Le fond de l’air semble virer à la morosité ces derniers temps sur le net torophile. Crise économique? Crise politique? Crise morale? Le contexte difficile pèserait-il sur les humeurs aficionadas?
Il faut bien reconnaître que la saison taurine n’a, jusqu’à présent, guère prêté à pavoiser. Mais on en a pourtant connu d'autres et des plus sévères.
Certains trouvent là matière à des conclusions sans doute définitives et donc négligeables, d’autres, plus avertis ou plus roués, en profitent pour opérer des virements de bord spectaculaires et d’autant plus ridicules.
On doute, on spécule, on «hypothèse», on "hypothèque" même sans vergogne et sans retenue.
Comme disait ce bon Monsieur de Talleyrand Périgord: «Tout ce qui est excessif est insignifiant.». Le doute ne vaut que lorsqu’il est permanent, ce que l’on ne s’autorise jamais.
La situation est-elle plus catastrophique qu’elle ne l’était il y a deux, dix ou vingt ans? Que nenni! Que nenni!
Disons qu’une malheureuse conjonction d’évènements (ou heureuse, selon le point de vue où l’on se situe) éclaire brutalement l’obscénité d’un processus de longue date.
Comme le réchauffement climatique, l’évolution de la tauromachie ne saurait se révéler en une année. Un été caniculaire n’induit pas le changement climatique, comme un été pourri ne le réfute pas.
Il faut bien reconnaître que la saison taurine n’a, jusqu’à présent, guère prêté à pavoiser. Mais on en a pourtant connu d'autres et des plus sévères.
Certains trouvent là matière à des conclusions sans doute définitives et donc négligeables, d’autres, plus avertis ou plus roués, en profitent pour opérer des virements de bord spectaculaires et d’autant plus ridicules.
On doute, on spécule, on «hypothèse», on "hypothèque" même sans vergogne et sans retenue.
Comme disait ce bon Monsieur de Talleyrand Périgord: «Tout ce qui est excessif est insignifiant.». Le doute ne vaut que lorsqu’il est permanent, ce que l’on ne s’autorise jamais.
La situation est-elle plus catastrophique qu’elle ne l’était il y a deux, dix ou vingt ans? Que nenni! Que nenni!
Disons qu’une malheureuse conjonction d’évènements (ou heureuse, selon le point de vue où l’on se situe) éclaire brutalement l’obscénité d’un processus de longue date.
Comme le réchauffement climatique, l’évolution de la tauromachie ne saurait se révéler en une année. Un été caniculaire n’induit pas le changement climatique, comme un été pourri ne le réfute pas.
En réalité, l’unité de compte ne serait-elle pas le quinquennat, soit le temps qui sépare le choix d’un semental, et donc d’une option taurine, de la sortie sur le sable de ses premiers rejetons?
Si catastrophe il y a, elle s’est donc produite il y a cinq ans. Qui s’en est aperçu?
Le drame ne se serait-il pas noué depuis lurette, petit à petit, dans l’indifférence et dans l’opacité des bureaux de notaires, quand l’héritage d’un sang, d’une culture ganadera, d’une gloire passée s’en est allé avec la vente d’un fer, la dispersion d’une camada, au fil des héritages ou des revers de fortune? Les faire-part de ces enterrements à la sauvette résument laconiquement la tragédie: «eliminando lo anterior» ou «elimina todas las reses». Et la richesse et la variété génétique du peuple brave, s’en sont allées au fil des modes, des intérêts à court terme et des visions sans lendemains. (http://camposyruedos2.blogspot.com/2009/01/analyse-des-encastes-iii-corridas.html)
Un autre drame, plus heureux celui là, ne serait-il pas la conséquence de l'amélioration spectaculaire des conditions de vie de nos voisins? Des conditions de vie qui jetaient antan, des maletillas sur les chemins, pour jouer avec leur sang à la grande loterie de la fortune: «...ou tu porteras mon deuil...».
Les écoles taurines ont certes remplacé la formation sur le tas, l'élimination impitoyable et plus ou moins aléatoire, en tous cas dispendieuse, des moins doués ou des moins chanceux. Mais cela s'est réalisé avec l'inconvénient d'une standardisation des formes, d'un nivellement des personnalités fortes, d'un arasement de l'originalité.
Et puis, en règle générale, qui sont les formateurs qui y dispensent des savoirs? A quel titre et avec quelles compétences? La pédagogie, l'art d'enseigner et de transmettre des savoirs ne s'improvise pas, c'est un métier qui requiert des savoirs et des savoir-faire qui ne sont d'ailleurs que rarement ceux du praticien. On connait très peu de vedettes dans le domaine des sciences, des arts, des sports, et ... de la tauromachie, qui aient conjuguées aussi l'art d'enseigner.
Pour enseigner les mathématiques, l'histoire ou l'éducation physique à des mômes de 14 ans, il faut 5 ans d'études après le bac, passer un concours terriblement sélectif, puis être formé durant 3 ans, être régulièrement évalué en présence des élèves, continuer à suivre des formations et des stages. Pour autant, comme dans toutes les professions, ce processus complexe et élaboré laisse passer quelques enseignants qui ne sont pas tous à la hauteur. Mais quelles conditions président à la formation et au recrutement des gens sensés diriger des jeunes qui vont ensuite jouer, non pas leur avenir mais leur vie? Aucune à ma connaissance. N'importe qui peut s'intituler enseignant en tauromachie et monter son école taurine.
Ce système d'écoles, le plus souvent initié et soutenu par la profession ou par ses satellites, promeut et fabrique ce que la profession exige ou cautionne. C'est dire qu'on n'a guère à en attendre de créativité et d'originalité, même si, ça ou là, par miracle, éclosent quelques talents atypiques.
On sort en série ce dont le «toreo moderne» a le besoin: des jeunes gens parfaitement calibrés et adaptés à ce qu'on leur demande, la faena spectacle devant toro noblissime et dénaturé.
Pouvait-il en être autrement?
La tauromachie peut-elle échapper aux contingences économiques, à l’évolution d’une société espagnole qui a progressivement remplacé les aristocrates subtils ou la bourgeoisie éclairée, par les magnats parvenus, les grands propriétaires latifundiaires par des sociétés par action, les romantiques ou les passionnés par des comptables ou des boutiquiers, l’artisanat par l’industrie.
Lorsque certains esprits taquins se sont avisés en 1936 de boulotter des spécimens de sa ganaderia, pour éviter de crever de faim, Don Felix Moreno de Silva a répliqué sur le même ton joueur en décidant l’exécution de dix impétrants pour chaque toro tué. Evidemment, ce genre de délicatesse calme vite les velléités ludiques. Ah le bon vieux temps! Faut-il déplorer ce changement et une réévaluation du taux de change en faveur des prolétaires, à condition bien sûr, qu’ils ne soient pas maghrébins, ce qui autorise encore quelques fantaisies sur la terre andalouse?
Certainement pas! A conditions nouvelles, adaptations nouvelles.
Il faut croire dans l'émergence de nouveaux goûts, de nouvelles initiatives, de nouvelles pratiques, de nouveaux rapports de force.
La régulation peut s'opérer d'elle-même, et les masses séduites par la «tauromachie moderne» finiront sans doute par se lasser du miracle quotidien programmé, de l'uniformité de l'exceptionnel, et de la fadeur de la perfection.
A CONDITION évidemment, qu'on ne réprime pas la révolte ou la maturation des esprits comme les manifestations dans un bazar persan.
A CONDITION aussi, qu'on ne s'avise pas de museler les critiques, d'embrigader les récalcitrants sous une unanimité de façade, de fustiger les divergences sous couvert de «propos orduriers», de vibrionner frénétiquement en se gargarisant de boycotts ou de menaces improbables. L'ordure n'est jamais tant dans le propos que dans son objet.
Si catastrophe il y a, elle s’est donc produite il y a cinq ans. Qui s’en est aperçu?
Le drame ne se serait-il pas noué depuis lurette, petit à petit, dans l’indifférence et dans l’opacité des bureaux de notaires, quand l’héritage d’un sang, d’une culture ganadera, d’une gloire passée s’en est allé avec la vente d’un fer, la dispersion d’une camada, au fil des héritages ou des revers de fortune? Les faire-part de ces enterrements à la sauvette résument laconiquement la tragédie: «eliminando lo anterior» ou «elimina todas las reses». Et la richesse et la variété génétique du peuple brave, s’en sont allées au fil des modes, des intérêts à court terme et des visions sans lendemains. (http://camposyruedos2.blogspot.com/2009/01/analyse-des-encastes-iii-corridas.html)
Un autre drame, plus heureux celui là, ne serait-il pas la conséquence de l'amélioration spectaculaire des conditions de vie de nos voisins? Des conditions de vie qui jetaient antan, des maletillas sur les chemins, pour jouer avec leur sang à la grande loterie de la fortune: «...ou tu porteras mon deuil...».
Les écoles taurines ont certes remplacé la formation sur le tas, l'élimination impitoyable et plus ou moins aléatoire, en tous cas dispendieuse, des moins doués ou des moins chanceux. Mais cela s'est réalisé avec l'inconvénient d'une standardisation des formes, d'un nivellement des personnalités fortes, d'un arasement de l'originalité.
Et puis, en règle générale, qui sont les formateurs qui y dispensent des savoirs? A quel titre et avec quelles compétences? La pédagogie, l'art d'enseigner et de transmettre des savoirs ne s'improvise pas, c'est un métier qui requiert des savoirs et des savoir-faire qui ne sont d'ailleurs que rarement ceux du praticien. On connait très peu de vedettes dans le domaine des sciences, des arts, des sports, et ... de la tauromachie, qui aient conjuguées aussi l'art d'enseigner.
Pour enseigner les mathématiques, l'histoire ou l'éducation physique à des mômes de 14 ans, il faut 5 ans d'études après le bac, passer un concours terriblement sélectif, puis être formé durant 3 ans, être régulièrement évalué en présence des élèves, continuer à suivre des formations et des stages. Pour autant, comme dans toutes les professions, ce processus complexe et élaboré laisse passer quelques enseignants qui ne sont pas tous à la hauteur. Mais quelles conditions président à la formation et au recrutement des gens sensés diriger des jeunes qui vont ensuite jouer, non pas leur avenir mais leur vie? Aucune à ma connaissance. N'importe qui peut s'intituler enseignant en tauromachie et monter son école taurine.
Ce système d'écoles, le plus souvent initié et soutenu par la profession ou par ses satellites, promeut et fabrique ce que la profession exige ou cautionne. C'est dire qu'on n'a guère à en attendre de créativité et d'originalité, même si, ça ou là, par miracle, éclosent quelques talents atypiques.
On sort en série ce dont le «toreo moderne» a le besoin: des jeunes gens parfaitement calibrés et adaptés à ce qu'on leur demande, la faena spectacle devant toro noblissime et dénaturé.
Pouvait-il en être autrement?
La tauromachie peut-elle échapper aux contingences économiques, à l’évolution d’une société espagnole qui a progressivement remplacé les aristocrates subtils ou la bourgeoisie éclairée, par les magnats parvenus, les grands propriétaires latifundiaires par des sociétés par action, les romantiques ou les passionnés par des comptables ou des boutiquiers, l’artisanat par l’industrie.
Lorsque certains esprits taquins se sont avisés en 1936 de boulotter des spécimens de sa ganaderia, pour éviter de crever de faim, Don Felix Moreno de Silva a répliqué sur le même ton joueur en décidant l’exécution de dix impétrants pour chaque toro tué. Evidemment, ce genre de délicatesse calme vite les velléités ludiques. Ah le bon vieux temps! Faut-il déplorer ce changement et une réévaluation du taux de change en faveur des prolétaires, à condition bien sûr, qu’ils ne soient pas maghrébins, ce qui autorise encore quelques fantaisies sur la terre andalouse?
Certainement pas! A conditions nouvelles, adaptations nouvelles.
Il faut croire dans l'émergence de nouveaux goûts, de nouvelles initiatives, de nouvelles pratiques, de nouveaux rapports de force.
La régulation peut s'opérer d'elle-même, et les masses séduites par la «tauromachie moderne» finiront sans doute par se lasser du miracle quotidien programmé, de l'uniformité de l'exceptionnel, et de la fadeur de la perfection.
A CONDITION évidemment, qu'on ne réprime pas la révolte ou la maturation des esprits comme les manifestations dans un bazar persan.
A CONDITION aussi, qu'on ne s'avise pas de museler les critiques, d'embrigader les récalcitrants sous une unanimité de façade, de fustiger les divergences sous couvert de «propos orduriers», de vibrionner frénétiquement en se gargarisant de boycotts ou de menaces improbables. L'ordure n'est jamais tant dans le propos que dans son objet.
A CONDITION enfin, qu'on ne sabote pas au grand jour et/ou en sous main, les entreprises alternatives, les tentatives d'innovation.
Certains en sont restés au stade du croquemitaine, «lou bécut» en gascon.
Certains en sont restés au stade du croquemitaine, «lou bécut» en gascon.
Qu'ils cessent de prendre leur cas pour une généralité. Nous ne sommes pas en Iran, et les ayatollahs qui fulminent contre les grands satans, ici, comme là bas ne font plus peur.
Ne vous inquiétez pas: demain ils seront d'accord avec vous. Il en va ainsi de tous les arrivistes.
Ne vous inquiétez pas: demain ils seront d'accord avec vous. Il en va ainsi de tous les arrivistes.
Halte à la desesperanza! Haut les coeurs!
Xavier KLEIN
2 commentaires:
Viarkozy lirait-il des blogs orduriers?
Je suis désespéré: malgré tous mes efforts, je n'en trouve aucun, hormis TT et l'EdC!
Xavier,
Certes ce bon Monsieur de Talleyrand avait raison, mais cela n'empêcha jamais les tonneurs de tonner ni les excessifs d'excessifier...
Par ailleurs, les postures passéistes sont une perte de temps, car le passé... est passé: qui de nos jours, parmi les plus intransigeants des aficionados "toristas", souscrirait encore à l'adage qui avait cours dit-on au début du XXème siècle à propos des toros tant redoutés alors du Duc de Veragua (faire le "triple 6": prendre 6 piques, provoquer 6 chutes et tuer 6 chevaux)?...
Notre temps étant quelque peu celui de l'uniformisation sécurisante (ou présentée comme telle), quoi de plus normal que toros et toreros soient "normés", calibrés - les uns pour un nombre de passes à recevoir et les autres pour un - même? - nombre de passes à donner?...
Dès lors, la seule question qui vaille me semble-t-il (toute fausse modestie mise à part) est celle de la préservation des conditions du hasard (susceptible de favoriser ce que Malraux nommait si bellement le "surgissement de l'imprévisible"): chez le torero, la marginalité de caractère (vaste programme, évidemment improgrammable!); chez le toro - et via cette génétique appliquée en quoi consiste l'élevage, la préservation d'"encastes" recelant encore des réservoirs de "comportements" taurins suffisamment combatifs - puisque le "toro de combat" est élevé et se juge pour le combat... Ce qui signifie concrètement (me semble-t-il encore) pour nous aficionados, la poursuite de l'objectif si modeste soit-il de permettre la survie de ces élevages, en payant nos places au profit de corridas organisées avec ces toros. Car, le jour où le dernier de ces toros aura disparu, ne nous resterons que nos souvenirs...
Bien à toi - Bernard
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