Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 9 avril 2010

ETHIQUE ET POLITIQUE

Il est rare qu’un problème humain, politique ou social n’ait qu’une cause unique, de même qu’il ne saurait procéder d’une seule solution.
Ce qui peut être vrai en mathématiques, ne l’est quasiment jamais dés que l’humain rentre en jeu.
C’est pourtant ce que l’on tend trop souvent à nous faire croire, et pour être juste, c’est ce que trop souvent nous préférons croire, parce que c’est plus commode et surtout plus confortable.

Ainsi l’esprit humain, faisant fi de la subtilité se satisfait-il volontiers de solutions simples, voire simplistes fondé sur des analyses simples, voire simplistes. Ce penchant prononcé suscite le succès de tous les démagogues, bateleurs culturels ou camelots politiques qui proposent avec un succès toujours renouvelé de raser gratis.
Un autre travers complémentaire consiste contre vents et marées à entretenir l’illusion qu’une solution parfaite puisse exister. Grâce à quoi, on se prépare de solides désillusions, tant qu’on a pas compris qu’un choix doit se fonder sur la loi du moindre inconvénient et que lorsqu’on retient quelque chose, on perd quasiment automatiquement autre chose.
Il s’agit en fait de choisir entre ce que l’on veut privilégier et ce que l’on accepte de sacrifier.
Ces considérations peuvent sembler évidentes et pourtant ne s’imposent nullement dans la vie de tous les jours.
Pour reprendre le thème souvent développé de la «crise taurine» et précisément la question de savoir «Pourquoi les arènes se vident?», l’analyse de la situation mobilise de multiples facteurs qu’il convient d’examiner en évaluant pour chacun d’entre eux la pertinence, l’importance, et la réalité.
Le plus difficile dans cet exercice, est de considérer avec lucidité, c’est à dire sans la surestimer, ni la sous-estimer, la part de responsabilité que l’on porte dans une situation.
En effet, le réflexe inné est de reporter instinctivement la responsabilité sur l’Autre, ce qui évite le désagrément de se questionner.
Ce travers me semble particulièrement développé chez les taurins, qui se distinguent par une propension extrêmement marquée au déni et au report sur l’Autre de toute responsabilité.
Ainsi est-ce quasiment toujours de la faute du «mauvais» toro, du «mauvais» éleveur, du «mauvais» aficionado, du «mauvais» public, du «mauvais» critique, du «mauvais» blog, du «mauvais» «zanti», et quelquefois même du «mauvais» temps.
Il n’est que rarement question des «mauvais» tarifs, des «mauvais» cartels, des «mauvaises» figuras, des «mauvais» subalternes, des «mauvais» apoderados, du «mauvais» toreo moderne, des «mauvaises» stratégies, , et quand on pose la («mauvaise») question on devient cette fois ci un «bon» fossoyeur de la corrida.
J’ai beau me creuser les méninges, je n’arrive pas à trouver le rapport existant entre l’anti-taurisme et la désaffection des arènes. Quand bien même 60% de la population espagnole serait opposée à la tauromachie, cela laisse 40% qui y demeurent favorables, soit ôtés les vieillards, les nourrissons et les grabataires, quelques 15 millions d’ibères, de quoi remplir très largement et au delà, les ruedos d’outre-pyrénées.
Par contre, je saisis parfaitement le rapport entre le prix d’un abono et le revenu d’un chômeur andalou ou français, ceci expliquant cela. Et je doute que la seule proclamation urbi et orbi de la tauromachie «Patrimoine Immatériel de l’humanité» améliore suffisamment leur précarité financière pour qu’ils puissent gaillardement envisager de prendre un abono sol dans les cimes de la Maestranza. De même que je doute que la dite proclamation puisse changer quoique ce soit aux pitoyables exhibitions et prestations des toros dits «modernes» et des figuras qui les dressent, dans les ruedos de ce début de temporada.
Dois-on pousser la cruauté jusqu’à subodorer que le public ne verrait aucune retombée d’une hypothétique baisse de l’I.V.A. (T.V.A. espagnole) sur les spectacles taurins. Pas plus que le consommateur français (ou les salariés du secteur) n’aura vu la couleur de la baisse de la T.V.A. sur la restauration. Les profits des empresas ou/et des apoderados vont grossir, c’est tout.
Comment appelle t-on ce type de logique déjà? Ca commence par un «L», ça se termine par «ISME», et on trouve «IBERAL» au milieu.

Il paraît qu’on peut édifier des murailles infranchissables. La dernière en date s’appelait la ligne MAGINOT, elle a coûté très cher et fut contournée sans problème à la première offensive de la Wehrmacht.
Son promoteur se prénommait André... Fatalitas! Fatalitas!
Dans un précédent article, j’évoquais le mur des spartiates de Leonidas, infiniment plus solide que le rempart des Thermopyles.
L’âme, la force de Sparte résidaient entière dans la fidélité aux lois de Lycurgue («celui qui éloigne les loups») qui méprisait le luxe, la compromission, l’amollissement des mœurs et instaura l’éducation spartiate, toute d’exigence et de rigueur. Les spartiates méprisaient l’argent. Seul l’honneur, le bien public, l’égalité entre les citoyens (réduits aux seuls spartiates il est vrai) et le respect intransigeant des lois leur importait. Tout le contraire de ce qu’on nous propose.
Quand la corrida retournera à ses vrais fondamentaux: des toros qui soient des vrais toros, des toreros qui soient des vrais toreros qui les combattent; quand la qualité reprendra la primeur sur le profit des acteurs; quand le public viendra pour voir et non pour se montrer, quand le sens et le fond prendront de nouveau le pas sur la forme, alors nous n’aurons nul besoin d’arguties, la corrida se défendra d’elle-même, par ses seules vertus.
Elle n’aura besoin ni d’avocats, ni de pregoneros, elle attirera, comme jadis, les artistes et les poètes qui en chanteront les grâces.
Il n’est pas question ici d’une politique mais d’une éthique. Et c’est parce que la tauromachie passe du registre éthique au champ politique qu’elle se voit affaiblie et en conséquence attaquée.

Xavier KLEIN
*

2 commentaires:

el chulo a dit…

totalement d'accord avec toi, sur tous les points.

je maintiens que cette politisation est non seulement une anerie mais la mort annoncée d'une certaine corrida.

à propos d'éthique d'ailleurs, ne penses tu pas qu'il serait intéressant que le organisateurs, surtout non institutionnels, si on peut dire, publient très clairement toutes les exigences de nos figuras, voire même de l'entourage de certains novilleros.

choix des troros, cachets, cartels. dans ce monde si magnifique et transparent, ou tope là vaut contrat, je pense que ce serait intéressant d'éclairer le vulgum pecus tel que moi.

mais peut être ne faut t'il pas froisser nos champions de "leur" ethique.

Xavier KLEIN a dit…

Cher Chulo,
Certes la publication des exigences des toreros ne manquerait nullement d'intérêt. Mais il ne faut pas rêver. L'omerta étant de règle, le transgresseur serait cloué au pilori.