Humeurs taurines et éclectiques

vendredi 15 mai 2009

NAZISME ET ANIMALISME 2

photographie d'Oleg KULIK
Quand bien même la cause animale et plus largement l'animalisme ne seraient-ils perçus que comme une récupération ou une instrumentalisation du régime («La Protection législative de l'animal sous le nazisme. Un recyclage français de la propagande nazie (autour des ouvrages de Luc Ferry)» article d'Elizabeth Hardoin Gugier), le fait n'en demeure pas moins que de manière parfaitement délibérée, organisée et argumentée, le nazisme a mis en avant ces valeurs animalistes.
Dans le cadre du Tierschutzgesetz (loi de protection de l'animal), la vivisection, interprétée comme «science enjuivée et internationaliste» témoigne pour les nazis d'un rapport de domination à la nature plutôt que d'une relation de respect.
On sait que la conception occidentale des rapports entre l’humain et l’animal comme l’ensemble de la culture occidentale procède de l’héritage multiple de la pensée grecque, du droit romain et surtout, pour cette question, du christianisme.
Pour schématiser, l'humanité chrétienne est la "couronne" de la Création, et a été faite à "l'image de Dieu". Comme tous les récits créationnistes, la Genèse montre que l'homme se perçoit différent des autres êtres vivants. Les animaux, les plantes ont été créés par la parole. Mais l'homme est créé à partir de la poussière et du souffle divin. La singularité de l'homme par rapport au règne animal procède de ce souffle divin que Dieu a insufflé en lui. C'est ce souffle qui lui permet de penser, d'avoir une conscience morale.
«
- Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.
Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.
Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre.
»
BIBLE de JERUSALEM Genèse I.26-28
On voudra bien noter que dans le verset suivant:
« - Dieu dit : Je vous donne toutes les herbes portant semence, qui sont sur toute la surface de la terre, et tous les arbres qui ont des fruits portant semence: ce sera votre nourriture.»
Genèse I.29-30
L’humain en «état paradisiaque» est donc strictement végétarien. Par contre après le malheureux épisode du déluge, conséquence du péché, Dieu installe l’Homme dans un régime omnivore. L’accès à la nourriture carnée, limité par l’interdit du sang (kashrout) est traditionnellement interprété tant par l’exégèse juive que chrétienne, comme conséquence de l’imperfection de l’Homme, et comme une donnée fondamentale de sa condition.
« - Soyez la crainte et l'effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains.
Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes.
Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c'est-à-dire le sang.
Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J'en demanderai compte à tous les animaux et à l'homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l'âme de l'homme.
Qui verse le sang de l'homme, par l'homme aura son sang versé. Car à l'image de Dieu l'homme a été fait.
Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez.
Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils.
»
Genèse IX 2-8
Ce sont donc ces textes fondateurs qui instaurent pendant 2000 ans la représentation collective du rapport animal-humain: un rapport dissymétrique où l’humanité se définit par rapport à l’animalité. Même l’école cartésienne (Méditations, 1641 et le Discours sur la Méthode, 1637 de René Descartes) entre dans cette logique.
Au cours du XIXème siècle, apparaissent les bases du jus animalium (droit animal).
Dans les pays du nord de l’Europe, Grande Bretagne, Allemagne, le mouvement romantique et l’exaltation de la nature se conjugue avec la découverte des philosophies orientales (hindouisme, bouddhisme) pour introduire un nouveau rapport à l’animal. Schopenauer et tout un pan de la philosophie allemande se penchent sur la culture indienne et découvre des concepts comme l’Ahimsa (non violence) hindouiste.
Cette nouvelle conception du rapport à la nature, à l’environnement et plus particulièrement à l’animal résulte donc de l’intrusion d’éléments culturels exogènes, le plus souvent isolés du paradigme qui les a produit, ou bien dans le cas qui nous concerne, celui de l’Allemagne nazie, de mouvements d’idées (romantisme paganiste wagnérien) dont la validité et l’orthodoxie morale restent sujettes à cautions.
Le romantisme wagnérien, grand inspirateur du nazisme portait déjà l’empreinte profonde de l’antisémitisme forcené du cher Richard. L’antichristianisme (ou au choix le néopaganisme) du nazisme, le conduit à proposer une nouvelle relation à l’animal, antithétique de la vision chrétienne traditionnelle.
C’est la vision anthropocentrique de l’Homme qui est clairement et délibérément visée par la législation nazie. Car le nazisme ne s’y trompe pas, sous l’amour et la mystique immodérés de la nature et des animaux, se tapit une haine inextinguible de l’Homme qui transparaît sans cesse dans les textes et les discours.
A SUIVRE
Xavier KLEIN

4 commentaires:

ludo a dit…

cher xavier,
l'historienne en question est élisabeth hardouin-fugier.contrairement aux élucubrationistes écolo-bobos ses ouvrages , notamment sur la corrida en tant qu'opposante, sont plutôt béton, en tout cas solidement verrouillé.
wagner était antisémite mais c'était plutôt ne pas l'être à l'époque qui était anticonformiste, non ?
tu remarqueras que dans charlie , de luce lapin (un pelin follasse) à caroline fourest , ce sont des anticorridas hurlant après les dérémonies de l'aid el kebir notamment. sous couvert de laïcité on justifie son penchant animaliste.le même combat que bb qui porte le front de manière nationale après avoir porté la jupe de façon raccourcie. et ça , je peux te dire que ça les emmerde. autre lieu commun : les abattoirs ont pris pour modèles le régime concentrationnaire et les camps de la mort. en gros : birkenau = la villette. l'utilisation du moindre morceau de chair , d'os, toison, en farine ou autre renvoie ainsi à l'affabulation concernant la fabrication de savon à partir de graisse humaine dans les camps et présenté comme avérée par les tenants de ces théories antispécistes, ce qui est un coup porté contre son propre camp ( celui des "éclairés " de leur temps )et qui sert celui des négationistes (on vous a menti sur le savon, on vous ment sur le reste, forcément ).
source :
http://www.phdn.org/negation/savon.html

un abrazo

ludo

Xavier KLEIN a dit…

Cher Ludo,
Effectivement Elisabeth Hardouin-Fugier est une historienne "solide", c'est incontestable.
Le problème, c'est quand un(e) historien(ne), comme n'importe quel scientifique d'ailleurs, s'engage sur la défense d'un point de vue philosophique (en l'occurence l'animalisme). On finit toujours par parvenir là où on veut aller.
En l'espèce, ma démarche est autre: j'énonce les faits. Des faits qui éclairent la vieille parallélité entre les positions de l'extrême droite et l'animalisme sur la condition animale, et ses fondements théoriques.

Anonyme a dit…

Putain, bien content d'être athée :
<< Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c'est-à-dire le sang.>>
parce que moi c'est le sanquet et le boudin que j'aime !

Xavier KLEIN a dit…

Je suis aussi assez porté sur ces gâteries!