«Vous avez détruit ce que l’on ne voit nulle part pour édifier ce que l’on voit partout»
Apostrophe de Charles Quint au chapitre de la cathédrale de Cordoue
Comme suite à l’événement taurin de la veille, où l’on avait pu s’émerveiller du comportement sauvage et indomptable d’un lot de Victoriano del Rio, copie conforme de ces Daniel RUIZ de la feria, qui avaient tellement esbaudis le bon peuple par leur fougue et leur piquant, on donnait à voir un lot de dimensions réduites, d’un certain Victorin de Galapagar, sorcier de son état.Ah, la magie des charges sages et mesurées, l’application à poursuivre inlassablement l’étoffe sans distraction ni arrières pensées malignes, la rectitude des parcours, l’auguste tête qui s’incline inlassablement pour effleurer le sable, la prude fadeur des humbles! Et jusque même à cette pointe de faiblesse qui scelle la qualité des grands toros modernes!
Que voulez-vous mon bon monsieur, on ne peut pas «s’employer» et «servir» avec grâce sans en subir quelques effets! Tous les laquais vous le diront.
Un léger bémol pour ce sixième toro qui poussa l’outrecuidance jusqu’à vouloir se comporter comme un Victorino MARTIN.
Mais si! Mais si! Qu’il vous souvienne de cet élevage tellement atypique et attachant qui, jusqu’à la fin du XXème siècle, perpétuait vainement les valeurs talibanesques de la tauromachie d’un autre âge! A l’ancienne qu’ils disent! Comme si la modernité recelait encore quelques vertus dans le monde de la décroissance!
D’ailleurs David MORA, l’aimable jeune homme qui l’affrontait se trouva fort dépourvu quand la bise fut venue. Impossible avec ces oiseaux là de lier, de toréer de pico, de rester en retrait! C’est qu’il faut sans cesse s’investir, se croiser, pénétrer leur terrain, leur «monter dessus», suer de peine et de peur quoi! Des toros bien peu urbains et fréquentables en somme, pour le bel ombrageux.
Etant donné son âge vénérable, le maestro EL FUNDI, surnommé «Orangina», car il ne saurait se priver d’être périodiquement secoué, demeure l’un des seuls à conserver le savoir-faire lidiador indispensable à cette matière taurine.
Las! On l’excusera volontiers de s’être ressenti d’une saison très éprouvante.
Tout de même, les quelques rares observateurs avertis, attentifs donc nécessairement décalés, auront apprécié, en dépit d'un toreo distancié, le luxe incongru offert par un maître, comme des perles à des cochons, d’un toreo puissant et dominateur, sur un même terrain, sans errements aux quatre coins du ruedo, sans se faire mordre l’étoffe, et sans se faire bouffer par son adversaire.
Les autres, la masse des «clients» se sera gavée bonhommement et sans manières du clinquant et du tape à l’œil fourbi par Alberto Aguilar. Le petit Albert ne se sera rien épargné pour plaire à la masse ravie dans un répertoire «paysanas» qui plût beaucoup. Heureusement, la justice immanente trancha, à la justement nommée «hora de verdad», et «les aciers», comme causent certains cuistres, bien que portés avec franchise, ne lui permirent pas de triompher.
Courage Victorin! Tes talents de «brujo» finiront par payer.
Encore un petit effort et tu transmuteras l’or en plomb et un sang prestigieux et original en produit standardisé et vénal.
Dans trois ans à n’en pas douter, tu nous pourvoiras en garcigrande ou en zalduendos travestis en albaserradas.
Mais le plus extraordinaire n’est pas là.
Pas plus que dans des vueltas de complaisance à des adversaires qui n’ont rien témoigné de particulièrement exceptionnel.
Ni même dans un troisième toro cojo ou invalide qu’on eût dû avoir le bon goût de changer.
Rendez vous compte, après l’année de l’indulto, une autre année inédite, celle de la première corrida dacquoise depuis des lustres, où ne dégringole aucune oreille…
Ça, c’est un événement.
Décidément Dax surprendra toujours, même sans le faire exprès.
Xavier KLEIN
6 commentaires:
Beaucoup de ce que j'ai lu sur Alberto Aguilar me paraît excessivement dur et injuste. Certes il n'a pas la classe de Ponce ni l'art de Morante mais la tauromachie c'est aussi se battre avec son cœur. Et pour un torero qui n'a pas toréé de l'année et qui se retrouve face à deux bons JP Martin il me semble qu'il s'en est plutôt bien sorti.
En revanche, tout à fait d'accord avec toi sur El Fundi. Je crois qu'on va pouvoir encore compter sur lui. C'était la bonne nouvelle du jour.
C'est vrai que j'y vais un peu fort. C'était frais, enthousiaste et passionné et finalement nullement désagréable avec des toros toutefois relativement commodes.
Xavier,
Merci d'avoir repris à ton compte l'adage qu'"il vaut mieux en rire plutôt que d'être obligé d'en pleurer"!... Car on a beaucoup ri à ta reseña, hélas... Tu sais donc où aller pour Orthez 2010... si tu veux mettre les rieurs de ton côté!
Abrazo - Bernard
PS: et suerte para El Grande Fundi
absolument d'acord avec velonero concernant Aguilar. Il ne faut pas oublier qu'il manque totalement d'entrainement cette année.Il est aussi vrai que ce cinquième était excellent, ainsi que son premier.
Pour El Fundi, je vous laisse à vos impressions, moi ça m'a laissé un sentiment de malaise, devant ces deux bons toros maniables, que de mon point de vue, il a laissé massacrer à la pique, chacun à deux très laides reprises.
Et cette tauromachie "hurleuse" me fatigue.
Il me semble que EL FUNDI, s'est trop empressé de reprendre entre chacun de ses accidents. Il use vite ses 7 vies comme diraient les anciens. Sans doute les mensualités de la rolls ou le coût de la piscine à Marbella à assurer!
On l'a vu tel qu'à Bayonne avec les miuras: desconfiado.
Hurler, sans doute pour enfouir la peur et se rassurer.
Entièrement d'accord, il n'a nullement été à la hauteur de ses deux toros apparemment "commodes", qu'il a fait lourdement piquer.
Pour autant, il me semble qu'il fût le seul à construire deux faenas rigoureuses dans leur conception, sinon valeureuses dans leur exécution.
En termes militaires il fut bon stratège et mauvais tacticien.
Bien entendu, on aura compris que ma critique va à un système qui se commercialise, à un public qui se délète et perd le sens des grands fondamentaux, qui conduit des ganaderos à dénaturer leur sang pour répondre aux exigences du goût majoritaire.
Il va de soit aussi, qu'à Orthez aussi nous sommes confrontés à cette problématique complexe à laquelle nous essayons de répondre au mieux, ou plutôt au moins mal.
le petit aguilar que j'ai lu massacré, m'a paru plein d'envie et également de possibilités, laissant en particulier venir ses toros de loin, plutot bien "sitiado" au début et avec pas mal de force au début. ensuite, il a voulu "plaire" enfiler les passes alors qu'il fallait donner du temps à ses toros. ce qui fait que celà s'est terminé un peu en "bouillie" confuse: faute je pense de réflexion ou de jeunesse. les victorino ne sont pas des toros de 100 passes.
mora m'a bien plu, quoique trop grand, des gestes certes, mais par exemple son début de faena du second, brusque, avisé à la cape m'a ravi quand il fut au bord de la rupture, "andandone" vers le centre et en lui faisant mettre la tête.
ensuite, il a eu le mérite de "rester" devant, au centre, et de "tragarselo", mais ce toro, un victorino d'il y a 10 ans était de ceux qu'il faut toréer très croisé et sans quitter la muleta de leur tête. il n'a pas eu la "puissance" suffisante. ce type de toro nécessite à la fois des envies qu'il avait et beaucoup de "métier". en plus par rapport au minuscule aguilar je pense qu'il est desservi par sa grande taille, un peu façon cepeda.
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