir-faire de son ganadero ne saurait être sujet à caution.».
Source du «toro moderne» OK, pourquoi pas.
Quoique à la réflexion!
On sait combien l'expression «toro moderne» m'engendre de l'urticaire. J'aimerais bien que le Grand Sâr nous dise alors, ce qu'est le toro de Cuadri, d'Aguirre, d'Escolar Gil? Des «toros anciens»? Des «toros dépassés»? Des «toros périmés»? Bizarre! Bizarre! Surtout quand tout le monde en France se rue cette année dans ces très honorables ganaderias pour s'en procurer quelques échantillons. Le Grand Sâr(cophage) serait-il débordé par une nouvelle modernité en marche qu'il n'a su ni voir, ni prévoir?
Quant à la seconde assertion, il faut la mettre en relation avec la suite pour en apprécier toute l'inconséquence.

Voilà un «super ganadero» dont «le savoir-faire ne saurait être sujet à caution»
1°) qui se trouve dans une impasse.
2°) qui est dans l'incapacité à lidier autre chose que des toros sosos.
3°) dont les toros sont à la limite de l'invalidité.
4°) dont les toros sont sans intérêt pour l'aficionado.
5°) ni bientôt pour les toreros (là je me marre!).
6°) conclusion mathématique du Sar(donique) très versé dans l'algèbre: «moins de caste + de noblesse + les fundas + un excès de manejo = début de domestication, non souhaitée bien sûr, mais réelle.»

V'là t'y pas que, fastueux, le Sâr(danapale) en remet une louchasse: «des animaux au mental fragilisé qui hésitent à se livrer, et, quand ils le font tout de même, qui se dégonflent immédiatement en comprenant qu'ils sont incapables de supporter le combat auquel on les invite.»
Il a mis du temps à comprendre le cancer qui nous rongeait le Sâr(come)!
Depuis le temps qu'on le lui disait et qu'il s'escrimait à convaincre les pauvre ayatolibans que nous sommes des vertus domecquales du «toro moderne», de la «caste qui se consume pendant la faena», de l'évolution du premier tercio sans piques et autres billevesées...

Au final, je pose une question simple: un ganadero coupable de telles insuffisances détient-il «un savoir-faire qui ne saurait être sujet à caution».
Moi, perso, qui suis vulgaire, populacier, ayatollesque, je qualifierais plutôt un gonze pareil de «bille», de «brêle», de «toquard», de «cloche», voire de«burne», mais le Sâr est poli, il maîtrise la périphrase ravageuse, l'insinuation assassine.
Quant à votre serviteur, tout grossier et rustique qu'il soit, s'il remplace depuis longtemps l'expression «toro moderne», par celles de «toro domecqtisé» pour ne pas évoquer plus crûment un «toro dégénéré», s'il s'attaque à un système, à une dérive, à l'emprise monopolistique de l'encaste domecq (appelation générique), il ne se serait jamais permis de dézinguer ainsi un ganadero. Surtout après avoir si longtemps léché et pourléché l'ensemble des botas de campo de la casa.
Tout de même, on peut s'interroger sur ce que lui a fait ce malheureux Borja pour mériter une telle dégelée? Lui aurait-on fermé les portes de la finca pour un prochain «opus»? Aurait-on douté de l'omniscience, de l'omnipotence et de la sincérité du  Grand Sâr(menteur)?
Plutôt que de s'en prendre à un éleveur et à un élevage dont il fut l'ardent thuriféraire, notre Sâr(isse) ferait mieux de retourner son fer contre l'ensemble du système qui a produit cette abomination, et, surtout de faire amende honorable sur sa grande responsabilité.

Un aggiornamento viardosâresque s'impose!

Ferait mieux de venir à Orthez le dépité, il n'y verrait pas de «toro moderne», mais du «toro tout court», sans prétention, sans chichis, sans éprouvette, sans ADN, du toro quoi! C'est vrai qu'avant, Orthez n'existait pas, on ne l'a annoncé que cette année sur TT.
Comme concluait Francis Blanche: «Il peut le faire ! Alors on l’applaudit très fort!».
Xavier KLEIN

mardi 28 mai 2013

Les Prieto de la Cal d'Alès


Photos empruntées à "Vingt passes"

Un article important, intelligent et explicatif sur la corrida de Prieto de la Cal d'Ales par l'excellentissime blog "Vingt passes pas plus" à lire et à conserver.
Ca, c'est de l'information utile!!!

 à lire également pour ceux à qui cela aurait échappé:
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jeudi 23 mai 2013

Les prophéties eschatologiques de Saint Kleinklein

"Les quatre cavaliers de l'Apocalypse" Albrecht DÜRER
Nombreux sont ceux qui déplorent une certaine déshérence de la Brega ces derniers temps.

J'en suis, sinon désolé, sinon confus, du moins affligé -à tous les sens du terme- passant par une phase difficile qui me rend tout écrit, extrêmement ardu et coûteux.

Pour autant, cela ne m'empêche ni d'espérer, ni d'entreprendre, ni de persister à porter un regard que j'essaie toujours de contraindre à la liberté du choix et des analyses.

Je constate en outre que certaines convictions taurines, qu'avec bien d'autres je me suis attaché à défendre, ont pris force de réalité et ne sont plus aussi contestées, du moins en France.
Évidemment, comme à l'accoutumée dans notre beau pays, les résistants de la dernière heure ou les «collabos» de la première ont su s'adapter -à regret certes- à la nouvelle donne, avec la souplesse et l'habileté contorsionniste des petites gens et des suiveurs de tous poils et de tous temps. «Ils» l'avaient toujours dit, même et surtout s'«ils» ne l'avaient jamais fait.

Au final, partant de la vérité éternelle que nul ne saurait être prophète en son pays et que les Cassandre doivent toujours être sacrifiées, Klein est et restera un emmerdeur pour ne pas dire un «casse-couilles» (ce qu'il assume), même et surtout s'il avait raison.

Par contre, les caciques de l'ancien régime et les pontifes de la foi périmée continuent à jouir sans critiques et sans regrets d'une honorabilité inversement proportionnelle à leur absence de clairvoyance, de scrupules et de convictions. Sans parler des exécuteurs des hautes oeuvres devenus panégyristes de leurs victimes collatérales par Terres Taurines interposées.

La revendication d'un «toro-centre», intègre et encasté se traduit cette temporada par des évolutions, voire des révolutions dans les cartels gaulois (plus timidement dans la péninsule). Mais n'est-il pas trop tard?

90% du cheptel actuel de braves est désormais domecquisé et a été modelé selon les exigences du «toro moderne». Certains des encastes différents parmi les plus emblématiques (Miura, Victorino) ont si vigoureusement sacrifié leur caste vibrante et leur sauvagerie originale aux mirages de la «toréabilité» qu'il paraît impossible qu'ils reviennent à leurs grands fondamentaux. Comme les vandales catholiques qui ont saccagé le coeur de la Mosquée de Cordoue, au nom de la prétendue «modernité», on a détruit ce que l'on ne voyait nulle part pour édifier ce que l'on voit partout.

Ces dernières années, Miura ou Victorino constituaient dans les grandes ferias le pitoyable et trompeur alibi torista qui dupait les «spectateurs» quand il faisait hausser les épaules des connaisseurs. Le torisme authentique, il fallait le chercher -pour les élevages très renommés- chez Cuadri, Aguirre ou Escolar Gil.
Ce n'est que depuis l'an dernier, et plus systématiquement cette année, que la demande pour ces ganaderias s'est généralisée. Mais n'oublions jamais que c'est ce «conservatoire de la caste» que constitue Céret qui a d'une certaine manière «fait» Escolar ou du moins lui a permis d'exprimer ses hautes vertus.

On voit également ce qu'il est advenu d'autres élevages encastés dont les vertus originelles ont périclité au fur et à mesure que leur côte montait, que leurs lots se multipliaient et surtout qu'ils étaient consentis par les figurasses (les Baltasar Iban, les Fuente Ymbro et consorts).

Très mauvais signe lorsqu'un Talavante, un Juli ou un Pereira commence à s'intéresser à une ganaderia!

La situation me paraît grave parce qu'elle a -me semble t-il- atteint un degré d'irréversibilité par destruction de la caste et de ses niches écologiques par épuisement de la diversité. Quand je parle de caste, j'entends cet instinct guerrier irréductible et sauvage et non cette propension à une agressivité domestiquée, suave et civilisée qui «permet» au torero de tout s'autoriser et de tout réussir.

Il ne demeure dorénavant qu'une poignée d'éleveurs romantiques et souvent découragés par des années de désaveu, voire d'opprobre. Suffiront-ils à régénérer la camada, à constituer les germes actifs d'un renouveau? Rien n'est moins assuré!

Le deuxième motif d'inquiétude réside dans les motivations profondes de cette évolution. Il me semble que les notabilités taurines aux affaires s'accommodent du changement par raison plus que par adhésion profonde.
C'est à reculons, voire à contre-coeur qu'ils se sont résolus à changer leur fusil d'épaule, notamment pour des motifs économiques. Ils s'adaptent pragmatiquement à de nouvelles configurations plus qu'ils ne les désirent réellement. Et c'est du bout des lèvres, quasiment avec un dégoût hautain, qu'ils obtempèrent aux requêtes de l'«aficion indignée». Il faut les avoir entendu parler avec mépris de la plèbe taurine rebelle et criarde, qui ose gueuler, pour prendre la mesure du phénomène.

Toute une génération conditionnée à la fréquentation passionnée d'Enrique ou de Julian, au champagne, aux petits fours tapassisés ne voit guère revenir avec enthousiasme le chorizo campero et le pinard rustique de la casa. L'humilité, la modestie et l'ascétisme d'un Fernando ROBLEÑO n'ont que peu à voir avec les extravagances des divas et sont infiniment moins «chébrans», affriolants et médiaique. Imagine t-on certains jeunes cadres tauromachiques dynamiques landais s'embourbasser les Westons dans la glèbe populassière des placitas, des ganaderias de deuxième zone ou dans la fréquentation des toreros-prolétaires?

Car le fond du problème est avant tout affaire de gros sous, de pèze, d'oseille, de fric, de fraîche, d'artiche, quand ces beaux messieurs ont -enfin- compris qu'on gagnait plus à organiser une corrida torista à demie-entrée (coût du plateau toros-toreros 100.000 à 120.000 euros) qu'un lleno de corrida de luxe qui coûterait, au minimum quatre fois plus cher. Ils le comprennent d'autant mieux que les arènes se vident, crise oblige...

Alors que depuis 5 ans je ressasse dans le désert, que la problématique des grandes arènes s'articule autour de la dépense alors que celle des petites est celle de la recette, on ne sarcasme plus désormais . Mais la comprenette a été difficilette!



Le troisième motif de préoccupation tient à la césure grandissante (et largement entretenue par les susdits caciques) entre aficionados et spectateurs et à une mutation porteuse de quiproquos et d'une incompréhension structurelle.

Les corridas dites «toristas» (ou du moins plus … «complexes») exigent du public une culture taurine  approfondie  et une intelligence du toreo qui ne peuvent s'acquérir qu'avec l'expérience, la finesse et la connaissance approfondie des règles de la lidia.
La frontière entre le «bon toro» et le «mauvais toro» (pour moi, le mauvais toro n'existe pas vraiment, chaque toro ayant sa lidia adaptée ou non) procède de la compréhension et du savoir-faire du torero dont l'incurie, malheureusement commune, trompe le plus souvent son monde. A défaut de le comprendre, on prend le risque de prendre des vessies pour des lanternes.
Un santacoloma de bonne race exige une lidia appropriée, le plus souvent incompatible avec les canons du «torero moderne». Les distances, le sitio, le rythme, la sortie des suertes, sont quasiment inconciliables avec le toreo vertical, l'enchainement des passes, le «toreo de bras», le recul, etc.

Malheureusement, même nombre d'aficionados «toristas» n'intègrent pas cette contrainte et attendent des matadors qu'ils toréassent avec des toros «complexes» selon les mêmes exigences et canons qu'avec des Garces-si-grandes ou des Victorianos del Arroyo, ce qui par définition procède de l'absurde si l'on considère qu'une lidia bien menée doit s'adapter aux caractéristiques du toro.

Lorsqu'à l'automne on voit «Jesus Christ» Tomás exercer son ministère, il n'est nul besoin de culture taurine. Les extases programmées sont accessibles à tous et dirais-je, évidentes. Il n'en va nullement de même pour apprécier à sa juste valeur l'empoignade sauvage de Fernando Robleño  avec son second toro de Cebada Gago à Vic-Fezensac, le dimanche 12 mai: ici, point d'arguties esthétisantes. ça passe ou ça casse et la moindre erreur technique ou de vigilance se paie au prix fort. Il faut donc être en capacité de percevoir la richesse technique et la taille des cojones mobilisées par le maestro pour dominer le bestiau. Combien en sont capables, non par essence, mais par l'effet d'années de déculturation taurine?

Pour résumer, des toros différents ne peuvent être combattus avec les critères des «toros modernes» et le public contemporain n'y est nullement préparé. Y compris par la majorité des «reseñeros» qui, soit par ignorance, soit par désintérêt, soit par goût personnel, soit parce qu'ils «émargent à la propina» se voient dans l'incapacité effective et quasiment structurelle de remplir leur rôle d'éducation, d'explication et de décryptage.

Enfin, le dernier motif de préoccupation tient à ce que je qualifierais de «déception prévisible». Les «aficionados de verdad», qu'ils soient «toristas» ou «toreristas» -selon la terminologie courante qui me déplait- partagent la caractéristique commune d'intégrer la déception ou la frustration comme condition sine qua non de l'ascension possible au 7ème ciel des toros. Ils savent et ils veulent que leur désir soit entretenu par l'inconstance et l'imperfection consubstantielles à une célébration qui échappe à la normalisation et à la culture actuelle du résultat.
Les diverses variables du succès sont tellement aléatoires pour aboutir à l'alchimie secrète entre les désirs du public, du toro, du torero, du palco, de la météo, des chevaux -que sais-je encore- que cette conjonction mystérieuse s'avère de fait miraculeuse. Il faut un fatalisme méditerranéen, une croyance inébranlable dans le fatum, une propension à l'attente qui conditionne les hautes voluptés, une foi dans l'anarchie et l'imperfection créatrices qui ne correspondent en rien à l'esprit de notre temps.
La corrida restera toujours d'actualité tant qu'elle demeurera subversive, et quelle plus intéressante subversion que cette résistance à  notre environnement libéralo-écologico-aseptico-gentillet!

Il faut désormais que tout aille à la vitesse, à l'efficacité, à la quantité: le toro doit être piqué vite, banderillé vite, tué vite, etc. On doit avoir son comptant de passes, d'oreilles voire maintenant d'indultos. Et c'est ce résultat qui conditionne la jouissance contemporaine et non pas, comme pour les authentiques édonistes, cette philosophie de l'attente, de la patience et de la déconvenue qui entretient la puissance du désir.

Or, c'est cela la corrida «a-normalisée» qui se profile. Les ganaderias qui émergent présentent encore moins de «garanties» que le fatras des bestioles industrialisées. Il en sortira aussi des mansadas, des geniadas, voire des descastadas que les tenants de la tauromachie moderne se feront un plaisir et un devoir de dézinguer, alors même que c'est la loi du genre.

Il faut donc craindre.

Sans compter les problématiques de fond que nous aborderons prochainement...
Xavier KLEIN

lundi 6 mai 2013

Plus que 3 jours

Le compte à rebours est enclenché.
Plus que 3 jours avant l'un des «must» (à mon sens) de la temporada, l'incontournable corrida de Sanchez Fabres.
Ils en auront bavé les «petits», qui se sont lancés dans cette aventure, pour donner corps à leur rêve. Ni les critiques, ni les chausse-trappes ne leur auront été épargnées.
Pourtant répétons le, qu'il est réjouissant de voir des jeunes gens s'engager ainsi, prendre des risques, oser, avancer la jambe -et le reste!- par pure afición!
Rien que pour cela, il faudra «y être» et je crois qu'avec la bénédiction de la grenouille et de Sainte Météo, beaucoup «y seront».
Les amis de la Brega pourront d'ailleurs se retrouver dés le déjeuner pour festoyer.
¡Hasta pronto y suerte a todos!
Xavier KLEIN