Humeurs taurines et éclectiques

mercredi 23 juin 2010

AIRE sur ADOUR: le sérieux mal récompensé.

Depuis pas mal de temps, lorsqu’on rappelle que la civilisation repose dans la soumission à la loi et le respect de l’autorité chargée de la faire appliquer, à condition bien sûr que l’une comme l’autre soient démocratiques, légitimes et respectueuses du droit, on passe pour un vieux con.
Il convient en matière de législation de faire preuve de discernement, et de ne pas multiplier les contraintes inutiles pour mieux préserver l’essentiel.
Depuis quelques années on assiste à l’inflation des lois et règlements, on légifère sur tout, on régit à foison l’accessoire, tout en ayant perdu de vue le principal.
Les contraintes de toutes sortes viennent envahir la vie du citoyen, le plus souvent sur le mode de la culpabilisation: pas bien de fumer, de boire, de polluer, de rouler trop vite, d'assister à une corrida, de…, de …, etc.
L’hygiénisme et la dictature des faux bons sentiments font rage dans un maelström qui s’apparente de plus en plus au chaos. On «emmerde» les gens avec des détails périphériques quand les grands fondamentaux sont régulièrement sacrifiés.

On se passionne pour le sort fait aux toros quand des gens crêvent misère , se suicident, se désespèrent à nos portes.
Cette évolution devient ravageuse dans le contexte français, où le rôle et la fonction de l’Etat ont toujours été extrêmement prégnants, où l’autorité est très sacralisée. Non seulement cette autorité se délite depuis des décennies sous la poussée des individualismes, mais elle œuvre à sa propre disqualification par la démagogie et le populisme.
Quand un président (Jacques Chirac) trouve des excuses au «coupd’boul» de Zidane, quand un autre se collète en termes inacceptables au salon de l’Agriculture ou avec des marins, quand son épouse justifie la victoire par la tricherie («pas vu, pas pris» suite au but de T. Henry), ils concourent à la destruction et de la règle, et du respect, et du fondement même de leur autorité.
On voit où cela mène lors de la Coupe du Monde de football (dont je me fous parfaitement par ailleurs), seul m’intéressant le fait de société.
Tous ces épiphénomènes constituent des indicateurs très significatifs de l’état de déliquescence de notre société. Car il est facile de stigmatiser des politiques qui ne sont que le reflet et l’émanation d’une société, de ses valeurs et de ses attentes.
Le thermomètre n’est pas la fièvre.
La même gangrène concerne la globalité des activités humaines, et la tauromachie n’échappe pas au mouvement général.
Quand dans ces colonnes, semaine après semaine, je vitupère contre les excès de l’argent-roi, contre un système taurin qui se commercialise, contre les indultos ou les coliques de trophées, contre l’appauvrissement de la formation des jeunes toreros, contre la disparition en cours de l’art de la lidia et des toros, des élevages qui vont avec, contre les broncas adressées aux palcos qui "résistent", je condamne les mêmes travers que ceux qui affectent le football.
Il ne s’agit pas d’un combat flamboyant dans de grandes mêlées ponctuelles, des charges héroïques, des victoires décisives. Non, c’est une guerre de tranchées, jour après jour, dans le cambouis et la désespérance. C’est Verdun et le front de l’Ebre: s’accrocher au terrain et RESISTER aux petites capitulations et au chant des sirènes.
C’est au sein des peñas, des tertulias, des commissions taurines, des blogs qu’il convient de se battre au quotidien pour conserver, en dépit de la démagogie ambiante et des modes, malgré l’appel lancinant et trompeur au «réalisme», au goût supposé du public, au «quand tu es organisateur tu n’es plus aficionado», une tauromachie qui porte encore quelque sens et surtout quelque justification.
Dimanche à Aire sur Adour, j’ai vu quelques petites choses porteuses de ce sens.
J’ai vu un lot honorable de présentation et intéressant de comportement, rien d'exceptionnel certes, mais correspondant à ce qui devrait être la NORME MEDIANE de la programmation taurine. Des toros plutôt encastés et pourtant tout à fait toréables. Mais également un cartel d’hommes sortant des chemins battus.
J’ai vu le public vivre le plus grand des enthousiasmes (et le meilleur moment de l’après-midi) lorsque le tercio de piques s’est correctement déroulé avec un toro brave.
J’ai vu Marcel GRAZELLI (certains béotiens comprenant "grizzly", ce qui ne lui va pas mal au demeurant), à la présidence, sous les broncas refuser les changements de tercios inopportuns, les oreilles ou les vueltas de toros galvaudés, tenir ferme sous l’outrage (on l’a même traité -insulte suprême- de «Domenech»!), et ne pas se commettre à la démagogie et à la demande de plaisir d’une partie minoritaire du public. On regrettera peut-être des tercios écourtés.
Tout cela est tout à fait encourageant. Il suffisait seulement de le faire pour éviter qu’une soirée des plus agréables ne vire à la pantalonnade triomphaliste.
Hier, même si les résultats en terme de trophées ne sont pas au rendez-vous, les choses étaient sérieuses en Aire, avec un lot digne de plazas plus importantes.
Pourtant, on n’a guère vu la foule des férias «mayor» (entre 1/4 et 1/3 d'arène). Et l’on pourrait se demander si moult grands aficionados autoproclamés et péremptoires, dont ce type de corridas devrait être la tasse de thé, demeurent vraiment crédibles en étant absents.
Par contre, j’ai rencontré beaucoup de «mauvais esprits» ou estampillés tels. Vous savez, ceux qui s’expriment sur les blogs extrémistes tels Campos y Ruedos.
Je ne sais pas s’ils valent grand chose (suis-je hypocrite!), mais ils y étaient EUX
Hier, il y avait toros en Aire, peut-être parmi les plus valables que la temporada 2010 du sud-ouest mettra en scène vu comment courrent les choses, mais on n’en parlera guère. On préfèrera sans doute gloser sur les mignoteries gentillettes des grands rendez-vous, ou des corridas télévisées.
Ainsi va le monde, incohérent!!!
Xavier KLEIN
AIRE SUR ADOUR, DIMANCHE 20 JUIN 2010
Toros de Baltasar Ibán
Uceda LEAL
Javier VALVERDE
Julien MILETTO

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Xavier!
Ciomment as tu trouvé Miletto?
Quel engagement at-il eu au cours de ses faenas?
Ton point de vue m'interresse!
A bientot
Jean

Xavier KLEIN a dit…

Pour être honnête, je suis très gêné pour répondre à cette question.
Etant "employeur" de Julien MILETTO et organisateur à Orthez, il ne me paraitrait pas correct, ni loyal par rapport aux lecteurs de ce blog et par rapport à Julien, de m'exprimer sur le sujet (ni dans un sens favorable, ni dans un sens défavorable d'ailleurs).
Je dis donc ce que je peux dire (sur les toros, sur l'esprit), je ne dis rien sur le reste.
Pour résumer je dis toujours ce que je pense et je ne dis jamais ce que je ne pense pas, mais je ne dis pas tout.
Difficile à comprendre peut-être. Sans doute contestable, mais aussi honnête que possible, me semble t-il.

Anonyme a dit…

mon cher xavier,

avant d'embarquer pour les terres australes cette question simple, claire et nette comme ta réponse: "et qu'est ce que tu lui as dit quand il a dit que tu avais dit qu'il n'avait pas dit que tu avais dit qu'il avait dit? qu'il avait dit ou que tu n'avais pas dit?"

suerte en tous cas et abrazo aux amis!

Xavier KLEIN a dit…

J'aime la simplicité....
Fais attention aux pirates somaliens.