Quand on y pense, c’est bizarre et déconcertant une montagne.
D’abord, ça ne sert rigoureusement à rien, sinon au plaisir quelque peu vicelard des tordus qui aiment à la dévaler planches au pieds l’hiver (dont je fais partie) et à l’escalader en suant l’été.
A part ça, c’est d’un chiant! Surtout quand –et c’est souvent le cas- elles se mettent à plusieurs pour emmerder le monde.
Voyez les Pyrénées par exemple! Enfin, moi je les vois à l’instant où je vous écris…
C’est qu’elles nous empêchent de reluquer peinard l’Espagne ces connes!
Pour aller d’Orthez à Pamplona, c’est à peine 130 kms à vol de mouette rieuse ou de gypaète barbu, soit une heure d’autopista virtuelle, mais en fait, sans le secours des volatiles, faut se cogner 3 heures par Roncevaux et le Basquistan (ou 2h30 et 200 kms par Béhobie).
Donc, la cause est entendue, la montagne, c’est con, chiant et inutile.
Néanmoins, on ne sait pas trop pourquoi, ça existe!
Mais ça n’existe pas de la même façon d’où qu’on la regarde.
Un aragonais ou un navarrais vous soutiendront mordicus que leurs putains de montagnes sont arides et fauves, quand un ossalois ou un aspois les tiendront pour des trucs plutôt humides et verdoyants.
Ils ont tous raisons, et pourtant ce sont les mêmes montagnes qui, au plus fort de l’hiver sont enneigées à l’ubac et rocailleuses à l’adret.
Tout est une question –à tous les sens du terme- de point de vue.
Je me suis longtemps figuré Dieu -mais pour ceux que cela gêne, on pourrait tout autant le remplacer par «Vérité Ultime», «Principe Suprême», «Amour infini», «Harmonie complète», «Grand Horloger», «Architecte de l’Univers», «Bing Bangueur Fou», «Chaos sublime», «Néant Total» ou «fumeur de Farias»- comme une montagne.
Une montagne assaillie par la multitude des humains qui empruntent qui la face sud, qui la paroi nord, qui la déclivité ouest, etc.
Ainsi, il existerait un versant mahométan, un versant chrétien, un versant juif, etc. qui appartiendraient à la même montagne mais vue sous des angles différents.
Il y a même des agnostiques qui ne savent pas exactement si la montagne existe ou non, des athées qui prétendent qu’elles n’existe pas et que c’est une création des hommes, mais également des chamanistes, des animistes, des panthéistes, et toutes sortes de petits sentiers, certains même ouvrant des pistes nouvelles.
Ceux du sud sont prêts à guerroyer contre les nordistes, aux motifs que leur montagne est blanche quand les autres iraient au martyre pour plaider sa verdeur.
Mais là aussi, c’est toujours de la même montagne qu’il est question.
En fait, la montagne seule sait ce qu’elle est, la montagne seule peut embrasser la plénitude de son être et de ses apparences, comme un humain perçoit aussi bien la globalité de son corps, de sa silhouette que les détails de son orteil ou du lobe de son oreille, ce qu’une puce ne pourrait jamais envisager depuis son millimètre carré d’épiderme.
La montagne pyrénéenne par excellence, c’est le Vignemale, double fois montagne puisque l’étymologie de son nom provient de deux racines pré-indo-européennes vin et mal signifiant toutes les deux … «montagne».
Vignemale face nord |
Partagée entre le Parc National français et la réserve espagnole d’Ordesa, on serait bien en peine de dire si la réalité de ce géant est mieux appréhendée depuis Bielsa ou depuis Luz Saint Sauveur.
Il y a 500 ans, si l’on avait montré à des autochtones des deux versants, des clichés du coté opposé, chacun aurait nié farouchement qu’il s’agisse de la même montagne. Et pourtant!
Il y a d’autres manières d’interpréter la montagne.
Les poètes la chanteront, les aéronautes la survoleront, les naturalistes la peupleront de faune et de flore, les topographes la planifieront et les géologues la dissèqueront, la découperont en tranches, l’expliqueront, restitueront son histoire, y compris sans jamais y avoir mis les pieds, attestant d’une réalité irréfutable que les berger installé sur ses pentes peuvent méconnaître complètement.
Il n’existe donc pas UNE VERITE ABSOLUE que tel ou tel pourrait revendiquer, il y a DES VERITES RELATIVES et FRAGMENTAIRES, ou plus exactement plusieurs facettes parfois contradictoires d’une même et unique réalité vue sous des angles, des prismes, des méthodes, des présupposés, des histoires, des subjectivités, des sensibilités, des cultures, etc. différents.
Tout simplement parce qu’un esprit humain limité et subjectif ne saurait tout englober, y compris l’intériorité de l’objet.
Cela semble évident vu comme cela, n’est-ce pas?
Quasiment simpliste?
Indigne d’être énoncé?
De l’enfonçage vain de portes ouvertes?
Cela ne l’est nullement.
A la suite de mon divertissement nîchmois sur l’événement cosmique tomasien, l’irrévérence du propos m’a valu une bordée de commentaires injurieux d’une violence qu’en matière de tauromachie, on ne rencontre généralement que de la part des «zantis».
Pourtant la «montagne tomasiste», je l'ai vu moi aussi, non pas in situ, non pas à l'instant, mais par le filtre déformant (ou au contraire révélateur) d'un petit film d'amateur.
Et tel que je le décris, c'est une partie fragmentaire d'une certaine réalité, vu sous un certain angle, à partir de certains critères qui EN VALENT BIEN D'AUTRES.
Ce genre de truc m’amuse et me questionne: en général lorsqu’un quidam est en rogne, une petite voix me susurre toujours que c’est avant tout contre lui-même. Parce que s’il est une espèce que les gens ne supportent pas, c’est bien celle des «salisseurs de rêves», des «destructeurs d’utopie», des «anéantisseurs de jouissance».
Allez révéler à un gugusse que la nuit de volupté absolue qu’il a connu s’est déroulée avec un transexuel brésilien mais qu’il était trop bourré pour s’en apercevoir, vous m’en direz des nouvelles…
De la sorte la dissection ludique d’une faena «anthologique» qu’on a encensé à l’excès, à partir de la vidéo médiocre d’un témoin mal situé, a déclenché des fureurs hors de proportion avec le propos.
Personnellement, à leur place j’aurais réagi sur le mode: «Ah bon! Ouais! Bof!» ou « Si ça lui fait plaisir!», voire «C’est une façon de voir les choses!».
Mais, je sais être plus con que les montagnes, Dieu ou la Vérité qui, pour leur part ne disent rien de rien, puisqu’ils n’en ont rien à foutre de ce que l’on pense d’eux.
Ce qu’il conviendrait d’ailleurs d’expliquer à ceux qui s’émeuvent des caricatures ou des blasphèmes.
Car les mêmes qui s'offusqueraient à juste raison qu'on muselât la presse, qu'on censurât un caricaturiste ou un polémiste, parce qu'il aurait raillé Mahomet, le Pape ou la Vierge Marie, poussent des cris d'orfraie lorsqu'on déboulonne Jose Tomas...
Allez y comprendre quelque chose...
Heureusement que je vis en la doulce France. Plus à l’Orient, on m’aurait sans doute «taurinement fatwatisé»!
Xavier KLEIN
2 commentaires:
Sacré Xavier!
Tu en oublies un d'importance, pour ce qui concerne dieu: Et la PACHAMAMA?
Les indiens de l'Amérique latine ne vont pas te pardonner
Comme quoi, mieux vaut éviter de brosser les ânes à rebrousse-poil.
Surtout ceux qui oublient leur ancien messie dès qu'ils s'en découvrent un nouveau à travers le dernier hypnotiseur en vogue chez les gogos
Toujours en verve, le Xavier: çà fait toujours du bien de te lire
Enregistrer un commentaire