Humeurs taurines et éclectiques

lundi 28 mai 2012

DIMANCHE A VIC


Quelques impressions et réflexions PERSONNELLES au retour de Vic.
Une journée plutôt agréable entre la matinale-concours et une course de «La Cruz» des Granier's brothers, des plus heureuses. Une affluence d'évidence en baisse (2/3 d'arènes le matin, ¾ l'AM).

Je dois avouer ma perplexité au vu des élevages retenus pour la corrida-concours qui laissent un arrière goût taquin d'inventaire à la Prévert. On cherchait une logique -qu'on n'osait subodorer financière- à la coexistence entre deux fers antipodiques tels que Carriquiri et Moreno de Silva. Et surtout à la présence d'un Esteban Isidro, ex-Martinez Elizondo, ganaderia de Martinez Flamarique SA, prestataire de la Plaza de Vic si je ne m'abuse.
Pourquoi pas après tout? L'esprit devant rester libre, ouvert et bienveillant, il convenait de balayer les maugréances et d'aborder les tendidos avec cette candeur et cette espérance qui autorisent la joie.
Sans donner dans une naïveté excessive, il ne me paraît rien de plus détestable pour soi et pour ses voisins de tendidos que de se rendre aux toros avec le fiel à l'âme et le secret dessein de la critique systématique et péremptoire. Dans ces cas là, il vaut bien mieux s'abstenir et se livrer aux délices du transatlantique ou de la sieste crapuleuse...
Des affreux «tractaient» aux portes sur le scandale apparemment insupportable d'un Fidel San Roman écumeur de corrales et sobrero professionnel. Par le passé ayant été plusieurs fois heureusement surpris par de telles denrées, il me fut impossible de communier à une indignation somme toute accessoire.

Le snobisme et l'inculture des toristas sévissent en ces lieux autant que le snobisme et l'inculture des toreristas plus à l'ouest, sauf que les premiers sont hargneux quand les seconds sont niais.
Dés lors on loue des toros mansos parce qu'ils vont souvent à la pique, même sans s'y employer, en faisant sonner l'étrier comme cloches pascales, ou en sortant seuls de l'épreuve.
Idem pour les lanciers dont peu de «clients» s'offusquèrent qu'ils piquassent plus près du rabo que du museau. En fait le vicophile standard vit l'oeil rivé sur l'horloge, histoire de siffler quand l'avis ne vient pas, ou sur les medios, des fois qu'un bout de sabot s'y aventurât.
A noter que l'emploi de la pique dite Bonijol, n'empêcha en rien la technique éprouvée du «pompage», la gent piquadoresque se préoccupant toujours énormément du rendement en hémoglobine.
Seul l'ultime jabonero de La Reina me sembla correspondre à l'idée que je me fais de la bravoure, telle qu'elle doit s'exprimer à la pique.
Le toro de loin le plus encasté et intéressant, du fer saltillesque de Moreno de Silva, échut à Ivan Garcia dont l'emballement du trouillomètre ne lui permit pas de surmonter la complexité. C'est difficile de monter sur un toro quand les gambettes ne songent qu'à rallier le burladero. Difficile mais humain et faut-il rappeler aux grands aficionados, fussent-ils toristes, que cette peur là se respecte! D'autant que les mêmes grands aficionados seraient supposés apprécier qu'avec 7 festejos l'an passé et 0 au compteur cette année, le garçon n'était guère armé pour ce genre d'exercice, comme nombre de ses camarades.
Ivan Garcia eut peur: et alors?
Pour le coup il y avait d'excellentes raisons pour cela: quelques quintaux de saltillo pur vitriol. La peur, un sentiment que l'on éprouve beaucoup moins avec les toros du G10!

Bêtise crasse également de nombre des mêmes «clients» que d'exiger de seconds couteaux les mêmes prestations devant du bétail de respect qu'El Juli devant des Victoriano del Rio, ou bien de demander à Antoine Barrière d'avoir des finesses morantistes.
Devant un Esteban Isidro suréquipé de rapières assassines, façon spadassin picaresque, ce dernier déclina une faena couillue, certes bourrée de contre-sens et d'hérésies techniques, mais rythmée et colorée, comme la copla flamenca d'un cantaor de pueblo à la fin d'un banquet.
Il y avait de la volonté, de l'envie, de l'engagement brut et sauvage, conclus par deux belles épées. Et c'est cela qu'il fallait entendre de ce qu'il exprimait. Évidement ceux qui des gradins auraient fait mieux ou différemment n'ont pu qu'être déçus de l'inaboutissement de leurs chimères...

Morenito de Aranda donna avec élégance les plus purs muletazos de la matinée devant un Fidel San Roman sans fond (et trop piqué) et à un La Reina épuisé par des poussées engagées.
On ne s'ennuya point, même si sur la fin, le mohammed à son zénith (coups de soleil sournois) appelait avec insistance aux libations apéritives.
Repas self-service de cantine scolaire à un prix prohibitif (15 euros pour une prestation de 5 euros de ticket-repas dans un collège de bon aloi!). Faudra t-il prévoir à Vic de venir avec le pique-nique, comme les boutonneux se munissent de munitions alcoolisées dans les coffres de voitures?
Militons activement contre l'exploitation de l'homme par le restaurateur vorace...

Je n'avais pas vu sortir de toros de La Cruz ou plutôt de la casa Granier) depuis au moins 20 ans. Pour être honnête, cet élevage à base de Santa Coloma-Buendia, ne m'inspirait guère a priori. Sans autre raison d'ailleurs qu'une défiance stupide -je l'avoue- à l'endroit de nombre de ganaderias françaises (par goût de l'exotisme ultra-pyrénéen et absence totale de chauvinisme). Mais comme à l'accoutumée, la curiosité prenant le pas sur la prévention, je ne regretterai nullement ce choix.
Un lot complet dans la diversité, très correctement mis, qui a fait excellente figure dans des tercios de piques, majoritairement de qualité. La palette des comportements était des plus variées, allant du brave au manso, en passant par le manso con casta (mes préférés) et de la noblesse au genio.
Et avec cela, surtout, des pattes d'acier. Des Granier de fer quoi! (je sais! je sais! mais pouvait-on l'éviter)

Julien LESCARRET fut très convenable à son premier, lors d'une faena rigoureuse et bien construite, perdant une oreille méritée à l'estocade (deuxième envoi après recibir) et … lescarrien, type décousu et brouillon à son second.

Au risque de faire sourire les puristes, Jose Miguel Perez Prudencio «Joselillo» est un torero qui me plait de plus en plus et à qui on ne rend pas justice. Lorsqu'on l'évoque, on voit fleurir les moues dédaigneuses et quand on dit tout le bien qu'on pense de lui, se dessinent les sourires sarcastiques des surdiplomés des ruedos qui vous regardent comme l'on jugerait d'une sous merde de pinson dessiquée. Tout cela me rappelle le temps où les mêmes, ou leurs successeurs, méprisaient le brave Damaso Gonzalez aux mêmes motifs d'inélégance et de frustité.
Joselillo torée certes avec la délicatesse et la distinction d'un paysan du Danube, mais il torée efficacement, domine ses toros et ne triche pas.
Vrai, sincère, soucieux de bien faire, allègre et sans détours, le sympathique garçon présente l'éminent avantage de mettre en valeur ses toros par des cites de loin et par une lidia très aérée composée de séries classiques (3, 4 passes + pecho). Et au bout du compte, avec son air de ne pas y toucher, même s'il garde parfois bonne distance, le toro se voit dominé.
C'est ainsi que je l'ai vu à quatre reprise depuis deux ans. Si l'on ajoute qu'il se coltine surtout des corridas serias (11 l'an dernier) on ne peut qu'éprouver du respect pour cet honnête soutier injustement mésestimé.
Il fit à Vic bonne figure, offrant sans affectation et avec responsabilité les meilleures prestations du jour.

L'amitié vraie ne doit jamais se voiler d'aveuglement et de mauvaise foi. J'éprouve de l'amitié pour Raul Velasco, mais hier, il fut inexcusable.
Pas tant avec son premier opposant, que terrorisé il ne parvint à tuer qu'après avoir entendu 2 avis, qu'avec son second parfaitement toréable, s'il n'avait été sciemment «dézingué» par le cosaque de service.
Comme je l'ai évoqué, la peur est respectable. Et ils sont bien piètres ces crétins qui ont copieusement abreuvé d'injures un torero en perdition. D'autant que dés les premières passes de capote, je soupçonnais un défaut de vision préjudiciable chez le cornu qui à aucun moment ne s'intéressa réellement aux étoffes.
Il fallait dés lors mobiliser le pundonor, coaliser les énergies, tirer du fin fond de l'être, de ces tripes malmenées, les bribes éparses de courage, l'instinct de résistance, le sursaut d'orgueil qui signale les toreros authentiques.
Raul ne put le faire... et son horizon s'obscurcit d'un échec qu'il n'a pas le luxe de se permettre.

L'attitude la plus torera de la journée fut le fait de Michel Sanroma, maire de Vic-Fezensac qui par deux fois aguanta en descendant avec dignité au milieu des sifflets pour le jet des clefs du toril.
Le courage n'est pas l'apanage des seuls toreros, il en faut pour être impopulaire et ... responsable. Car quel maire serait-il, s'il acceptait qu'une part exorbitante et croissante du budget de sa petite commune (3600 âmes) partit aux fêtes?
Parmi les siffleurs, bien peu sans doute sont contribuables vicois, bien peu pâtissent des inconvénients et des vandalismes de Pentecôte, et bien peu penseraient à tourner leur vindicte vers ceux qui profitent de la manne vicoise sans contribuer significativement à son financement.
C'est facile de siffler un maire qui descend seul dans l'arène, pas du tout populiste en plus, et presque aussi valeureux que de huer un torero désemparé.
Le vrai courage s'exprime bien souvent dans la discrétion.
Xavier KLEIN

1 commentaire:

velonero a dit…

"Le snobisme et l'inculture des toristas sévissent en ces lieux autant que le snobisme et l'inculture des toreristas plus à l'ouest, sauf que les premiers sont hargneux quand les seconds sont niais."
Olé pour la belle formule, Xavier Klein, on ne saurait mieux dire!