Manuel LEGRIS et Stéphane BULLION |
Dans l'antiquité grecque, on célébrait le modèle absolu de la virilité: «καλὸς καὶ ἀγαθός» (kalos kai agathos: «beau et bon»), l'«idéal chevaleresque de la personnalité humaine complète, harmonieuse d'âme et de corps, compétente au combat comme en paroles, dans la chanson comme dans l'action» («Les idéaux de la culture grecque», Werner Jaeger.
Les athlètes triomphateurs des 4 jeux panhelléniques (Olympiques, Pythiques, Isthmiques, Néméens) accédaient au statut de demi-dieux en remportant ces joutes qui étaient à l'origine, des rites à fonction religieuse.
Comme les guerriers distingués pour de hauts faits d'armes (c'était parfois les mêmes), ils étaient spectaculairement célébrés pour avoir porté et grandi l'honneur et le prestige de leur cité. On leur réservait les places de choix aux banquets ou au théâtre, ils étaient entretenus à vie, on leur composait hymnes ou poèmes, et on leur élevait des statues.
La statuaire classique en témoigne: la beauté de l'homme vertueux (selon les critères grecs), courageux et triomphant était le signe de la faveur des dieux que les hommes louaient et exaltaient à l'envi. Le Discobole de Myron, le Doryphore («porteur de lance») de Polyclète, l'Apoxyomène (le «racleur») de Lysippe de Sycione ou le célèbre Aurige de Delphes exaltaient la beauté physique masculine, toujours sous-tendue dans l'âme grecque par la vertu morale.
A l'ère moderne, les choses n'ont guère changé si ce n'est qu'on s'en tient uniquement à la beauté physique, au «kalos», la dimension morale étant passée à la trappe. C'est là, à mon sens toute la différence, de taille, entre une culture porteuse de valeurs et «l'épicerie». Là où la beauté portait un «autre sens» transcendant, où elle était conçue comme le reflet de l'âme du sujet, elle est devenue objet de négoce.
De la part d'un homme contemporain, célébrer la beauté en général et la beauté masculine en particulier ne va pas dans nos campagnes sans provoquer une «certaine suspicion» quant à l'orthodoxie des moeurs de l'impétrant.
Malgré la «révolution sexuelle» des années 60, par delà le lobbying effréné des associations gay et lesbiennes, en dépit de la répression de l'homophobie, le regard d'un homme sur le corps d'un homme continue à susciter des appréciations pour le moins goguenardes dans la franchouillarderie militante.
Avec un auditoire de mâles aquitains, rugbypèdes si possible, amusez-vous à l'apéro à dire votre émotion ou vos larmes devant un splendide coucher de soleil, un paysage mordoré d'automne, un bronze de Donatello, une oeuvre de Boticelli ou une prestation du danseur étoile Roberto Bolle et vous m'en direz des nouvelles!
Roberto BOLLE |
Faut-il être femme ou gay pour admirer le corps d'un homme, zoophile pour se régaler des formes parfaites d'un cheval ou d'un toro et pourquoi pas «cosmophile» pour jouir d'une nuit étoilée?
Et puis c'est facilement faire fi de ce que les sciences de l'homme, la psychanalyse entre autres, nous ont appris de nos pulsions secrètes, inavouées et férocement refoulées, y compris de l'homosexualité latente qui git aux tréfonds de tous les humains. Pour parodier Groucho Marx, il n'y a que les imbéciles pour ignorer que «les hommes sont des femmes comme les autres»!
Je lis ça et là, une réprobation récurrente à l'endroit du sieur Jose Maria MANZANARES qui s'afficherait par trop, dans des errements pipoles ou des tabloïds d'autant plus malodorants que féminins et populaires.
Nomdediou!
Comment? Caisse? Decoi, decoi? Un dieu de l'arène se laisserait aller à ces décadences de dégénérés? Pas étonnant avec les chèvres qu'il torée, le minet!
Que non pas monsieur, un torero, ça doit être viril et tout et tout, ça doit être cicatrisé voire borgne, ça peut être découillé par des cornes assassines, mais ça reste un mâle, un vrai!
Le procès en tantouzerie n'est pas loin...
Cette réaction m'interroge.
Manzanares n'est nullement le premier à subir cette critique. On reprochait presque à José Gómez Ortega «Joselito» sa beauté qui contrastait tant avec la laideur -tout aussi subjective!- du gnome Belmonte, comme on reprocha à Ignacio Sánchez Mejías sa fréquentation de l'intelligentsia des années 30 ou son amitié avec cette lopette de Lorca, comme on glosa sur ces empaffés de Dominguin et de Cordobes, qu'on accusait de la même manière de ne faire leur ordinaire que de petits toritos sur mesure.
On reprendrait les commentaires d'époque on retrouverait les mêmes mots, les mêmes arguties. Pourtant, le temps passant, l'histoire faisant justice, qui refuserait à chacun de ces «bellâtres», jadis pressés de femmes et de mondanités, la gloire de maestros d'anthologie?
Il n'en demeure pas moins que toritos ou pas toritos, ces bestioles là blessent et tuent, et même statistiquement plus souvent que les autres. En outre, même si je ne professe jamais le respect quasi religieux paraît-il dû à celui qui «se met devant les toros», il faut reconnaître qu'il faut quand même … «s'y mettre»! Ce qui n'est tout de même pas à la portée du premier clampin venu...
La dérision a donc ses limites que la décence et le respect devraient imposer.
Peut-être faudrait-il se demander si, se déshabillant pour les magazines, Jose Maria ne transgresse pas un tabou?
Le «traje de luces» révèle le corps en le vêtant. Il suggère, cache, masque, pour mieux provoquer l'énigme et le désir.
Songe t-on à cet artifice qui mue la silhouette plutôt longiligne, presque androgyne du torero standard, dont le morphotype idéal, fruit d'une exigence de souplesse et d'agilité, s'apparente plus au danseur qu'à l'haltérophile, en mâle conquérant?
Examinons ces broderies qui élargissent les cuisses, cette chaquetilla et ses épaulettes qui développent la carrure, cette montera qui hausse la taille et en rajoute coté poil...
S'il est évident que le costume de lumière «masculinise» le torero, allant jusqu'à exacerber une virilité, un «paquet» que nul costume depuis les volumineuses braguettes de la Renaissance n'avait ainsi glorifié, s'en départir, se déshabiller sur des photos de mode, ne signifierait-il pas le danger d'une «efféminisation» rampante?
MANZANARES ne choque t-il pas surtout en dévoilant un corps qui doit rester caché, qui doit demeurer un inaccessible objet de désir dont la révélation ferait choir la magie et le charme?
Ne choque t-il pas parce qu'il brise l'image?
D'aucuns (dont je suis) se passionnent pour la beauté rugueuse des gueules burinées et expressives de ces vieux toreros dont le physique raviné colle à l'idée romantique -très XIXème- que l'on aime à se faire du monde des toros. C'est à la fois une mode (comme l'hyperréalisme des portraits romains du Ier siècle) et un tropisme permanent. Est-il incompatible avec la légèreté et la grâce?
Opposer la «gueule» d'un Frascuelo et la tendre juvénilité d'un Manzanares me semble aussi stupide et vain que d'opposer la fraîcheur insouciante des majos madrilènes des tapisseries de Goya et la dure profondeur de ses portraits de vieillesse. Chaque âge a ses plaisirs et ses vertus.
Jose Maria MANZANARES fête ses 31 ans aujourd'hui, il est jeune, beau comme un dieu, riche, bien portant et adulé. Les femmes matent ses fesses et sa gueule de tendre voyou, les hommes jalousent ses abdominaux et sa ceinture d'Apollon et lui, ma foi, semble assez heureux de l'ensemble. Qui cela dérange t-il?
Il ne va tout de même pas attendre d'avoir cinquante piges, la viande pendante et couturée, la ventripotente déliquescence de la vieillesse pour s'afficher avec des beautés? Voilà là la véritable indécence, celle des barbons!
Et puis zut! «La beauté est dans l'oeil de celui qui regarde».
La laideur aussi malheureusement...
Xavier KLEIN
14 commentaires:
parfois je me demande si tu ne petes pas un cable!
manzanares fait du pognon avec ce qu'on lui demande, au prix qu'il impose.
si on ne lui demandait pas il ne ferait pas.
il est simplement l'image de l'évolution de la corrida casasienne: beaux riches et bandants!
de quoi remplir les gradins de, disons, nanas!
moi vois tu, ça me fait gerber, quelles que soient les qualités du rejeton, qui truque aussi bien que son père.
pour moi, l'arene n'est pas un défilé de mode!
moun diou,
aurais tu abusé de l'herbe qui fait rire, ou nous prépares tu un défilé de mode à Orthez!
qu'il fasse ce qu'il veut et qu'il torée autre chose que des photographes de mode13617erfegro.
j'aime beaucoup les gens qui transgressent mais là le chemin me paraît un peu douteux.
preter aux toreros des réactions pensées ou intelligentes, me paraît dans la majorité des cas une faute lourde.
le morpion fait ce que le prépare son attaché(e) de presse et le négocie au prix fort.
je connais des très grands toreros qui n'étaient pas des beautés.
Mon Chulo,
Tu dis avec raison: "manzanares fait du pognon avec ce qu'on lui demande, au prix qu'il impose".
Certes, il aurait tort de se gêner!
Et il continuera le bougre, puisque ça marche et qu'on continuera à le réclamer.
Combien de contrats en France, dans les arènes de 1ère catégorie l'an prochain, notamment dans celles où il "triompha" cette année?
Je note toutefois qu'on ne saurait le loger à la même enseigne que d'autres toreros-pipoles, tels que Cayetano, qui n'a quasiment pas toréé en France. Pourquoi d'après toi?
En tout cas, si j'admets parfaitement qu'on le critique sur le plan taurin, qu'on lui reproche ses toros sur mesures, je n'admets pas qu'on lui reproche sa beauté,sa vie mondaine et l'utilisation qu'il fait de son image.
Ou alors, beaucoup d'autres devraient passer à la moulinette!
oui, ben moi, je m'en gfous totalement. celui qui s'expose trop est forcément plus exposé non?
http://www.mitaurored.com/glamour/manzanares-el-matador-junto-a-kate-moss.htm
Dans un article récent, tu m'as condamné à propos de Manzanares. Je faisais allusion notamment à cette photo, on là dirait tout droit sortie d'un "film de cul" de bas étage (encore faudrait-il qu'il y en ait de haut étage). Quand j'affirme qu'il travestit l'habit de lumières, je le pense à 4000 %. A un moment, en début de carrière, il était un torero intéressant et assez humble (cf : Bayonne avec les Valdefresno en 2007, une grande faena), mais désormais, il se croit tout permis. En France en 2012, il a affronté le lot de pire présentation imaginable (Cuvillo à Istres au mois de juin), et après, il vient faire ces photos douteuses, surtout en utilisant l'habit de lumières. S'il ne l'avait pas utilisé, cela ne m'aurait rien fait... Mais à cette occasion il met selon moi en porte-à-faux les VRAIS et les BRAVES de l'escalafón. La profession de torero est hautement respectable, et pour ma part, je ne comprends pas.
Je me disais bien que les affiocs étaient tous des pervers gays et pédophiles !! Merci de vous dévoiler au grand jour !!
Mon cher Xavier,
Mon propos sur le zigoto qui nous prend pour des billes et fait plus de mal à la corrida que l'"ami" hély-miné, ne s'adresse évidemment pas à l'homme, à l'icône féminisée ou masculanisée de ses groupies, au bellâtre ou à l'éphèbe pipolisé: quel homme, de ma génération, tout au moins,aurait pu aimer lui ressembler? Chacun de nous a trouvé plaisir, bonheur, et satisfactionS dans ses "performances", sans avoir à envier un quelconque phénomène de foire. Heureusement, la plupart de mes jeunes et chers amis aficionados que je retrouve les dimanches autour des arènes, notamment au "Pesqué", ne me paraissent pas du tout attirés par ce genre de sauterelle.
C'est vrai que l'hermaphrodisme est un sujet courant de conversation dans notre société évoluée: de là à penser que les hommes qui n'éprouvent aucune inclination pour les Manzanaritas de la création pourraient être motivés par une jalousie mal contenue, je crois que là, tu pousses le bouchon un peu trop loin.
Ne serait-ce pas plutôt, comme vient de me le suggérer au téléphone notre ami JIPITO, déconcerté par tes propos, que tu serais en train de déblayer le terrain pour ouvrir une voie royale à ton idole, pour le cartel de ORTHEZ 2014?
Avoue!
Allez: abrazos.
Cher Florent,
Je ne t'ai nullement condamné, au plus t'ai-je gentiment brocardé. J'ai trop de sympathie pour toi, ce qui n'exclut nullement, tout au contraire les "divisions d'opinions".
Ne te sens donc aucunement offensé, d'autant que je ne pensais pas uniquement à toi, mais à une conversation récente avec des aficionados et à la lecture de blogs espagnols.
Personnellement la photo que tu cite ne me choque absolument pas et au contraire me plait beaucoup par ses couleurs et la théatralité de sa composition. D'ailleurs son commentaire est explicite: "Mario Eduardo Testino Silva, ha querido mostrar la pasión española en sus fotografías"
Je ne la trouve ni vulgaire, ni déplacée. Elle est d'ailleurs un pastiche d'une oeuvre du peintre BOUCHER (XVIIIème siècle).
Ton commentaire me conforte dans l'analyse que je propose dans l'article qui ne se veut pas comme dab l'expression d'une vérité absolue, mais une incitation à penser les choses à partir d'autres éléments et critères.
Cordialement.
Au courageux anonyme,
Il faudrait accorder vos violons entre "zantis".
Vous nous taxez aimablement d'homosexualité et de pédophilie alors que votre égérie, le zentil Hely veut porter plainte pour propos homophobes (http://brigitte-bardot.over-blog.net/article-communique-de-la-flac-114036170.html).
Va t-il porter plainte contre vous (dont on peut retrouver l'identité grâce à votre adresse email)?
arrete, c'est cool, la folle brigeaou elle veut aller chez poutine avec le gros gégé!!
on se marre non?.
ceux qui ont l'age se souviennent aussi que manzanares père avait été accusé d'homosexualité par un célèbtre revistero!
Pedrito,
Tu as tout deviné: on lui a demandé, mais le même jour, il a rendez-vous avec son coiffeur.
Je te rassure, le garçon n'est pas du tout, humainement et taurinement ma tasse de thé (même bue avec le petit doigt en l'air!)
En fait, je n'apprécie pas du tout que l'on s'attaque à n'importe quel humain en mélangeant les genres.
Que l'on dise, "ce garçon n'a rien prouvé devant des toros de respect" ou "il donne dans la facilité" ou "c'est un torero plus motivé par l'argent que par l'aficion", TOUT A FAIT D'ACCORD.
Que l'on n'apprécie pas ce témoin d'un monde contemporain plus préoccupé de paraître que d'être, de paillettes que de vérité, TOUT A FAIT D'ACCORD.
Mais qu'on ne l'attaque pas sur sa vie y compris mondaine en la mettant en relation avec sa vie taurine, cela me semble une posture accusatoire et totalitaire.
Moult grands acteurs -y compris engagés- ont tourné de la pub, fréquenté la jetset, mené une vie "dissolue", ce qui n'a jamais remis en cause leur talent d'acteurs.
De Montand à Deneuve en passant par Rochefort, Noiret, etc.
Pour terminer, une confidence que tu ne répèteras pas: pour Orthez nous envisageons avec les Raso, un mano a mano Javier CO...DE/MO....TE DE LA PU...LA.
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Amitiés.
PUTAINGGG!!!!!
Je réserve une piaule....En seguida!
bon, moi je ne vois aucun point commun entre ja..c.de et mor..de...bla.
je trouve même ce rapprochement blasphématoire et injurieux, car au moins un des deux sait et peut lidier avec art!
Mais qui se cache derrière "Anonyme" serait-ce la Denise qui vient de faire son grand retour sur Facebook après avoir pris le temps de bien effacer toutes les preuves de ses propos racistes et xénophobes? ou bien un de ces disciples de anti-corrida landes?....
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