L’objectif du travail présenté aujourd’hui, est d’aborder un sujet qui, a priori, n’a guère inspiré les aficionados tant sur le plan historique que philosophique, ou peut être d’une manière assez confidentielle, et d’en faire ressortir que si la franc-maçonnerie et la tauromachie n’ont rien en commun, leurs histoires, leurs approches rituéliques, leurs symbolismes, leurs visions respectives de la vie et de la mort, ne font que les lier dans le temps et dans l’espace de l’Humanité.
LES PRÉMICES
Ne souhaitant aucunement faire injure à cette respectable assemblée, l’histoire de l’art de Cúchares sera ici volontairement occultée. Il semble toutefois important de souligner que la franc-maçonnerie et la tauromachie ont connu de fortes évolutions aux mêmes périodes de l’histoire, et que leur premier rapprochement
symbolique remonte à quelques millénaires.
A cette époque des hommes détenteurs des secrets des Arts, ont désiré transmettre ces derniers de manière confidentielle, aux seuls initiés, afin qu’ils ne perdent pas leurs forces originelles. C’est ainsi que de multiples courants ont mis en places des écoles et des filiations, fonctionnant avec des rites propres à leurs communautés et composés d’une façon graduelle dans la transmission des connaissances.
Au même moment, les cultes du taureau furent nombreux, le plus connu d’entre tous est celui de Mithra. Culte secret, composé de sept grades, réservé à des initiés qui passaient des ténèbres à la Lumière en mourrant symboliquement pour renaître, le mithriacisme a été qualifié de «franc-maçonnerie de l’Antiquité» par des historiens. Il est à noter que dans l’iconographie, Mithra est souvent placé entre Cautès et Cautopatès, qui sont respectivement sous le Soleil et sous la Lune, ils symbolisent avec leurs torches le jour naissant et le jour finissant. Mithra est positionné en situation intermédiaire, à l’identique du président d’une assemblée de francs-maçons. Cautès, avec sa torche levée, trouve son vis à vis maçonnique avec l’Orateur, ce dernier maintient l’éclairage symbolique par la Loi qu’il représente en étant gardien du règlement. A contrario, la torche baissée de Cautopatès peut être assimilée au Secrétaire, qui consigne les actes des réunions des francs-maçons, représentant ainsi la traçabilité du passé, qui sera enfoui dans la mémoire collective et qui frôlera les ténèbres.
TORERO CÉLEBRE, FRANC-MAÇON ASSIDU, HOMME IMPLIQUÉ
Dans les univers qui nous intéressent aujourd’hui, un torero se distingue non seulement par ses qualités professionnelles, mais aussi par ses implications humanistes. Luis Mazzantini vivait une activité maçonnique, dont les débuts furent bien antérieurs à ses destinées politiciennes.
La lecture du catalogue de l’exposition tauromachique qui s’est tenue à Bayonne en 1979, nous enseigne que l’épée exposée et appartenant au torero, était agrémentée des lettres «J» et «B», présentées dans le texte comme étant les lettres de la franc-maçonnerie. Même si cette définition n’est pas exacte, ces lettres n’en demeurent pas moins l’un des symboles maçonniques, Don Luis marquait ainsi clairement son statut de franc-maçon.
Le capote de paseo du torero, visible au musée taurin de Las Ventas à Madrid, laisse, lui aussi, entrevoir dans les broderies ce qui paraît être une représentation symbolique de son appartenance à la franc-maçonnerie. Les motifs sur le centre de la cape qui se resserrent au niveau de la esclavina del capote, semblent définir une branche d’acacia stylisée, symbole du maître maçon.
Il est avéré que Luis Mazzantini fut reçu le 15 juillet 1882, comme «frère», dans une loge biterroise, au lendemain d’une corrida célébrée dans la ville. À l’occasion de cette visite, Paul Pistre rapporte dans son ouvrage «Francs-maçons du midi», que Don Luis était membre de la Logia Germania n°156 de Madrid. Concernant le Ministère de la Guerre espagnol, qui est en charge des archives de la franc-maçonnerie ibérique, il n’y a à ce jour aucune trace de Mazzantini franc-maçon.
L’histoire de la franc-maçonnerie espagnole, débute réellement en 1868 dans la péninsule avec le soulèvement de Cadix. De cette année jusqu’à celle de 1899, l’on répertorie de multiples obédiences qui regroupent environ un millier de loges. Il est toutefois intéressant de noter que le Gran Oriente Español, fondé en 1889, était composé à la fin du XIXe siècle, de 268 loges, dont 10 aux États-Unis et 41 à Cuba. Deux pays où don Luis séjourna lors de ses activités taurines.
De son passage sur les terres étasuniennes, pays où la franc-maçonnerie dite anglo-saxonne a pignon sur rue, la presse s’en est fait l’écho. Le quotidien «The New York Times» le mentionne dans un numéro du 22 novembre 1886, mais aussi en 1887, où le journal rapporte, dans deux éditions, des corridas mexicaines houleuses du torero dans la cité de San Rafael, en la Colonia de los Arquitectos, (cela ne s’invente pas pour un maître maçon).
Le 21 octobre 1904, encore et toujours le même quotidien new-yorkais consacre un article au torero, qui est présenté comme étant the champion bullfighter of all Spain. Le journaliste précise que le maestro s’en retourne dans la péninsule ibérique pour être candidat à la chambre des députés du district de Madrid. Cette information qui pourrait sembler anodine est importante, car elle nous informe de l’intention de don Luis de se présenter en politique bien avant d’en avoir terminé avec sa carrière de matador.
Il semblerait, si l’on en croit une caricature parue dans un quotidien mexicain de 1904, que le maestro rencontra, lors de ses voyages outre Atlantique, William Jennings Bryan (1860-1925), qui fut candidat à la présidence des États-Unis à trois reprises pour le Parti Démocrate de 1896 à 1908. Ce politicien américain, était presbytérien et franc-maçon, dans la plus pure tradition de la franc-maçonnerie nord américaine.
Don Luis fût une personnalité impliquée en qualité de torero, de franc-maçon, d’homme de la Cité, mais pas uniquement dans la péninsule ibérique. Dans son essai intitulé «Cuba : le sport un droit pour tous», la journaliste Françoise Escarpit mentionne, à propos du «Palais des cris» de la Havane qui ferma ses portes en 1960, que ce bâtiment fut financé par le torero espagnol Luis Mazzantini. Un tel acte en ces terres lointaines peut laisser interrogatif, mais Cuba a toujours eu une grande activité maçonnique et cela encore de nos jours. Cette aide financière pour l’édification d’un bâtiment, a peut être été réalisée en guise de reconnaissance fraternelle, cela n’est pas improbable.
Atypique, Luis Mazzantini y Eguía le fut, en tant que torero, mais aussi que franc-maçon. La composition socio-professionnelle de la franc-maçonnerie espagnole du XIXe siècle, était principalement tournée vers des personnes issues d’un monde où les classes moyennes prédominent, de la petite bourgeoisie… et idéologiquement, les francs-maçons espagnols de cette période étaient des anticléricalistes virulents, républicains purs et durs. Afin de mieux cerner le franc-maçon, il semble un peu hasardeux de tirer des conclusions sur le rite pratiqué en loge par Mazzantini, mais de par les recherches sur l’homme ainsi que ses fréquentations sociétales et politiques, il n’est pas interdit de penser que Don Luis «travaillait » au Rite Écossais Ancien et Accepté. Si cela est le cas, il faut savoir que les francs-maçons espagnols de cette tendance, furent les cibles d’un réel mépris d’une partie de leurs «frères», notamment ceux de la «Grande Loge Symbolique Régionale Catalane» fondée en 1886 sur des idées républicaines avant de sombrer dans le régionalisme.
Les rares fois où il est fait mention de son initiation en franc-maçonnerie, ou bien sur la présentation qui lui est attribuée dans la rubrique extranjeros du site internet du Ministère de l’Intérieur espagnol, il est précisé que don Luis fût «accusé» d’être franc-maçon. Une qualification reprise en ces termes dans une étude sur la tauromachie mexicaine réalisée par María del Carmen Vázquez, qui précise que Don Luis «fue acusado de estar asociado a la masonería» et qu’il alla faire campagne sur le continent américain pour faire oublier en Espagne son intérêt pour ce mouvement philosophique.
Sans adhérer aux raisons soulevées par l’auteur de cette étude, la perception négative de la franc-maçonnerie, les termes «d’accusation», ont peut être incité le torero à une grande discrétion sur son adhésion au mouvement des «enfants de la veuve». Ceci pouvant justifier le manque d’informations sur le parcours maçonnique de Luis Mazzantini.
A SUIVRE
1 commentaire:
Xavier,
C'est quand l'exam?
Ciao
bruno
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