Humeurs taurines et éclectiques

lundi 19 août 2013

Les brutes d’Avalon

Photo Alexandre KLEIN

En 1983, sortait un tome d’une saga de Marion Zimmer BRADLEY, intitulé: «Les brumes d’Avalon» qui évoquait cette île de la mythologie celtique et de la légende arthurienne.
En fait, via Saint Isidore de Séville, le mythe trouve sa source dans une description par Pomponius Mela, le plus ancien des géographes romains lorsqu’il évoque ces «Îles Fortunées où la terre produit sans culture des fruits sans cesse renaissants, et où les habitants, exempts d’inquiétude, coulent des jours plus heureux que dans les villes les plus florissantes.».
Avalon est le lieu frontière entre les mondes du réel et de l’irréel, celui des hommes et celui des fées et des elfes, la patrie secrète où les héros, las des turpitudes des hommes se retirent emportés par Morgane, l’ainée des sept sœurs.
Avalon est cachée aux yeux du commun des hommes, nul n’en connait la réalité.
Seuls peuvent l’appréhender et y accéder les cœurs purs, les âmes altières, les vertueux et chevaleresques. Seuls peuvent y pénétrer ceux qui croient à l’empire des rêves et à la course effrénée des chimères.
Avalon existe, ne le répétez pas.

Où? Je ne vous le dirai pas, il faut le mériter.
D’ailleurs, même (et surtout!!!) les «grands esprits» du monde du toro ne le savent pas non plus.
A preuve, samedi 10 et dimanche 11 août, il y avait fête de toros en Avalon, et dimanche, dans les gazettes, dans les grands quotidiens de la PQR (dont trop souvent le R est superfétatoire), personne n’a relaté ce qui s’y était passé. Tous réfugiés plus au sud, les canardiers, les plumitifs, les griffoneurs de babillards, les pisseurs d’encre, et autres tire-poires, dans l’attente d’extases fandiñesques, d’exploits fuenteymbresques gagnés à grandes brassées d’invitations gratuites, de formules mathématiques hasardeuses bourrées de 1 (le chiffre de Dieu) et de 6 (le chiffre de la bête) ou de douleurs extrêmes.

En Avalon, on ne se préoccupe pas excessivement du faste et des manières sophistiquées. Lorsqu'il y pleut, ce sont les «clients» (ici on appelle ces derniers des «aficionados», qui aident à débâcher le ruedo. Pour se sustenter, les tréteaux s’imposent, la vaisselle est de plastique, on s’entasse en se bousculant pour trouver un coin d’ombre, mais toujours on se pousse pour vous laisser assoir.
Le maître des lieux, le grand marabout au profil d’aigle, court de griot en griot, avec une douce gasconnade pour chacun, parfois agrémentée d’un viatique armagnacais. Idem de ses acolytes, mâles et femelles qui s’ingénient à rendre la vie de leurs hôtes plus soyeuse, à les convier à un avant-goût de la fraternité céleste.
Tout n’est ici que simplicité et camaraderie, où il est doux de laisser passer le tantôt dans une quiète somnolence, sans autre obligation que de choisir entre «cluquoter» et batailler avec d’autres heureux élus.

En Avalon, tout n’est pourtant pas idyllique: pour que les verts pâturages le demeurent, il faut bien qu’il pleuve de temps à autres! Apprécie t-on la grâce d’un grand met ou d’un grand cru si l'on en abuse au quotidien?
Photo Alexandre KLEIN

Cette année, en dépit des efforts forcenés et des espoirs des hôtes, le dieu cornu n’avait pas outrancièrement béni la fête. Et quand, parfois, sortait dans l’enclos sacré un regalo, l’officiant ne savait pas toujours l’honorer comme il eût convenu.
On vit des toros d’un autre âge, de ceux que la plupart des toreros ne VEULENT plus affronter.
On en vit d’autres qu’ils ne PEUVENT plus affronter, ayant perdu ou négligé le savoir pour le faire.
On vit de jeunes gens s’y confronter sans certes toujours se hisser au niveau de leurs opposants, mais sans qu’aucun n’ait démérité, ni se soit déconsidéré par manque d’honneur ou de volonté.
Qu’importe ! Jamais l’ennui ne fut au rendez-vous, jamais on ne vit de ces bestioles ridicules qui font honte au nom de toro. Jamais n’apparurent de ces collaborateurs de bas étage, conçus tout exprès pour que des divas puissent s’en amuser.
On éprouva la peur et souvent cette admiration pour la fougue destructrice des fauves.
Il n’y eut rien d’indigne (le mot est à la mode!!!), bien au contraire, rien que du sérieux, du sans complaisance commerciale.
Photo Alexandre KLEIN


A l’ultime vesprée, portés par l’ambition la plus respectable, celle qui a nom afición de verdad, déçus dans leurs espérances, certains des avalonites laissaient poindre quelque humidité océane dans des regards perdus. La poussière du ruedo, sans doute.
Qu’ils en soient assurés, tous les preux, tous les Quijotes, tous ceux qui savent que la loi du désir et de la volupté s’établit sur l’attente et l’acceptation de l’échec seront présents l'an prochain à la San Bertomiu. 
Xavier KLEIN

mercredi 7 août 2013

ORTHEZ 2013, le bilan

Photo Pierre THOMAZO
Comme dab, après l’édition 2013, quelques propos forcément subjectifs sur la journée taurine d’Orthez.

On se reportera, utilement à mon sens, aux reseñas précises et documentées d’Olivier BARBIER (http://torobravo.fr/orthez-les-novillos-de-zaballos-meritaient-mieux/)
et http://torobravo.fr/orthez-lennui-sinstalle/) ou de Dominique VALMARY de la FSTF (http://www.torofstf.com/content/dimanche-28-juillet-2013-novillada-de-miguel-zaballos-et-corrida-de-raso-del-portillo-%C3%A0)

Après lecture de divers commentaires, me viennent quatre considérations préalables.
 
1°) La difficulté, voire l’impossibilité de beaucoup de «reseñeros» à remettre les évènements dans leur contexte. Orthez n’est ni Vic, ni Céret, ni Dax, ni Arles, ni Béziers, etc...
Elle n’en a ni les moyens financiers, ni le poids!
Il convient d’y juger ce qui s’y fait, avec les moyens dont elle dispose. D’autant qu’hors des circuits mundillesques, Orthez n’a aucune aide à attendre –tout au contraire- du «milieu»… De plus, sa ligne taurine est à contre-courant.
Orthez ne se veut pas restaurant 4 étoiles avec chasseurs, sommeliers et cuistot à toques, mais halte de campagne à coté de la rivière, avec la «daoune» qui fait une savoureuse cuisine de terroir avec les produits de la tierra. Et quelquefois, quand «lou maiste» passe et lui pince coquinement la fesse, il peut arriver que la garbure soit un peu plus salée…
 
2°) De même, il me semble aberrant de ne tenir aucun compte des critères que la Commission se fixe de façon délibérée et transparente: une lidia complète, notamment la revalorisation du premier tercio, la présentation d’encastes et d’élevages rares ou méconnus, des toros intègres et dans le type. Mais également le souci de conserver des tarifs raisonnables pour que la corrida demeure ouverte à tous.
 
3°) Certains aficionados français ont la mémoire courte: c’est parce quelques rares ruedos comme Orthez se sont battus pour maintenir des toros ou des pratiques différents que le courant amorcé cette année dans les grandes plazas a pu s’initier. Il s’agirait d’apprécier cette différence en se départissant de la vision des toros «actuels» et ne pas demander aux «toros d’Orthez» qu’ils se comportent et soient toréés comme ces derniers.
 
4°)  L’exigence de certains aficionados et de certains commentateurs me paraît souvent paradoxale et parfois outrancière : pour paraphraser Figaro, «Aux vertus qu’on exige dans un torero, Vos Excellences connaissent-elle beaucoup d’aficionados émérites qui fussent dignes de l’être.».
J’entends par là qu’on leur demande d’être toujours à 300%: nous le demandons-nous de même manière ? Et lorsque je lis, comme souvent, des mots définitifs sur tel ou tel maestro (en l'occurrence ROBLEÑO), mots qui s’évaporeront au premier triomphe, je me prends à sourire.
Le triomphe est et doit rester exceptionnel. Il ne saurait être la norme. Quand il n’est pas au rendez-vous, sans que pour autant la journée soit indigne, y a t-il pour autant matière à glapir?
Une dernière réflexion me vient:
En tant qu'organisateur, à partir du moment où un aficionado nous fait l'honneur et l'avantage de venir à Orthez et de soutenir la plaza en y payant sa place, il peut y siffler ou y applaudir autant qu'il lui plait. Peu me chaut et je ne regarde quasiment jamais le public. Pitos ou palmas sont des informations.
En tant qu'aficionado, il me semble qu'il y a l'essentiel (la présentation, l'intégrité des toros, le désir de faire vivre une lidia de qualité, de valoriser le premier tercio, etc.), et le secondaire (musique, oreilles, etc.). Le mieux étant l'ennemi du bien, vouloir être intransigeant pour tout me semble contre-productif, d'autant qu'une bonne moitié du public est composée de néophytes dont il convient de prendre en compte ces désirs secondaires. On ne remplit pas une arène qu'avec des aficionados, et le jour où elle sera désertée par les locaux (qui financent partiellement la chose sur leurs impôts), on sera bien avancés!!!
 
Novillos et toros ont été ce qu’on leur demande d’abord d’être à Orthez: bien présentés, dans le type, forts (plus de 3 piques de moyenne), relativement complets (il y eu des troisièmes tercios).
Le lot de Zaballos m’a paru très intéressant, encasté, mais manquant peut-être de ce zeste de piquant, de cette «chispa» qui lui eût permis d’exploser. Encore eut-il fallu que tous leurs opposants trouvent la mèche ou sachent l’allumer.
Rappelons toutefois que peu de postulants se manifestent devant ce type de bétail et que le jeune Alberto POZO par exemple,  qui mit du cœur à l’ouvrage sans le maîtriser (mais le cœur, l’engagement et l’émotion ne sont-ils pas ce qui manque le plus fans la toreria actuelle), ne compte qu’une demi-douzaine de contrats au compteur depuis l’an dernier. Ceci expliquant et excusant cela.
Le fait est que ces novillos furent largement inemployés et que leurs exigences techniques ne trouvent plus guère d’opposants à même de mettre en valeur leurs superbes embestidas, museau au sol.
Seul Jesus FERNANDEZ sut le faire. En fut-il justement récompensé à son premier novillo?
 
Les Raso de Portillo sortent habituellement en novillada et le mot qui me vient pour les qualifier serait «rustiques» (au coté positif et originel de l’acception).
Il y avait là aussi de quoi faire, car, à part le cinquième que les cuadrillas ne voulaient pas voir (depuis le sorteo de la veille qui s’était prolongé durant 2h), aucun ne présentait de difficulté et tous se prêtaient au jeu, avec sans doute un léger manque de fond. Pour autant, me semble t-il, un lot qui, sans être exceptionnel se situait nettement au dessus de l'ordinaire par sa force, sa présentation, ses qualités morales différentes.
Ils ne se sont pas éteints au fer comme l’année dernière les Vega Teixeira, en dépit d’un tercio de pique conséquent.
 
Je note que le cinquième qui a tant fait jaser ne présentait, de mon point de vue, nul symptôme de difficultés durant les deux tercios  précédant (on se reportera aux vidéos existantes). Sans doute procédait-il de ce que je qualifierais de «toro d’émotion», tel que le premier colorado de Vega Teixeira l’an passé. De ces toros de 4 ou 5 tandas, qui par leur transmission autorisent les triomphes à ceux qui les consentent. Un toro pour Robleño, type de torero guerrier qui apparaît vite fade avec des exemplaires trop pastueños, mais brille dans la difficulté.
Un Fernando Robleño qui ne me paraît mériter en rien l’excès des critiques dont certains l’accablent. La temporada 2012 fut un moment de grâce qu’il peine pour l’heure à renouveler. En termes de contrats, en a-t-il été récompensé comme il eut convenu? Il y a là quelque chose de désespérant! En tous cas, il fut professionnel et honnête, conservons notre confiance à cet homme de pundonor.
Passons charitablement sur Morenito de Aranda qui sut avec maîtrise empocher le sueldo, pour terminer avec Oliva SOTO qui voulut mais ne parvint point, notamment avec le sixième. Il lui manqua toujours les 10 cm qui permettent d’être présent et si le buste souhaitait, les pieds se refusaient de suivre. Il n’est aucunement accoutumé au Santa Coloma. Un pari perdu! Mais faut-il renoncer à vouloir confronter des toreros fins avec des toros encastés?
 
On notera pour le coté pratique:
1°) La durée excessive de la novillada résultant d’une piste défoncée (le vendredi précédant par un spectacle équestre) qu’il a fallu arroser et retracer plusieurs fois, de la difficulté des novilleros et cuadrillas à mettre correctement en suerte pour des tercios de piques qui se sont prolongés, ainsi qu’à la cogida d’Alberto POZO.
2°) Le retard des paseos dus à l’informatique de la billeterie dont l’ordinateur a «flambé» avant la novillada.
3°) Des doubles numérotations de billets (cf 2°).
4°) Un cheval un peu trop lourd.
 
Au final, une journée à mes yeux intéressante, avant tout pour des aficionados affirmés mais qui consacre le paradoxe ortheziens : des toros qui offrent des possibilités souvent inexploitées faute d’opposants motivés ou confirmés. Une journée qui stigmatise une situation actuelle préoccupante où même avec 3 ou 4 contrats, des toreros qui devraient s’engager à fond se permettent des délicatesses de repus. Signe des temps !!!
Des réflexion, des efforts, des améliorations à poursuivre.
6,5/10
On voudra bien excuser les phôtes de style, d’orthografe, de synthaxe et de grandmaire, j’ai beaucoup de difficultés à écrire…
Xavier KLEIN