Humeurs taurines et éclectiques

samedi 20 mars 2010

JE SUIS UN FILS DE CAÏN

Détail de "Bull Shares" d'Alec Parker

C'est Carême.

Pour les catholiques, un temps de remise en cause, d'examen de soi, de recentrage sur l'essentiel.

J'avais pourtant pris de bonnes résolutions...

Prendre de la distance ou mieux de la hauteur, se soustraire au ressentiment, retrouver le sourire et l'humour face aux turpitudes, passer outre, renouer non pas avec ce mot si creux qu'est le bonheur, mais simplement avec la joie...
On se fait à l'idée que la bêtise et l'outrance sont sans limites, la connerie insondable, l'ignominie omniprésente, et qu'après tout, il en a toujours été ainsi, et qu'il vaut mieux s'en accommoder.
De bonnes résolutions quoi! On re-solutionne, on se résout à...
Si personne ou presque ne jeûne plus, l'abstinence est carré(me)ment devenue un mot abscons.
On ne s'abstient surtout pas de descendre encore d'un cran dans la couillonnade.
On pensait avoir touché le fond. Mais non! Les «cousteau» du crétinisme ambiant franchissent toujours des records de profondeur abyssaux.
Passe encore qu'ils ajoutent à leur polyvalence (toreros, boxeurs, universitaires, journalistes, observateurs, présidents) un brevet autodécerné de théologie, en évoquant à contre-sens Caïn et Abel (http://www.terrestaurines.com/forum/actus/01-03-10/11-03-102.php), on est toujours dans le comique troupier. Mais leur désir forcené d'exister les pousse à des extrémités qui laissent pantois ou rêveurs selon que l'on est optimiste ou poète.
La dernier record en date du Guinness de l'imbécilité taurine se niche dans un de ces éditoriaux (http://www.terrestaurines.com/forum/actus/01-03-10/20-03-102.php) aussi vides de sens que remplis de mots creux qui prétendent en dix lignes préciser par touches impressionnistes les canons de la nouvelle tauromachie (LES ALÉAS DU PROGRÉS).
Fini le vieux langage! Terminées les subtiles définitions qui alimentaient les débats hivernaux des aficionado! Mortes les imprécisions! On ne cause plus qu'en termes libéralo-économico-taurins.
Au terme d'une longue et douloureuse gestation, on parlera «client», «marché» et surtout «TAUX DE TOREABILITE»
Il fallait oser!
Mais tant qu'à se vautrer dans le ridicule, autant y aller de bon coeur, deuxième couche: «[...] le plus important pour la qualité du spectacle est que le toro bouge et qu'il ne tombe pas. Pour cela, il est recommandé qu'il n'humilie pas trop, chacun sachant bien que tête en bas le toro dure moins et est plus fragile. D'où la recherche particulière dans laquelle Alvaro Nunnez s'est lancé, laquelle a pour objet de produire un toro qui embiste à mi hauteur. Le taux impressionnant de réussite de ses camadas semble lui donner raison [...]»
Troisième salve: «Cette limite, entre le "correctement toréable" et l'âpreté, Nuñez del Cuvillo l'a franchie hier dans plusieurs de ses toros, le cinquième surtout, auquel Sébastien Castella a fait front avec panache, chacun dans l'arène ayant compris que quelque chose se passait. Ce quelque chose était évident au regard du danger palpable contenu dans chacune des embestidas dont l'imprévisibilité rendait la faena improbable.» Après le politiquement correct, le «correctement toréable»
Bouquet final: «S'il avait correctement tué, Castella aurait coupé les deux oreilles de ce TORO INCOMMODE» et de revenir aux statistiques: «Mais la question qui se pose est de savoir quel pourcentage de toros semblables à celui-ci les figuras vont-elles tolérer dans les camadas de Nuñez del Cuvillo avant de s'en détourner?». Question lancinante en effet.
Pas un mot de condamnation ou même d'étonnement! Pas la plus petite indignation devant ce faire part de décès de l'âme même de la tauromachie!
Le toro moderne doit être COMMODE, CORRECTEMENT TOREABLE, NE PAS HUMILIER pour DURER, et surtout avoir un fort TAUX DE TOREABILITE.
Comme dit la publicité: «Décidément nous n'avons pas les mêmes valeurs...»
Don Joël Bartolotti l'Atrabilaire, Grand Maître des dernières valeurs du Temple, protecteur des lieux saints (Vic, Céret, Bilbao, Pampelune), doit se retourner dans sa cote de maille et affuter un glaive vengeur pour témoigner encore, dans un de ces combats sans issues, de l'honneur de la «chevalerie taurine».
Le jour où les derniers moines-guerriers épris d'idéal comme lui, auront péri sur les buchers des vanités entretenus par l'inquisiteur de Vieux Boucau, on se mettra à chercher leur trésor.
Ce ne sera ni un Graal, ni de l'or, ni de l'argent, ni quelque pierre philosophale.
Ce trésor à jamais disparu sera tout simplement ce qu'on appelle, encore pour peu de temps certes au train où vont les choses, UN TORO DE COMBAT.
Les temps héroïques s'achèvent, voici venu le temps des épiciers.

Xavier KLEIN

1 commentaire:

Bernard a dit…

Xavier,

Comme je sais que chez toi on peut rigoler en vrai, je soumets à ta sagacité le raisonnement suivant: le Savonarole du Vieux Boucau paraissant formuler l'hypothèse sérieuse d'un lien entre "toréabilité" et "embiste à mi-hauteur" - et lien de cause à effet (embestir à mi-hauteur conditionnerait un bon taux de toréabilité), je propose qu'on aille plus loin dans la précision, dans la matérialisation de ce lien, en se livrant désormais à la mesure précise - chez le toro (éventuellement "de combat" mais c'est pas obligé) - de l'angle que fait la ligne du dos avec celle du cou, afin d'approcher au plus près la bonne position de la tête baissée condition d'une bonne toréabilité: ainsi, plutôt que de sélectionner au campo et au petit bonheur la (mauvaise) chance de tirer un intoréable, après avoir mesuré cet angle (ce qui suppose qu'on s'est approché suffisamment du toro après lui en avoir demandé la permission), il suffit d'en comparer la mesure avec les valeurs figurant dans une table de conversion préalablement établie - et de ne sélectionner donc que les toros qui ont le bon angle (un peu comme d'autres, acteurs, possèdent d'emblée le bon profil); sans compter que tous ceux des toros qui persistent dans leur mauvais angle, et plus encore ceux qui montrent facheusement une tendance à ouvrir un angle "sur le côté", peuvent ainsi être pertinemment répérés et très tôt (pas besoin de se décarcasser à les garder au chaud pendant 4 ans!), et dès lors être envoyés aussi tôt "à la saucisse"...

Et là, je me demande bien un peu comment on pourra (et qui) mesurer avec une précision suffisante "l'angle de toréabilité" des 6 fils de Dolores que tu as eu l'outrecuidance de convoquer aux arènes d'Orthez pour le 25 juillet prochain!... Mais il s'agit d'incommensurables (de hors sujet en quelque sorte) - qui donc ne se peuvent mesurer!

Suerte - Bernard