Notre ami Bernard GRANDCHAMP objecte et complète:
Tout d'abord, sur ta présentation quelque peu dialectique de la corrida –et donc du toreo– comme confrontation entre ''nature'' (le toro) et ''culture'' (le torero), je ne te rejoindrai pas tout à fait.
En effet, s'agissant du toro, il me semble qu'il vaudrait mieux parler de ''nature acculturée'', c'est à dire de plus en plus comme canalisée vers l'usage qu'en a peu à peu décidé l'homme espagnol par le moyen d'une forme d'élevage née au XVIIIe siècle, élevage d'ailleurs concomitant de la codification de la corrida elle-même (et cette concomitance entre élevage du toro et codification de son ''utilisation'' publique n'est pas du tout fortuite!).
Certes, cet élevage s'est –du moins jusqu'à présent– plus ou moins appliqué à conserver voire préserver chez le toro des caractères comportementaux de ''sauvagerie'', c'est à dire de ''naturel'' (que nous appelons par convention ''bravoure'', ''caste''), en tant que cette ''nature sauvage'' a été de longtemps observée comme constitutive de la combativité du toro et en particulier de son aptitude à ''charger'' quiconque se trouve sur son chemin.
Certes, cet élevage s'est –du moins jusqu'à présent– plus ou moins appliqué à conserver voire préserver chez le toro des caractères comportementaux de ''sauvagerie'', c'est à dire de ''naturel'' (que nous appelons par convention ''bravoure'', ''caste''), en tant que cette ''nature sauvage'' a été de longtemps observée comme constitutive de la combativité du toro et en particulier de son aptitude à ''charger'' quiconque se trouve sur son chemin.
Il n'empêche qu'il y a élevage dans l'exacte mesure où l'homme se mêle d'intervenir –si peu que ce soit– sur et dans la génétique hasardeuse par laquelle le toro s'est reproduit durant des millénaires avant que l'homme ne s'intéresse à son sort: après tout, ce que nous appelons un ''encaste'', qu'est-ce sinon une lignée génétique (plus ou moins stable)?...
En second lieu –et là je te rejoins complètement– pour qu'il y ait combat et toreo entendu comme ensemble de techniques développées par l'homme à l'occasion de ce combat, il est indispensable qu'il y ait ''confrontation conflictuelle'', au point que l'association de ces deux mots me paraît –à elle seule– une bonne définition de la corrida!...
En second lieu –et là je te rejoins complètement– pour qu'il y ait combat et toreo entendu comme ensemble de techniques développées par l'homme à l'occasion de ce combat, il est indispensable qu'il y ait ''confrontation conflictuelle'', au point que l'association de ces deux mots me paraît –à elle seule– une bonne définition de la corrida!...
Car, s'il n'y a pas (ou plus) conflit, alors notre DD national (parce qu'il est président d'un observatoire national) a raison: le règlement (le rituel codifié) doit s'adapter au marché (la demande du public).
Or, chacun sait que le marché est tout sauf conflictuel, et même volontiers apaisé, courtois, gentil (zenti jusqu'aux ''zantis'')...
Dès lors, pour qu'il y ait combat, il est nécessaire de préserver cette conflictualité comme condition nécessaire. Mais celle-ci ne peut provenir que de la préservation de la ''combativité'' (''bravoure'', ''caste'', ''chispa'') du toro, afin que la corrida demeure cette fiesta brava, si justement chantée par Escamillo dans Carmen comme ''la fête du courage et des gens de coeur''!...
A moins que, dans notre humanité occidentale post-moderne et pacifiée, ces mots même de ''courage'' et de ''gens de coeur'' n'aient tout simplement plus cours, tels une monnaie ancienne non tant dévaluée que devenue sans valeur d'usage...
S'il devait en être ainsi –et loin de nous toute forme de déploration-, outre que le cheptel bravo s'en irait inexorablement vers un formatage de plus en plus poussé avec ''toréabilité'' à la clé (''toréable'' comme ailleurs on dit ''bancable'', ce qui se dit ''taquillero''), s'il advenait qu'un toro –par hasard génétique échappé des mailles du filet– sorte moins toréable (bronco, tardo, gazapon, manso...), quel homme (torero) serait capable de le toréer, de le lidier en vertu de l'adage ''a cada toro su lidia''?
S'il devait en être ainsi –et loin de nous toute forme de déploration-, outre que le cheptel bravo s'en irait inexorablement vers un formatage de plus en plus poussé avec ''toréabilité'' à la clé (''toréable'' comme ailleurs on dit ''bancable'', ce qui se dit ''taquillero''), s'il advenait qu'un toro –par hasard génétique échappé des mailles du filet– sorte moins toréable (bronco, tardo, gazapon, manso...), quel homme (torero) serait capable de le toréer, de le lidier en vertu de l'adage ''a cada toro su lidia''?
Car, en toute logique (celle si humaine du ''à quoi bon se décarcasser?''), s'il n'y a bientôt plus qu'une sorte de toro (le ''toréable'' sélectionné tel dès le ventre de sa mère, voire dès sa mère elle-même), il n'y aura plus besoin que d'une seule sorte de technique, puisqu'il n'y aura plus qu'une sorte de lidia.
Et, cela s'accompagnera immanquablement –et via en particulier les ''écoles taurines' – en sus d'une standardisation des techniques, d'une perte de savoir-faire par perte des occasions de l'utiliser (n'importe quel apprentissage, s'il n'est pas utilisé suffisamment pour entretenir le ''savoir-faire'', finit par se perdre).
On peut même ajouter qu'un tel toro, différent car différant par son comportement, bien plus que ne pas être lidié comme il eût dû l'être, risque de ne même pas être ''vu'' , au sens de ''compris'' dans son identité propre (le ''su'' de ''a cada toro su lidia''), cette ''compréhension'' qui dans un combat d'égal à égal vaut ''reconnaissance'' et ''respect''...
En plus, cette perte probable de ''savoir-faire'' – entraînant une perte de ''savoir-voir''– de la part des toreros, risquerait de s'accompagner chez nombre d'aficionados aussi d'une perte de ''savoir-voir'': qu'un toro ''marginal'' vienne à sortir, les humains toreros ne sauraient plus ''voir'' ce toro par perte de savoir-faire, savoir-faire que d'ailleurs les humains aficionados ne sauraient eux-mêmes plus ''voir'' comme savoir-faire pertinent: les uns ne sauraient plus ''comprendre'' ce que les autres ne sauraient plus ''faire''!...
Espérons –"Dieu fasse'' comme l'écrivait PEGUY– qu'alors, outre quelques vieux souvenirs, nous ayons conservé aussi quelques vieilles bouteilles de caste pour les y noyer...
Suerte para todos.
En plus, cette perte probable de ''savoir-faire'' – entraînant une perte de ''savoir-voir''– de la part des toreros, risquerait de s'accompagner chez nombre d'aficionados aussi d'une perte de ''savoir-voir'': qu'un toro ''marginal'' vienne à sortir, les humains toreros ne sauraient plus ''voir'' ce toro par perte de savoir-faire, savoir-faire que d'ailleurs les humains aficionados ne sauraient eux-mêmes plus ''voir'' comme savoir-faire pertinent: les uns ne sauraient plus ''comprendre'' ce que les autres ne sauraient plus ''faire''!...
Espérons –"Dieu fasse'' comme l'écrivait PEGUY– qu'alors, outre quelques vieux souvenirs, nous ayons conservé aussi quelques vieilles bouteilles de caste pour les y noyer...
Suerte para todos.
Bernard
Précision: Entièrement d'accord avec toi Bernard. Cependant quand j'évoque l'opposition nature-culture, il s'agit d'une opposition du champ du SYMBOLIQUE et je te suis (et te précède) parfaitement irréaliste pour les raisons que tu développes très justement.
Le toro est un ANIMAL DOMESTIQUE, c'est évident, mais créé et "évolué" pour incarner l'idée que se font les humains de la "naturalité". Il est donc une représentation d'une nature mythifiée et complètement artificielle.
Infiniment plus complexe et dirai-je ambiguë, est l'autre terme de CULTURE.
En effet, je postule que l'Homme moderne vient aux toros pour retrouver SA PROPRE NATURE, celle qui est dissimulée sous les conventions, l'éducation, etc. Une nature nietzchéenne qui englobe le désir de puissance et tous ses attributs...
Mais cela est une autre histoire, sujet d'un travail que je mène depuis des mois en espérant pouvoir le terminer pour le publier un jour, si Dieu veut!
7 commentaires:
culture,
nature,
liberaliture,
pognonilture,
nouveau fascisture,
laissons donc la culture ou elle doit être, dans les tripes de hommes et non dans des représentations pseudo héroiques qui rappellent bien d'autres choses.
et non plus ne confondons ni usage, ni folklore, ni culture.
la corrida joue sur tous les registres, surtout vue des exterieurs conquérants.
la "chispa" ne peut naître que d'un alea associé à un improbable et fragile talent, tout comme l'art.
or, c'est précisément l'alea, la divine surprise, qu'on s'emploie à éliminer par la sélection, avec cette étrange justification que les toros peuvent tuer encore!
la preuve, tomas!
qui n'est pas mort, heureusement!
la culture pouvait s'exprimer, si on lui associe une dimension artistique, ce qui est loin d'être prouvé par lorca, les chamaco, et les derniers gitans.
je pense qu'ils sont dépassés par des stakanovistes de l'euro, bref, enfin des gens sérieux.
le plus triste étant d'associer culture à des gens sérieux financièrement.
comme en bien d'autres domaines, ils ont gagné.
Chulo ami,
Heureusement que JT n'est pas mort (!), sinon ces pauvres "toridiots" s'en seraient encore pris une ration dans la génétique (comme d'autres dans les gencives!): je pense qu'il est grand temps de se pencher sérieusement (!) sur l'obtention de futurs toros-OGM sans cornes (l'afeitado, c'est jamais que de l'artisanat)...
Je précise, à l'attention des esprits chagrins - dont tu n'es pas, Dieu merci! - que tout ce qui vient d'être écrit... n'est pas sérieux!
Abrazo muy fuerte (ça se dit?) - Bernard
ami bernard,
je me demande vraiment si tout celà vaut la peine.
Oula, oula, ça déprimerait chez messieurs les hommes?
Non, non, Xavier,
C'est pas de la déprime!... C'est juste qu'on se demandait en fait comment tu allais faire, maintenant qu'il est ressuscité, si des fois tu voulais mettre JT devant tes Dolores du 25 juillet!... Parce qu'au prix d'une résurrection - on en sait quelque chose depuis à peu près 2000 ans, il te resterait plus qu'a attaquer (au moins) une banque!... C'est pour ça que Chulo a dit "je me demande vraiment si tout cela vaut la peine"... Enfin, c'était juste pour parler...
Ad majorem Dei gloriam - Bernard
Justement, il s'était proposé pour un remplacement de dernière minute à des tarifs pourtant abordables (remise de 50%, renoncement au treizième mois).
Mais en ce moment il n'a guère de veine.
Deo gracias.
j'ai mangé un bon confit à midi, d'excellentes frites et bu un très estimable vin de loire.
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