Humeurs taurines et éclectiques

lundi 20 septembre 2010

LE SCHISME QUI S'ANNONCE

Cela fait quelques temps que j’y pense.
Une pensée qui ne m’est guère agréable parce qu'elle va à l'encontre de mon souhait.
Mais une pensée qui progressivement s’impose comme une évidence.
Une pensée engendrée par une série de questionnements lancinants qui ne trouvent pas ou plutôt ne trouvent plus de réponses.
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Combien de temps encore le monde taurin pourra t-il supporter la faille qui ne cesse de s’élargir en son sein ?
Combien de temps encore faudra t-il assumer les mensonges, l’hypocrisie, les dénis, les gobages de couleuvres que «ceux qui y croient» subissent de la part de «ceux qui en profitent» ?
Combien de temps encore faudra t-il pour dévoiler la prosaïque réalité commerciale et la défense acharnée d’intérêts particuliers qui se dissimulent derrière les discours vertueux sur les «valeurs taurines», ou sur la «grande famille de l’aficion» ?
Combien de temps encore pourra t-on continuer à parler de combat là où il n’y a plus que spectacle, toro libre et sauvage là où se développent sélection forcenée et élevage industrialisé, risque et affrontement quand il n’y a plus que faire valoir et collaboration ?
Combien de temps encore pourra t-on évoquer une culture populaire quand seuls l’élite favorisée, les touristes argentés ou les invités d’entreprises pourront pénétrer dans l’arène ?
Combien de temps encore fera t-on les gorges chaudes des triomphes de pacotille de vedettes payées à plus de 100.000 euros devant des toros de complaisance pour ignorer les mérites des besogneux qui se jouent la vie devant des tios pour le convenio ?
Combien de temps encore des acteurs compromis du système, des bobos ou des intellectuels nomenklaturistes monopoliseront-ils la parole au détriment de l’aficion de verdad, soigneusement écartée des débats publics?
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On veut nous imposer un seul modèle, une seule perception tauromachique, qui correspondent aux intérêts bien compris du mundillo. Tout ce qui ne se rallie pas à cette conception uniquement marchande est appelé à disparaître, comme s’amenuise irrémédiablement la diversité des ganaderias et surtout des encastes.
On a récemment craché le morceau de la nouvelle vulgate, après la novillada de Moreno de Silva à Madrid : «De tels toros, de telles ganaderias ne devraient plus exister!».
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Tout cela résulte d'une évolution, de l'émergence logique d'un concept: la «CORRIDA MODERNE».
Tout cela s’incarne dans une option qui prétend civiliser la tauromachie pour mieux la faire admettre par nos sociétés, en réponse aux critiques anti-taurines.
Un concept qui gère des stocks et les plans de carrière de quelques toreros vedettes qui induisent la production de masse d’une matière première normalisée et offrant des «garanties» qualitatives et répétitives satisfaisantes –le «toro moderne»-. A ce train là, pour bien garantir, bientôt on clonera…
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Cette emprise absolue du système est l’aboutissement prévisible et naturel du mouvement amorcé dés les prémices de la tauromachie qui tend au contrôle absolu par les acteurs de toutes les données et notamment de l’élément qui devrait être au centre : le TORO.
Ainsi devrait-on désormais parler de TOREROMACHIE plutôt que de TAUROMACHIE.
Cette évolution néfaste et dangereuse est refusée par la frange «puriste» de l’aficion, par ceux qui ne se résolvent pas à voir transformer un rituel porteur de sens en spectacle porteur de bénéfices. Elle leur est imposée contre leur gré, mais en récupérant leur inquiétude de voir disparaître la corrida tout court.
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La douloureuse, la décisive QUESTION doit désormais se poser: le clivage établi, imposé par les têtes pensantes autistes du mundillo n’appelle t-il pas des conséquences?
Devons-nous persister à cautionner un esprit et des pratiques qui s’opposent aussi diamétralement à nos convictions? N’est-il pas temps de sanctionner officiellement par une intitiative une divergence fondamentale aussi patente?
Le mundillo, avec sa brutalité habituelle, veut imposer son point de vue en force, sans considération pour ceux qu’il prétend marginaliser par les quolibets et la caricature.
Prenons acte, et prenons le au mot.
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A la «CORRIDA MODERNE», accompagnée de ses dérivés (toro moderne, toreo moderne) proposons, sinon proposons la «CORRIDA TRADITIONNELLE» (ou «corrida de verdad», «corrida classique» (comme on dit musique classique), etc.).
Créons un espèce de LABEL qui impose une certaine déontologie et des contraintes éthiques aux organisateurs et aux acteurs qui voudraient s’en prévaloir.
Intégrité, trapio, typicité, force, âge, conditions d’élevages, alimentation naturelle, absences de fundas, limitation du manejo pourraient faire l’objet de cahiers des charges des ganaderias postulantes, exactement comme ceux qui ont été développés pour les A.O.C. lorsqu’on a voulu encourager une politique de qualité et sauver les productions traditionnelles (vins, fromages, etc.).
Il en va de même pour le déroulement des festejos qui seraient soumis à l’observation rigoureuse d’un règlement équilibré mais exigeant, dans le respect scrupuleux de l’exécution des trois tercios pratiqués dans les règles de l’art (nombre minimum de piques et de banderilles, prohibition des «mauvaises manières», retour à une politique de trophées raisonnable, limitation des indultos, encadrement des vueltas.
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L’objectif n’étant pas d’élaborer une usine à gaz et une réglementation stupidement tatillonne, de figer la tauromachie dans un schéma immuable, mais de réinstaurer des garde-fous et une éthique qui limitent les dérives actuelles et la disparition programmée par un mundillo qui fuit en avant, crêve la bête en songeant «qu'après lui, le déluge». La corrida ne pourra survivre que si elle conserve son SENS.
Ces gens là y ont-il intérêt?
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La condition sine qua non de la réussite d'une telle entreprise serait qu'on la confiât de préférence aux bons soins de ceux là même qui auront à cœur sa réussite : les aficionados.
En nécessaire concertation avec les professionnels –il s’agit de prendre en compte les contraintes de tous ordres, économiques, techniques, etc.- ce label pourrait être mis en avant par les empresas qui le désirent et qui accepteraient de se soumettre à un cahier des charges.
De la compétence des présidences à des engagements concernant la réalisation sérieuse des tercios et de certaines suertes (premier tercio) ou à la redéfinition de certains canons (pour un indulto par exemple), de manière à la fois souple (errare humanum est) mais ferme, une association spécialisée pourrait mener une réflexion, élaborer les normes minimales qui puissent garantir des festejos de qualité, avec toute l’incertitude nécessairement liée aux toros et valider le tout. Cela aurait en plus l’avantage d’impliquer l’aficionado et de le rendre acteur du spectacle QU’IL FINANCE.
C’est d’ailleurs de facto le cas, il n’est que de l’affirmer concrètement par une démarche POSITIVE d’affirmation de certaines exigences incontournables. On sait d’ores et déjà les plazas engagées dans cette recherche de qualité et de vérité, qui ne doit pas toutefois recouvrir une seule sensibilité (torista par exemple), mais l’ensemble de la variété des pratiques taurines. Serait-il impossible de penser le toreo artiste avec du bétail digne de ce nom, sans le triomphalisme commercial qui s’y attache trop souvent?
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Certes on ne manquera pas de gloser chez les «observateurs» sur l’extravagance apparente d’une telle proposition.
Pourtant, à y bien regarder, par delà le souci éthique qui fonde un tel projet, ce type de solution reprend parfaitement les modes de fonctionnement du «marché» dont se gargarisent certains. On appelle même ça «démarche de qualité» ou labellisation contractuelle, et cela fonctionne aussi bien dans la production de biens que dans celle des services.
L’originalité de la chose consisterait juste à en confier les clefs aux «consommateurs», ne serait-ce que parce que les «producteurs» du mundillo s’avèrent, de l’aveu général (y compris du coté de Vieux Boucau), défaillants .
Voilà en tous cas, une démarche POSITIVE qui mise sur l’avenir et non une réaction DEFENSIVE à la menace orchestralement fantasmée des «zantis».
Redonnons son sens et sa vérité à la «fiesta brava» et les opposants y trouveront beaucoup moins d’arguments que la mauvaise foi et le déni ne sauraient justifier auprès de l’opinion…
Qu’en pensez-vous?
Xavier KLEIN

9 commentaires:

el Chulo a dit…

me cago!

c'est comme dire aux dix types qui controlent tous les conseils d'administration importants en france qu'ils doivent accepter de laisser leur place.

dede semble en effet avoir des sursauts vertueux après avoir défendu bec et ongles la casas production.

une facherie? il va même jusqu'à contester le charitable apport à haiti. et casas decouvre avec horreur semble t'il la fiscalité.

lorsque j'ai émis de modestes réserves sur cet acte charitable, j'ai pris une volée de bois vert.

allons allons, tout ceci n'est pas sérieux!

Anonyme a dit…

L'idée d'un label qualité type AOC dé-corrélé de la mention torista ou torerista est une idée qui me plait bien. D'autant plus que le cahier des charges (ou mieux le CCTP) existe déjà : le règlement.

JPc

Vingtpasses a dit…

La corrida de Bilbao démultipliée et labellisée, en quelque sorte… Du miel pour l’aficionado. Cette ambitieuse démarche comporte toutefois un préalable : un engagement fort de l’aficion à regrouper ses forces sous un label qu’elle soit en mesure d’imposer par sa puissance, en échappant en cette occasion au non sens de la dichotomie « toriste – toreriste ». Sinon, autant en rester au clivage actuel entre les grandes arènes d'un côté et quelques bastions toristes de l'autre. On connait par ailleurs la difficulté des aficionados à se mobiliser, se regrouper ou à se faire entendre. Les seules voix hautes et claires entendues aujourd'hui sur les gradins des grandes arènes sont celles qui demandent si fort la deuxième oreille qu’à la fin elles l’obtiennent…

Une démarche qualité n’est jamais conduite par celui qui doit en bénéficier directement. C’est dire qu’au delà de l’exigence de sa mise en œuvre par l'aficion, elle doit nécessairement être conduite par l'ensemble des acteurs de la filière taurina, de l’éleveur à l’organisateur de corridas. Notre objectif : les convaincre d’adhérer à un contrat « gagnant gagnant » favorisé par ce label (attrait commercial, effet concurrentiel, niveau d’excellence et respect de l'exigence de qualité etc.). Un cheminement ambitieux et incertain dans un mundillo dont le label commun est plutôt caractérisé par un « convenido » flou et souvent mystérieux.

Si j’ai bien compris, cela impose aussi de faire cohabiter dans une même place taurine les deux corridas, « classique et moderne », la première distinguée sous le label de qualité en question, dûment attribué et contrôlé au fil de l’eau. Cela implique par conséquent de labelliser la course, pas l’arène (sinon à conserver simplement le statu quo de la situation actuelle). A bien y réfléchir, le projet semble très compliqué mais l’idée n’est pas si extravagante que ça.

Anonyme a dit…

C'est pas un peu pot de fer contre pot de terre ???

Xavier KLEIN a dit…

C'est tout à fait cela Charles: on labellise le spectacle, ce qui laisse toute latitude à l'arène de programmer d'autres choses.
Système souple et non stigmatisant.

"Jiès Arles" a dit…

L'idée est loin d'être extravagante et le concept de "label" AOC tout à fait approprié. Quant à la réalisation ce sera autre chose. C'est comme en politique ... on connait un problème, on sait qu'il faut réformer sinon on va dans le mur ... mais on fait tout pour conserver ses droits acquis (à qui ?)Mais mettre le débat sur la table de façon aussi claire et juste est déjà un début de réponse ...ceci dit, c'est comme pour les Lois ... on en vote de nouvelles alors qu'il suffirait d'appliquer celles qui existent ... alors en "toreromachie" (c'est ben vrai ça !) appliquons déjà le règlement mais on n'est pas sortis de "l'arène" tant que les palcos répondront aux quelques braillards qui réclament musique, oreilles ou ondulto !
Bien cordialement
Jiès

Anonyme a dit…

Beaucoup trop de choses à dire, Xavier, pour les faire entrer ici.
Commençons par nous compter ....pour un jour nous réunir,..... pour un jour réfléchir, ...avec beaucoup de rigueur et de constance....pour un jour sortir de l'impasse.
Si dix convaincus en amène chacun dix....nous seront déjà cent.En sommes-nous capables ?
Une affaire qui se siffle en ligne...mais se chante hors internet à mon avis.
el ubano

Maxime a dit…

Le sujet est très intéressant et mérite d'être approfondi. Xavier, en tant que président de commission taurine, vous devez disposez de certains contacts, fidèles au Toro et à la tauromachie, avec qui vous pourriez discuter d'un tel projet?

Marc Delon a dit…

Nimes a connu ça avec la "corrida des aficionados" seulement vu l'attente, il faut savoir qu'en cas de fracaso ganadero, les bancs se retouvent jetés dans l'arène et y flambent... on a connu aussi...