Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 21 mai 2010

Qu’est-ce que le bon toreo? FIN

«Et le combat cessa faute de combattants»

L’actualité récente avec cette novillada de Moreno de Silva où 2 toros rentrèrent vivant au toril vient à point pour illustrer la fin de notre propos.
Il faut noter que si l’on en croit les réactions à cet événement, une prise de conscience semble se faire jour. Les articles d’André VIARD (ceux du 19, du 20 et surtout du 18 mai
http://www.terrestaurines.com/forum/actus/01-05-10/18-05-102.php) sont à cet égard éloquents, et je souscris presque entièrement à ses propos.

La problématique du toro et celle du toreo sont intimement liées. C’est une évidence apparente que de le relever, sauf qu’on en tire rarement la logique et toutes les conséquences.
1°) C’est parce qu’on se dirige vers un toreo unique que l’on se dirige également vers le mono-encaste jpédien.
2°) La lidia du toro, en tant que science et technique de résolution des problèmes posés par la DIVERSITE des toros est non seulement en train de disparaître de facto, mais plus grave de spirito. C’est à dire que les nouvelles générations de toreros n’en comprennent plus ni le sens, ni l’utilité.
3°) On aimerait qu'A. VIARD ne se contente pas seulement du constat fataliste de la chose (constat qu’il commence à admettre), mais se questionne également sur les CAUSES. Causes qu’il ne peut écarter d'un revers de manche sous les seuls arguments du «goût du public» ou de l’évolution du «marché», sachant pour employer la même dialectique que lui, qu’autant le goût que le marché sont déterminés par l’appareil de production et surtout les medias.
Les modes sont lancées par tout le monde sauf par les consommateurs.
4°) Qu’il importe que reconnaissant l’importance du phénomène, les principaux acteurs de cette formation du goût, c’est à dire les medias, prennent la pleine mesure de leurs responsabilités et fassent œuvre de pédagogie et de valorisation de «l’autre tauromachie».

Il est absolument indispensable dans cette perspective d’apprendre au public à DISCERNER et à replacer dans le contexte, y compris dans le «clan» torista, où l’on veut trop souvent que des toros complexes soient toréés comme les toros «modernes».
A ce sujet, j’assistais dernièrement à une tienta.
Sur les deux toreros présents, l’un a lidié en prenant d'emblée en compte la complexité de ses adversaires, commençant par châtier et intéresser, puis toréant comme il convenait en «marchant» et en S’ADAPTANT. Ce faisant, il a mis en valeur les qualités de ses vaches, la longueur de leur charge, leur embista, l’explosion d’une caste difficile à endiguer. L’autre a voulu «toréer moderne» en liant sur place, non pas les passes que les vaches nécessitaient, mais celles qu’il rêvait de leur servir: il s’est fait "bouffer tout cru".
Si ce garçon est intelligent, il se dira qu’il n’a pas résolu le problème et se remettra en cause.
S’il est obtus, cela aura été de la faute d’un mauvais bétail (cf. réactions du sieur Paco Chaves à Madrid: "No pasa nada, salgo con moral y yo lo que busco es una tauromaquia de profundidad y de querer torear bien y con ésto es imposible", para quien "ganaderías de éstas no debían ni de existir o por lo menos si existen que no exijan pegar un muletazo a un toro sino andar con ellos.").

Le bon toreo est le toreo qui résout les problèmes posés par le toro, quels que soient ces problèmes, quel que soit le toro. Le succès ou le triomphe, c’est autre chose.
Cela suppose un public, des présidences et des journalistes éclairés et «sachants».
Si un toro n’a que 10 muletazos dans le ventre et que le torero les tire, IL A BIEN TOREE.
Si un torero se confronte à des toros difficiles, il faut tenir compte de cette difficulté dans l’appréciation de sa prestation et l’attribution des trophées.
Une ou deux séries tirées sur une corne a priori impossible, après un travail de brega, constituent objectivement un exploit.
Je suis souvent en désaccord avec des copains présidents à qui vous demandez pourquoi ils n’ont pas attribué de trophées après des faenas valeureuses et méritoires qui vous répondent: «Le public ne les demandaient pas et le toro ne permettait pas…».
Mais si! mais si! le toro permettait: il a permis «cela», par l’art et la science du torero. C’est un exploit autrement plus louable que les cent passes données à une trottinette, sanctionnées par une queue.
Continuons avec le Cid de Corneille «A vaincre sans péril on triomphe sans gloire», maxime qui ne semble plus d’actualité, puisque c’est l’attitude contraire qui semble le mot d’ordre de nos temps: moins il y a de péril, plus on triomphe !
Le mal est profond. Il s’instaure dès les novilladas non piquées où, par empathie mal comprise –l’enfer est pavé de bonnes intentions- on survalorise la moindre prestation d’un gamin, le dupant, et sur ce qu’il fait, et sur ce qu’il vaut, l’incitant à la facilité et à la superficialité, plutôt qu’à l’ascèse du travail et du «vingt fois sur le métier…».
Et quand on fait remarquer ces travers, on s’attire immanquablement les foudres des aficionados «bienveillants» qui laisseront choir trois ans plus tard, sans mémoire et sans remords, le cher garçon désabusé, irrémédiablement tombé de son petit nuage.
La lidia s’apprend. Il n’est que de l’enseigner et de la mettre en valeur.
Cela sous-entend des formateurs compétents, des publics exigeants et informés, des présidences éclairées, des journalistes pédagogues et objectifs.
Quand on sortira de l’idéologie et de la défense des intérêts à court terme du mundillo, on pourra espérer une évolution positive.
Mon rêve est de revoir un jour 10 passes sincères, engagées et techniques mieux appréciées et récompensées qu’une faena tapageuse de 100 «passages» de camelote.
Car c'est le fond du problème, il y a des PASSES et des PASSAGES.
C’est dire s’il y a du pain sur la planche!
Xavier KLEIN

4 commentaires:

Bernard a dit…

Mon cher Xavier,

CQFD... Et, oui au "toreo en marchant" - ce toreo "de jambes" si justement pratiqué par le grand Espla et qui le fit plus qu'à son tour taxer de roublardise!...

Et, oui aussi "il y a du pain sur la planche"... Mais, du moins en France, il me semble qu'il demeure encore (voire à nouveau) quelques planches assez solides pour y pétrir du bon pain toreo: outre Céret et Vic, Alès, Saint Martin de Crau et Carcassonne à l'Est; Parentis, Saint Sever... et Orthez à l'Ouest... Suffit qu'on aille y acheter notre pain.

Suerte - Bernard

C.Crépin a dit…

De nombreuses conversations tournent autour de ce thème. S'agit-il d'une réelle prise de conscience, d'une mobilisation sur la nécessité d'en parler ?
Sur le mérite des toreros, voir à ce sujet l'article de Paul Bosc, ancien revistero du journal La Provence sur le blog Vingt passes... "sortez vos mouchoirs". http://vingt-passes-pas-plus.over-blog.org/article-sortez-vos-mouchoirs-48261416.html
Un prêche dans le désert. Mais il faut sans doute persévérer. Les clubs ont aussi un rôle à jouer dans cette affaire.

ali lodelpiton a dit…

le bon toreo ?
le mauvais ?
le toreo,
tout court.
je t'embrasse don xavier.

ali lodelpiton.

Anonyme a dit…

Pour Bernard
Qui semble ignorer que les boulangeries de Vic et de Carcassonne sont fermées. Les patrons sont partis et les petits mitrons sont aux apéros géants.
Faudra aller chercher sa croûte ailleurs.