«Je sais tes oeuvres: tu n'es ni froid ni bouillant. Que n'es-tu froid ou bouillant!
Mais parce que tu es tiède, et non froid ou bouillant, je vais te vomir de ma bouche.»
Le 12 octobre 1936, Unamuno, recteur de l'université de Salamanque, auteur de ce texte magnifique qu'est: «Le Sentiment tragique de la vie» est requis d'autorité pour prendre la parole en présence de l'épouse du Caudillo lors d'une cérémonie en l'honneur de la Vierge du Pilar (sic). Le public est choisi, la salle est bourrée de phalangistes, de soldats, de légionnaires avec à leur tête le Teniente General fondateur de la Bandera, la Légion Etrangère espagnole, José Millan Astray. On impose au vieil homme les discours haineux, les vociférations, les insultes, les slogans ponctués de saluts fascistes.
Miguel de Unamuno prend la parole avec la dignité et le courage d'un vieillard qui n'a rien à perdre, la lucidité et la vigueur d'un penseur qui voit sous ses yeux la barbarie au travail. Sous les «Viva la muerte!» et les «Mueran los intelectuales!», il parle avec calme et sérénité. Millan-Astray pointe son pistolet sur Miguel de Unamuno en hurlant: «¡Muera la inteligencia! ¡Viva la muerte!»
Unamuno quitte l'estrade sous escorte, sous les huées et les insultes.
Il fût évidemment limogé et assigné à résidence par le franquisme et mourrut peu après de «tristesse et d’écoeurement». Il ne reste trace de son discours censuré. Il reste seulement une photo (ci-dessous). Miguel de Unamuno a écrit et pensé sur la corrida. Nul doute qu'il savait aussi bien que la plus grande des figuras ce que signifie «aguantar» ou «avancer la jambe»... Aujourd'hui, nous connaissons la grâce de ne risquer aucunement ce que risquait alors Don Miguel. Pourtant combien peuvent avoir son courage et la paisible lucidité d'un Socrate buvant la ciguë plutôt que de se renier?
C'est vraiment marrant tous ces gens, qui avec bienveillance, cela va de soi, vous appellent régulièrement à un sage abandon, à une prudente réserve, à une raisonnable démission.
Comme si ce qui les dérangeait ne tenait pas tant à votre destin, ce dont ils se foutent vraisemblablement comme de l'an 40, mais plutôt à la quiétude de leur bonne conscience, qui pourrait ainsi se taper une méridienne non troublée par des scrupules inopportuns.
Leur parlez-vous d'afeitado?: «Mais bon, tu le sais bien, nul n'est parfait, il faut savoir accepter des menus accommodements».
Evoquez-vous le prix des places?: «Ce sont des logiques économiques contre lesquelles nous ne pouvons pas grand chose»
Parlez-vous choix d'élevages?: «Le public a ses raisons que la raison ne connaît pas. Après tout nous sommes une minorité d'aficionados, la majorité a des droits.»
Abordez-vous «l'indultite»?: «Tu connais mon sentiment, mais peut-on avoir raison contre tout le monde?»
A ce dernier propos, il faut désormais s'inquiéter de son expansion logarithmique, suite à la temporada sud-américaine. Et les mêmes grands esprits qui vilipendaient hier les fâcheux qui s'offusquaient de la chose, commencent eux-mêmes à s'émouvoir de sa systémisation. Il est maintenant toutefois prouvé que ce sont bien les professionnels qui ont exporté cette mode, comme ils l'avaient promu cet été.
Voilà donc un autre signe des temps: dire tout et son contraire pour rester assuré d'avoir toujours raison. Il est des sites particulièrement conviviaux et honnêtement pensants où tout un chacun pourra toujours trouver à boire et à manger quelque soit son régime.
Compromission et démission sont les mamelles de la France sarkozyste.
Le mensonge, la mauvaise foi et la duperie sont désormais des instruments de gouvernement incontournables. Mais n'en sommes-nous pas responsables puisque nous l'acceptons et ne disons rien? Super Nicolas n'est pas la maladie, il n'en est que le symptôme, comme le bubon dévoile la peste.
Les virus, c'est en nous que nous les portons: lâcheté, indifférence, opportunisme, veulerie.
Il serait quelquefois temps de ne pas célébrer la résistance que dans des commémorations hypocrites, au pied des stèles, mais de la vivre dans ses actes.
Mais parce que tu es tiède, et non froid ou bouillant, je vais te vomir de ma bouche.»
Apocalypse III 15, 16
Ce matin la moiteur utérine de la couette était peuplée de la certitude amère que l'activité neuronale n'était qu'une bien mince prothèse à la puissance des exigences de notre viande.
Allez penser, allez rêver, allez vous projeter quand la morve vous coule au nez et que l'éternuement compulsif ébranle votre cervelle!
Le coup de téléphone d'un proche m'a rappelé à mes errements coupables. Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire m'interroge t-on?
Assurément, mais sont-elles bonnes à entendre?
De même, il n'est point de questions indiscrètes, il n'y a que les réponses qui peuvent l'être.
Je voudrais compléter le dernier article en disant tout mon respect pour ceux qui s'engagent, quel que soient les engagements, y compris si ces engagements ne correspondent nullement à mes options ou à mes convictions.
Je ne suis pas d'accord, loin s'en faut avec les communistes, mais c'est parmi eux que j'ai compté le plus d'amitiés, car leur fidélité à un idéal, leur dévouement et leur désintéressement m'ont toujours paru des plus admirables, surtout dans un monde où l'individualisme et la défense de l'intérêt personnel sont semble t-il devenus de règle.
L'engagement avec rectitude et fermeté dans une voie, voilà toute l'affaire.
Non pas un engagement aveugle et inconséquent, mais la capacité de faire des choix clairs, informés et décidés, de prendre position.
Que voyons-nous à l'oeuvre aujourd'hui:
L'indifférence (ne pas se sentir concerné)
La lâcheté (refuser de choisir ou de se positionner par peur des conséquences
L'opportunisme (s'investir par intérêt)
La duplicité (courir plusieurs lièvres à la fois, ménager la chèvre et le chou)
Je suis profondément attaché à la culture espagnole parce qu'elle a toujours témoigné d'une attirance toute particulière pour les comportements extrêmes.
Don Quijote va jusqu'au bout de sa folie chevaleresque, comme Thérèse d'Avila va jusqu'au bout de sa folie mystique, Don Juan de sa folie amoureuse, Lope de Aguire (ou la colère de Dieu) de sa folie de conquête, le colonel Masagual dans Fiesta d'après le roman de José Luis de Villalonga de sa folie décadente: «Nous vaincrons parce que nous sommes les plus cons!»
A ce propos, le plus bel exemple d'engagement nous vient du philosophe Miguel de Unamuno. Un engagement total, sage, serein, courageux et désespéré.Allez penser, allez rêver, allez vous projeter quand la morve vous coule au nez et que l'éternuement compulsif ébranle votre cervelle!
Le coup de téléphone d'un proche m'a rappelé à mes errements coupables. Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire m'interroge t-on?
Assurément, mais sont-elles bonnes à entendre?
De même, il n'est point de questions indiscrètes, il n'y a que les réponses qui peuvent l'être.
Je voudrais compléter le dernier article en disant tout mon respect pour ceux qui s'engagent, quel que soient les engagements, y compris si ces engagements ne correspondent nullement à mes options ou à mes convictions.
Je ne suis pas d'accord, loin s'en faut avec les communistes, mais c'est parmi eux que j'ai compté le plus d'amitiés, car leur fidélité à un idéal, leur dévouement et leur désintéressement m'ont toujours paru des plus admirables, surtout dans un monde où l'individualisme et la défense de l'intérêt personnel sont semble t-il devenus de règle.
L'engagement avec rectitude et fermeté dans une voie, voilà toute l'affaire.
Non pas un engagement aveugle et inconséquent, mais la capacité de faire des choix clairs, informés et décidés, de prendre position.
Que voyons-nous à l'oeuvre aujourd'hui:
L'indifférence (ne pas se sentir concerné)
La lâcheté (refuser de choisir ou de se positionner par peur des conséquences
L'opportunisme (s'investir par intérêt)
La duplicité (courir plusieurs lièvres à la fois, ménager la chèvre et le chou)
Je suis profondément attaché à la culture espagnole parce qu'elle a toujours témoigné d'une attirance toute particulière pour les comportements extrêmes.
Don Quijote va jusqu'au bout de sa folie chevaleresque, comme Thérèse d'Avila va jusqu'au bout de sa folie mystique, Don Juan de sa folie amoureuse, Lope de Aguire (ou la colère de Dieu) de sa folie de conquête, le colonel Masagual dans Fiesta d'après le roman de José Luis de Villalonga de sa folie décadente: «Nous vaincrons parce que nous sommes les plus cons!»
Le 12 octobre 1936, Unamuno, recteur de l'université de Salamanque, auteur de ce texte magnifique qu'est: «Le Sentiment tragique de la vie» est requis d'autorité pour prendre la parole en présence de l'épouse du Caudillo lors d'une cérémonie en l'honneur de la Vierge du Pilar (sic). Le public est choisi, la salle est bourrée de phalangistes, de soldats, de légionnaires avec à leur tête le Teniente General fondateur de la Bandera, la Légion Etrangère espagnole, José Millan Astray. On impose au vieil homme les discours haineux, les vociférations, les insultes, les slogans ponctués de saluts fascistes.
Miguel de Unamuno prend la parole avec la dignité et le courage d'un vieillard qui n'a rien à perdre, la lucidité et la vigueur d'un penseur qui voit sous ses yeux la barbarie au travail. Sous les «Viva la muerte!» et les «Mueran los intelectuales!», il parle avec calme et sérénité. Millan-Astray pointe son pistolet sur Miguel de Unamuno en hurlant: «¡Muera la inteligencia! ¡Viva la muerte!»
Unamuno quitte l'estrade sous escorte, sous les huées et les insultes.
Il fût évidemment limogé et assigné à résidence par le franquisme et mourrut peu après de «tristesse et d’écoeurement». Il ne reste trace de son discours censuré. Il reste seulement une photo (ci-dessous). Miguel de Unamuno a écrit et pensé sur la corrida. Nul doute qu'il savait aussi bien que la plus grande des figuras ce que signifie «aguantar» ou «avancer la jambe»... Aujourd'hui, nous connaissons la grâce de ne risquer aucunement ce que risquait alors Don Miguel. Pourtant combien peuvent avoir son courage et la paisible lucidité d'un Socrate buvant la ciguë plutôt que de se renier?
C'est vraiment marrant tous ces gens, qui avec bienveillance, cela va de soi, vous appellent régulièrement à un sage abandon, à une prudente réserve, à une raisonnable démission.
Comme si ce qui les dérangeait ne tenait pas tant à votre destin, ce dont ils se foutent vraisemblablement comme de l'an 40, mais plutôt à la quiétude de leur bonne conscience, qui pourrait ainsi se taper une méridienne non troublée par des scrupules inopportuns.
Leur parlez-vous d'afeitado?: «Mais bon, tu le sais bien, nul n'est parfait, il faut savoir accepter des menus accommodements».
Evoquez-vous le prix des places?: «Ce sont des logiques économiques contre lesquelles nous ne pouvons pas grand chose»
Parlez-vous choix d'élevages?: «Le public a ses raisons que la raison ne connaît pas. Après tout nous sommes une minorité d'aficionados, la majorité a des droits.»
Abordez-vous «l'indultite»?: «Tu connais mon sentiment, mais peut-on avoir raison contre tout le monde?»
A ce dernier propos, il faut désormais s'inquiéter de son expansion logarithmique, suite à la temporada sud-américaine. Et les mêmes grands esprits qui vilipendaient hier les fâcheux qui s'offusquaient de la chose, commencent eux-mêmes à s'émouvoir de sa systémisation. Il est maintenant toutefois prouvé que ce sont bien les professionnels qui ont exporté cette mode, comme ils l'avaient promu cet été.
Voilà donc un autre signe des temps: dire tout et son contraire pour rester assuré d'avoir toujours raison. Il est des sites particulièrement conviviaux et honnêtement pensants où tout un chacun pourra toujours trouver à boire et à manger quelque soit son régime.
Compromission et démission sont les mamelles de la France sarkozyste.
Le mensonge, la mauvaise foi et la duperie sont désormais des instruments de gouvernement incontournables. Mais n'en sommes-nous pas responsables puisque nous l'acceptons et ne disons rien? Super Nicolas n'est pas la maladie, il n'en est que le symptôme, comme le bubon dévoile la peste.
Les virus, c'est en nous que nous les portons: lâcheté, indifférence, opportunisme, veulerie.
Il serait quelquefois temps de ne pas célébrer la résistance que dans des commémorations hypocrites, au pied des stèles, mais de la vivre dans ses actes.
«Mais parce que tu es tiède, je vais te vomir de ma bouche»
Xavier KLEIN
Reconstitution du discours de Salamanque (12 octobre 1936) de Miguel de Unamuno
«Vous êtes tous suspendus à ce que je vais dire. Tous vous me connaissez, vous savez que je suis incapable de garder le silence. En soixante treize ans de vie, je n’ai pas appris à le faire. Et je ne veux pas l’apprendre aujourd’hui. Se taire équivaut parfois à mentir, car le silence peut s’interpréter comme un acquiescement. Je ne saurais survivre à un divorce entre ma parole et ma conscience qui ont toujours fait un excellent ménage. Je serai bref. La vérité est davantage vraie quand elle se manifeste sans ornements et sans périphrases inutiles. Je souhaite faire un commentaire au discours, pour lui donner un nom, du général Millan Astray, présent parmi nous. Laissons de côté l’injure personnelle d’une explosion d’invectives contre basques et catalans. Je suis né à Bilbao au milieu des bombardements de la seconde guerre carliste. Plus tard, j’ai épousé cette ville de Salamanque, tant aimée de moi, sans jamais oublier ma ville natale. L’évêque, qu’il le veuille ou non, est catalan, né à Barcelone. On a parlé de guerre internationale en défense de la civilisation chrétienne, il m’est arrivé jadis de m’exprimer de la sorte. Mais non, notre guerre n’est qu’une guerre incivile. Vaincre n’est pas convaincre, et il s’agit d’abord de convaincre; or, la haine qui ne fait pas toute sa place à la compassion est incapable de convaincre… On a parlé également des basques et des catalans en les traitant d’anti-Espagne; eh bien, ils peuvent avec autant de raison dire la même chose de nous. Et voici monseigneur l’évêque, un catalan, pour vous apprendre la doctrine chrétienne que vous refusez de connaître, et moi, un Basque, j’ai passé ma vie à vous enseigner l’espagnol que vous ignorez. (Premières interruptions, «Viva la muerte!» etc) Je viens d’entendre le cri nécrophile «Vive la mort» qui sonne à mes oreilles comme «A mort la vie!» Et moi qui ai passé ma vie à forger des paradoxes qui mécontentaient tous ceux qui ne les comprenaient pas, je dois vous dire avec toute l’autorité dont je jouis en la matière que je trouve répugnant ce paradoxe ridicule. Et puisqu’il s’adressait au dernier orateur avec la volonté de lui rendre hommage, je veux croire que ce paradoxe lui était destiné, certes de façon tortueuse et indirecte, témoignant ainsi qu’il est lui-même un symbole de la Mort. Une chose encore. Le général Millan Astray est un invalide. Inutile de baisser la voix pour le dire. Un invalide de guerre. Cervantès l’était aussi. Mais les extrêmes ne sauraient constituer la norme. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’infirmes, hélas, et il y en aura de plus en plus si Dieu ne nous vient en aide. Je souffre à l’idée que le général Millan Astray puisse dicter les normes d’une psychologie des masses. Un invalide sans la grandeur spirituelle de Cervantès qui était un homme, non un surhomme, viril et complet malgré ses mutilations, un invalide dis-je, sans sa supériorité d’esprit, éprouve du soulagement en voyant augmenter autour de lui le nombre des mutilés. Le général Millan Astray ne fait pas partie des esprits éclairés, malgré son impopularité, ou peut-être, à cause justement de son impopularité. Le général Millan Astray voudrait créer une nouvelle Espagne -une création négative sans doute- qui serait à son image. C’est pourquoi il la veut mutilée, ainsi qu’il le donne inconsciemment à entendre. (Nouvelles interruptions «A bas l’intelligence!» etc.) Cette université est le temple de l’intelligence et je suis son grand prêtre. Vous profanez son enceinte sacrée. Malgré ce qu’affirme le proverbe, j’ai toujours été prophète dans mon pays. Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque: la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai dit. »
«Vous êtes tous suspendus à ce que je vais dire. Tous vous me connaissez, vous savez que je suis incapable de garder le silence. En soixante treize ans de vie, je n’ai pas appris à le faire. Et je ne veux pas l’apprendre aujourd’hui. Se taire équivaut parfois à mentir, car le silence peut s’interpréter comme un acquiescement. Je ne saurais survivre à un divorce entre ma parole et ma conscience qui ont toujours fait un excellent ménage. Je serai bref. La vérité est davantage vraie quand elle se manifeste sans ornements et sans périphrases inutiles. Je souhaite faire un commentaire au discours, pour lui donner un nom, du général Millan Astray, présent parmi nous. Laissons de côté l’injure personnelle d’une explosion d’invectives contre basques et catalans. Je suis né à Bilbao au milieu des bombardements de la seconde guerre carliste. Plus tard, j’ai épousé cette ville de Salamanque, tant aimée de moi, sans jamais oublier ma ville natale. L’évêque, qu’il le veuille ou non, est catalan, né à Barcelone. On a parlé de guerre internationale en défense de la civilisation chrétienne, il m’est arrivé jadis de m’exprimer de la sorte. Mais non, notre guerre n’est qu’une guerre incivile. Vaincre n’est pas convaincre, et il s’agit d’abord de convaincre; or, la haine qui ne fait pas toute sa place à la compassion est incapable de convaincre… On a parlé également des basques et des catalans en les traitant d’anti-Espagne; eh bien, ils peuvent avec autant de raison dire la même chose de nous. Et voici monseigneur l’évêque, un catalan, pour vous apprendre la doctrine chrétienne que vous refusez de connaître, et moi, un Basque, j’ai passé ma vie à vous enseigner l’espagnol que vous ignorez. (Premières interruptions, «Viva la muerte!» etc) Je viens d’entendre le cri nécrophile «Vive la mort» qui sonne à mes oreilles comme «A mort la vie!» Et moi qui ai passé ma vie à forger des paradoxes qui mécontentaient tous ceux qui ne les comprenaient pas, je dois vous dire avec toute l’autorité dont je jouis en la matière que je trouve répugnant ce paradoxe ridicule. Et puisqu’il s’adressait au dernier orateur avec la volonté de lui rendre hommage, je veux croire que ce paradoxe lui était destiné, certes de façon tortueuse et indirecte, témoignant ainsi qu’il est lui-même un symbole de la Mort. Une chose encore. Le général Millan Astray est un invalide. Inutile de baisser la voix pour le dire. Un invalide de guerre. Cervantès l’était aussi. Mais les extrêmes ne sauraient constituer la norme. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’infirmes, hélas, et il y en aura de plus en plus si Dieu ne nous vient en aide. Je souffre à l’idée que le général Millan Astray puisse dicter les normes d’une psychologie des masses. Un invalide sans la grandeur spirituelle de Cervantès qui était un homme, non un surhomme, viril et complet malgré ses mutilations, un invalide dis-je, sans sa supériorité d’esprit, éprouve du soulagement en voyant augmenter autour de lui le nombre des mutilés. Le général Millan Astray ne fait pas partie des esprits éclairés, malgré son impopularité, ou peut-être, à cause justement de son impopularité. Le général Millan Astray voudrait créer une nouvelle Espagne -une création négative sans doute- qui serait à son image. C’est pourquoi il la veut mutilée, ainsi qu’il le donne inconsciemment à entendre. (Nouvelles interruptions «A bas l’intelligence!» etc.) Cette université est le temple de l’intelligence et je suis son grand prêtre. Vous profanez son enceinte sacrée. Malgré ce qu’affirme le proverbe, j’ai toujours été prophète dans mon pays. Vous vaincrez mais vous ne convaincrez pas. Vous vaincrez parce que vous possédez une surabondance de force brutale, vous ne convaincrez pas parce que convaincre signifie persuader. Et pour persuader il vous faudrait avoir ce qui vous manque: la raison et le droit dans votre combat. Il me semble inutile de vous exhorter à penser à l’Espagne. J’ai dit. »
AJOUT: Lire aussi l'article de Yannick OLIVIER sur CyR: http://camposyruedos2.blogspot.com/2007/01/le-discours-de-salamanque.html
21 commentaires:
Cher Xavier, j'en avais touché un mot sur Campos y Ruedos. C'est par là :
http://camposyruedos2.blogspot.com/2007/01/le-discours-de-salamanque.html
Yannick
Cher Xavier, j'en avais touché un mot sur Campos y Ruedos. C'est par là :
http://camposyruedos2.blogspot.com/2007/01/le-discours-de-salamanque.html
Yannick
Magnifique claque assénée en face en "direct live" !
Cet anti-corrida était trés "torero" : comment illustrer mieux la prééminence de l'idée dans la toumente ? L'esprit Ptométhéen de résistance et de défi au destin ?
Tiède et sans courage politique Sarko... ? Je suis ok pour lui trouver tout plein de défauts, mais ceux-là, peut-être pas... ;-)
Yannick,
OK vu l'article de Cyr. Si j'aurais su, j'aurai pas publiu. Bien que pour un texte pareil, une deuxième couche ne fait pas de mal.
Comme dit Marc: quel titan!
Marc,
L'allusion à Sarkozy c'est plutôt pour le mensonge, la mauvaise foi et la duperie.
Il est vrai que tiédeur et sans courage sont inadéquats. Encore qu'insulter des marins pêcheurs ou des agriculteurs mécontents derrière ses gorilles n'a rien de très téméraire.
Sans parler Xavier, des effets d'annonce permanents pour calmer les mécontents mais qui dans la réalité ne sont jamais suivi d'effets...
Tiens ! Il a fait quoi contre les parachutes dorés ?
Je dis ça moi, je dis rien...
S’engager de la sorte n’est pas donné à tout le monde, je le concède. Mais je m’interroge si étant plus jeune, il aurait eu le même discours. L’avancée dans la vie, permet parfois de sentir un courage que l’on ne soupçonnait pas avant. Ceci dit, cela n’enlève en rien à son discours d’un formidable courage. Toutefois, je garde présent à l’esprit qu’il était anti-flamenquiste, et donc je garde en mémoire tout ce que représente ce mouvement à savoir un fort régionalisme, un anti-andalousisme primaire car l’Andalousie offre le flamenco et la corrida qui représentent l’hispanité, et le désir de supprimer au peuple ce que ce mouvement intellectuel n’aime pas lui-même.
Je tiens à remercier Yannick et Xavier, car chacun en proposant ce texte sur leurs blogs respectifs, ils viennent d’apporter une réponse à l’une de mes interrogations. Les plus observateurs auront pu remarquer que par une simple petite phrase lors de ce discours, il semble confirmer une certaine philosophie de vie que combattait la dictature avec une forte haine. Il n’y a peut être pas que le discours qui ait dépêché la reconduite avec force et vigueur… Même si je ne partage pas du tout l’anti-flamenquisme du philosophe, que je réfute la large idéologie qui si cache derrière, ce jour là il fût extrêmement courageux.
Lionel
Comment peut-on être anti-flamenquiste?
C'est comme être opposée à la beauté et au parfum des roses!
Sans doute Don Miguel, dont je n'ai lu qu'un ouvrage, s'opposait-il plutôt à ce que l'on réduise l'Espagne à la corrida et au flamenco.
Il est pourtant référencé comme étant parmi les "hommes de lettre de la Restauration" qui combattirent le flamenquisme. Sa correspondance avec Eugenio Noel va aussi en ce sens.
Il refusait la corrida et le flamenco, car d'après lui et ceux de sa mouvance intellectuelle, le peuple ne pensait qu'à cela et ne cherchait pas à s'élever intellectuellement. Son anti corrida était plus de ce fait que du soucis du toro. Mais tout au long de ce que j'ai pu lire sur lui, je trouve un régionalisme poussé. Sous couvert d'humanisme, il affichait des convictions quelque peu intolérantes envers ceux qui ne pensaient pas comme lui. De plus, j'ai le sentiment qu'il critiquait la prétendue bassesse intellectuelle du peuple, mais il se gardait bien d'aller en la calle pour l'instruire le peuple. C'est du moins ce que je perçois du personnage.
Lionel
xavier (et tous ),
tout ceci m'est plus que passion, tu t'en doutes, cela tient du viscéral, car je crois que la guerre civile et l'histoire de l'espagne depuis la défaite de 1898 est primordiale sur le plan historique et politique pour ce qui suivra et même pour ce qui agite encore l'europe d'aujourd'hui.
il me semble qu'il y aurait lieu de converser de vive voix et plus longtemps pour vraiment creuser tout cela, enrichir nos discours, les confronter. on touche aux limites du blog.
quelques petites choses quand même :
sur unamuno et le discours de salamanque et d'autres textes issus de cette période qui précède sa mort je vous conseille le blog de michel del castillo où trois articles abordent la figure du philosophe :
http://www.micheldelcastillo.com/blog.htm
ensuite unamuno faisant partie de la génération du 98, profondément marquée par la défaite de cuba , il fut , à l'instar d'autres intellectuels tel le génial eugenio noel-antiflamenquiste et antitaurin qui allait aux arènes et se laissait brinder des taureaux-, de tous les combats dont ils pensaien,t qu'ils servaient à sortir l'espagne de son obscurantisme. il abhorrait surtout le fait que les gens passaient du temps à parler de toros. dans ses écrits il pourfend la bêtise des abolitionistes.il suffit de lire "écrits sur les taureaux" (ed. les fondeurs de briques ) pour avoir une idée précise de l'antitaurinisme de unamuno.
sur le reste (les racines chrétiennes de l'europe par exemple , cf :
http://blog.mondediplo.net/2007-04-09-Les-racines-chretiennes-de-l-Europe
où on voit que "rendez à césar..." n'est nullement venu du christianisme mais du césarisme.)il faudrait ,comme je l'ai dit, du temps et de l'espace.
à orthez prévopis-tu un moment pour aborder tout cela ? on va venir passer une semaine alors.
abrazo
ludo
Et merde ! Ca m'apprendra à aller vivre en de si hautes latitudes. Toujours loin des conversations intéressantes... Il n'y a pas moyen par courriel? C'est si passionnant ce sujet!
Sur Eugenio Noel, l'UBTF a édité ses textes il y a quelques années, c'est très instructif sur le personnage et complète bien l'échange que l'on trouve en Unamuno et Noel dans l'édition des "fondeurs de briques".
Lionel
Ludo,
Nous sommes bien d'accord sur le fait que Constantin instaure avec "les églises", un système gagnant-gagnant: la christianisme devient religion officielle et lui apporte son soutien et le légitime.
Il est également exact que l'Eglise est une entité extrêmement structurée à cette époque, sur le modèle de l'administration impériale d'ailleurs. Il faut également remarquer que d'emblée Constantin se mèle d'intervenir dans le champ religieux et de convoquer des conciles, ce qui est avant tout le moyen de préserver l'unité idéologique de son principal soutien, et alors que lui-même N'EST PAS CHRETIEN puisqu'il sera baptisé avant de mourir.
Pour autant, je maintiens mon affirmation: le découplage entre spirituel et temporel est une REALITE FONDAMENTALE DU CHRISTIANISME durant les 4 premiers siècles. La preuve en est simple et évidente: les persécutions et le martyrologue qui s'exercent au nom de l'incivilité des chrétiens qui refusent de sacrifier au culte impérial, c'est à dire à l'époque à un devoir civique. 4 siècles et des milliers de martyrs qui se font persécuter pour ce principe. Les écrits d'époque, de Pline à Tertulien sont légions (romaines) et sans équivoques à ce sujet.
Les romains sont tolérants en matière religieuse, tous les dieux ont leur temple à Rome. Ce qu'ils n'acceptent pas des chrétiens (et qu'ils tolèrent difficilement des juifs), c'est le refus du culte impérial, c'est à dire d'une reconnaissance du politique, comme source d'autorité absolue.
En ce qui concerne la génération 98, c'est une période que je connais mal. Il me paraît toutefois opportun de la manier avec les mêmes précautions que j'aborde: ne pas juger, remettre dans le contexte.
Qui est Unamuno? Un bourgeois conservateur catholique anticonformiste. Si l'on devait faire un parallèle, en France, il s'appellerait François Mauriac.
Il reflète les doutes, les tensions, les contradictions et les incohérences de son pays et de son époque.
L'article de wikipedia est lumineux à ce sujet http://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_de_Unamuno.
Et alors?
Nous faut-il être cohérents?
Ce qui importe est de parler en vérité, c'est à dire en fidélité à ce que l'on croit et ce que l'on pense à un intant T.
Cela, le discours de Salamanque montre qu'il a su ne pas passer à coté. Pour moi, c'est ce qui compte.
Qu'importe le chemin pourvu qu'on parvienne à bon port!
PS (non pas le parti!): essaie d'arriver la veille (je vais peut-être organiser un "tiap"), car le jour des évènements, je serai pas mal pris par diverses taches (à tous les sens du terme).
Autre PS: sans prosélytisme aucun, relis les Epîtres de Paul (comme un document) et tu constateras par toi-même la position du christianisme naissant vis à vis du politique.
A consulter également l'extraordinaire enquête de Mordillat et Prieur en plusieurs épisodes sur Arte (http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/L-Apocalypse/2284960.html)
Miguel de Unamuno est effectivement mort "de tristesse et écoeurement" peu de temps après cet épisode de Millan Astray,en fait le 31 décembre 1936.Mais entre-temps il correspond avec des amis et visiteurs.Ces notes,authentifiées et irrécusables,commencent par:"Dès que le mouvement salvateur et populaire commandé par le général Franco a débuté,j'y ai adhéré en déclarant que ce qu'il s'agit de sauver en espagne,c'est la civilisation chrétienne occidentale..."."Bientôt,je fus saisi d'horreur devant la tournure prise par cette guerre civile terrible et sans quartier,causée par une véritable maladie mentale collective...Les sauvageries incroyables des hordes marxistes,rouges,dépassent l'imagination...."
Unamuno est bien mort d'écoeurement,autant des républicains que des franquistes.
Voir le blog de michel del Castillo
et surtout lire son dernier ouvrage
"Le temps de Franco"(Fayard)dont le grand mérite est de rééquilibrer
le balancier de l'histoire.
Sans oublier de méditer sur cette citation de Jorge Luis Borgés(citée dans le livre de Castillo p.10):"La vérité historique n'est pas ...ce qui se passe;c'est ce que nous pensons qui s'est passé".
manolo
Si Manolo!
Comme je l'ai précisé dans les commentaires, Unamuno est un personnage paradoxal et complexe, et je ne suis pas loin de partager ses avis.
Encore une fois, il nous faut faire l'effort de nous vider l'esprit et de désapprendre les codes et informations qu'on nous a enseigné avant de "juger l'histoire". Un martien pacifiste qui serait débarqué en Ibérie en 36, n'aurait pas plus apprécié les massacres d'un coté que de l'autre.
La liquidation des anarcho-syndicalistes catalans par les staliniens a été aussi gratinée.
Je hais l'histoire manichéenne: c'est une forme perverse de la propagande...
Yannick,
Désolé mais ton dernier commentaire s'est effacé. Il doit y avoir un bug quelque part, car ce n'est pas la première fois que ça m'arrive.
J'avais eu le temps de le lire: pas de problème.
Xavier et tous,
Revenant sous la première de tes deux couettes (!), j'ajouterais que la "laïcité à la française" a ceci de spécifique - et de quasi unique - d'être une laïcisation du message évangélique, et jusque dans notre devise républicaine "Liberté, Egalité, Fraternité"! Sur la durée historique, un lien court depuis la "Fille aînée de l'Eglise", en passant par le "soldat de l'An II" propageant les idées de liberté en Europe (quelque inutile qu'ait pu être jugé "l'abominable bain de sang" de la Révolution), le "soldat de l'idéal" (évoqué par Clémenceau le 11 novembre 1918), jusqu'aux... "French doctors" de l'humanitaire - tous exemples de cet "universalisme" qui irrite (!) tant nos amis anglo-saxons (on en rajoutera en rappelant que "catholique" signifie "universel"!)... Et, de ce que l'idée de Justice est centrale, on comprendra qu'en politique étrangère la France se soit construite et tienne sa particularité d'être "contre les Empires" ("Le Roi de France est empereur en son royaume" tel que l'avaient forgé les juristes de Philippe le Bel au XIVème siècle), et qu'en politique intérieure, l'Etat (qu'il fut Roi ou République) se tient "contre les féodaux" (quelle que soit la nature de la féodalité qu'ils exercent). Et, si cette double posture a évidemment fluctué au gré de nos "succès achevés ou malheurs exemplaires" comme l'écrivait De Gaulle dans ses Mémoires de Guerre, la longue direction qu'elle tient nous oblige... On est loin là de la "fiesta brava"? Pas si sûr...
Bien à vous tous - Bernard
PS : à l'attention de ludo et Xavier, un "avant-taurin" (comme il y a des "avant-propos") orthézien ça aurait de la gueule - voire ça gueulerait fort (?). Et, pourquoi pas ?...
16 commentaires ???????????????
on a beau dire mais les soldes c'est fondamental pour les français de base
Bruno,
Décidemment tu rouspètes sans arrêt!
Il faudrait quand même te décider à être un peu tolérant. En ce qui me concerne je t'acceptes tel que tu es avec tes bons et mauvais cotés, la réciproque serait sympa.
J'ai lu ton post sur CyR.
Tous les articles ne peuvent intéresser tout le monde certes, je le comprend, mais personne n'est obligé de les lire ou de les lire tous.
Certains thèmes m'intéressent et d'autres non, je zappe. Pour autant, je ne ressens pas le besoin d'en dégouter les autres.
J'essaie de produire de la diversité, je n'y réussis sans doute pas, désolé, mais je ne suis pas un pro et j'essaie d'être sincère et de parler de ce qui m'interpelle comme cela vient...
Xavier,
Chez moi, en Provence, on dirait de Bruno qu'il est un "roumegous" ou un "rondinaïre"... mais c'est comme ça qu'on l'aime (gaffe, le jour où il est content?)... Quoique moi je le préfère en "sculpteur de galimatias"!
Allez, à force de se parler sans se voir en plein hiver, on va bien finir au moins par s'apercevoir le printemps venu - et carrément se voir à l'été! (avec tout ce qui se dit "ici ou là" et anonyme ou pas, ça donne actuellement le jalon taurin suivant pour 2009 : Alès en mai, Vic en mai-juin, Céret en juillet, Orthez en juillet, Parentis en août...)
A se voir donc?... - Bernard
Tolérér c'est donner, accorder, accréditer on tolère que les Palestiniens se fassent foutre sur la gueule par les Capitalos ...c'est non!
Perso tu le sais j'en pris plein la gueule toute ma vie..... c'est non aussi et je ne demande pas la charité concept religieux intolérable avec le athée que je suis.
Quand à me discréditer sur la place publique c'est délatoire ni plus ni moins.
Alors oui bruno est un con!!!!!
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