Humeurs taurines et éclectiques

lundi 24 septembre 2012

Les délires de Jo, la reine du fusil-zizi


«Ignorance est mère de bêtise…»
Proverbe populaire

Portrait de Juan Antonio Llorente par Francisco GOYA

Qu’y a t-il de commun entre Goya, Torquemada, l’Islam, la paranoïa, le récent attentat contre les ricains en Libye, la corrida et … Dieu? Certes, on peut trouver des relations et des corrélations en tout, laisser errer son imagination, débrider les associations d’idées, mais a priori, pas grand chose de commun, si l’on demeure dans le fil d’un raisonnement logique et cohérent.
Tout, si aveuglé par l'ignorance, le fanatisme et la haine on dérive vers le délire.
Pourtant, certains esprits particulièrement perturbés y parviennent, ne reculant devant aucun sacrifice, aucun ridicule, aucune capitulation de la raison, pour laisser s’exprimer sans pudeur et sans vergogne, leur détestation viscérale et déraisonnable de ce qui leur déplait en général et de la corrida en particulier.
Cela serait comique et prêterait à sourire, si ce n’était si pitoyable, misérable et dérisoire.
Voilà à quoi l’humain peut se réduire!
Voilà, obscènement dévoilé, sur quoi, sur qui se fonde l’anti-tauromachie! 
***
Il faut lire avec attention les délires mystico-psychanalytico-new age d’une des Passionaria «zantie» pour prendre l’exacte mesure de l’irrationalité et, j’oserais avancer, de la FOLIE furieuse des pourfendeurs de la fiesta brava (http://psychanalyse-et-animaux.over-blog.com/article-les-fantomes-de-goya-qui-est-le-cancer-du-monde-l-islam-toute-religion-toute-l-humanite-l-110031886.html ET http://psychanalyse-et-animaux.over-blog.com/article-a-une-amie-catholique-anti-corrida-inquisition-et-corrida-110072365.html). 
Comment construire un raisonnement, parvenir à des conclusions qui se tiennent,  à partir d'éléments erronés et disparates, d'une logique aberrante? C'est le pari surréaliste entrepris dans ce morceau d'anthologie de l'absurdité humaine.
***
 A partir d’un film tout à fait distrayant («Les fantômes de Goya» de Milos FORMAN), mais qui n’en demeure pas moins une fiction –assumée comme telle par ses scénaristes- on tire des conclusions et moralités dénaturées qui non seulement ne tiennent aucun compte du contexte mais font fi de la réalité historique.

L’ensemble baigne dans le présupposé très contestable de la «légende noire espagnole» que la plupart des historiens contemporains sérieux remettent en cause depuis Julián Juderías (début du XXème siècle). L’expression désigne selon le dictionnaire de la Real Academia Española «une opinion ce qui est espagnol répandue à partir du XVIème siècle» et comme «une opinion défavorable et généralisée sur quelqu'un ou quelque chose, en général sans fondement».
On sait maintenant la réalité de tels errements, l’histoire n’échappant nullement à l’instrumentalisation par la société, la politique et par les historiens eux-mêmes, consciemment ou inconsciemment. Ainsi, Voltaire par exemple a imprégné (et continue de le faire) la perception de l’histoire de générations d’intellectuels républicains.
Ces dernières années ont vu la réhabilitation ou la rectification de nombre de personnages ou faits historiques voués aux gémonies par telle époque (Le «Louis XI» de Paul Murray Kendall ou les travaux de Paxton sur l’Occupation) ou bien, au contraire la dévalorisation de beaucoup d’autres (Napoléon ou Clémenceau n’ont plus trop la cote dans une France qui entend s’intégrer dans l’ensemble européen). Pour autant la vision militante de Voltaire, qui visait à éreinter l'Eglise et non à oeuvrer objectivement, persiste, en dépit de sa complète caducité, dans le paradigme scientifique actuel. Comme survivent les mythes républicains fondateurs qui font fi du totalitarisme et du bain de sang d'une Révolution française idéalisée.
Il en va de même sur l’Inquisition espagnole dont les sévices savamment mis en exergue par le Siècle des Lumières dans sa lutte contre le cléricalisme, bien que toujours intolérables, sont considérablement réévalués à la baisse (on est passé de 20.000 à 2.000 victimes. Soit 2.000 de trop!). A l'époque décrite par le film, sous les règnes de Charles III et Charles IV (de 1759 à 1808) on n’a brûlé «que» 4 condamnés. Il convient également de comprendre, dans le contexte, que pour la plupart des historiens du droit, la procédure inquisitoriale a été un progrès juridique par rapport à ce qui existait auparavant, c’est à dire l’ORDALIE (jugement de Dieu), d’origine franque .
Stephen HALICZER, dans «Inquisición y sociedad en el Reino de Valencia: (1478-1834)» à partir des archives du Saint-Office estime que sur 7000 procédures valenciennes, seuls 2% donnèrent lieu à torture, les inquisiteurs usant de cette dernière «con poca frecuencia» et généralement moins de 15 minutes.
Les espagnols, qui n’étaient pas plus débiles que les autres, ont subi l’influence des Lumières et à Madrid, comme à Paris, on lisait Voltaire ou Rousseau sous le manteau. De même, dans la société espagnole, comme dans ses élites, la contestation anti-cléricale s’est développée fortement dés le milieu du XVIIIème siècle.

***

Le film véhicule quelques poncifs et stéréotypes savamment entretenus (http://www.critikat.com/Les-Fantomes-de-Goya.html): l’inquisiteur libidineux afrancesado Fray Lorenzo restitue en partie la figure historique de Juan Antonio LLORENTE (http://www.vallenajerilla.com/berceo/florilegio/inquisicion/servidorycritico.htm), l’un des grands contempteurs de l’Inquisition, dont il fut l’une des chevilles ouvrières. 
Il s’inscrit dans un très ancien et permanent courant littéraire et philosophique de dénigrement du clergé qui se développe de Luis GUTIERREZCornelia Bororquia», 1801) à Victor HUGO (http://cerri.revues.org/1053) en passant par «Les mystères de l'Inquisition et autres sociétés secrètes d'Espagne», 1844, de Victor de Féréal (pseudonyme de Madame de Suberwick).


Durant le XIXème siècle, les libéraux progressistes développent le thème de la décadence économique et culturelle et de tous les maux espagnols engendrés par l’Inquisition qui en l’occurence avait bon dos, étant donné qu’elle fut abolie de facto par «Pepe Botella» (Joseph Bonaparte) en 1808. Idéologie qu’on peut résumer par l’apostrophe de Marcelino Menéndez y Pelayo:
«¿Por qué no había industria en España? Por la Inquisición.
¿Por qué somos holgazanes los españoles? Por la Inquisición.
¿Por qué duermen los españoles la siesta? Por la Inquisición.
¿Por qué hay corridas de toros en España? Por la Inquisición.»
«La ciencia española, Madrid», 1953, p. 102.
Pendant deux siècles, ce type de posture idéologique, sinon historique, a servi de base à la lutte anticléricale espagnole dans toutes ses connotations, du radicalisme à l’anarchisme. Cette lutte anticléricale faisait feu de tout bois, comme la lutte antimonarchique,  usant d'expédients et d'arguments souvent peu reluisants (idem dans le camp opposé). Il n'est que de consulter par exemple le fonds iconographique des libelles, placards et pamphlets particulièrement ignobles et pornographiques  dont les républicains (Hébert dans le Père Duchesne ou Marat dans L'Ami du Peuple, sans compter les anonymes) couvrirent scandaleusement la Reine Marie Antoinette accusée de toutes les turpitudes, y compris d'inceste et de zoophilie.

Rappelons tout de même qu’à peu près à la même époque (1766), le Parlement de Paris, institution laïque qui n’avait pourtant rien de commun avec l’Inquisition, condamne à la décapitation et à la crémation (en –bonne- compagnie du «Dictionnaire philosophique» de Voltaire) François-Jean LEFEBVRE, Chevalier de La Barre, après avoir subi la torture ordinaire et extraordinaire pour … blasphème.

***


Tout cela, ce sont des faits établis, résultant d’études sérieuses, menées par des historiens reconnus et non par les rigolos (http://www.phdn.org/antisem/torquemada.html) convoqués par la psychanalyste bestialiste qui poussent le conomètre à des limites rarement atteintes par un tissu d'inepties caractérisées, en copiant-collant une resucée d’article d’un site résolument sioniste (http://www.zionism-israel.com/dic/Inquisition.htm).

Non, «les conditions de vie des juifs sous les règnes des califes maures et des premiers rois de Castille et d'Aragon» n’étaient pas «normales», au sens ou nous l’entendons aujourd’hui. C’est la légende dorée d’Al Andalus qui n’a que peu à voir avec la réalité des pogroms, vexations et autres dhimmis imposés par la charia. Les amohades et autres almoravides étaient plus proches des actuels salafistes que de sympathiques boute en train. Ce n’était pas mieux coté chrétien. Tout au plus, les conditions de vie des communautés juives étaient-elles moins détestables que dans la plus grande partie du reste de l’Europe.

Non, les ghettos en Espagne ne sont pas une invention des Cortes, mais des communautés juives elles-même, auxquelles les impératifs rituels du Shabbat faisaient obligation de ne pas vivre trop éloigné de la synagogue et d’éviter un mélange exogamiquement préjudiciable avec les autres communautés (les prescriptions de nombreux rabbis en témoignent).
Non, Fray (et non Fraz) Tomás (et non Thomas) de Torquemada n’est pas le neveu du Cardinal Pedro Fernandez de Torquemada (inconnu au bataillon), mais celui du Cardinal Juan de Torquemada.
Non, le nom de TORQUEMADA ne vient pas de «Torear (verbe = combattre) et quemada se traduit par “brûlé”», mais c’est l’éponyme de la ville de Torquemada dont provenait la famille, qui résulte de «torre quemada» qui signifie «tour brûlée».

Non, le Saint-Office n’a jamais été dirigé par Tomás de Torquemada pour la simple raison que cette congrégation (la plus ancienne de la Curie) a été instituée par la bulle Licet ab initio, le 21 juillet 1542, soit 44 ans après la mort du Grand Inquisiteur.
Non, du temps de Torquemada et des Rois Catholiques «On commençait d'abord par une corrida où le taureau était joyeusement mis à mort et castré dans l'arène, puis tout le peuple retournait devant l'église ou était dressé l'estrade perpétuelle servant d'autel aux holocaustes». D’abord parce que la corrida n’existait pas encore, ensuite parce qu’on n’a jamais castré de toros en corrida (n'en déplaise à vos désirs les plus secrets), puis parce que dans la religion chrétienne, il n’existe pas d’«autel aux holocaustes» (vous confondez avec le judaïsme antique), enfin parce qu’en des temps où le sens du sacré prévalait en tout, on n’aurait jamais confondu un autodafé, cérémonie religieuse de contrition et de pénitence avec une fête profane et ses fastes.
Tout l’article est du même tonneau psychédélique de série B. Cet imbroglio délirant résulte des divagations et des fantasmes conjugués de la pseudo psychanalyste et de sources plus que sujettes à caution (aucune références).

***

Et s’il fallait porter le descabello à la matrone animaliste qui conclut bonassement sur «un Goya au charme indéniable mais à la lâcheté, dans un 1°temps, bien humaine et assez révoltante. Mais il se rattrape bien ensuite.», il convient de l’informer qu'à la fin de sa vie, réfugié à Bordeaux en 1824, après avoir édité en 1815-16, l’hymne suprême à la corrida que sont les 34 gravures de la «Tauromaquia», il réalise les 4 lithographies des «Taureaux de Bordeaux» (1824-25). Il avait auparavant peint «Course de taureaux» en 1824.

S’étant représenté lui-même en torero dans le tableau «La Novillada» (1780), il déclarait à son ami Nicolás Fernández de Moratín (auteur des très taurins «Fiesta de toros en Madrid», et «Carta histórica sobre el origen y progresos de las fiestas de toros en España», 1777): «Dans mon temps, j'ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main».

Merci chère Madame de cet hommage inattendu que votre inculture rend au plus aficionado (afioc dites-vous avec la vulgarité des médiocres) des peintres.
Xavier KLEIN

Un sondage...

«Selon les sondages, les Français consomment cinquante-huit rouleaux annuels de papier hygiénique par tête. Qu’est-ce qu’ils entendent par tête ? »

Frédéric DARD

L’art du sondage, c’est l’art de poser des questions dont on peut parfois présupposer les réponses. Toute la subtilité est dans la manière de les formuler.
J’ai souvent écrit ici que les réponses m’importaient infiniment moins que les questions. Je n’entretiens aucune illusion quant à la pérennité, à la fiabilité, en un mot à la vérité, de ces réponses sondagières, qui ne représentent que des photos à un instant «t». Et encore, des photos d’appareil jetable, prises à la dérobées, sans véritable projet, sans réflexion ni débat préalable.
C’est désormais ainsi dans notre société: on traite des sujets les plus graves avec une légèreté, une superficialité des plus désinvoltes, comme si tout se valait, comme si tout ne pouvait être abordé qu’avec une information minimale, sous le coup de l’émotion, sans recul, sans approfondissement, avec comme seuls bagages ou seules références des slogans, des petites phrases ou le support informatif d’un «talk show» ou du dernier sketch des Guignols de Canal+.
Dans la foulée, l’oracle ayant été rendu par les pythonisses de la SOFRES ou de Harris, la polémique enfle, les déclarations péremptoires se multiplient, les tempêtes se déchaînent … dans des verres d’eau.
***
Du 18 au 20 septembre, au cœur de la «bataille pour la Q.P.C.», l’I.F.O.P. commandité par le Midi Libre (organe de presse dont la ligne éditoriale concernant la tauromachie est des plus variable et bizarroïde), publiait un sondage intitulé «Les français et la corrida» qui depuis «fait le buzz».
On notera tout d’abord qu’il serait plus opportun de parler «d’un échantillon représentatif de 1003 françai(se)s et la corrida». On relèvera ensuite que les divers échos à cette publication, dans le camp des «zantis», comme dans celui de l’afición malmènent avec une remarquable mauvaise foi des chiffres pourtant limpides. Ainsi, du coté de Vieux Boucau, il semble que l’on ait quelques difficultés soit avec la mathématique, soit avec la lecture, soit avec les deux: encore l’Education Nationale qui a bâclé son travail! Le repérage et le traitement des «élèves décrocheurs» étant d’actualité, nous rappelons au jeune A.V. qu’à la lecture attentive du sondage, si seuls 48% des sondés sont pour la prohibition, 42% se prononcent pour l’autorisation.
On se demande donc où il va chercher les «52% des français [qui] ne souhaitaient pas que l'on mette fin aux corridas» et les 61% dans les régions à tradition taurine (http://www.tierrastaurinas.com/terrestaurines/actus/edit.php). Enfin, non, on ne se le demande pas: le grisonnant statisticien inclut les «sans opinion», ce qui procède de la même malhonnêteté intellectuelle que si l’un des partis en politique s’agrégeait les votes blancs.
C’est avec ce genre de manipulation qu’on décrédibilise un discours. Une manipulation d’ailleurs parfaitement inutile, car en dehors de la valorisation de chiffres complètement conjoncturels, qui pourront dans 6 mois être infirmés, le résultat se suffit à lui-même. En effet, d’une part il va nettement à rebours des précédentes études de ce genre, d’autre part, il montre qu’il n’y a aucune majorité ni pour les uns, ni pour les autres, ce qui à mon sens, s’avère pleinement satisfaisant.
Je rappelle en outre que j’ai toujours argué de l’«inappropriation»  de la vox populi en la matière, le problème devant se poser en terme de DROIT.

Ensemble
des
Français
(%)
Département
à tradition
taurine
(%)
Département
sans tradition
taurine
(%)
Il ne doit pas y avoir d’exception, la corrida doit être interdite partout en France, y compris dans les villes du sud de la France où elle est pratiquée de longue date, car il s’agit d’une pratique cruelle.
48
39
50
La corrida doit continuer d’être autorisée dans les villes du sud de la France où elle est pratiquée de longue date, car elle fait partie du patrimoine culturel et des traditions locales
42
55
40
Vous ne savez pas/sans opinion
10
6
10
TOTAL
100
100
100
Si le résultat global me semble donc anecdotique, le détail est infiniment plus intéressant et doit faire l’objet d’un examen et de conclusions beaucoup plus productifs.

Il ne doit pas y avoir d’exception, la corrida doit être interdite partout en France, y compris dans les villes du sud de la France où elle est pratiquée de longue date, car il s’agit d’une pratique cruelle
La corrida doit continuer d’être autorisée dans les villes du sud de la France où elle est pratiquée de longue date, car elle fait partie du patrimoine culturel et des traditions locales
Vous ne savez pas / sans opinion

(%)
(%)
(%)
ENSEMBLE
48
42
10
SEXE DE l'INTERVIEWE(E)
Homme
39
51
10
Femme
56
34
10
AGE DE l'INTERVIEWE(E)
TOTAL Moins de 35 ans
52
40
8
18-24 ans
57
35
8
25-34 ans
48
43
9
TOTAL 35 ans et plus
47
43
10
35-49 ans
50
40
10
50-64 ans
53
39
8
65 ans et plus
36
52
12
PROFESSION DE l'INTERVIEWE(E)
TOTAL Actifs
50
42
8
TOTAL CSP +
42
51
7
Artisans ou commerçants (*)
40
50
10
Profession libérale, cadre supérieur
43
52
5
Professions intermédiaires
47
45
8
TOTAL CSP -
54
36
10
Employés
58
34
8
Ouvriers
49
40
11
TOTAL Inactifs
46
43
11
Retraités
40
48
12
Autres inactifs
58
31
11
REGION
Région parisienne
45
45
10
Province
49
41
10
Nord est
54
34
12
Nord ouest
51
39
10
Sud ouest
34
60
6
Sud est
50
41
9
TRADITION TAURINE
Département à tradition taurine
39
55
6
Département sans tradition taurine
50
40
10
CATEGORIE D'AGGLOMERATION
Communes rurales
49
41
10
Communes urbaines de province
49
42
9
Agglomération parisienne
43
46
11
PROXIMITE POLITIQUE
TOTAL Gauche
58
35
7
Front de Gauche
54
36
10
Parti Socialiste
54
38
8
Europe Ecologie / Les Verts
76
24
0
Modem
38
58
4
TOTAL Droite
41
51
8
Formation centriste ralliée à l’UMP
45
46
9
UMP
34
55
11
Front National
51
45
4
Aucune formation politique
50
36
14
VOTE A LA PRESIDENTIELLE 2012 (1er tour)
Jean-Luc Mélenchon
56
34
10
François Hollande
58
35
7
François Bayrou
47
47
6
Nicolas Sarkozy
35
53
12
Marine Le Pen
47
46
7
Si l’on s’en tient à considérer les écarts supérieurs à 5% par rapport aux résultats de l’ensemble (48% et 42%), un certain nombre de constats s’impose.
Y compris en relativisant les chiffres, certaines tendances et certains indicateurs sont tout à fait porteurs d’enseignements que nos décideurs taurins seraient bien avisés de prendre en considération.

Comme la chasse, la corrida est un plutôt un «truc de mecs».
Seules 34% (le + faible %) des femmes adhèrent. Les 56% d’opposantes (+8% par rapport à l’ensemble) nous confortent certes dans l’idée de la coalition des «mémères à leur chien-chien». Mais même en intégrant une inappétence psycho-sociologique d’origine culturelle du beau sexe à un spectacle de violence et de domination, on ne peut que déplorer le machisme ambiant du milieu taurin qui n’arrange rien. C’est le résultat d’une pratique où les femmes ont très souvent ou/et très longtemps été exclues des peñas, des commissions taurines, des callejons, des palcos et … des ruedos.

La corrida est également vieillissante. Si 65% des + de 65 ans y adhèrent, ils ne sont que 35% des 18-24 ans. 
Evolution sociétale?  Difficultés économiques? Les jeunes se détournent des arènes, comme ils le font de nombre d’activités traditionnelles. Sans doute l’intoxication culturelle d’une «word company» qui, de par la planète, tend à standardiser les pratiques et les goûts. On ne peut toutefois nier l’incidence d'un «facteur coût» extrêmement élevé sur une population qui connaît les difficultés que l’on sait.
La prégnance de cette donnée économique est confirmée par l’étude des C.S.P. (catégories socio-professionnelles).

Les C.S.P. favorisées (qui recoupent également la réalité culturelle de catégories ayant un niveau d’instruction plus poussé) se différencient très fortement (15%) des C.S.P. défavorisées, l’étiage concernant les employés (qui représentent avec les femmes la + faible adhésion à la corrida, soit 34%).
Ce chiffre me semble extrêmement préoccupant, car il stigmatise un découplage entre la corrida et le milieu populaire dans le terreau duquel elle devrait s’enraciner. La politique des abonos et des tarifs prohibitifs pratiquées par certaines grandes plazas, la recherche éperdue, au détriment des classes populaires locales, d’une clientèle exogène à fort pouvoir d’achat me paraissent un pari mortifère à court terme. Il importe de réinscrire d’urgence la corrida dans une large assise populaire au risque de la constitution d’un «ghetto social pour riches et culturés» et d’en subir le rejet par les exclus.

S’il n’est guère étonnant de constater un Sud-Ouest, région rurale adossée à l’Ibérie, favorable à 60%, et son opposé un Nord-Est à seulement 34%, les résultats très équilibrés de la région parisienne sont plus surprenants. 
Ceux du Sud-Est traduisent, à mon avis, le profil d’une région plus industrialisée, plus diversifiée socialement, économiquement et culturellement.
Par sa proximité avec les moyennes nationales plus qu’avec celles du Sud-Ouest, l’autre région taurine, ce différentiel explicite passablement l’influence importante et l’audience qu’y recueillent les «zantis» dont c’est le terrain de chasse privilégié.

La plus grande surprise provient pour moi de la répartition politique. Au niveau national, la très faible adhésion taurine de la gauche (35%), le score très élevé des sympathisants Modem (58%) et U.M.P. (55%) marquent un clivage très prononcé, qu’il eût été intéressant d’examiner et de confirmer au niveau régional où, pour le sud-ouest «rose» tout au moins, ces chiffres ne se ressentent pas sur le terrain. 
Comment les expliquer?
Je n’en sais rien. Peut-être par la culture politique, une plus grande sensibilité de gauche au statut de la victime, le substrat idéologique de l'utopie rousseauiste d’une Nature fondamentalement innocente et bonne, mais aussi par une réticence très «progressiste» à tout ce qui est tradition et conservation.
En tout cas -et force m’est de le déplorer- cette tendance rejoint celle que l’on constate en Espagne où les positions du Partido Popular sont, à cet égard, beaucoup plus nettes et pro-taurines que ne l’étaient celles du PSOE.
Ce ne sont pas les déclarations très droitières de certaines de nos éminences taurines françaises qui favoriseront un rééquilibrage souhaitable. A l’opposé, pour insupporter les aficionados de gauche comme pour valider le préjugé «corrida-franquisme», on ne peut mieux faire…
***
L’étude attentive de  ce sondage, même s’il ne saurait être pris comme un élément absolu et définitif, induit un certains nombre de conséquences et constitue un état des lieux instructif.
Plutôt que de se satisfaire du score global, le bon sens commanderait de se préoccuper des éléments inquiétants qu’il met en relief, des fractures et des insuffisances qu'il révèle. Il ouvre la porte à l'utilité d'en savoir plus et plus finement.
Certaines instances, l’U.V.T.F. entre autres, jouissent des moyens financiers pour mener à bien une enquête approfondie sur la composition des divers publics de corridas et novilladas, de leurs origines géographiques, de leurs compositions, de leurs motivations, de leurs attentes et ce, dans les diverses catégories de plazas de la France taurine. Les résultats d'une telle enquête, mis en parallèle avec les données des populations de référence, permettraient de dresser un état des lieux et un diagnostic, de souligner points forts et faiblesses, d’établir des stratégies.
C’est à mon avis une urgence, car sortir des présupposés gratuits, des lieux communs trompeurs,  savoir qui l’on est, permet de savoir où l’on va
Xavier KLEIN

***