Humeurs taurines et éclectiques

dimanche 28 mars 2010

QUAND LA TAUROMACHIE EST ENVAHIE PAR LA POLITIQUE

Voilà un sujet qu'il est joli!
Voilà un sujet qu'il est tabou!
Voilà une vérité qu'elle est pas bonne à dire!
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Et pourtant, si l'on se retourne avec un peu de lucidité sur l'actualité taurine de ses dernières années, on ne peut que se résoudre à l'amer constat de l'emprise croissante du politique sur la tauromachie.
Cela a certes toujours été.
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Depuis que le monde est monde le politique a toujours instrumentalisé (ou tenté de le faire) le culturel et tout spécialement l'artistique.
Que ce soient les pyramides, instruments du pouvoir pharaonique, le Parthénon, instrument du pouvoir athénien, le Bolchoï, instrument du pouvoir soviétique, Arno Breker ou Leni Riefenstahl, instruments du pouvoir national-socialiste, l'art a toujours été un puissant vecteur de la propagande politique.
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Il en va de même pour le sport. Il n'est que de voir les débats entrainés par les sifflets de la Marseillaise dans les stades, sifflets qui ont été l'un des arguments de l'émergence du débat sur l'identité nationale.
Pourquoi la tauromachie y échapperait-elle?
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Sans entrer dans le débat sûrement passionnant de l'instrumentalisation de la tauromachie par le franquisme, il paraît évident que le politique constitue l'arrière plan du débat actuel en Espagne.
Que ce soit en Catalogne, ou dans la société espagnole, la tauromachie, A TORT OU A RAISON, porte une forte charge politique. Une charge politique, A TORT OU A RAISON, connotée conservatrice.
Est-ce si étonnant?
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Un blog ami éditait récemment les courriers adressés par Dominguin à Franco pour boycotter les toreros mexicains. Toute l'argumentation, toute l'expression de ces écrits s'avéraient fondamentalement politiques.
L'ensemble du mundillo taurin espagnol, depuis les ganaderos jusqu'aux empresas ou aux apoderados, ne se distingue pas particulièrement par des options anarcho-syndicalistes, c'est le moins qu'on puisse dire.
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L'une des constantes des conservateurs et des gens de droite est en général le déni du politique. Le «- Je ne fais pas de politique» ou le «- Il ne faut pas voir la politique partout.» est typiquement un discours de droite, et je ne doute pas que le présent propos ne manquera pas de heurter quelques âmes sensibles qui verront là une raison supplémentaire de me vilipender.
Il n'en demeure pas moins, qu'A TORT OU A RAISON, la perception de la tauromachie par les masses espagnoles est intimement liée au franquisme, et qu'à mon sens, sa désaffection est également liée à un rejet de cette connotation franquiste. Pas seulement, bien sûr, mais fortement sans aucun doute.
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Toute l'organisation de l'activité taurine et toute son évolution actuelle portent la marque de ce mouvement politico-économique qu'est le libéralisme, ou de ce que nous nommons en France l'ultra ou le néo libéralisme.
Tous les instruments et critères d'évaluation de l'activité taurine procèdent désormais du langage économique libéral. On parle marché et taux (de remplissage ou de toréabilité...) quand l'on évaluait jadis une temporada avec d'autres critères uniquement qualitatifs et purement taurins. Tout cela, il faut être aveugle pour ne pas le voir.
Le problème (mais il faudrait dire LES problèmeS), tient à l'inconciliabilité des démarches d'une activité traditionnelle et d'une logique économique moderne et importée.
Pour prendre un exemple, la logique d'un ganadero est une logique terrienne avec des processus de long terme. Celle du marché moderne libéral est la logique d'un rendement maximum à court terme, quelle qu'en soit les conséquences sur le long terme.
Peu importe à nos libéraux de «crever la bête» pourvu que l'on engrange un maximum tant qu'on le peut: après eux le déluge...
Est-il besoin d'expliciter? Les évènements récents de gestion de la crise, et notamment le comportement des banques sont limpides.
La hausse insensée des cachets des figuras, celle non moins suicidaire du prix des places ou des abonos alimentent la déconnexion entre la tauromachie et une assise populaire qui fonde sa légitimité et donc sa survie.
A Madrid les abonos sont achetés par des entreprises pour leurs clients, à Dax, Arles ou Nîmes ils sont vendus à une clientèle exogène qui alimente généreusement l'économie locale.
L'objectif n'est donc plus la tauromachie elle-même mais les profits directs (vente des places) ou indirects (retombées touristiques) générés.
Une posture autrefois annexe tant qu'elle ne remettait pas en cause le contenu, mais devenue aujourd'hui centrale parce que l'impératif économique veut maintenant dicter sa loi à l'exigence taurine.
La programmation et le contenu, et tout le processus de production avec, s'adaptent maintenant à cette exigence d'un public néophyte, passager et déculturé taurinement. Un public uniquement jouisseur qui se contrefout de l'éthique ou de la tradition. De culture populaire, la tauromachie passe à la distraction de masse, un bémol pour nos hommes d'affaires.
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Cela, C'EST DE LA POLITIQUE...
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Comment s'étonner que la population se détourne alors d'une activité qui n'est plus que lucrative, et profite à un lobby qui ne la gère que pour se remplir les poches? Comment s'étonner aussi qu'une partie de l'aficion ne veuille plus cautionner ni cette dérive, ni les arguties qui visent à la justifier?
On peut défendre un rituel qui porte un sens, on ne défendra pas une opération financière dont l'objectif réel est que quelques uns se gavent, en demandant aux copains de les soutenir aux noms des «valeurs taurines».
Nous en sommes pourtant là.
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Il convient également de préciser que la situation ne se pose pas dans les mêmes termes en France. Si en Espagne, le fait tauromachique est identifié, A TORT OU A RAISON, comme l'émanation d'un pouvoir centralisateur, en France la relation est exactement inverse.
C'est au nom des libertés et identités locales que le sud français défend sa culture taurine. Un sud rose, traditionnellement frondeur, de culture «radsoc», surtout dans le sud-ouest où l'organisation des corridas échappe en grande partie aux grands capitaines d'industrie taurine. Une organisation et une conception de la tauromachie qui expliquent grandement que s'y élaborent et s'y cultivent les résistances aux évolutions actuelles. Ce sud là constitue la Terre Promise des puristes espagnols, qu'ils soient aficionados ou ganaderos.
Il est donc étonnant et paradoxal que cette France taurine rebelle, gauloise et cartésienne, consente d'entretenir comme tête de proue, un avocat déclaré et sans complexe de cette évolution vers des logiques politico-économiques.
Car il faut être profondément autiste, ou complètement demeuré pour ne pas discerner que le discours martelé régulièrement par André VIARD est un discours essentiellement politique qui distille en sous-main, sans en avoir l'air, les valeurs du libéralisme le plus débridé.
André VIARD, caudillo de l'Observatoire FAIT DE LA POLITIQUE.
Quand il s'adresse au Sénat espagnol pour y développer ses analyses, il FAIT DE LA POLITIQUE («ce n'est pas au spectacle taurin de s'adapter aux exigences d'un règlement inadapté, mais au règlement d'être conçu en fonction des besoins du spectacle que nous souhaitons produire.»). Comme quand il discute avec le gouvernement français, tout disposé à sacrifier l'entrée des mineurs aux arènes.
Quand il soutient la cause des grandes empresas françaises, il FAIT DE LA POLITIQUE, comme quand il développe un discours néo libéral sur le marché taurin et son inéluctable évolution vers des fonctionnements authentiquement libéraux, dictés par les marchés .
Tout le substrat de son argumentation, tout l'arrière plan de son message, sont imprégnés d'une idéologie souvent malodorante qui flirte avec les courants les plus réactionnaires de l'Espagne franquiste.
Cauteleux, VIARD nous vend sans complexe du "Partido Popular" et de "l'A.B.C." exaltant éditorial après éditorial, les mérites des positions des uns et l'infamie supposée des autres (P.S.E.) taxés de mollesse ou d'indécision.
Traditionnellement en France, la tauromachie est plutôt le lieu de fédération et de rencontre des horizons politiques. On n'y connait pas de toros de droite ou de gauche. Tout au plus la naturelle est-elle plus considérée que le derechazos.
Certes, dans certaines villes, l'orientation taurine se constitue en affaire d'état qui peut influer sur le résultat des élections municipales. Mais dans le fond cela reste anecdotique et même folklorique, et personne de quelque bord qu'il se situe ne souhaite vraiment une confusion des genres.
C'est pourquoi il est choquant et dangereux que le discours de celui qui devrait être le fédérateur maximo introduise des conflits qui ne devraient pas être.
Beaucoup ne supportent plus que l'on nous assène régulièrement, sous couvert de vérités taurines révélées des propos qui ne sont en fait qu'une propagande éhontée pour des thèses POLITIQUES et ECONOMIQUES qu'ils combattent comme citoyens, militants ou élus.
Le journaliste VIARD a parfaitement le droit de les exprimer.
Le président de l'O.N.C.T. devrait se l'interdire parce que nombre de ses mandants ne les partagent pas.
Il est grand temps d'appeler un chat, un chat.
Il est aussi grand temps d'interpeller non seulement l'O.N.C.T. mais aussi les "instances" qui le constituent: CAUTIONNEZ-VOUS DES DISCOURS PARTISANS ET POLITIQUEMENT ENGAGES QUI NE PEUVENT QUE SEMER LA DISCORDE?
C'est une problématique qui ne manquera pas de titiller non seulement les aficionados de base, mais aussi les élus au sein de l'U.V.T.F., nous y veillerons.
La politique ne doit pas devenir un enjeu diviseur de l'aficion française!
Xavier KLEIN

A lire également: http://leciegonaimepaslesgens.blogspot.com/2010/03/le-bel-abel-et-le-cain-caha-fait-rien.html

http://sites.google.com/site/toroaficion/cronicas-de-hoy/10-las-ventas-28-3

http://torear.blogspot.com/2010/03/tras-la-corrida-de-ayer-en-madrid.html

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7 commentaires:

Frédéric a dit…

Tout à fait d'accord avec toi, cher Xavier. Suite à la défection de la pena arlésienne, il me paraitrait intéréssant de sensibiliser la fédération des sociétés taurines sur les propos de celui qu'elle héberge sur son site. Mr Merlin, ayant à juste titre une réputation d'intégrité , il serait surprenant qu'il cautionne de tels propos. Et pourquoi pas ne pas prolonger cette action par une pétition ?
Frédéric

pedrito a dit…

Merlin: il est pas mort?

el chulo a dit…

il faudra m'expliquer, mais est ce nécessaire, pourquoi le formidable article auquel je fais allusion a disparu.

me cago!!!!
censurerait t'on?

Jean-Paul Richier a dit…

Il ne reste plus au Caudillo qu'à transformer l'Observatouare Nacional des Kultures Tôrines en un bel et bon parti politique (je suggère « Corrida, Plaza, Novillada et Tauromachie ») pour offrir son alliance à l'Union pour la Minorité Patronale d'ici les cantonales de 2011.
Attention, hein, on est pas des bêtes : sous réserve que Nicolas Premier s'engage à soutenir la candidature à l'U-NES-CO !

A propos de politique, êtes-vous au courant de la liste truquée d'élus français que l'ONCT a fait parvenir aux députés catalans en décembre dernier, pour leur demander de refuser la prohibition ?
Heureusement que les médias font en sorte de ne pas allumer la mèche, y en a qui seraient déboulonnés pour moins que ça...

Xavier KLEIN a dit…

A Chulo,
Quel article? Qui censure?

A Pedrito,
Au dernière nouvelles Monsieur Merlin continuerait à nous enchanter (oui euh elle est facile...)
Peut être que Monsieur Merlin est très abattu (plus subtil...).

A J.P. RICHIER,
Cette histoire de liste truquée est un vrai scandale si elle s'avère. Et dénote bien un certain état d'esprit que nous dénonçons ici. Toutefois, pourquoi ne débouche t-elle pas sur dépot de plainte si l'affaire est aussi claire?
On peut censurer l'info, il est plus difficile de circonvenir un procureur.

el chulo a dit…

l'article du jeune homme que je signalais chez mariou, dans mon mail,tout à fait remarquable sur l'ABC.

pas ici non, certes!

excuse pour la confusion.

abrazo

Frédéric a dit…

Visiblement le gourou de Terres Taurines n'a pas apprécié nos remarques.
Au fait, quelqu'un savait qu'il était aficionado ????
Frédéric.