Humeurs taurines et éclectiques

jeudi 18 juin 2009

De l’influence civilisatrice du Paquito

Nous vivons une époque moderne, c’est un fait entendu, mais quand même!
Je suis issu d’une lignée de patriotes (ce qui dans mon esprit se différencie radicalement de l’esprit nationaliste) qui n’a jamais barguigné quand il s’agissait d’aller se faire casser la gueule pour les beaux yeux de la République, sur quelque théâtre d’opération que ce soit, de Dunkerque à Tamanrasset, et de la Pointe de Grave jusqu’aux rizières tonkinoises.
Lorsqu’il fût question d’aller remplir mes obligations militaires, dans le cadre du Service National, j’aurais pu en être exempté. Néanmoins, nonobstant l’antimilitarisme de rigueur durant les seventies, il m’avait semblé obscène de se défiler, quand nos ancêtres de 1789, s’étaient battus pour obtenir le droit de porter les armes pour la défense de la Nation, ceux de 1914 pour récupérer l’Alsace et la Lorraine, et ceux de 1940 pour que leurs enfants ne s’appellent ni Helmut, ni Siegfried, et ne se croient pas inférieurs parce qu’ils n’avaient ni les yeux bleus, ni les cheveux blonds.
Non pas que j’ai trouvé quelques attraits aux délices de l’ordre serré, de la corvée de chiotte ou de l’infantilisation troupière. Non pas que le port du treillis, l’esprit de corps, ou la mystique du chef ou du groupe me soient apparus comme des idéaux métaphysiques. Mais plus simplement parce qu’il me paraissait que tout citoyen libre revendiquant des droits se devait également d'assumer des devoirs envers sa communauté de vie, sa culture et son histoire.
Quoique l’on pense du drapeau tricolore, des gens sont tombés pour lui et cela doit être respecté.
Je ne prétends nullement, ni être dans la vérité, ni qu’on doive imposer cette vérité à quiconque, mais c’est ma conviction, et je la dis.
Liberté, Egalité, Fraternité, mais aussi, tolérance, humanisme, ouverture à l’Autre, hospitalité, générosité, solidarité sont des valeurs qui, en dépit de tout, méritent pour moi, et peut-être pour toi, lecteur, qu’on se batte et à l’extrême qu’on meure pour les défendre.
Etre patriote, c’est défendre et assumer les valeurs des Pères.
Au même moment où, contre mauvaise fortune bon cœur, je partais faire le guignol au 57ème régiment d’infanterie («le terrible que rien n’arrête» selon l’Empereur au soir d’Austerlitz), beaucoup de mes contemporains se démerdaient avec ardeur pour échapper à la conscription et se faire exempter. Que de moqueries n’ai-je point entendues, quand je revenais le vendredi de la caserne déguisé en féroce guerrier!
Ironie de la vie, ce sont ces mêmes brillants esprits, portant beau à l’époque, clarks, patdefs, chemises indiennes, toisons abondantes, peace-and-love, anarchistes, révolutionnaires, maoistes, babas, etc. que je croise maintenant en complet veston, ou en blazer-jean-mocassins, crânes rasés, bourgeois, UMPisés, berline-de-luxisés, bobonnisés, golfisés, lion’sclubisés, en un mot parfaitement «conformes». Ah, je tranche avec ma cacugne bringuebalante et défraichie, ma barbe philosophale et ma mise approximative!
Certes, il paraît qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, mais quand même!
Nous vivons une époque moderne!
Ceux-là même qui crachaient sur l’uniforme en 1970, sont en première ligne pour le proposer dans les écoles et l’imposer dans les fêtes!
La fête, qui pour moi fédère les différences, promeut la fantaisie, autorise la transgression, laisse s’exprimer le corps, la liberté, la pulsion, la déraison, tout cela bien sûr dans des limites; cette fête, «ils» veulent nous l’enfermer, nous l’encadrer, nous la réguler, nous la barragiser.
L’endiguement des passions dangereuses est devenu leur obsession, leur lubie, comme la crainte maladive des dérives supposées d’une juvénilité qu’ils ont résolu d’oublier, comme ils se sont résolus au racornissement de leurs rêves et à la désagrégation de leurs utopies.
Il n’est pas question ici de jeter la critique sur tel ou tel, de clouer au pilori une organisation lambda, mais plutôt de dénoncer un mouvement d’abrutissement général dans lequel malheureusement, chacun, consciemment ou inconsciemment, prend sa part.
A Dax, cela fait dix ans qu’on m’emmerde parce que je me refuse obstinément à adopter la tenue de rigueur, l’uniforme de circonstance, le sauf-conduit pour la «feria», l’Ausweis de la dissolution rassurante dans la masse.
Dix ans de résistance contre une injonction absurde et sans fondements.
Rouge et blanc? Bleu et blanc? En quoi devons-nous nous déguiser en navarrais pour paraître plus festifs? Pourquoi pas en traje corto, tant qu’à faire, en Gilles de Binche ou en highlanders?
Nous sommes gascons, basques, provençaux, catalans, mais aussi lillois, parisiens, bourguignons, anglais, guatémaltèques, marocains. Pourquoi s’accoutrer selon une coutume qui nous est a priori étrangère? Pourquoi limiter notre désir et l’enfermer dans le cadre obligé d’une tradition créée de toute pièces, importée artificiellement? Et tout cela dans quel but, avec quelle arrière pensée régulatrice?
Il est vrai qu'il vaut mieux avoir l'air con à mille que de l'être tout seul. La connerie ne se dénonce qu'individuellement, collectivement elle s'appelle "mode".
J’aime à voir dans les fêtes, la créativité s’exprimer. J’aime à croiser des barbus en layettes et tétines, des martiens en goguettes, celui-là qui avaient fêté toute la madeleine en…skis et tenue alpine, ou cet autre en palmes et tuba.
Je refuse de m’embrigader dans quelque «paquito» que ce soit, pour mimer grégairement les mêmes gestes, dans les mêmes oripeaux, sur la même ritournelle, cela me rappelle trop l’armée que j’ai subie quand d’autres s’en dispensaient.
N’en déplaise aux dictateurs du désir encadré, aux prématurés du vieillissement, aux croisés du festivement correct, aux trous-du-cul empesés, aux cuistres quoi!
1968: Sous les pavés la plage. L'imagination prend le pouvoir!
2009: Sous la plage les pavés. Le pouvoir prend l’imagination!
NOTA: Avez-vous remarqué comment on annonce désormais les nouveaux cartels? Exit les toros, exit les toreros, seule demeure la figura: «Corrida avec Sébastien Castella, samedi 20 juin à 18h aux Arènes le Palio»

7 commentaires:

el chulo a dit…

certes, mon cher xavier.
en 68 toutefois, et après j'ai tout fait pour échapper au service militaire, et y suis parvenu, avec l'aide d'un traumatisme cranien.
je connais ces 68 (h)ards, qui jamais ne furent incommodés par les lacrymogènes, encore moins par les matraques et qui pérorent une gauche méprisable, anciens combattants dérisoires.
parfois, à beaujon l'air était un peu lourd toutefois.
ceci n'a attisé en moi rien moins qu'une forte prévention contre l'uniforme, ou toute uniformité, lorsque, surtout, ils se mettent en tête de me dire le "bien faire", le "bien s'amuser", le "bien rire", le "bien rayer les différences sociales" l'espace d'une semaine, le " bien fraterniser", le bien "être pris pour des boeufs"ou des cons.
tandis que par ailleurs à longueur d'écrans, on me dit le "bien vivre", le "bien penser", le "bien non fumer", le "bien non boire" le "bien non baiser" et le "bien sarkozer" et qu'on s'occupe encore de tout pour moi.
j'ai toujours refusé de me déguiser en "navarrais", et ce pour des raisons, dirais je historiques, mais que beaucoup ignorent, et faire marcher un joli petit commerce dacquo- dacquois d'écharpes, de chemises de pantalons etc!
ceci dit, je n'ai aucune estime pour certains abrutis "navarrais" aussi, que nous cherchons à singer dans nos fêtes, qui gueulent, pintent, éructent de dos à l'arène, pendant qu'un type essaie de s'accommoder d'un toro.
il est des choses pour lesquelles je demeure très conventionnel: l'horreur de la vulgarité et l'horreur de la connerie.

Lionel a dit…

Xavier, l'on remarque dans bon nombre de rites, que le changement de tenue est pratiqué (religions, philosophiques, confréries des mangeurs de saucisses, ect...), il est reconnu par les spécialistes que ceci est nécessaire, afin de permettre aux participants de mieux s'en imprégner. L'uniformité vestimentaire est aussi un moyen de reconnaissance, et même des idéaux sociétaux comme par exemple une frange de l'écologie, se reconnaît de par des tenues vestimentaires propres aux "valeurs" qu'elles portent (j'en ai pas mal dans mon secteur d'activité, c'est assez marrant à voir). Mais ce que tu sembles vouloir souligner, à moins que je ne me trompe, est le changement vestimentaire de ceux et celles qui de la sorte jouent et se jouent un rôle, et veulent par cela, se croire appartenir au monde taurin. D'où la floraison des tenues que tu dénonces, mais aussi les chemises "taurines". Pour ma part, je rejoints tes propos. Je n'en perçois pas du tout l'utilité, si ce n'est un vouloir d'uniformisation des masses. On remarque aussi dans tout ce défilé de tenues, une certaine catégorie sociale qui étale des vêtements plus ou moins chics, mais qui surtout ne se mélangent pas au reste de la foule. Souvent cantonés dans des lieus privés, ou on accède que par invitation. Ces mêmes qui te demandent une réduction sur le prix de ton bouquin lors de dédicace...
Pour l'uniforme, je l'ai volontairement porté pendant 3 ans, et je n'ai aucun regrets (surtout que cela m'a amené à faire des escales dans des pays où je n'irai surement plus jamais). Je me sens même le droit que pouvoir critiquer ce milieu au besoin, puisque je l'ai vécu de l'intérieur.

Xavier KLEIN a dit…

Pour cette "tenue de fêtes", il convient de distinguer 2 motivations: celle de ceux qui la portent et celle de ceux qui l'incitent.
Pour les premiers il y a sans aucun doute l'idée de s'assimiler, de ne pas se différencier, de s'intégrer à un groupe, c'est l'aspiration à une identité et à une communauté.
Pour les seconds, la chose est plus subtile, il y a nettement la volonté de réguler, d'encadrer un phénomène qui, par essence, echappe au contrôle. Festoyer c'est abuser, mais, il faudrait pas trop abuser tout de même!!!
Pourquoi tous les systèmes autoritaires ou d'autorité raffollent-ils de l'uniforme?
C'est la question qu'il faut se poser.

el chulo a dit…

les régimes d'"autorité", puisque il est vrai que le mot "autoritaire" fait débat, allez savoir pourquoi, tablent évidemment sur une uniformité imposée de la pensée et du comportement par voie de conséquence.
ils se sont souvent abrités sous des uniformes et/ ou des signes de reconnaissance.
ne pas adhérer est être contre, donc suspect et même coupable.
d'où l'intérêt d'arborer un signe d'allégence, le
plus évident car immédiatement visible étant l'uniforme.

Pedrito a dit…

Que vont-ils faire, dans une arène, et conditionnés ces paquitayres bicolores formatés par leurs communautés?
Qu'auront-ils le droit de dire, s'il leur en prenait l'envie, et qui ne soit pas du goût des psycho-manipulateurs ?

Encore une connerie médiatico-commerciale pour faire, avec des foules décitoyennisées, des moutons dociles, des imbéciles, capables de tout, sauf de voir une corrida comme elle se doit d'être.

BEURK !

Bravo Xavier! J'ajoute une petite mise au point: sur un blog de charlots callejonnesques truffé de jobardises, quelqu'un signe indûment el grande.
Non, "El Grande", c'est ici, sur la Brega.
¡¡¡ Si señor !!!!

ludo a dit…

je crois simplement que les modélisations et les uniformes ont changé. la blouse des écoliers a disparu , la dictature des marques est apparue. c'est plus diffus , plus pernicieux. c'est le grand marché auto-régulateur cad l'inverse des vessies qu'on veut nous faire penser être des lanternes. le marché organise le pantomime de la concurrence et la réalité de la régulation. le contrôle s'étend plus efficacement quand on a dans les yeux la poudre de l'offre (on appelle cela la com' ,en gros ).un contre exemple : les vignerons . vous allez chez un vrzi vigneron, un fou de vin, il vous parlera des autres , de ses confrères qui font eux aussi des breuvages dont ils se régalent entre eux, ils se groupent , ils se stimulent , ils sont ouverts ,ils parlent sans ambages. demême les poètes. ils conseillent de lire les autrtes, de se délecterdes motsa vant tout, ils n'ont aucun contrat avec telle ou telle maison d'édition, ils vaquent en fonction des endroits, des projets. attention, ça castagne. mais comme les mémés de nougaro.
tous à poil cornediou !

ludo (objecteur de conscience)

Anonyme a dit…

Mourir pour un pays d'accord mais de mort lente...
N'oublions pas le nombre de plus en plus grand de "crétins" qui chantent à tout propos l'ignoble Marseillaise. A tout prendre je préfère Paquito.
Velonero (réformé P4)