Humeurs taurines et éclectiques

samedi 11 septembre 2010

CALLEJON


Voilà un sujet qui mobilise régulièrement les passions!
D'aucuns, qui, sans états d'âme se satisferont sans problème d'un «spectacle» de complaisance, s'enflammeront avec la plus grande ardeur sur ce sujet, à mon sens bien annexe.
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On appelle ça un «marronnier» en journalisme (pour la petite histoire, et pour mon ami Eric, cela vient du marronnier qui fleurissait tous les ans sur la tombe des Gardes Suisses tués lors de la prise des Tuileries en 1792, ce qui donnait lieu à article).
Bien annexe certes, mais ô combien révélateur!
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Le callejon DEVRAIT constituer un espace de travail, réservé aux seuls protagonistes et organisateurs: cuadrillas, areneros, alguaziles, vétérinaires, médecins, etc.
Dans les faits, tout le monde le sait, ce n'est nullement le cas.
On y voit des «people», des amis, des amis des amis, le troisième ligne international du cru, des élus, l'élève de l'école taurine de machin, le concierge ou le dentiste de l'empresa.
Tout cela, DANS LES FAITS, est-il si dérangeant, TANT QUE CELA N'OBERE EN RIEN LA BONNE TENUE DU FESTEJO, et que les gens s'y trouvent en sécurité?
A CES CONDITIONS, objectivement non. Conditions auxquelles j'en rajouterai une autre: la retenue et la neutralité.
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Le principe de réalité commande en la matière.
Un chroniqueur taurin n'a en l'occurrence rien à faire dans le callejon, tout au contraire, il gagnerait à voir la corrida de plus haut. On peut également se poser la question pour un photographe: question d'angle et de mobilité... Pour autant, quel organisateur prendra le risque de contrarier et de «s'adosser» la corporation en les expédiant dans les «étagères», comme ils disent (ce qui est en soi un aveu)?
Dans les FAITS cela fait belle lurette que le callejon n'est plus uniquement un lieu de travail, et qu'il ne peut plus l'être. Prenant acte de cette réalité incontournable, il convient de gérer ce qu'on ne peut éviter.
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Pourquoi donc certains seraient-ils prêts à toutes les bassesses pour accéder à la ruelle? Depuis l'édification de Versailles par le Roi-Soleil, on maîtrise parfaitement la réponse: pour y être vu!
Se distinguer, être distingué, accéder à ce à quoi les autres n'accèdent pas, sans compter le brevet illusoire d'aficionado distingué, voilà le moteur des callejonopathes. Un moteur qui n'a rien d'anodin car c'est de POUVOIR qu'il s'agit en sous-jacence.
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Prenant acte de ces diverses données, j'ai dictatorialement, unilatéralement et arbitrairement défini à Orthez une politique PARFAITEMENT CONTESTABLE, et d'ailleurs contestée par nombre de mes petits camarades de la Commission (mais même un sympathique membre de commission peut être concerné par ce que je viens d'énoncer plus haut...).
En l'espèce, le callejon y assume deux autres fonctions.
D'une part, comme ailleurs, un lieu de communication où sont invités des personnes qui nous ont beaucoup aidé ou seraient disposées à le faire (ce fût le cas cette année pour plusieurs journalistes et «relais d'opinion» du pays basque espagnol). Une manière de marquer le coup et de dire: «-Venez constater ce que nous faisons».
D'autre part, un lieu de découverte. J'ai souvent expliqué ici, combien il était utile et nécessaire à des aficionados de découvrir la corrida sous l'angle du callejon. Cela permet d'avoir d'autres sensations, cela permet aussi de comprendre d'autres choses qui sautent aux yeux en «gros plan». Cela permet enfin de percevoir en quoi la vision déformante en deux dimensions vue du callejon diffère souvent de celle en trois dimensions des tendidos.
A Orthez, ce lieu de découverte doit s'ouvrir aux aficionados (chaque corrida deux places sont tirées au sort parmi les réservation de la taquilla), aux membres des peñas (un callejon est attribué à chaque association), mais également à des jeunes et à de très anciens passionnés. Quand on a 50, 60 ou 70 ans de ruedos et d'aficion, il me paraît normal qu'on puisse un jour descendre au callejon. On y a autant, sinon plus sa place que la dernière vedette de la «Staraque» de passage.
Évidemment, une dizaine de places c'est peu, mais c'est également beaucoup au point de vue du principe et surtout de l'idée de partager des passions et des émotions, plutôt que de les confisquer pour une «élite».
En tout cas pour moi, la chose est très importante même si j'ai conscience que ce point de vue ne fait nullement l'unanimité. Il a au moins le mérite d'être clair et surtout d'être exprimé.
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Nous avons des progrès à réaliser dans l'organisation du callejon orthezien. Plusieurs amis nous l'ont fait constater. On y parle et on y bouge trop, ce qui est préjudiciable et potentiellement dangereux pour ceux qui officient dans le ruedo. On y trouve également des gens qui n'y ont pas été conviés et qui se retrouvent là comme par mystère (j'en ai viré une demi-douzaine cette année). C'est un chantier qu'il conviendra d'améliorer dés l'année prochaine.
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Je voudrais terminer ce passage en revue du thème callejonesque par ce qui me choque bien souvent, de par les arènes où je pérégrine.
Quand l'on est gratifié d'une invitation ou d'un callejon, il me semble que l'on se doit d'apporter une certaine retenue. Il n'est donc pas question d'y manifester son mécontentement, mais également son enthousiasme. Applaudissements comme sifflets n'y sont nullement de mise, pas plus que de critiquer le gratin dauphinois calciné que la maîtresse de maison vous offre, ou de se moucher à la nappe de son hôte.
Les jaleos sont déplacés, comme furent scandaleusement déplacées les hystéries collectives qu'on put voir dans certaines arènes où la demande d'indulto partit du callejon, avec des gens debout sur les burladeros pour houspiller la présidence.
Tant les organisateurs que leurs invités doivent, me semble t-il s'astreindre à la neutralité, ou du moins s'y efforcer. Je reconnais que quand on travaille et que l'on met du coeur à l'ouvrage, que l'on a investi son temps et ses espoirs, il est parfois difficile ne pas se faire saisir par l'émotion, surtout lorsqu'on a l'aficion rivée au corps et à l'âme.
Quand j'ai vu s'élancer ce beau toro de Doña DOLORES pour une quatrième pique au regaton, cela m'a embrumé le regard et hérissé le poil, parce c'est une chose qu'on ne voit plus, et qu'un toro qui charge avec bravoure représente la consécration de ce que nous venons chercher aux arènes. Pour autant, doit-on s'esbaudir des succès et se faire gloire des mérites qui ne reviennent qu'au toro et au picador.
Quand on est partie prenante (ou invité), on est tenu à la réserve et ne pas jouer les claques de bas étage.
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Question de buen gusto... mais ne dit-on pas que «des goûts et des couleurs...»
Xavier KLEIN
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4 commentaires:

Anonyme a dit…

De JPc :

Je vous laisse tous les callejons de toutes les arènes pour une place en haut, tout en haut, debout, avec des amis de Céret.

JPc

Anonyme a dit…

De JPc :
C'est du callejon que viennent les leçons de morale les plus percutantes dans les médias envers les braillards et autres "pseudo-aficionados" et pourtant quand on regarde un peu mieux ...le callejon, ça ressemble à ça...
http://ww.kewego.fr/video/iLyROoaf81uC.html

JPc

Hubert LEYSALLE a dit…

Ce n'est pas la première fois que la tentation d'intervenir sur le blog me titille le clavier et pour des raisons le plus souvent de soutien. Ceci étant dit, la "callejontite" me chauffe les oreilles depuis des lustres pour ne parler que de ce qui dépasse dans la partie supérieure... J'ai, je le confie, fait la cruelle expérience de faire voter en commission taurine l'attribution d'un nombre très limité de "callejon" qui se devaient de plus d'être signés (par moi es-qualité). Cette idée, bien que modérément appréciée mais votée par l'ensemble des membres de la CTEM m'a causé une haine tenace des dits membres. Seuls les délégués ayant reçu un passe pour remplir leur fonction. Ma propre délégation tirée au sort en CTEM me valut la question suivante:
"... qu'est-ce que tu fiche ici?..." La présence de mon billet acheté et opportunément dans ma poche m'offris l'opportunité d'un camouflet aussi retentissant au sein de la CTEM qu'une rancune tenace. Cela se passait le 13 juillet 1985 dans l'arène de l'extrême sud-est.
Les histoires de CTEM commençaient, mais comme disait Oncle Paul "ceci est une autre histoire.
Hubert LEYSALLE

Marc Delon a dit…

Il est des arènes où cinq minutes avant la course, la police municipale fait le tour du callejon et vérifie les "tours de cou" pour voir si le sésame y est suspendu, virant ceux qui s'y retrouvaient "par magie"...